[Convention nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. | f* brumaire an 11 t 4 A n/woinhuû A *70� Mus loin, et à quelque distance, s’élevait un autel rond appuyé sur une base particulière. r-La Liberté, placée sur son char, dominait sur la place et fixait les vœux et les hommages de tous les assistants. . Les bustes de Marat, Le Peletier et Brutus furent déposés sur les piédestaux qui leur étaient destinés; les musiciens, rangés entre les espaces qui les séparaient, exécutèrent plusieurs morceaux de musique funèbre; les urnes ciné¬ raires de Marat et Le Peletier furent placées sur le sarcophage. Les jeunes citoyennes en blanc, les cheveux flottants, environnant l’autel, allumèrent le feu du sacrifice et brûlèrent des parfums. Des chœurs placés sur le socle de l’estrade chantèrent plusieurs hymnes en l’honneur de Marat et Le Peletier. XJn orateur prononça l’éloge funèbre des deux immortels fondateurs de notre liberté, qui ont succombé sous le fer assassin des conspirateurs. Le cortège reprend sa marche et se rend au lieu où devait se terminer la fête. La Liberté, appuyée sur la citoyenne Barbier, prend place sur le heu le plus élevé, et les citoyens réunis dans l’enceinte d’un vaste édi¬ fice goûtent, pour la première fois, les délices d’un spectacle vraiment digne des républicains. Des groupes nombreux de citoyens et citoyennes représentent la scène touchante de l’offrande à la Liberté; les voûtes de l’édifice retentissent du chant varié des hymnes patriotiques tandis que les guirlandes de fleurs s’amoncellent et que les parfums fument sur l’autel de la Liberté; les citoyens se pressent à l’envi autour de cet autel, pour y déposer leurs offrandes patriotiques; tous les cœurs s’abandonnent à la plus douce ivresse. La scène change, le coup de théâtre le plus magnifique s’exécute, et le plus vif enthou¬ siasme s’empare de tous les spectateurs; à la dernière strophe de l’hymne marseihaise, le son lugubre et précipité du tocsin, mêlé au bruit des tambours et des trompettes, annonce que la liberté est en danger; au même instant, la force armée et les citoyens, par un mouvement simul¬ tané, se précipitent sur la scène avec cette intré¬ pidité, gage certain de la victoire, et qui carac¬ térise les hommes libres; ils représentent le tumulte d’un combat par le cliquetis des baïonnettes, fusils, sabres, broches, fourches et autres armes. Le président de la Société populaire de l’Unité prononce ensuite un discours plein d’énergie et de patriotisme ; les idées fortes et neuves qu’il contient fixent toute l’attention de l’assemblée, il est suivi du cri unanime de Vive la République! vive la Convention! vive la Montagne ! vivent les sans -culottes! vivent nos frères de V unité! La grande famille était réunie; on la vit tout entière partager les délices du banquet civique. Qu’il était beau, ce repas, où tous les citoyens confondus ne laissaient plus voir qu’une société de véritables frères ! Tout était jouissance pour l’observateur sensible qui voyait une réunion d’hommes élevés à la hauteur de la loi sublime de l’égalité et de la fraternité, s’enivrer de cette joie pure dont le sentiment n’est réservé qu’à la vertu. La fête fut terminée par un bal pendant lequel la citoyenne Barbier, placée dans un heu élevé, semblait annoncer au peuple que la vertu doit toujours présider aux plaisirs des républicains. Sur les minuit, Renouf annonce qu’il vient d’être prévenu que les espérances conçues sur l’état du citoyen Hubert commencent à s’éva¬ nouir, que sa blessure, quoique légère par elle-même, a déterminé une attaque d’apoplexie, que cette maladie, dont il a déjà ressenti plu¬ sieurs fois et depuis longtemps les atteintes, donne les plus vives inquiétudes sur sa situation, qu’il est dans ce moment dans le délire et qu’il ne profère que ces mots : « Ça va, ça va, ça ira !|» Alors une douleur profonde s’empare de tous les cœurs : « Citoyens, ajoute-t-il (avec cet enthou¬ siasme qui saisit un homme de bien lorsqu’il voit l’occasion de faire une bonne action), on me sollicite d’écrire à la Convention nationale pour obtenir en faveur de la femme Hubert la continuation de la pension viagère dont il jouit sur les biens d’un émigré; on veut vous ravir un honneur qui vous appartient tout entier, vous ne le souffrirez pas, j’en atteste votre humanité et votre patriotisme. S’il faut renoncer à l’espoir de revoir notre ami, s’il est perdu pour nous, prouvons au moins que nous le chérissions, perpétuons, autant qu’il est en nous, son souvenir, en prenant soin de sa veuve, et en lui continuant sa pension viagère; ne m’enviez pas, citoyens, l’honneur d’être au nombre des souscripteurs. Cette proposition est accueillie avec les plus vifs transports par les membres des Sociétés populaires et républi¬ caines de Clermont et de l’Unité de l’Oise; une foule d’autres citoyens se présente aussi pour partager cet acte de justice; on arrête qu’il sera ouvert à la Société populaire de Clermont un registre pour les inscrire. Dès ce moment, plus de danses, plus de plaisirs; chacun des citoyens, abîmé dans la douleur de la perte trop prochaine de l’ami de la hberté, se retire en adressant au Ciel des vœux qui, peut-être, hélas! ne seront pas exaucés. La Société républicaine de Clermont-Oise, ayant entendu la lecture de ce procès-verbal, dans sa séance du 15 de brumaire, a arrêté qu’il serait imprimé et adressé à la Convention nationale, à la commune de Paris, à la Société mère, à tous les départements et aux communes du district de Clermont. Signé : Play out, président ; Censibr et Colné, secrétaires . B. Extrait des registres des séances de la Société populaire , républicaine de Liancourt (1). Séance extraordinaire du 9 brumaire, 2e année de la République française, une, indivisible et impérissable. Conformément à l’arrêté de la séance d’hier, concernant la fête de la Fraternité, la Société s’est rendue à l’église à dix heures du matin, tant pour célébrer ladite fête, que pour recevoir le citoyen Renouf, commissaire du pouvoir exécutif, le citoyen Noël, commissaire de la municipalité de Paris, et une députation de la Société populaire répubhcaine de Clermont-Oise. Cette séance avait été annoncée par le son de la cloche et des tambours, pour y appeler les citoyens et citoyennes delà commune; les muni¬ cipalités de toutes les communes du canton avaient été également invitées, deux jours avant, (1) Archives nationales, carton C 278, dossier 745. ARCHIVES PARLE MENTAIRES. 24 brumaire an II 14 novembre 1793 �■92 [Convention nationale.] par une lettre circulaire de la Société, à assister à cette fête. - L’assemblée s’est trouvée formée et très nom¬ breuse à l’heure indiquée. Les citoyens Clément Gruillot et Poilleux, marchands, candidats admis le jour d’hier, après l’examen épuratoire, au nombre des membres de la Société, ont prêté le serment prescrit par le règlement. Les inspecteurs de la salle ont annoncé l’arrivée des citoyens Renouf, Noël et de la députation de la Société de Clermont, accom¬ pagnés de plusieurs citoyennes, et à l’instant et conformément au vœu unanime et spontané de toute la Société, ils sont entrés au milieu des plus vifs applaudissements et des transports de joie et des cris : Vivent la République et la Montagne! Le président, au nom de la Société, les a invités à prendre séance et à accepter les rafraîchissements. Le citoyen Renouf, jaloux de rendre hom¬ mage à la vieillesse, a proposé de nommer une députation pour aller inviter deux vieillards de l’un et l’autre sexe et les plus indigents de se rendre à l’assemblée. La proposition a été vive¬ ment applaudie et les membres de la députation sont revenus un instant après, donnant le bras au citoyen Jacques Leroy et la citoyenne veuve Lefèvre, tous les deux âgés d’environ 86 ans. Les deux respectables vieillards sont entrés au milieu des acclamations de Vive la Constitution! Tous les spectateurs se présentèrent en foule pour leur donner l’accolade; mais dans la crainte de les fatiguer, ils ont reçu seulement le baiser fraternel du président et du citoyen Renouf, et ont été placés commodément. Le président est monté à la tribune, il a pro¬ noncé un discours dans lequel sont développés, avec une énergique simplicité, des idées neuves, un caractère républicain, le patriotisme le plus épuré et tous les avantages de l’union et de la fraternité; tous les esprits ont été électrisés, les plus vifs applaudissements ont souvent inter¬ rompu l’orateur, et tous, à l’unanimité, deman¬ dèrent l’impression de son discours ; il ne pouvait descendre de la tribune, chacun se portait en foule pour lui donner le baiser fraternel. Arrivé au bureau, il finit par le recevoir du vice-prési¬ dent, au nom de tous. Le citoyen Renouf est à la tribune; il est surpris de trouver tant de patriotisme et de zèle dans une commune de campagne. Il témoigne sa satisfaction du discours qu’il vient d’entendre, il est appuyé et fait décider l’impression. Il annonce ensuite l’objet de sa mission; il parle sur les subsistances et démontre avec autant de précision que d’énergie la nécessité et les avan¬ tages incalculables de l’obéissance la plus prompte aux réquisitions; il démontre que les subsistances, loin de nous inspirer de l’inquié¬ tude, sont assurées par la récolte la plus abon¬ dante; il s’élève, avec un zèle vraiment répu¬ blicain, contre les messieurs à grosses charrues, dont la cupidité et l’aristocratie sont les seules causes des entraves que le gouvernement éprouve. Il a fini par prouver la mesure salutaire du mariage des prêtres, qui ne tend qu’à rendre à la patrie des pères de famille et à détruire d’anciens préjugés enfantés par la superstition et le fanatisme. Lé discours de l’orateur a été écouté dans le plus profond silence, il a fait sur tous les cœurs la plus vive impression, et les moments qu’il était contraint de donner au repos étaient remplacés par des cris de Vive la République! la Montagne et les airspatriotiques d’une musique militaire. Un membre de la Société populaire de Cler¬ mont-Oise, après avoir donné lecture de quelques articles importants d’une feuille publique, fait apercevoir que la commune porte encore le nom d’un émigré; il propose de le changer en celui d 'TJnité de VOise, et sa motion, reçue avec le plus vif enthousiasme, est adoptée à l’unanimité, sauf l’autorisation de la Convention nationale. L’assemblée est sortie de l’église à une heure; elle s’est formée en grand cortège, la garde natio¬ nale, armée de piques, s’est rangée sur deux lignes ainsi que les jeunes citoyennes décorées des couleurs nationales; l’arbre de la Fraternité, orné de rubans tricolores placés dans le centre, entouré de la députation de Clermont et des membres de la Société était porté en triomphe par des citoyens et citoyennes et suivait un tombereau chargé de titres féodaux; le cor¬ tège était précédé des tambours et de la mu¬ sique qui faisaient retentir l’air des chants ché¬ ris par les sans -culottes. On arrive à la place destinée ‘pour la plan¬ tation de l’arbre; des bras vigoureux se présen¬ tent en foule pour le placer et l’élever. Pendant cette opération, des milliers de citoyens des deux sexes font entendre les cris multipliés de Vive la République! vivent ses fondateurs ! vive la Fraternité! aive la Liberté! L’hymne des Marseillais est chanté par le concert des voix et de la musique. Un arbre, garni de ses branches sèches, élevé dans la même place et couvert de titres féodaux, offre aux spectateurs le spectacle agréable de l’aristocratie terrassée; des flammes avides et dévorantes s’élancent avec impétuosité sur les restes odieux d’une caste privilégiée; les spec¬ tateurs enchantés vengent par les rires et les danses l’insolent orgueil de la gent nobiliaire et retournent, fondant dans d’autres sentiments, vers l’arbre de la fraternité qu’ils entourent et dont ils célèbrent l’inauguration par des danses et chansons civiques et des accolades frater¬ nelles. Le cortège retourne à l’église, un banquet fraternel y était préparé; les commissaires, les membres de la députation et ceux de la Société s’empressaient à l’envi de servir les citoyens et citoyennes. Des santés ont été portées à la Con¬ vention nationale et à tous les sans-culottes de la République. Cette séance intéressante s’est terminée par des témoignages mutuels de fra¬ ternité, sur les quatre heures, et la joie qu’elle avait inspirée s’est prolongée jusqu’à minuit par des danses et des chansons républicaines. Délivré par nous, président et secrétaire de la Société populaire et républicaine de Liancourt, le vingt-un brumaire, seconde année de la République française, une, indivisible et impé¬ rissable. Verny, président; Lobjeois, secrétaire. C. « Citoyens législateurs (1), « Les citoyens et citoyennes de la Société populaire de Clermont, département de l’Oise, se présentent devant vous et déposent sur l’autel (1) Archives nationales, carton C 278, dossier 745.