{Convention nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES, 14 brumaire an II 267 ‘ " ) 4 novembre 1 793 exportation. Je demande donc que la Conven¬ tion prenne des mesures pour empêcher la sortie des grains du territoire de la République. Legendre. Sans doute il peut être sorti des grains par la Seine; mais actuellement je défie qui que ce soit de me prouver qu’il sorte un seul sac de farine. Nous avons établi la surveil¬ lance la plus exacte; et, comme je vous l’ai dit, il ne peut pas sortir un bateau sans être visité, et il faut que Coupé ne croie ni à la bonne foi, ni au patriotisme des commissaires, pour persister dans son opinion. Je demande que les propositions que j’ai faites soient adoptées. La vérité est que Rouen manque de pain ; si nous ne trouvons le moyen de lui en donner, craignez les plus grands malheurs. Les propositions de Legendre sont décrétées. Le conseil général de la commune de Paris fait part à la Convention d’un trait digne d’em¬ bellir les annales de la République française. Bignon, caporal fourrier de la compagnie ser¬ vant près la Convention, père de deux enfants, est venu déclarer au conseil qu’il prenait soin d’une jeune fille infortunée, sixième enfant d’un père dont la tête venait de tomber sous le glaive de la loi. La Convention entend avec le plus vif intérêt le récit de cette bonne action; elle en décrète la mention honorable et l’insertion au « Bulle¬ tin » (1). Suit la lettre du conseil général de la commune de Paris (2) : Au citoyen Président de la Convention nationale, « Ce 14e jour du 2e mois de l’an II de la République française, une et indivisible. « Citoyen Président, « Le conseil général de la commune de Paris, jaloux de donner aux belles actions la plus grande publicité, m’a chargé, comme son pré¬ sident, de te faire part d’un trait digne d’em¬ bellir les annales de la République française. « Le citoyen Bignon, caporal-fourrier de la compagnie servant près de la Convention, père de deux enfants, est venu déclarer au con¬ seil général qu’il prenait soin d’une jeune fille infortunée, sixième enfant d’un père dont la tête venait de tomber sous le glaive de la loi. « Je ne veux pas, disait-il, faire jactance d’une action que chacun de vous s’empresse¬ rait de faire, mais vous prier de dissiper mes craintes et m’assurer si, en croyant remplir un acte d’humanité, je ne me rendrais pas cou-(1) Procès-verbaux de la Convention , t. 24, p, 318. (2) Archives nationales, carton C 280, dossier 764; Supplément au Bulletin de la Convention du 4e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II (lundi 4 no¬ vembre 1793); Moniteur universel [n° 46 du 16 bru¬ maire an II (mercredi 6 novembre 1793), p. 187, ‘col. 3] ; Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 412, p. 200). pable envers ma patrie que j’ai juré de servir jusqu’à la mort. » « Un tel acte de générosité, joint à des milliers d’autres semblables dont nous sommes jour-» bellement les témoins, ne contribueront pas peu à illustrer la nation française, et à con¬ vaincre les ennemis même de notre glorieuse révolution qu’il n’appartient qu’à des hommes vraiment libres de montrer autant de grandeur d’âme et de générosité. « Je t’invite à faire part de ma lettre à la Convention nationale. « Ton concitoyen, « Lubin, vice-président du conseil général de la commune de Paris. » *, Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (1) : Un secrétaire ht : Lettre du vice-président du conseil général de la commune de Paris, datée du 14e jour du 2e mois. ( Suit le texte de la lettre que nous insérons ci-dessus d'après un document des Archives natio¬ nales.) La Convention applaudit. On renvoie aux comités de Salut public et des finances réunis une lettre du représentant du peuple dans la 15e division, qui annonce que les opérations relatives à la levée des chevaux de cavalerie et d’artillerie s’avancent avec rapi¬ dité. La municipalité aristocrate de Blois est (1) Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 412, p. 200). D’autre part, nous avons re¬ trouvé dans le Mercure universel [15 brumaire an II (mardi 5 novembre 1793), p. 74, col. 2] la lettre que le citoyen Bignon avait adressée à la commune de Paris. Nous reproduisons, d’après ce journal, la partie du compte rendu de la séance du 13 bru¬ maire de la commune de Paris, où se trouve cette lettre : Chaumette donne lecture de la lettre suivante i « Grâce à notre heureuse Révolution, les crimes sont personnels, et l’enfant d’un coupable ne voit plus voltiger sur sa tête un préjugé flétrissant. Pé¬ nétré de cette vérité, je viens déclarer au conseil de la commune que je prends soin de cette malheu¬ reuse fille, sixième enfant d’un père dont la tête vient de tomber sous le glaive de la loi. Je crois devoir remplir les vœux et l’engagement que j’ai pris, lors de sa naissance, en lui servant de père. Je ne viens pas ici faire jactance d’une action que chacun de vous s’empresserait de faire, mais vous prier de dissiper mes craintes et m’assurer si, en croyant remplir un acte d’humanité, je ne me ren¬ drais pas coupable envers ma patrie que j’ai juré de servir en répandant jusqu’à la dernière goutte de mon sang: Je vous demande votre avis et acte de ma déclaration. « Signé : Pierre-Denis Bignon, caporal-fourrier des vétérans servant près la Convention. » (Vifs applaudissements. ) Le conseil ordonne la mention civique de cette adoption. Il invite le Président à écrire au Président de la Convention pour lui faire part de ce trait su¬ blime. Il arrête de plus qu’il sera dQnné une mé¬ daille du 10 août au citoyen Bignon. 268 [Convention nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 1 novembr'e ms” remplacée par des patriotes. La commune des Landes a envoyé par délibération l’argenterie de son église, consistant en 2 calices d’argent, 1 ci¬ boire de même métal, 1 vase >dit aux saintes huiles; le tout pesant 5 marcs 3 onces 6 gros (1). Suivent la lettre de Guimberteau, représen¬ tant du peuple dans la 15e division et diverses pièces annexes (2) : Guimberteau, représentant du peuple dans la 15e division , à la Convention nationale. « Blois, le 10 du 2e mois de l’an II de la République française une et indivisible. « Citoyens mes collègues, « Les opérations de ma mission relative à la levée des chevaux pour la cavalerie et l’ ar¬ tillerie s’avancent avec une rapidité bien satis¬ faisante pour tous les sans-culottes. Le dépar¬ tement de Loir-et-Cher s’est surtout distingué pour sa célérité. .T’ai parcouru les cinq dépar¬ tements de ma division. J’ai écrit de chaque chef-lieu au comité de Salut public, pour l’ins¬ truire du zèle que j’ai trouvé partout pour l’exé¬ cution de la loi. Partout aussi j’ai trouvé l’esprit du peuple excellent, et ça va. Je retourne au¬ jourd’hui à Tours pour recevoir les chevaux qui doivent y arriver demain, et faire toutes les dispositions nécessaires. « J’ai commencé hier à Blois l’épuration révolutionnaire. Les sans -culottes se sont ras¬ semblés dans l’église cathédrale. Ils ont pro¬ noncé, par mon organe, la destitution d’une municipalité aristocrate et l’ont remplacée sur-le-champ par une municipalité patriote. J’ai fait incarcérer quatre membres de l’ancienne, neuf ont été taxés révolutionnairement à cinquante-quatre mille deux cents livres. Les ordres sont donnés pour en commencer la distri¬ bution aux parents pauvres des défenseurs de la liberté. Le comité de surveillance, composé de Montagnards, fait main basse sur les aristo¬ crates, sur les accapareurs et sur tous les enne¬ mis de la République. « Pendant la séance de l’épuration, l’énergie révolutionnaire a éprouvé des oscillations; une cabale feuillantine s’est déclarée par des voci¬ férations contre les plus chauds Montagnards : je jure par la Montagne que, si elle relève la tête, j’enverrai ses suppôts au tribunal révolution¬ naire. Cette belle journée a été couronnée par un acte de patriotisme de la commune de Landes : les officiers municipaux ont déposé sur mon bureau deux calices, un ciboire et une boîte aux huiles ci-devant saintes : j’en joins ici le bordereau. Partout le fanatisme fait des pertes proportionnées au progrès de l’esprit républicain. « Mon activité, mon courage, mon sans-cu-lottisme seront toujours au niveau des circons-(IV Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 319. (2) Archives nationales, carton AFii 268, pla¬ quette 2257, pièce 57. Aulard : Recueil des Actes et de la Correspondance du comité de Salut public . t. 8, p. 153. tances, et n’auront d’autres bornes que celles de mes forces et de ma vie. « Salut et fraternité. Vive la République (I) ! « GrUIMBERTEAIJ. » Discours prononcé au milieu des sans-culottes de Blois, dans leur assemblée générale, prési¬ dée par le représentant du peuple Guimberteau , lors de V épuration des corps constitués, le 9e jour de la lre décade du 2e mois de Van II de la République une et indivisible, par Benoît Rouhière, membre du conseil du représentant du peuple et secrétaire de la Commission (2). Citoyens, Le représentant du peuple vient de vous an¬ noncer l’objet de sa mission : il vous a fait assem¬ bler pour l’aider de vos conseils et de vos lumières. Citoyens, c’est pour vous, c’est pour votre bonheur que vous allez travailler. Si vous avez commencé à déployer votre énergie, si vous avez fait le sacrifice de vos intérêts les plus chers; si, n’écoutant que la voix du patriotisme, vous avez envoyé vos enfants aux frontières pour combattre et terrasser nos ennemis du dehors, prenez garde que les ennemis du dedans, ceux qui, sous un masque perfide, vous paraissaient professer des principes qui ne sont pas dans leur cœur, ne manœuvrent sourdement pour vous entraîner dans de fausses mesures. Trop longtemps on a trompé votre crédulité; le bandeau de l’erreur est tombé, le jour de la vérité vous éclaire. Montrez à la nation entière que des républicains tels que vous ne connaissent et ne connaîtront désormais que cette Montagne sainte qui, en frappant le fédéralisme, a affermi la liberté, 1 égalité; montrez -lui que vous êtes prêts à tout sacrifier pour le soutien de l’une et le maintien des autres. En vous souvenant d’avoir été opprimés par les messieurs qui avaient usurpé votre confiance, en vous souvenant du peu de soin qu’ils ont pris de répondre à votre attente, en démasquant leur malveillance, ayez le calme insépaiable de véritables républicains. Soyez à la fois justes et sévères; le grand jour est arrivé où la République, l’unité, l’indivisibilité doivent triompher de la rage imp (lissante des tyrans, des fureurs insensées des fédéralistes, de la conduite mielleuse et empoisonnée des modérés. Vous voulez les frapper tous, vous le devez. Eh bien ! citoyens, n’imitez pas ces hommes pusillanimes qui, n’osant se prononcer, se laissent entraîner par des considérations parti¬ culières, et tremblent d’accuser un coupable en sa présence ; prenez l’attitude qui vous convient ; et s’il est, dans cette assemblée, des hommes à qui vous avez des reproches à faire, demandez la parole au représentant du peuple, au Monta¬ gnard qui vous préside : ayez le courage de lui dénoncer le crime, la perversité, le modérantisme ; citez tous les ennemis de la Révolution à son (1) Applaudissements, d’après le Journal des Dé¬ bats et des Décrets (brumaire an II, n° 412, p. 200). (2) Archives nationales, carton AFii 268, pla¬ quette 2257, pièce 58.