[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1191.] 399 priméâ ; et totites les commissions données aux personnes qui composent lesdits bureaux sont révoquées. « Art. 7. Les traitements et appointements attachés aux commissions ou emplois supprimés par les articles 5 et 6, ne seront payés que jusqu’au premier janvier prochain, sauf à être accordé des retraites ou secours à celles des personnes supprimées qui en sont susceptibles par la nature et la durée de leurs services, conformément à la loi du 23 août 1790 et à celle du 31 juillet dernier. « Art. 8. La police des manufactures sera confiée aux municipalités pour y maintenir, comme par le passé, le bon ordre et la bonne foi. « Art. 9. Le ministre de l’intérieur est autorisé à organiser convenablement les bureaux relatifs au commerce général, mais de manière que la totalité des dépenses ne puisse pas excéder annuellement 150,000 livres, dont le ministre mettra les états de distribution sous les yeux du Corps législatif. L’une des sections de ces bureaux remplacera celui de la balance du commerce, et formera un dépôt central des connaissances commerciales, Sous le titre à.' archives du commerce. « Art. 10. Les ministres des contributions publiques, de la marine et des affaires étrangères feront remettre au bureau desdites archives du commerce, tous les documents commerciaux dont les agents qui ressortissent à leurs départements, seront dépositaires, ainsi que ceux qui doivent leur être transmis d’office, par les ambassadeurs, envoyés ou consuls de la nation française auprès des puis-ances étrangères oU dans nos colonies. « Art. il. Les régisseurs nationaux des douanes, les directeurs et autres préposés de cette régie concourront à la formation et à l’envoi des états destinés pour les archives du commerce, en se conformant à cet égard, aux instructions qui seront adressées aux régisseurs par le ministre de l’intérieur. « Art. 12. Les tableaux généraux du commerce français devront être terminés par le bureau des archives du commerce, dans les quatre mois qui suivront l’expiration de chaque année. « Le ministre de l’intérieur sera tenu de les présenter, à chaque législature, avec ses observations, dans le courant du mois de juin suivant. » Un membre : Je demande l’ajournement du décret en entier; il présente des dispositions importantes : on ne peut supprimer ainsi des établissements utiles et laisser le ministre maître de les organiser à son gré. Plusieurs membres : Aux voix l’ajournement ! M. Régnault. L’Assemblée peut ajourner le décret; mais il est un article important à décréter sur-le-champ , c’est la suppression de toutes les chambres de commerce. Il est impossible que l’Assemblée nationale, après avoir détruit toutes les corporations, se sépare en en laissant encore subsister une. M. <*©udard, rapporteur. Si vous supprimez les chambres de commerce, vous ne pouvez pas ajourner tout le reste du décret, il faut aussi décréter la suppression des inspecteurs du commerce. MM. Desèie, Càstéllânet et Roussillon présentent diverses observations. (L’Assemblée ferme la discussion; elle décide ensuite de délibérer sur les articles 1, 5, 6 et 7 du projet et ajourne les autres articles à la prochaine législature.) En conséquence, les articles 1, 5, 6 et 7 du projet sont mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Toutes les chambres de commerce qui existent dans le royaume, sous quelque titre et dénomination qu’elles aient été créées ou formées, sont supprimées à compter de la publication du présent décret. » {Adopté.) Art, 2. « Les bureaux établis pour les visites et marques des étoffes, toiles et toileries sont supprimés, ainsi que lesdites visites et marques. Les commissions données aux préposés chargés desdits bureaux, ainsi qu’aux inspecteurs et directeurs généraux du commerce et des manufactures, inspecteurs ambulants, et élèves des manufactures, sont révoquées. » {Adopté.) Art. 3. « Le bureau créé à Paris pour l’administration du commerce et des manufactures, par le règlement du 2 février 1788, ainsi que le bureau de la balance du commerce, sont également supprimés ; et toutes les commissions données aux personnes qui composent lesdits bureaux, sont révoquées. » {Adopté.) Art. 4. « Les traitements et appointements attachés aux commissions ou emplois supprimés par les articles 2 et 3 ci-dessus et qui sont payés par le Trésor public, ne seront payés que jusqu’au leï janvier prochain, sauf à être accordé des retraites ou secours à telles des personnes supprimées qui en sont susceptibles par la nature et la durée de leurs services, conformément à la loi du 23 août 1790 et à celle du 31 juillet dernier. » {Adopté.) M. Rarrère, au nom du comité des domaines , présente un projet de décret relatif à la liquidation de l'indemnité qui peut être due au sieur de Maimbourg pour le domaine qui lui a été concédé dans Vile de Corse. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : * L’Assemblée nationale, vu l’urgence des circonstances, décrète qu’il sera procédé sans délai à la liquidation de l’indemnité qui peut être due au sieur de Maimbourg, pour le domaine qui lui avait été concédé dans l’île de Corse, dont il a été dépossédé par un décret précédent. » (Ce décret est adopté.) M. Rarrère, au nom du comité dès domaines, fait un rapport sur l'échange de la ei-devant principauté d'Henrichemont et de Boisbelles. Il s’exprime ainsi : Messieurs, par votre décret sur la législation domaniale, du 22 novembre 1790, vous avez décidé que tous contrats d’échange des biens nationaux, non consommés, seraient examinés pour être confirmés ou annulés par un décret formel des représentants de la nation. Louis XV a fait avec M. Béthune-Sully père 400 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [27 septembre 1791.] un échange de divers domaines de la couronne contre la principauté d’Henrichemont et Bois-belles. Cet échange n’a point été consommé ; il a donc dû être soumis à l’examen de l’Assemblée nationale. Voici les faits qu’il est nécessaire de connaître pour juger la validité de cet échange : M. Béthune-Sully jouissait, à titre de souveraineté, de la principauté d’Henrichemont et de Boishelles, situee dans la ci-devant province de Berry. Ce patrimoine de ses ancêtres avait été possédé par son bisaïeul, le ministre de Henri IV, par Sully, qui fit construire, au sein de ce petit Etat, à ses frais et sur un plan régulier, la ville d 'Henrichemont. Le nom dont il décora cette ville, est un hommage de ce grand homme au roi dont il était l’ami, et qu’il servit avec un zèle si constant. Cetle famille dont M. Sully, actuellement existant, est l’unique rejeton mâle, avait de tout temps joui de tous les attributs de la souveraineté dans l’étendue de la principauté de Bois-belles. Le princti y exerçait tous les droits régaliens. La justice s’y rendait en son nom ; c’était une puissance absolument indépendante de la France, même sous les rapports de la suzeraineté. La souveraineté du prince de Boisbelles (on n’avait pas encore de ce mot l’idée conforme à sa véritable acception) a été reconnue par les rois de France, et dire que Louis XIV lui-même reconnut cette souveraineté, c’est annoncer que le droit du prince de Boisbelles n’était pas susceptible de contestation. Ce monarque, par des lettres patentes datées du 6 juin 1664, et enregistrées, rappelle et confirme toutes les lettres patentes données par ses prédécesseurs et les arrêts de leur enregistrement; il veut, en conséquence, que la seigneurie ne Boisbelles et H nrichemont soit et demeure comme elle a été de tout temps, en titre et prééminence de principauté, sans reconnaissance d’aucun supérieur pour la foi et hommage ; de justice souveraine sans appel, sous l’autorité du duc de Sully et de ses successeurs, sur les sujets d’icelle souveraineté, et de tous les autres droits qui appartiennent à seigneurs souverains, sans aucune chose excepter, retrancher ni diminuer. Ainsi, les princes de Boisbelles étaient, par rapport à la France, à l’instar de tous les autres princes étrangers. Louis XV, en 1766, voulut réunir à la couronne cette principauté, qui, se trouvant au centre de la France, devenait pour la nation une propriété précieuse. La voie de l’échange fut choisie pour opérer cette réunion. Des commissaires du roi traitèrent avec M. Bet-hune-Sully, père, alors possesseur; et le contrat d’échange fut passé le 24 septembre 1766. On y stipula que le roi entrerait en jouissance de la principauté à compter du premier juillet 1766, et qu’il serait donné en contre-échange au prince de Boisbelles, des domaines de la couronne où autres terres qui seraient à sa bienséance, de la valeur de 60,000 livres de rente, exempte de toute retenue; et qu’en attendant que le contre-échange fût effectué, Sa Majesté les payerait au duc de Sully, ses hoirs, successeurs ou ayants-cause. Il fut dit, dans le même contrat, qu’eu égard au titre et dignité de cette souveraineté et principauté, elle serait évaluée sur le pied du denier 60 du revenu, sans néanmoins que, quel que puisse être l’événement des évaluations, Sa Majesté soit dans le cas de rien ajouter ni retrancher desdites 60,000 livres de rente, en fonds de terre ou domaines. Les revenus de la principauté de Boisbelles consistaient, d’une part , en cens, droits seigneuriaux, rentes, profits casuels de divers fiefs dépendant de la principauté, et en 625 arpents de bois taillis, le tout produisant de 4 à 5,000 livres par année; et, d 'autre part, en deux impôts uniques : l’un de gabelles très modéré, puisque le prix du sel était fixé à 30 livres le minot ; l’autre sur le tabac, tel qu’il était établi en France ; l’un et l’autre affermés lors de l’échange à l’adjudicataire des fermes générales unies de France, moyennant 25,000 livres en argent, et 12 minots de sels, évalués 720 livres. Ainsi le produit total était d’environ 30,000 livres. Nul autre impôt, nul autre droit n’était connu dans cette principauté. On donna au prince de Boisbelles une valeur à peu près double de celle qu’il cédait réellement en échange, et le motif de cette évaluation n’a pu être puisé que dans le prix d’opinion attaché à une principauté souveraine, dont les droits honorifiques et l’indépendance n’auraient pas été compensés, il faut l’avouer, par un prix équivalent à la seule valeur réelle du revenu. Le contrat d’échange porte encore que le roi affranchit le prince de Boisbelles de tous les droits et frais auxquels cet échange, les actes et évaluations y relatifs pourraient donner lieu. Louis XV entra en possession de la principauté cédée en échange au mois ne juillet 1766 ; mais on voit s’écouler un intervalle de 12 années, sans quH M. Sully ait reçu aucun domaine en contre-échange. Enfin, on lui céda, en 1778, le ci-devant comté de Béthune en Artois, ancien domaine de ses ancêtres, évalué 11,000 livres, ce qui réduisait la rente de 60,000 livres à 49,000 livres. Le contrat de cession du 12 décembre 1778, et l’acte d’échange de 1766, furent ratifiés et confirmés par arrêt du conseil du 6 janvier 1779. Sur cet arrêt furent expédiées des lettres patentes en forme d’édit, qui ordonnèrent l’évaluation par la chambre des comptes de Paris, tant de la principauté que du comté de Béthune, et qui furent enregistrées en cette chambre le 5 mai 1779. Par un autre contrat du 31 août 1780, Louis XVI céda, en supplément d’échange, à M. Sully, le ci-devant marquisat de Lens, avec tous les droits honorifiques et utiles dépendant de ce marquisat et du comté de Béthune, pour en jouir, après que les engagistes de ces domaines auraient été remboursés de leurs finances par Sa Majesté, à commencer du jour et de la date de l’arrêt de ratification des évaluations. Ce supplément d’échange a été évalué provisoirement à 16,000 livres. Mais M. Sully ne put en jouir entièrement ; les réclamations des engagistes et des Etats d’Artois parvinrent à faire distraire une partie des objets cédés par le contrat du 31 août 1780 (1) : (1) M. Sully fut aussi obligé de soutenir deux procès avec les Etats d’Artois. Le premier était relatif à la nomination aux places municipales de Béthune. La nouvelle Constitution du royaume a anéanti ce procès. Le second regardait le chapitre de Lens : la suppression du chapitre a éteint de même ce second procès. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 sepfembre 1791.] 401 il fallut donner un autre supplément à M. Sully ; on lui donna, en 1784, le ci-devant comté de Montgomery et ses dépendances, situés en Normandie et évalués de 29 à 30,000 livres. Cette évaluation fut trouvée trop forte : M. Sully prétendit que le revenu de ce dernier domaine n’allait pas à 18,000 livres: sur sa réclamation, et d’après les preuves données, le roi lui accorda un supplément de 15,000 livres de rente, jusqu’à ce que le supplément intégral des 60,000 livres de rente fût fourni en domaines. Ces 15,000 livres sont maintenant encore payées à M. Sully. Ainsi, depuis 1766, époque de la cession de la principauté de Boisbelles, l’échange n’a point été effectué en son entier vis-à-vis de M. Sully. On ne peut refuser de convenir que, si les engagements pris envers lui par le f< u roi, en 1766, avaient été remplis dans un temps voisin de la date de ce traité, les domaines ou terres valant à cette époque les 60,000 livres de rente qui lui avaient été promis, ne fussent, en 1791, d’un produit bien supérieur par la progression, dans ce long intervalle, du prix et du produit des biens-fonds. Les évaluations des domaines qui ont été cédés à M. Sully n’oot été faites que provisoirement, lors des diverses cessions faites à M. Sully. La chambre des comptes a fait les procès-verbaux de reconnaissance, mais les évaluations définitives n’ont point été faites. Cet échange n’a donc pas été consommé; et aux termes de vos décrets il est soumis à votre examen. Ici deux questions principales se présentent à votre décision. L’échange d’Henrichemont est-il révocable, d’après les principes consacrés par vos décrets? La nation a-t-elle intérêt à le révoquer? Le domaine d’Henrichemont, avant qu’il eût été réuni à l’Empire français, était une véritable souveraineté. L’indépendance absolue dont jouissait alors ce domaine a été trop solennellement reconnue, dans les derniers temps, par Louis XIV, pour qu’elle puisse être aujourd’hui raisonnablement contestée. Votre comité ne vous rappellera pas les motifs qui l’ont déjà porté à vous proposer de ratifier réchange de la principauté de Do ubes, et qui sollicitent aujourd’hui de vous la même déclaration en faveur du' domaine d’Henrichemont; ces motifs sont puisés dans les principes que vous n’avez cessé de consacrer par vos décrets, c’est-à-dir dans les droits imprescriptibles des peuples et dans la souveraineté des nations. Vous jugerez que cette souveraineté étant essentiellement inaliénable, ainsi que la puissance exécutive qui n’en est qu’une émanation, les contrats d’échange des principautés enclavées dans le territoire français, sont, il est vrai, radicalement nuis sous ce rapport; mais vous déciderez, en même temps, que le consentement des peuples a rectifié celte origine vicieuse ; que, depuis la réunion des différentes parties de l’Empire en un seul tout, il est intervenu, entre le peuple français et les habitants de ces ci-devant principautés, un véritable pacte social, par lequel ils se sont associés à notre liberté, en sorte qu’ils ne forment plus aujourd’hui, avec tous les Français, qu’une même nation et qu’un même peuple. vous ne balancerez donc pas à confirmer l’échange du domaine d’Henrichemont, et à consacrer de nouveau le contrat qui unit ce pays à la France 4*> Série. — T. XXXI. en le déclarant partie intégrante de l’Empire français. Mais il est une autre question bien importante, sur laquelle vous ne pouvez vous dispenser, en ce moment, de prononcer. Cette question est relative aux bases d’évaluation adoptées par les contrats d’échange de ces anciennes principautés, et spécialement par celui dont M. Sully réclame aujourd’hui l’entière exécution. Dès lors que l’Assemblée nationale ne peut ni ne veut attaquer le contrat qui unit à la France le pays d’Henrichemont, il semblerait que toutes les stipulations qui sont portées dans ce contrat devraient être aussi obligatoires pour la nation qu’elles l’étaient aux yeux du monarque qui les a consenties; il en résulterait qu’on ne pourrait plus s’écarter aujourd’hui, à l’égard de M. Sully, du mode d’évaluation énoncé par ce contrat, savoir, que le domaine d’Heurichemont serait évalué sur le pied du denier 60, et que les domaines cédés par le roi le seraient au denier 30. Cependant le décret du 22 novembre 1790 cause de justes alarmes à M. Sully. Ce décret porte : « Que tous contrats d’échange des biens domaniaux pourront être révoqués et annulés, si le domaine a souffert une lésion du huitième, et que l’engagiste dont le contrat sera révoqué sera, au même instant, remis en possession réelle et actuelle de l’objet par lui cédé en contre-échange, sauf les indemnités respectives qui pourraient lui être dues. » M. Sully appréhende que ce décret ne suscite contre lui des contestations sérieuses de la part des commissaires qui seront chargés de l’évaluation des domaines qu’il a reçus en contre-échange. Comme il n’existe, sur cette matière, aucune loi particulière à l’espèce de propriété qu’il a cédée à la France, il craint de se voir dépouiller d’une partie du prix stipulé pour sa renonciation aux prérogatives que lui conférait sa principauté. Mais le comité a pensé que le décret du 22 novembre ne pouvait s’appliquer qu’aux domaines ordinaires dout la valeur réelle pouvait être appréciée sur le taux des propriétés foncières, et non pas à ceux à qui il fallait ajouter de plus un prix d’opinion qu’aucune mesure fixe et invariable ne pouvait déterminer. Il a été d’avis que la convenance topographique de ces échanges; que le sacrifice volontaire et spontané d’une prérogative utile et honorifique; que les grands avantages qui en résulteraient pour la commune patrie, étaient une compensation légitime et suffisante de l’espèce d’évaluation prescrite par ces contrats. Plusieurs motifs l’ont spécialement confirmé dans cette opinion à l’égard des domaines donnés en contre-échange à M. Sully. D’abord, il est de fait que c’est d’après cette même base, et en observant les mêmes proportions, qu’ont été faites les évaluations respectives dans les échanges qui ont successivement uni à la France les principautés de Sedan, de Dombes, etc. Ensuite, ces sortes d’évaluations ne pourraient blesser l’intérêt de la nation qu’autant que les domaines qu’elle acquiert à ce prix ne seraient pas pour elle d’une valeur égale aux domaines qu’elle donne en contre-échange. Or, il est prouvé que, sans parler des autres avantages de l’échange fait par M. Sully, le domaine d’Henrichemont est, pour le Trésor public, d’un revenu bien supérieur à la rente de 60,000 livres, stipulée par le contrat d’échange de 1766. En effet, il est évident qu’un pays peuplé de 26 402 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1791.J 8 à 9,000 âmes, enclavé dans une généralité où, sous l’ancien régime, la contribution individuelle était arbitrée de 18 1. 12 s., doit aujourd’hui produire à la nation plus de 120,000 livres, indépendamment du revenu du domaine de cette principauté, Lorsqu’on se représente qu’avant 1766, époque de sa réunion à la France, elle n’était assujettie qu’à un droit de gabelle et à l’impôt du tabac, bien inférieur à ces deux impôts en France, et que dans cet état son produit s’élevait à 30,000 livres et plus, on doit en conclure que, sous la domination française, ce territoire doit produire des revenus bien supérieurs à ceux qu’en retirait le prince souverain d’Henrichemont, et même à ceux des domaines qui lui ont été cédés et promis. D’un autre côté, l’établissement de tous les impôts directs et indirects connus en France, et dont la principauté de Boisbelles était exemple, Davantage d’une réunion qui dispensait le gouvernement de surveiller la contrebande dont ce petit pays pouvait devenir le foyer, la convenance d’une portion de territoire étranger, enclavé au milieu de la France, tout cela doit entrer dans Dévaluation-, car le domaine n’a pas été lésé, s’il a acquis pour 60,000 livres de rente par la voie de l’échange, un pays qui a pu lui rapporter le double, ce pays ne valût-il en lui-même que la moitié du prix des objets donnés en échange. On n’opposera pas, sans doute, que cette valeur nouvelle, fruit de l’impôt qui peut être diminué par la libération des dettes de l’Etat, ne représente pas équivalemment des domaines réels sortis des mains du roi : cette objection laisserait toujours subsister celles qui résultent du prix de convenance pour la France, et du prix d’opinion pour le prince de Boisbelles ; celui-ci n’a pas calculé ce que sa principauté pourrait rapporter à la France, mais ce qu’il l’estimait valoir comme sa propriété. D’ailleurs, le gouvernement ayant perçu des impôts, qui, joints au produit réel, ont dû augmenter le revenu, n’en a pas moins fait une opération avantageuse au Trésor public; il a perçu des sommes qu’il n’eût pas reçues sans i’écnange d’où ces bénéfices dérivent;* il serait juste d’en tenir compte au prince de Boisbelles, d’après les principes déjà établis. Tout vous conseille donc, Messieurs, de pourvoir par une loi précise, à ce qu’il ne soit porté aucune atteinte aux stipulations portées par le contrat d’échange de 1766. La conduite même du gouvernement envers M. Sully est un motif de plus qui doit vous rassurer sur les actes passés avec lui et son père. Près de 25 ans se sont écoulés, et M. Sully, dépossédé de sa principauté, n’est pas encore rempli de ce qui lui manque pour compléter l’échange à son égard. Non, Messieurs, ce n’est pas avec cette lenteur que l’on traitait ces courtisans avides, qui, connaissant l’instabilité des faveurs d’une cour corrompue, se hâtaient de mettre à profit le temps de leur autorité passagère, et ne comptaient leurs moments que par leurs jouissances. Ce n’est pas non plus une faveur déguisée ; ce n’est pas un de ces traités sans cause, qui, par la connivence criminelle d’un ministre, transformaient en propriétés privées les possessions les plus précieuses de la couronne, et creusaient ainsi l’abîme où vous avez trouvé la Fiance prête à s’engloutir. Ici, la cause de l’échange est connue, il ne 1 s’agit que de la valeur plus ou moins forte des objets échangés. Mais, Messieurs, ne vous semble-t-il pas déjà que la confirmation de cet échange, que l’exécution pleine et entière d’un contrat où l’intérêt de la nation, a été si re igieusement stipulé, est une opération digne des représentants d’une nation qui, dans le petit nombre des bons ministres, compte le grand Sully? C’est de son patrimoine, c’est de la fortune entière de son unique descendant, que nous venons de vous entretenir. Eh bien, Messieurs, si cet homme immortel, ce ministre vertueux d’un roi populaire, paraissait aujourd’hui au milieu de cette Assemblée, s’il vous demandait de revêtir de votre autorité des actes passés de bonne foi par son arrière-peti l-fils, qui de nous se lèverait pour lui contester quelques possessions qu’il ne tient pas même de la munificence royale? Qui de nous, se rappelant les biens qu’il a fait au royaume par son économie, la prospérité de son administration et son attachement pour la France, ne rougirait pas d’exiger de lui des comptes rigoureux et uu examen sévère, dont le résultat le plus avantageux ne pourrait jamais augmenter la fortune publique, peut-être que de quelques mille livres?... Sully calcula-t-il froidement sa fortune, lorsqu’au milieu de la détresse publique il vendit ses bois pour secourir le vainqueur de la Ligue? Vous saisirez, Messieurs, une circonstance aussi favorable ; l’hommage que vous rendrez au ministre de Henri IV est dû à ses vertus publiques. Il n’y a qu’un instant que vous avez fait le sacrifice d’une somme de 7 millions en mémoire des services du vainqueur de Rocroy. Pourriez-vous, à l’égard d’un homme qui sauva la France, non par ses armes, mais par son économie et sa bonne administration, pourriez-vous être retenus par des considérations d’intérêt pécuniaire bien moins important? Non, Messieurs, vous ne laisserez pas échapper cette occasion de témoigner à Sully, dans la personne de son dernier rejeton, combien sa mémoire vous est chère. Votre comité vous observera encore que, dans la composition des terres et domaines rétrocédés à M. Sully, il se trouve beaucoup de droits utiles d’un produit considérable, que vos décrets ont supprimé sans indemnité. Dans un échange parfait et consommé, l’échangiste serait obligé d’en supporter la perte, à moins qu’il ne demandât la résiliation de l’échange. Votre comité a établi, dans ses précédents rapports, qu’à l’égard des échanges qui n’avaient pas reçu leur dernier complément, la propriété n’étant transférée à l'échangiste qu’à l’instant où toutes les formes prescrites par la loi étaient accomplies, les droits éteints devaient tomber sur la nation par une suite de la règle, res périt domino. M. Sully, cependant, ne réclame aucune indemnité pour toutes ces pertes. D’uu autre côté, le produit que retirait M. Sully de sa principauté, avant 1766, est constaté par des baux renouvelés au même prix, longtemps avant cet échange et par des actes publics. Ainsi, nul doute à cet égard. Quant aux domaines de Béthune, deLens et de Montgomery, qu’il a remis en contre-échange, et qui n’ont été évalués que provisoirement, M. Sully, qui déclare ne pas retirer plus de 50,000 livres de ces trois domaines, offre, en cas de doute, de les restituer à la nation, et se borne alors à demander l’exécution du coûtrat du 23 septembre 1766. D’après toutes ces considérations, votre comité [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1791. J 403 a pensé que vous pourriez, sans compromettre les intérêts de la nation, confirmer, purement et simplement, les contrats d’échange et de supplément d’échange, passés au prolit de M. Sully, sans l’astreindre à la formalité d’une nouvelle évaluation dont les fruits, aux termes du contrat de 1776, devraient être à la charge du Trésor public : cet affranchissement d’une formalité qui est une entrave pour la propriété et qui n’est nullement commandée ici par la nécessité serait peut-être suffisamment justifiée par l’insouciance qu’a mis le gouvernement à remplir les engagements qu’il avait pris envers M. Sully, et surtout par les grands avantages qu’il a manifestement retirés de l’échange de sa principauté d’Henrichemont. Mais voire comité ne peut connaître que les principes, et doit y rester religieusement attaché; il a seulement voulu vous indiquer qu’il est des circonstances dans lesquelles un aussi puissant motif que celui de la reconnaissance publique commande, en quelque sorte, aux législateurs, de déroger à la rigueur de la loi. Voici le projet que nous vous proposons : << L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des domaines, déclare que le pays d’Henrichemont, avec ses dépendances, est uni à l’Empire français, et, en conséquence, décrète ce qui suit : * Art. 1er. Les évaluations commencées en exécution du contrat du 24 septembre 1766, seront reprises, continuées et parachevées sur le pied du denier 60, à l’égard dudit pays d’Henrichemont ; et au denier 30, à l’égard des domaines cédés par la nation, ainsi qu’il est énoncé audit contrat ; et ce, d’après les règles et les formes qui seront déterminées par un décret particulier. « Art. 2. Il sera remis aux juges ou commissaires qui seront chargés de faire parachever les-dites évaluations des expéditions en forme, des procès-verbaux faits ou commencés à la chambre des comptes ; ils en suivront les derniers errem nts, et ils se conformeront aux modes d’évaluations adoptées par la Chambre, en tout ce qui ne sera pas contraire au décret qui sera incessamment rendu pour déterminer les règles et les formes de ces opérations. « Art. 3. Aussitôt que les évaluations seront achevées, les procès-verbaux qui en auront été rédigés, tous les actes d’instruction, pièces et tities y relatifs, seront apportés au secrétariat de l’Assemblée nationale, qui, sur le compte qui lui en S( ra rendu, ratifiera les opérations, si elles sont jugées régulières, et ordonnera la réforme aux frais de qui il appartiendra; déterminera les distractions et les réductions dont les évaluations seront susceptibles, et réglera définitivement la soulte en cas d’inéyalité, dans les valeurs respectives des objets cédés de part et d’autre. « Art. 4. La soulte ainsi réglée sera payée avec les intérêts, à partir du 24 septembre 1766, jour de l’entrée en jouissance, et les parties se feront raison des sommes respectivement reçues. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) Plusieurs membres présentent diverses observations à la suite desquelles le projet de decret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des domaines, déclare que le pays d’Henrichemont, avec ses dépendances, est uni à l’Empire français, et en conséquence décrète ce qui suit : « Art. 1er. Les évaluations commencées en exécuiion du contrat du 24 septembre 1766 seront reprises, continuées et parachevées sur le pied du denier 60, à l’égard audit pays d’flenri-chemont ; et au denier 30 à l’égard des domaines cédés par la nation, ainsi qu’il est énoncé audit contrat ; et ce, d’après les règles et les formes qui seront déterminées par un décret particulier. Art. 2. « Le même décret déterminera le tribunal ou les tribunaux chargés de juger lesdites évaluations, et de régler les déductions, distractions et réformes dont elles pourront être susceptibles. » (Ce décret est adopté.) M. Enjubault de La Roche, au nom du comité des domaines , fait un rapport sur l'échange de laDombes et l’acquisition des terres de Lorient , Châtel , Carment et Recouvrance , etc... Messieurs, Le pays de Dombes a été uni à la France en 1762. Cette acquisition, que sa position topographique pouvait laire regarder comme indispensable, a coûté à la nation près de 16,500,000 livres. Les domaines purement utiles qui en dépendaient ont été cédés en 1786 à M. de Rohan-Guémené, à titre d’échange, et iis ont formé, avec une somme de 12,500,000 livres, le prix effectif des anciennes seigneuries de Lorient, Châtel, Carmeut et Recouvrance, et de l’extinction d’une indemnité pécuniaire, réclamée par la maison de Rohan. Ce simple aperçu, dont tout ce qu’on va ajouter ne sera que le développement, suffit pour fixer votre attention, et pour vous faire connaître que ces deux opérations ont entre elles une telle connexité, qu’il eût été difficile de vous les présenter séparément. La révocation du premier contrat entraînerait nécessairement la nullité du second auquel il sert de base. Pour régler le sort de l’un, il faut commencer par se déterminer sur J a validité de l’autre. La principauté de Dombes, dont l’échange va vous occuper, s’est formée, au commencement du onzième siècle, de quelques débris épars, et successivement rassemblé?, du second royaume de Bourgogne, qui fut uni à l’empire germanique sous Conrad II dit le Salique (1). Edouard de Beaujeu, prince de Bombes et seigneur du Beaujolais, fit, au mois de juin 1400, don de tous ses biens à Louis 11 dè Bourbon, son cousin (2), arrière-petit-fils de Robert de Clermont. Louis de Bourbon acquit Trévoux et le surplus de laDombes en 1402. Sa pos érité se divisa en deux branches, Bourboo-Beaujeu etBour-bon-Montpensier. Elles furent un instant réunies par le mariage du connétable de Rombon-Montpensier (1) Pour opérer cette union, Conrad disposa les Etats de ce royaume à couronner son fils Henri, et à lui prêter serment de fidélité. {Abrégé chronologique de l'histoire d' Allemagne, par Pffeffel, à l’année 1038.) (2) Edouard avait enlevé, en 1398, une fille de Ville-franche; il fut ajourné pour ce crime au Parlement.il fit jeter par les fenêtres l’huissier qui lui fit la citation; on envoya des troupes qui le conduisirent à Paris, en prison. Il implora le crédit de Louis de Bourbon, qui obtint sa délivrance. Le Beaujolais et la Dombes furent la récompense de ce service; il est bon d’observer que c’est comme comte de Beaujolais qu’Edouard se trouva justiciable du parlement de Paris.