414 [Assemblée nationale. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 juin 1791.J alors la confiance et le crédit renaître, la prospérité de l’Etat s’élever au degré où elle doit na-turelîement atteindre, les superbes et les méchants trompés dans leur attente, réduits à la honte et au désespoir. (L’Assemblée décrète l’impression de ce rapport, ordonne que l’un des exemplaires en sera joint aux minutes de l’inventaire du Trésor public, et que le tout sera déposé aux archives nationales.) M. du Châtelet. Monsieur le Président, je vous prie de me lire la formule du serment qui a été prêté hier. M. le Président lit la formule du serment. M. du Châtelet. Je le jure!.. Il me semble que ce serment doit être prêté par les bons citoyens qui doivent concourir à la défense de la patrie. Un membre à gauche : Mais tous n’ont pas des armes. M. le Président. J’ai l’honneur de vous annoncer le serment qui vient de me parvenir de la part de M. Charles de Hesse, maréchal de camp. J’observe que M. de Hesse est un prince étranger, frère du prince d’Allemagne. ( Applaudissements .) M. «Paillant. Messieurs, j’arrive de Sens, où j’étais allé en conséquence du congé que l’Assemblée nationale m’a accordé. Le directoire du département m’a engagé, vu l’urgence des circonstances, de rentrer à mon poste : je me suis empressé de remplir ce devoir. J’ai mis la plus grande diligence pour accélérer mon retour. Je crois devoir instruire l’Assemblée que j’ai trouvé le plus grand ordre dans le service de la garde nationale; pas un village, pas le moindre hameau, n’était sans défense, et chaque sentinelle, en uniforme, ou en habit ordinaire gris, ou en blouse même, ne m’a laissé passer sans exiger l’examen de mon passeport. ( Applaudissements .) M. Vernier. Je rappelle à l’Assemblée qu’elle pourra prendre en considération la motion qui lui a été faite par l’un de ses membres, de statuer sur les signaux qui seraient bien essentiels dans les circonstances critiques, pour annoncer d’un bout de la France à l’autre, en un très court espace de temps, les divers événements qui pourraient survenir. M. le Président. Messieurs, dans ce moment, on demande des ordres pour la procession ; je vais suspendre la séance, et comme nous ne pouvons pas la lever, M. Rabaud, ex-président, va prendre ma place, et quelques membres vont rester dans l’Assemblée. (M. le Président nomme les membres qui doivent rester dans la salle, et sort avec une grande partie de l’Assemblée pour se rendre à la procession de Saint-Germain-l’Auxerrois.) M. Rabaud -Saint-Etienne, ex-président , prend place au fauteuil. (La séance est suspendue à neuf heures ; elle est reprise à dix heures par l’arrivée d’une députation du directoire du département de Paris.) La députation du directoire du département de Paris est introduite à la barre. M. de Ea Rochefoucauld, au nom de la députation. Messieurs, la prudence vous a dicté hier les précautions nécessaires au moment où vous avez reçu des nouvelles de Varennes, pour empêcher que personne ne puisse sortir de la capitale jusqu’à ce que les ordres de l’Assemblée puissent partir. Ce matin, plusieurs heures après que les ordres ont été donnés, que les courriers et les commissaires de l’Assemblée nationale ont été partis, elle a jugé à propos de suspendre sa séance; mais les administrateurs du département nous ont chargés d’observer à l’Assemblée que l’exécution littérale du décret qu’elle a rendu ce matin entraîne de très grandes difficultés, car il faut délivrer des passeports à tous ceux qui vont demain à Poissy et aux pourvoyeurs de Paris. L’expédition dè passeports aussi multipliés produit un engorgement qui pourrait nuire à l’approvisionnement de la capitale. Le conseil du département nous a chargés de venir exposer à l’Assemblée ces inconvénients et de prendre ses ordres, et en même temps lui annoncer que le bon ordre et la tranquillité régnent dans la capitale, et que si la liberté française avait besoin d’un nouveau symptôme, certainement ce qui s’est passé dans le jour doit nous assurer qu’elle doit être absolument établie. Nous venons demander les ordres de l’Assemblée pour prendre à l’instant des mesures. M. Dauchy. Messieurs, l’objet de votre décret a été d'empêcher qu’aucune personne puisse arriver vers la frontière assez à temps pour que, notamment M. de Bouillé et les personnes suspectes puissent être averties des mesures que vous aviez décrétées. Mais il est dix heures, et les commissaires que vous avez envoyés à Varennes sont partis ce matin à 2 heures; il est probable qu’ils sont déjà actuellement à 25 ou 30 lieues d’ici, et je ne crois pas qu’il y ait possibilité, pour les personnes qui partiraient en ce moment, de les joindre. Je propose donc à l’Assemblée de dire que les barrières sont libres, et que tous les citoyens peuvent entrer et sortir de Paris comme à l’ordinaire; mais que, cependant, il est défendu à la poste de donner des chevaux avant 1 heure de l’après-midi. M. Eecouteulx de Canteleu. Paris, par ses rapports particuliers, est comme le centre commun, et j’ose dire comme le centre comrnun de l’Europe : ce n’est point une ville qu’on puisse fermer longtemps sans éprouver les plus grands dangers, et sans mettre des entraves à la circulation générale et aux rapports les plus intéressants de la finance : j’appuie donc la motion de M. Dauchy. M. Delavigne. Le décret de ce matin paraissait laisser à la disposition du directoire du département et de la municipalité à agir sur ce, d’après les circonstances. Ces messieurs ne se regardent pas comme suffisamment autorisés à lever la défense générale ; il ne s’agit que de la lever. M. Prieur. Il me semble qu’il y aurait une chose très simple à faire, ce serait de décréter que l’Assemblée nationale autorise le département à casser la défense, qui était faite de sortir des barrières, aussitôt qu’il le trouvera convenable pour la tranquillité publique. [Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1791.] M. de Virieu. Je propose la rédaction suivante : « L’Assemblée nationale déclare qu’elle lève la défense portée par les décrets, de s’en rapporter à la prudence du département de Paris. » M. d’Estourmel. Je demande la division de cette rédaction. (Murmures.) Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix ! Un membre propose la rédaction suivante : « L’Assemblée nationale décrète qu’il est libre à toutes personnes de sortir de Paris, comme il l’était avant le décret d’hier soir, relatif à cet objet. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. J’ai reçu une lettre de la société des amis de la Constitution d'Epernay , dont il va vous être donné lecture. Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue : « Monsieur, « Une nouvelle affligeante vient attrister nos âmes sans abattre noire courage : nous apprenons par deux courriers le départ subit du roi; nos citoyens s’arment et nous nous réunissons. « La patrie est en danger; ses ennemis vont redoubler leurs efforts : au nom de la liberté que vous avez conquise pour nous, n’abandonnez pas votre poste ; ne contiez pas à vos successeurs notre bonheur naissant, que la tranquillité ne soit parfaitement rétablie. « La société des amis de la Constitution séante à Epernay. » « Signé : GOBERT, président ; Goltier, Moelle, Chapron fils, secrétaires; Claude J. Blanc, J.- B. Mauclet, Val-LERY, DE LA CHAPELLE, HACHETTE fils et Radelat fils. « Epernay, le 21 juin, Il heures du soir, l’an II de la liberté » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal.) M. le Président. Voici une adresse des corps administratifs de Saint-Quentin; elle est adressée à Messieurs de l’Assemblée nationale. Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette adresse qui est ainsi conçue : « Messieurs, « Un courrier nous a apporté hier à 8 heures du soir l'affligeante nouvelle du départ du roi, de la reine et de la famille royale. Quoiqu’il ne fût porteur que d’un écrit émané du président d’une des sections de Paris, et que la certitude de cette nouvelle pût être douteuse ; nous avons jugé qu’il importait de ne négliger aucune précaution. En un instant, la garde nationale a pris les armes. Les courriers ont été expédiés à tous les maîtres des postes voisins et aux municipalités des lieux avec invitation de prendre tous les moyens qui étaient en leur pouvoir, pour empêcher la sortie du roi. « Une heure après la réception de cette nouvelle, on a arrêté au dehors d’une des portes de notre ville une voiture à 6 chevaux, dans 445 laquelle se trouvait M. de Talleyrand-Périgord, son épouse, son oncle, ses deux enfants. Deux courriers les accompagnaient; cette voiture a été conduite au sein de notre ville, M. de Taileyrand s’est rendu devant nous, et examen fait de son passeport, nous avons vu qu’il était contresigné par M. de Montmorin et qu’il devait se rendre aux eaux deSpa. Surabondamment, M. de Talley-rand nous a assuré que son intention était de se rendre à cet endroit. « Sans autre considération que celle des circonstances critiques où nous nous trouvons, nous avons cru qu’il était prudent de ne pas permettre à M. de Taileyrand de continuer sa route, nous avons fortement protégé sa personne, et avec les précauiions que nous en prenons, sa sûreté ne sera nullement compromise. « M. de Taileyrand s’est représenté de nouveau aujourd’hui et nous a sollicité de lui accorder la liberté de continuer sa route; jusque-là les alarmes et les inquiétudes du peuple avaient beaucoup influé sur notre conduite; mais une raison tranchante est venuedéterminer nos délibérations d’une manière positive : un courrier expédié par le département de l’Aude, et chargé de dépêches, nous a donné connaissance du décret que vous venez de rendre, portant ordre exprès d’intercepter toute sortie du royaume. Le passeport deM.de Taileyrand et sa déclaration ne nous ayant pas permis de douter de son intention de sortir du royaume, nous avons aussitôt arrêté définitivement qu’il demeurerait dans cette ville jusqu’à ce qu’il en eût été autrement ordonné par l’Assemblée nationale. « Nous avons l’honneur de vous observer, Messieurs, que certains de la personne de M. de Taileyrand, de son épouse, de son oncle, de sa suite et de ses effets, nous avons considéré qu’il serait vexatoire de nous permettre la moindre recherche ou le moindre examen de ses papiers et de son numéraire; nous nous sommes engagés envers M. de Taileyrand de vous rendre un compte exact du fait qui lui est relatif, nous attendons vos ordres suprêmes qui régleront la conduite que nous avons à tenir à cet égard. « Un objet non moins intéressant que nous prenons la liberté de vous mettre 'levant les yeux, c’est l’insuffisance absolue où se trouve notre ville de repousser la moindre attaque. Notre garde nationale n’est pas entièrement armée; nous avons besoin, pour qu’elle le soit, de 1,000 fusils environ. Il reste dans nos magasins 2,000 livres de poudre que l’on emploie actuellement à faire des cartouches. La troupe de ligne, en résidence ici, est composée de 50 hommes suisses, de 25 chasseurs du régiment de Languedoc; point de canons, mais 7 à 800 boulets : voilà nos ressources, pour une ville qui, bien certainement, est une des plus importantes à défendre de celles du département de l’Aisne. Nous ajoutons que nos campagnes ne sont aucunement approvisionnées de fusils ni de poudre, et qu’elles sont par conséquent exposées à être ravagées par le premier brigand qui aura tout à la fois la cruauté et le talent de se former un parti. 4 à 5,000 fusils paraîtraient suffisants pour que la sûreté existât dans l’étendue de notre district. « Nous avons expédié ce matin un courrier à M. de Caulaincourt, commandant des troupes de ligne dans notre département; nous lui avons exposé l’impossibilité d’opposer une résistance efficace sans munitions nécessaires, et lui avons demandé de donner les ordres les plus prompts pour que nous puissions recevoir de la Fère la