394 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.] des hommes, élèvera leur âme, soutiendra leur courage, secondera leurs efforts. Eclairés dans leurs opinions, ils pèseront dans la balance de la sagesse et de la justice la masse des résultats utiles ou funestes de leur siècle qui fuit, comme à celui qui s’avance, et en travaillant ainsi pour le bien de leurs concitoyens, pour le bien de tous les ordres, de toutes les classes, ils acquerront la considération personnelle et l’associeront au bonheur de la nation. Délibéré et arrêté à l’assemblée du clergé du bailliage de Rouen, le 25 avril 1789, et ont signé: f D., cardinal de La Rochefoucauld, archevêque de Rouen; l’abbé de Tressan, vicaire général de Rouen ; l’abbé Poissonnier des Perrières, conseiller au parlement de Normandie ; Le Cauchois, sous-principal émérite du collège de Rouen ; Jobard, curé de Touffre ville; ....... curé de i,Conte-ville; Painchon, curé de Bourgtberoulde ; Me-chevrel, curé du Pré-d’Âuge; Husset, curé de Gocquainviliiers; Morin, curé de Pont-l’Evêque; Lemonnier, curé de Pennedepie; Rebut, curé d’Ablon; Vesque, curé de Saint-François d’Herbi-gny; Coquillot, curé de Mesnil-Jourdain-Levisse; de'Montigny, curé de Quatre-Mares; Fr.-Àl. Da-voust, prieur de l’abbaye de Saint-Ouen ; E. De-renable, prieur de Bonne-Nouvelle ; F. Verdun, prieur de Mortemer; F. Laurent Imbault, procureur des Chartreux ; P. Cousin, vicaire de Sain t-Maclou; Caron, prêtre-vicaire de Saint-Vivien ; Morel, curé de Critot, secrétaire; Le Dannois, curé de Rumesnil, secrétaire. CAHIER Des pouvoirs et instructions à remettre aux députés de tordre de la noblesse du bailliage de Rouen (1). Les Etats généraux semblaient ensevelis dans la nuit des temps et ne devoir plus figurer à l’avenir dans les annales de la monarchie que comme ces antiques monuments dont on révère toujours les ruines, lorsqu’une révolution préparée de loin par des causes encore ignorées, a ramené parmi nous ces assemblées constitutionnelles qui vont bientôt régénérer la nation française; nation vive, mais pleine de douceur et d’énergie, qui ne respire que la gloire, la vertu, la magnanimité ; nation dont l’amour pour les rois a fait dans tous les temps un peuple de héros. Son monarque va paraître au milieu d’elle, moins avec l’éclat qui l’environne, que sous les traits de la bonté paternelle qui le fait régner sur les cœurs. Qu’il jouisse, ce prince bienfaisant, de son nouveau triomphe et d’une gloire qui lui est propre. Et nous, sujets fidèles, prouvons-lui que notre vœu est celui de son bonheur, notre ambition le salut de 1 ntat. Ces sentiments, que nous partageons avec tous les ordres du royaume, vont lui être portés avec confiance par la, noblesse du bailliage de Rouen ; ils seront déposés au pied du trône, en présence de la nation assemblée, dans le cahier des demandes qu’il a voulu que les Français vinssent lui exposer librement. L’assemblée charge ses députés de faire, avant tout, reconnaître dans la forme la plus authentique les articles suivants, savoir : (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé: Le Gouvernement de Normandie , par M. Hippeau. CONSTITUTION FRANÇAISE. Art. 1er. Que la monarchie française est essentiellement composée du souverain en la personne duquel réside, sans partage, le pouvoir exécutif ; et de la nation, dont le consentement libre exprimé aux Etats généraux et réuni à la volonté du prince, forme le pouvoir législatif. Art. 2. Que la couronne est héréditaire de mâle en mâle, et suivant l’ordre d’aînesse, entre les princes de la maison régnante. Art. 3. Que la nation est divisée en trois ordres mutuellement libres, tellement distincts et indépendants, que l’un ne peut être assujetti par les délibérations des deux autres : qu’ainsi les délibérations ne peuvent être prises que par ordre et non autrement. Art. 4. Que par la déclaration îa plus précise et promulguée pendant la tenue des Etats généraux, la nation soit assurée de leur retour périodique et à époques fixes, et qu’il ne puisse en aucun cas être établi de commission intermédiaire. Art. 5. Qu’aucun impôt ne pourra être prorogé ni perçu, à peine de concussion, plus de six mois au delà du terme fixé par les Etats généraux eux-mêmes pour leur retour périodique, et qu’il ne pourra être fait aucun emprunt sans leur consentement. Art. 6. Qu’en cas de minorité ou d’empêchement quelconque de l’exercice du pouvoir exécutif, les Etats généraux seuls ont le droit d’y pourvoir. Art. 7. Que la liberté individuelle, la première de toutes les propriétés, soit inviolablement assurée. Art. 8. Que les droits réciproques du monarque et de la nation soient consignés dans une charte qui sera constitutionnelle et nationale, déposée dans les archives de tous les Etats provinciaux du royaume, enregistrée dans toutes les cours souveraines et publiée universellement. CONSTITUTION NORMANDE. Art. 9. Que, pour maintenir la constitution nationale du duché de Normandie, on ratifie de nouveau tous ses droits, privilèges, capitulations, traités et chartes, notamment celle donnée par Louis X en 1315, appelée Charte normande, et les confirmations d’icelle faites de règne en règne par ses successeurs, dont copie sera annexée au présent cahier. Art. 10. Que toute loi particulière au duché, et qui intéresserait directement ou indirectement sa constitution, ne puisse être promulguée qu’après l’examen fait par les Etats et de leur consentement libre. Art. 11. L’assemblée enjoint expressément à ses députés de faire avant tout statuer sur tous les articles ci-dessus, tant sur ceux qui concernent la constitution française que la constitution normande, leur déclarant que si, au préjudice de ce mandat spécial, ils statuaient sur d’autres objets et votaient pour les impôts, ils sont dès à présent désavoués ; leur prescrivant, en outre, de déclarer qu’à l’égard de l’opinion par ordre, leurs pouvoirs sont tellement limités qu’ils ne peuvent •coopérer à aucunes délibérations prises par tête, et que, dans le cas où il serait proposé de délibérer dans cette forme, il est de leur mandat de protester avant de laisser entamer une pareille délibération. Néanmoins, ils resteront aux États généraux pour prendre part à toutes les délibérations qui, I 595 [Étals gén, 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.] par la suite, auraient lieu par ordre, et sans que de leur présence on puisse jamais induire aucun consentement tacite à toute délibération prise par tête, soit en assemblée générale, soit par nation, soit par bureaux particuliers composés des trois ordres. ADMINISTRATION GÉNÉRALE. Art. 12. L’ordre charge spécialement ses députés de demander qu’il ne puisse être donné de lettres de cachet contre aucun citoyen, s’en rapportant, au surplus, aux Etats généraux d’aviser aux moyens de prévenir les crimes et de protéger l’honneur des familles. Art. 13. Qu’on vérifie les motifs de la détention des personnes maintenant enfermées dans les châteaux et maisons de force. Art. 14. Que tout homme arrêté soit envoyé dans les vingt-quatre heures à ses juges naturels, et qu’à moins d’être prévenu d’un crime emportant peine afflictive, son élargissement lui soit accordé en donnant caution. Art. 15. Que le droit de propriété soit inviolable, et que même, pour l’utilité publique, il ne soit permis d’y porter atteinte qu’en dédomrna-geant préalablement le propriétaire delà manière qui sera fixée par les Etats provinciaux.. Art. 16. Que le secret des lettres confiées à la poste soit respecté, et que ceux qui seront convaincus d’en avoir abusé soient poursuivis extraordinairement. Art. 17. Que la liberté de la presse soit accordée, sauf la responsabilité personnelle des auteurs, imprimeurs et marchands. Art. 18. Qu’aucune lettre de répit ou de surséance ne puisse à l’avenir arrêter les poursuites des créanciers, si les . deux tiers en somme de la masse n’y ont consenti. Art. 19. Qu’il ne soit procédé à la refonte et changement des monnaies que du consentement des Etats généraux. Art. 20. Que la maréchaussée soit augmentée et responsable de l’exactitude de son service aux Etats provinciaux. Art. 21. Que le tribunal des maréchaux de France et les lois qui doivent y être observées reçoivent leur sanction des Etats généraux. Art. 22. Qu’on s’en rapporte aux Etats généraux sur l’emploi le plus utile des domaines, et que I administration des forêts, qui demeurent inaliénables, soit confiée aux États provinciaux. Art. 23. Que toute juridiction contentieuse soit interdite aux commissaires départis, et que la compétence de toutes affaires soit attribuée aux tribunaux qui doivent en connaître. Art. 24. Qu’il soit facile de prêter à intérêt et au taux fixé par là loi, sans aliénation du capital. Art. 25. Que toute loi générale, proposée par le Roi et consentie par les Etats généraux, ou proposée par les Etats généraux et consentie par le Roi, soit envoyée aux Etats provinciaux et ensuite enregistrée dans les cours de la réquisition des procureursrsyndics des Etats provinciaux. Art. 26. Que toutes les lois particulières au duché et consenties par les Etats, soient présentées à ces cours de la réquisition du procureur-syndic des Etats pour leur enregistrement et leur exécution. Art. 27. Que le duché de Normandie étant indivisible, le comté d’Eu qui en a été distrait soit restitué à l’entière administration civile de la province. Art. 28. Qu’il soit pourvu au rétablissement du bailliage de Gisors, dont la suppression, opérée en 1772, en l’absence du parlement et sans le consentement des Etats du duché, altère l’état civil de la province, nuit à un très-grand nombre de justiciables et porte essentiellement atteinte aux droits de magistrature appartenant aux ecclésiastiques et aux nobles. Art. 29. Que l’expédition des procès-verbaux de tenue des Etats généraux soit déposée aux greffes des différentes cours du royaume. Art. 30. Les députés supplieront notamment le Roi, duc de Normandie, de convoquer pendant la tenue des Etats généraux et incessamment une assemblée nombreuse représentative de la province, laquelle proposera par ordre, et non autrement, suivant l’esprit de l’ancienne constitution, la forme de convocation de ses Etats indûment suspendus, leur composition et l’exercice de leurs pouvoirs, parce que les Etats du duché ayant le droit imprescriptible de répartir les impôts, toute perception serait impossible sans leur rétablissement. IMPOTS. Avant de délibérer sur les subsides, les députés exigeront : Art. 31. Qu’on leur remette des états exacts et détaillés des différentes parties de la recette et des dépenses du montant de la dette publique, avec la distinction de la nature des engagements, afin de déterminer la véritable situation des finances. Art. 32. Après avoir acquis ces connaissances préalables et établi tous les moyens possibles d’économie et bonification, les députés sont autorisés à reconnaître et consolider la dette nationale. Art. 33. Ils s’occuperont ensuite des changements à faire aux perceptions actuelles, demanderont l’abolition du jeu immoral de la loterie, solliciteront la suppression de la gabelle jugée désastreuse, régleront les impôts qui pourront être conservés et réuniront tous leurs efforts pour faire porter sur les capitalistes et individus commerçants une juste portion des charges de l’Etat. Art. 34. La masse des perceptions doit être tellement combinée, que non-seulement elle établisse l’équilibre entre la recette et la dépense, mais même qu’elle puisse assurer le payement exact des intérêts de la dette publique et opérer le remboursement annuel et progressif de son capital. Art. 35. Si, pour remplir cet objet et remplacer les impôts qui seront jugés désastreux, il devient nécessaire d’en substituer et consentir de nouveaux, alors les députés déclareront que la noblesse n’a à céder aucun de ses droits, aucune de ses prérogatives, et si, pour les abolir, on veut changer le nom des impôts, moyen nouvellement inventé pour lui faire perdre ses droits, ils demanderont pour l’avenir une juste représentation de ces mêmes droits, sauf à accorder un octroi pour la seule circonstance où se trouve l’Etat, lequel octroi ne pourra jamais passer le taux de l’exemption de la taille actuelle, cessera de l’instant où le déficit sera comblé et n’existera plus du jour où l’on refuserait la convocation successive des Etats généraux. Art. 36. La quotité des subsides une fois déterminée, les députés demanderont que la répartition et perception soient confiées à l’administration S des Etats de chaque province, et que les impôts 596 [Elats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen. non fonciers leur soient particulièrement abandonnés. Art. 37. Que la dette nationale soit répartie entre les différentes provinces du royaume, pour en être par chacune d’elles supporté une quotité proportionnée à ses facultés, et à la somme de contribution qu’elle aura été jugée devoir supporter. Art. 38. Que les subsides, dont les provinces feront elles-même la perception, servent à acquitter directement par les mains de leurs receveurs ou préposés la portion de la dette publique dont elles auront été chargées, tant en intérêts qu’en remboursements progressifs, parce que dans le cas où le montant de leur perception excéderait leur part contributive, le surplus sera par elles versé directement au trésor public. Art. 39. Que les provinces profitent seules de l’extinction des rentes viagères qui leur auront été réparties. Art. 40. Que les Etats généraux délibèrent dans leur sagesse sur les moyens d’assurer des secours prompts et nécessaires en cas de guerre ou de calamité publique. Art. 41. Que toutes pensions soient réduites sous un seul brevet ; qu’on en rende tous les ans la liste publique, avec l’énonciation des motifs qui ont dû mériter à chaque pensionnaire le bienfait dont il jouit, et que cette liste soit envoyée aux Etats provinciaux. Art. 42. Que les ministres ne puissent se permettre l’usage abusif des anticipations, et que les Etats provinciaux ni aucuns corps ni communautés ne puissent accorder quelque tribut ou sanctionner quelques emprunts qui n’auraient pn� dé consentis par les Etats généraux. Art. 43. Que les ministres soient comptables et responsables aux Etats généraux ; que même en cas de retraite ils ne puissent obtenir de pension ou aucun traitement pécuniaire qu’au préalable ils n’aient rendu un compte dûment vérifié et arrêté. NOBLESSE. Art. 44. Les députés demanderont que les corps qui composaient ci-devant la maison du Roi soient rétablis comme un moyen peu dispendieux d’offrir à la noblesse de nouvelles occasions de faire éclater son amour inviolable pour la personne sacrée du Roi, et son zèle ardent pour le service de la patrie. Art. 45. Qu’il soit créé un corps de cadets gentilshommes, particulier à chaque province. Art. 46. Qu’il soit établi des chapitres nobles et des maisons d’éducation en faveur de la noblesse des deux sexes de cette province. Art. 47. Qu’on sollicite la réforme du dernier règlement militaire en ce qu’il réserve quelques emplois à une classe de gentilshommes désignés sous le titre de première noblesse, cette expression tendant à diviser un ordre qui est de son essence indivisible et dont tous les membres sont égaux. Art. 48. Que les lois concernant le port d’armes soient strictement gardées et observées, et que notamment les nobles qui ne seront pas dans le service ne puissent jamais porter l’épée, quel que soit leur emploi. Art. 49. Que le Roi soit supplié de supprimer le droit de noblesse et d’office, ou de le réduire au moins à la noblesse personnelle, et de n’accorder à l’avenir la noblesse héréditaire qu’à une longue suite de services en tous genres rendus à l’Etat, et reconnus suffisants par les Etats provinciaux, ou à des actions éclatantes et jugées telles par les commandants d’armée de terre et de mer. Art. 50. Qu’on observe les ordonnances concernant les usurpations de titres et de qualités. Art. 51. Que le droit de franc-fief soit maintenu. Art. 52. Les députés emploieront tous les moyens possibles pour faire sanctionner par les Etats généraux l’édit de 1680, qui permet à la noblesse de faire le commerce en gros. Ils solliciteront aussi une décision des Etats généraux qui puisse encourager les gentilshommes à entrer dans fa marine commerçante, laquelle décision statuera sur les distinctions dont il est juste qu’ils jouissent sur les navires et dans les ports. INSTRUCTIONS. Art. 53. Les députés proposeront que les barrières soient reculées aux frontières du royaume. Art. 54. Qu’il soit pris contre la cherté excessive des grains les précautions les plus exactes. Art. 55. Qu’on s’occupe sans délai et efficacement du sort des habitants des campagnes, exposés sans ressource aux maladies et à l’effrayante dépopulation qui en est la suite, et plus que jamais en-proie à toutes les horreurs de la misère, tant par le prix exorbitant des denrées de première nécessité, que par la privation de leurs principaux moyens de subsistance depuis l’époque du traité de commerce avec l’Angleterre. Art. 56. Qu’on s’occupe du régime de la milice et qu’on en réprime les abus. Art. 57. Que les ordonnances concernant le tirage au sort des canonniers auxiliaires de la marine soient révoquées. Art. 58. Que le sort du soldat soit amélioré, et qu’il ne soit plus exposé à l’humiliante punition des coups de plat de sabre. Art. 59. Que les troupes soient employées à la confection des routes et à l’ouverture des canaux Art. 60. Qu’il soit établi des barrières sur les grands chemins, pour subvenir à leur entretien et diminution de la corvée. Art. 61. Que les déports soient abolis, et que les abus dans l’administration des économats soient réformés. Art. 62. Qu’il soit demandé aux Etats généraux de statuer de la manière la plus positive sur l’état des non catholiques. Art. 63. Qu’il soit pris des mesures contre la taxe arbitraire des lettres. Art. 64. Qu’à l’avenir et sous quelque prétexte que ce soit, il ne puisse être accordé aucun privilège exclusif ni formé d’établissement de compagnies nuisibles au commerce et au progrès des arts libéraux et mécaniques. Art. 65. Si l’état des finances ou la nature des engagements ne permettaient pas, dès le moment actuel, de supprimer les privilèges de la nouvelle Compagnie des Indes, des Eaux de Paris, des incendies et autres de pareille nature, qu’il soit au moins pris les voies , les plus sûres pour arrêter les jeux effrénés sur les actions et effets prétendus publics, et par là détruire, jusque dans son principe cet agiotage honteux qui, après avoir corrompu les mœurs, banni la foi publique et étouffé l’esprit national, parviendrait bientôt à dessécher les deux véritables sources des richesses de l’Etat, l’agriculture et le commerce. Art. 66. Le Roi sera en outre très-instamment supplié de s’entourer d’hommes vertueux et instruits pour former différents comités, dont les travaux et les résultats puissent mettre l’assem- [États gén. 1789- Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.) 597 blée suivante des Etats généraux à portée d’adopter sainement les dispositions les plus utiles à la discipline militaire, à la réformation de la justice civile et criminelle, à l’administration des finances, à l’agriculture, au commerce, aux arts, à l’éducation et à tous les objets qui peuvent influer sur le bonheur public et à la gloire de la nation. Enfin, l’assemblée autorise ses députés à concourir avec les autres représentants de l’ordre de la noblesse pour remontrer, demander ou consentir tous les points non exprimés dans le présent cahier et qui leur paraîtraient tenir au bien public, en tant, néanmoins, que les objets qui seront proposés ne porteront atteinte ni aux sentiments de l’ordre dont ils sont rendus dépositaires, ni aux clauses limitatives de leur mandat spécial dont, en aucun cas, ils ne pourront s’écarter. : CAHIER ADDITIONNEL. L'assemblée charge les députés de proposer aux Etats généraux : 1° Que le Roi soit supplié de ne réunir sur la tête d’aucun gentilhomme plusieurs emplois militaires du gouvernement ; 2° Que la croix de Saint-Louis soit accordée à tout militaire sans distintion, à vingt-quatre ans de service ; 3° Que, ne devant exister aucune différence dans l’ordre de la noblesse, les emplois militaires soient accordés à l’ancienneté et non à la faveur. sans préjudice, toutefois, aux récompenses dues aux actions éclatantes ; 4° Que toutes pensions de 2,000 livres et au-dessous, accordées aux militaires pour blessures graves, ne puissent subir aucune retenue; 5° Que le temps que tout gentilhomme aura servi en qualité de soldat lui soit compté pour la croix de Saint-Louis, lorsque ensuite il aura été promu au grade d’officier. Ainsi arrêté ce 27 avril 1789, en l’assemblée de la noblesse du bailliage de Rouen. Signé Le marquis de Mortemart, président de l’ordre de la noblesse. La présente copie, dûment collationnée, conforme à l’original, par nous, secrétaire de l’ordre de la noblesse. Signé LEMERCIER. CAHIER Des doléances , remontrances et instructions de l'assemblée du tiers-état de la ville de Rouen (1). L’assemblée du tiers-état de la ville de Rouen, formée en exécution des lettres de convocation des Etats généraux données à Versailles le 24 janvier dernier, devant MM. les officiers municipaux de celte ville, pour rédiger le cahier des doléances, plaintes et remontrances de ladite ville, qui sera porté à l’assemblée du tiers-état du bailliage de Rouen par les quatre-vingts députés qui seront élus à cet effet, a arrêté le présent cahier contenant les demandes, avis et instructions qu’elle désire être préséntés et proposés à l’assemblée générale des Etats de la nation, ainsi qu’il suit ; CONSTITUTION NATIONALE. L’assemblée , convaincue que la principale (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Le Gouvernement de Normandie, par M. Hippeau. source des erreurs et des abus de l’administration est dans le défaut d’une loi fondamentale qui ait fixé d’une manière précise et authentique les effets de la constitution nationale et les limites _ respectives des différents pouvoirs, désire qu’il soit statué solennellement aux prochains Etats ; Art. lçr. qU6 ]a prarice est une monarchie héréditaire de mâle en mâle, suivant l’ordre de la primogôniture ; que dans le Roi seul, comme chef de la nation, réside le pouvoir de gouverner suivant les lois, et que la puissance législative .appartient à la nation assemblée, en Etats généraux conjointement avec le Roi. Art. 2. Que la liberté personnelle est inviolable; qu’aucun citoyen ,n’en peut être privé que conformément à la loi ét par le jugement des tribunaux ordinaires. Art. 3. Que la liberté de communiquer sa pensée, faisant partie de la liberté personnelle, il est permis à tout citoyen de faire imprimer sans censure ni gêne, sous les réserves et modifications qui pourront être faites par les Etats généraux. Art. 4. Que la liberté de la correspondance épistolaire, faisant également partie de la liberté personnelle, le secret des lettres confiées à la poste est inviolable, et les moyens les plus efficaces seront employés pour empêcher qu’il n’y soit porté atteinte. Art. 5. Que la propriété de chaque citoyen est inviolable, et qu’aucun n’en peut être privé que pour la seule raison de l’intérêt public, et en le dédommageant préalablement sur le pied de la vraie valeur. Art. 6. Qu’à la nation seule, assemblée en Etats généraux, appartient le droit d’accorder ou de proroger les impôts et d’autoriser les emprunts et créations d’offices avec attribution d’émoluments sur le public. Art. 7. Que tout impôt, étant une charge du droit de cité, commun entre tous les citoyens, doit être également supporté par tous, sans distinction de rang et d’état, à proportion des biens et facultés. Art. 8. Que les monnaies ne peuvent être changées ni dans le titre ni autrement qu’avec le consentement des Etats généraux. Art. 9. Que les ministres sont responsables à la nation dans les trois cas d’attentat à la liberté personnelle, de violation de la propriété et de prévarication dans l’emploi des fonds qui leur auront été confiés. Art. 10. Que le retour périodique des Etats généraux est le droit de la nation et doit être à l’avenir le régime permanent de l’administration du royaume. Art. 11. Qu’à chacune des sessions des Etats généraux il sera traité de toutes les matières relatives à la quotité, à la nature et à la perception des subsides, à la législation et à l’administration générale du royaume. Art. 12. Que les membres des Etats généraux seront déclarés personnes inviolables, et que, , dans aucun cas, ni par quelque voie que ce soit, ils ne pourront être poursuivis ni tenus de répondre sur ce qu’ils auront dit ou fait aux Etats généraux, si ce n’est aux Etats généraux eux-mêmes. Art. 13. Que, dans toutes les provinces, il sera établi des Etats provinciaux dont la forme et le pouvoir seront déterminés par les Etats généraux et qui seront chargés de pourvoir, en chaque district, aux divers besoins particuliers qui ne pour-