[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j JJ novembre T793 " 507 que, puisque le district ne voulait plus recon¬ naître la Convention, j’étais déterminé à quitter mes fonctions. Je m’en allai ; mais, pour échapper aux fédéralistes, je fus obligé de me cacher dans une maison de campagne : j’y fus découvert ; alors je fus chargé de fers. J’en ai porté jusqu’à 40 livres, et j’ai été traîné avec toutes sortes de barbares au fort Saint-Jean, où je suis resté jusqu’à ce que Carteaux ait été maître de Mar¬ seille. Depuis, en passant à Lyon je fus arrêté pour avoir prêebé le respect à la Convention, et mis à Piere-en-Grise. Lorsque le canon de Dubois-Crancé se fit entendre, les gendarmes, persuadés que j’étais victime de l’injustice, me laissèrent un peu plus de liberté. Je traversai, comme je pus, la Saône, et je me jetai dans les forêts, à travers lesquelles je me sauvai, et je vins à Paris. J’oubliais de vous dire que mon patriotisme était si connu, qu’on m’appelle le Marat de mon pays. Je tiens en main une attestation de la Société populaire de Châteaurenard, qui me proclame un de ses fondateurs, l’apôtre constant des bons principes, et rend hommage à mon patriotisme aussi ferme que pur. Quant au fait que j’ai signé la délibération qui portait de prêter le serment de ne plus recon¬ naître les décrets de la Convention, ce fait esc faux. Je n’étais pas alors à Tarascon ; je puis le prouver, et j’appellerai en témoignage toute la ville; car c’est à la face de toute la ville que ce serment a été prêté. Poultier. Lorsque Bernard vint demander aux représentants du peuple un passeport pour venir remplacer l’infâme Barbaroux, nous prî¬ mes des informations très circonstanciées à ce sujet. Partout il nous fut dépeint comme un des patriotes les plus chauds de ce département, comme le fondateur d’une Société populaire, et un apôtre zélé du républicanisme; mais il est présenté par Moche, prêtre, mauvais citoyen, ex-Constituant dont l’incivisme est connu, qui a caressé les Marseillais vainqueurs, et qui actuellement lié avec Fabre, sous les dehors d’un patriotisme exagéré, dominent, l’un et l’autre, Tarascon par la terreur. Mais aujourd’hui rien n’est plus commun que ces aristocrates déguisés qui outragent le patrio¬ tisme pour en faire acroire, et ont à tâche de dénoncer sans cesse les meilleurs citoyens. Ce Fabre dont je vous parle a volé 50.000 livres; il a été chassé d’Avignon, pour cause de fédé¬ ralisme. Je conclus en demandant que les pièces soient envoyées au comité de sûreté générale, pour en faire son rapport. Merlin (de Thionville). Tout ici me paraît se se réduire à une question bien simple autant que précise : Bernard a-t-il signé, oui ou non, l’acte en faveur de la prestation du serment? Si Bernard a signé, cet aveu est son arrêt; s’il n’a pas signé, les dénonciateurs sont des monstres, sur la tête desquels la hache nationale doit tomber. (On applaudit.) Ils sont du nombre de ceux qui sont entrés dans le complot de désorganiser la représentation nationale par les dénonciations. Bernard vous a annoncé qu’il était en état de prouver l’alibi. Je demande qu’il soit tenu de le faire, et que jusque-là les dénon¬ ciateurs soient mis en état d’arrestation. Maribon-Montaut. Merlin a parlé suivant les principes, mais il n’a pas envisagé} la question dans toute son étendue. Il y a un décret dont je réclame l’exécution. Ce décret porte que tous ceux qui auraient protesté contre les journées du 31 mai et 2 juin, seraient suspendus de leurs fonctions s’ils étaient fonctionnaires publies, et mis en état d’arrestation jusqu’à la paix. En vain se rétracteraient -ils. Votre décret déclare qu’on n’aura aucun égard à cette rétractation, qui pourrait n’être que simulée et dictée par la force des circonstances. Cette loi doit être appli¬ quée à Bernard s’il a signé. Chaiiar. Un crime a été commis, ou par Bernard, ou par ses dénonciateurs; il est impossible de préjuger par qui d’entre -eux. Voilà cependant des actes qui attestent que Ber¬ nard a signé les pièces originales. J’appuie la motion d’ordonner l’apport des pièces originales au comité de sûreté générale, et j’ajoute que Bernard doit être mis en état d’arrestation, ainsi que les dénonciateurs jusqu’à de plus amples éclaircissements. En pareil cas, je provoquerais moi-même mon arrestation. L’Assemblée décrète les propositions de Charlier, et lève la consigne qui empêche les membres de sortir de la salle. La Convention nationale rend le décret sui¬ vant (1) : « La Convention nationale, sur la proposition d’un membre [Maribon-Montaut], décrète : Art. 1er. « Les biens de tout individu décrété d’accusa¬ tion, ou contre lequel l’accusateur public du tri¬ bunal révolutionnaire aura formé l’acte d’accu¬ sation, et qui se donnera la mort, sont acquis et confisqués au profit de la nation, de la même manière et dans les mêmes formes que s’ils y avaient été condamnés. Art. 2. « Le présent décret aura son exécution à comp¬ ter du 10 mars 1793, jour de la formation du tribunal révolutionnaire. Art. 3. « La Convention nationale renvoie à son co¬ mité de législation pour lui présenter une nou¬ velle rédaction, les articles additionnels et les moyens d’exécution du présent décret (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3). Montant, Je demande à faire une motion d’ordre. Citoyens, le jour que Houchard fut eondamné à mort pour avoir trahi la patrie, le tribunal révolutionnaire m’a fait plusieurs (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 277, dossier 732. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 329. (3) Moniteur universel [n° 61 du 1er frimaire an II (jeudi 21 novembre 1793), p. 248, col. 2]. D'aùtre part, le Journal des Débats et des Decrets (brumaire an II, n° 427, p. 399) rend compte de la motion de Maribon-Montaut dans les termes suivants i « Montaut a la parole pour une motion d’ordre. « Le jour, dit-il, que Houchard subit la peine due à ses crimes contre-révolutionnaires, le tribunal rêvo- 508 [Convention nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g novembre � 793 observations, qu’il est important que la Con¬ vention connaisse. Houchard, poursuivi par les remords et sentant bien qu’il était criminel, tenta de se détruire, la nuit qui précéda sa con¬ damnation ; on s’aperçut de son dessein et on lui enleva lés moyens de l’exécuter. Gilbert De-voisins, qui avait 500,000 livres de rente, voyant que sen émigration était constatée, fit les mêmes tentatives. Vous savez que Lidon, ex-député à la Convention, que Roland, cet homme fameux qui a été un instant l’idole des contre-révolu¬ tionnaires, se sont donnés la mort, par là ils ont soustrait leurs biens à la République. Les biens d’ Houchard et de Gilbert Devoisins au¬ raient été perdus pour le trésor public, si les criminels s’étaient détruits eux-mêmes; car, d’après le texte de votre décret, ce sont seule-lutionnaire me fît quelques observations dont Je me hâte de faire part à la Convention. La nuit qui précéda l’exécution de Houchard, il tenta de se tuer; mais, désarmé à propos, il n’en put rien faire. Deux jours auparavant, Gilbert Desvoisins, ci-devant président à mortier au Parlement de Paris, propriétaire de 500,000 livres de rentes, avait éga¬ lement tenté de se donner la mort. Lidon, jadis membre de la Convention, et mis hors de la loi, Roland, pendant quelque temps l’idole des aristo¬ crates, se donnèrent aussi la mort. Tous espéraient sans doute que, par ce moyen, ils sauveraient leurs biens de la confiscation prononcée par la loi et en assureraient la jouissance à leurs héritiers. « C’est à ce sujet que l’accusateur public près le tribunal révolutionnaire de Paris m’observait que la loi n’ordonnant précisément la confiscation que pour ceux condamnés par le tribunal, il s’ensuivrait que plusieurs tenteraient le suicide et enlèveraient à la République la juste indemnité de leurs créances. J’ai senti la force de cette observation et je vous invite à la prendre en considération. « Je demande que les biens de ceux qui, mis en état d’accusation, et qui, échappés, seraient mis hors de la loi; que les biens des condamnés par le tribunal révolutionnaire, qui se donneraient la mort, soient séquestrés au profit de la République Je demande en outre, que ce décret ait son exécution, à compter du jour de la création du tribunal révolutionnaire. « On demande à aller aux voix. « Pons (de Verdun) observe que cette question, renvoyée au comité de législation, y a été examinée et délibérée, et propose d’en faire le rapport demain. « Thuriot. En décrétant l’établissement du tri¬ bunal révolutionnaire, vous avez décrété que les biens de ceux qui y seraient condamnés, comme ceux des prévenus mis hors de la loi, seraient acquis à la République. Ainsi, je demande l’ordre du jour sur la proposition de Montaut, motivé sur l’existence de la loi; mais je prie la Convention de renvoyer à l’examen de son comité de législation cette question : « Ne serait-il pas juste de faire examiner par le tri¬ bunal révolutionnaire si les faits imputés au prévenu qui se donne la mort, sont, ou non, prouvés et à sa charge? » « Montaut s’oppose à ce renvoi. Le prévenu, dit-il, qui se donne la mort s’est jugé lui-même, et tout examen devient inutile sur lui. Ses biens appartien¬ nent à la République. Je demande donc l’ordre du jour sur la proposition de Thuriot. « Bourdon (de l'Oise) demande que le comité de législation soit chargé d’examiner la question de savoir si les biens de celui qui s’empoisonne, ou se fait assassiner par un tiers, sont dans le cas de la confiscation. « Bourdon (du Loirel) demande qu’il examine également si les biens du prévenu qui, renvoyé de¬ vant le tribunal révolutionnaire, se donnerait la mort avant la rédaction de l’acte d’accusation, sont dans le cas de la confiscation. « Après un court débat, les propositions de Mon¬ taut sont décrétées, et la Convention renvoie au comité de législation pour les détails d’exécution. » ment les biens des conspirateurs qui ont été jugés, qui doivent être confisqués au profit de la République. Cependant je crois que l’intention de la Convention était, lorsqu’elle créa le tribunal révolutionnaire, que la fortune de tous les traîtres fût acquise à la nation; je demande qu’elle s’explique aujourd’hui, et qu’elle décrète que les biens de tous les individus mis en état d’accusation ou hors de la loi, qui se donneront la mort, seront confisqués au profit de la République, et je demande que ce décret ait son effet, à compter du jour où. le tribunal révolutionnaire fut établi. Si vous ne prenez cette mesure, il se trouvera une infinité de scélérats qui, au moment où ils verront que leur tête va tomber sur l’échafaud, se donneront la mort pour conserver leurs biens à leur famille. Pons (de Verdun). Cette question a déjà été renvoyée au comité de législation : il m’a chargé d’en faire le rapport à la Convention; je le lui ferai quand elle voudra m’entendre. Thuriot. Ce que demande Montaut relative¬ ment aux individus mis hors d9 la loi est fait. La Convention a décrété que leurs biens seraient à l’instant saisis. Quant à la confiscation des biens de ceux qui, mis en état d’accusation, se donnent la mort, cette proposition peut être juste; mais elle demande d’être méditée. Je crois bien qu’un accusé qui se tue, se déclare par là même cou¬ pable; mais alors le tribunal pourrait examiner les faits et prononcer la saisie des biens, dans le cas où le suicide serait reconnu criminel. Montant. L’accusé qui se tue pour ne point paraître devant un tribunal dont tous les membres sont reconnus pour patriotes, se juge lui-même. Ainsi, je demande la question préa¬ lable sur la proposition de Thuriot. Bourdon (de V Oise). Je demande que votre décret s’étende à ceux qui se feraient tuer par un tiers. Léonard Bourdon. Et de même à ceux qui seraient simplement renvoyés devant le tri¬ bunal révolutionnaire. Ces diverses propositions sont adoptées, et le comité de législation est chargé d’en présenter la rédaction. Le ministre de la justice annonce que l’ex-dé¬ puté Barnave vient d’être transféré des prisons de Grenoble à celle de l’Abbaye à Paris (1). Suit la lettre du ministre de la justice (2). « Paris, le 29 brumaire, an II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. « Citoyen Président, « L’ex-député de l’Assemblée constituante Barnave, détenu depuis plusieurs mois à Gre¬ noble, vient d’être transféré dans les prisons de (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 329. (2) Archives nationales, carton G 278, dossier 737. Moniteur universel [n° fil du 1er frimaire an II (jeudi 21 novembre 1793), p. 248, col. 3].