[Assemblée nationale.;! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J26 janvier 1790. J 331 du bataillon d’Auvergne, en quartier à Clermont-Ferrand, qui présentent à l’Assemblée nationale l’hommage sincère de la conviction intime dans laquelle ils ont toujours été, que les représentants de la nation, qui ne veulent que le bien, et qui y travaillent avec un zèle si courageux, n’ont jamais pensé d’altérer dans l’esprit du peuple français les sentiments d’estime, de considération et de reconnaissance que l’armée a constamment mérités. Dans une assemblée générale des citoyens de toutes les classes de la ville de Clermont-Ferrand, il a renouvelé, le 18 de ce mois, le serment solennel d’être à jamais fidèle à la nation, au Roi et à la loi, et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution. Par une délibération jointe à cette adresse, la ville rend les témoignages les plus éclatants de la noblesse des sentiments et du patriotisme de ce digne régiment. Adresse d’adhésion et dévouement de la municipalité de Triel ; elle expose les alarmes du peuple sur la rareté et la cherté des grains. Adresse de la ville d’Evreux, qui, dans un moment où les ennemis de la patrie inondeut les provinces de libelles incendiaires pour soulever les peuples aigris de longue main par le sentiment de leurs maux, et détruire cette précieuse harmonie que la confiance a établie entre le peuple et ses représentants, s’empresse de donner à l’Assemblée nationale un nouveau gage de sa fidélité et du patriotisme qui l’anime, en lui renouvelant de la manière la plus solennelle l’assurance d’un dévouement sans bornes et de la soumission la plus absolue et la plus volontaire à ses décrets sanctionnés par le Roi. Adresse d’adhésion de trente-cinq communautés voisines de la ville d’Eymoutiers en Limousin ; elles demandent que cette ville soit le chef-lieu d’un district. Adresse des officiers muuicipaux de la ville de Montesquieu, qui adhèrent à tous les décrets de l’Assemblée nationale; ils annoncent qu’ils jouissent de la plus heureuse tranquillité, et qu’ils en sont redevables à une brave légion commandée par des chefs estimables, MM. Dupuy, de Monbrun et de Montesquiou. Ils ajoutent que la contribution patriotique, dont les moins fortunés n’ont pas voulu s’exempter, excède déjà le montant des impositions ordinaires, tant royales que locales. Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la ville de Clermont-Lodève en Languedoc, et de celle de Tournay, dans le diocèse de Tarbes; elles demandent d’être chefs-lieux de districts. Adresse du même genre de la ville de Nemours, de celles de Villiers-sur-Orge, de Saint-Ghely en Gévaudan ; elles font une offrande patriotique des sommes provenantes de l’imposition sur les ci-devant privilégiés. Adresse des héritiers de quatre-vingt-quatorze marins de l’île de Noirmoutier, qui ont servi sur les vaisseaux du Roi depuis 1704 jusqu’en 1709 : ils font le don patriotique du produit des rentes constituées par le Roi au protit de ces marins, pour leur tenir lieu du payement de leurs salaires. Adresses de félicitation, adhésion et dévouement des volontaires nationaux de la ville d’Orléans, de la garde natonale de Cambrai et du comité permanent de la ville de Belfort. Délibération des communautés de Lauvignet, de Launevez et de Perros-Haucon en Bretagne, qui adhèrent purement et simplement à tous les décrets rendus et à rendre par l’Assemblée nationale. Adresse de la Société patriotique de la ville de Perpignan, contenant une adhésion absolue à tous les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi, et un dévouement sans bornes pour leur exécution. Un grand nombre de citoyens réunis de la même ville expriment, par une autre adresse, la même adhésion ; demandent que le département du Roussillon soit fixé d’une manière uniforme et égale à celle des autres départements du royaume ; que la ville de Perpignan soit le chef-lieu de ce département, et le siège d’un tribunal souverain ; que les corps d’arts et métiers de ladite ville soient conservés dans l’ancienne forme, offrant de céder au protit de l’Etat la moitié des frais de réception des maîtres, et de payer une indemnité proportionnelle pour la cessation de la perception des droits de gabelle et de régie générale, dont le rétablissement, même provisoire, leur a paru impossible dans leur province. Déclaration du sénéchal du comité de Goêlo et baronnie d’Avaugour en Bretagne, portant qu’il ne percevra désormais aucun émolument attribué à son office, et qu’il engage tous les officiers de ce tribunal à terminer gratuitement toutes les contestations soumises à leur jugement avant de quitter leur place. Délibération de la ville de la Roche-Bernard en Bretagne, qui déclare adhérer formellement à l'arrêté pris par la municipalité de Rennes, absolument dans les principes établis par les décrets de l’Assemblée nationale sur les droits de l’homme. M. Viochot, curé de Maligny, député du bailliage de Troyés, écrit qu’atteint d’un rhumatisme goutteux, dont il ne pourra être guéri qu’au retour du printemps, il demande à l’Assemblée s’il est obligé de donner sa démission. Il n’est rien statué sur cette lettre. Les jeunes élèves de la classe de Logique du collège Louis-le-Grand font un don patriotique qu’ils accompagnent de l’adresse suivante : « Nosseigneurs, pénétrés des sentiments qu’inspirent de toutes parts vos décrets et les besoins de l’Etat, vingt-sept boursiers, composant la classe de Logique au collège de Louis-le-Grand, viennent aussi vous offrir leur léger tribut. Enfants de la patrie, c’était à eux de s’avancer à la tête de tous les jeunes citoyens : heureux s’ils n’avaient été prévenus dans un si noble dessein, ou s’ils pouvaient s’en consoler par l’éclat d’une plus riche offrande. » « Mais vous leur pardonnerez sans doute, Nosseigneurs, de ne déposer devant vous que la somme de deux cents livres. Toute légère qu’elle est, elle aura quelque prix à vos yeux, puisque ceux qui vous l'offrent n’ont d’autres biens que les largessses de la patrie et que ce sacrifice leur impose autant de privations qu’un sacrifice plus grand fait par un plus grand nombre. « Puissiez-vous donc l’agréer comme un gage des efforts que nous ferons un jour pour satisfaire à une reconnaissance sans bornes ! Puissiez-vous, en l’accueillant avec bonté, enhardir ceux qui, dans le même asile que nous, jouissent des mêmes bienfaits, et qui bientôt sans doute, vous en offriront déplus dignes fie vous. C’est le seul vœu que nous nous permettons d’exprimer, tandis que nos cœurs en forment tant d’autres 332 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 janvier 1790.] dont la France et vous, Nosseigneurs, êtes les éternels objets. « Signé, De Troye, au nom des logiciens du collège Louis-Ie-Grand. » M. le Président répond en ces termes : « Jeunes gens, n’oubliez jamais le jour où l’Assemblée nationale agrée votre offrande, vos hommages et vos respects. Le ciel vous a réservés pour l’époque la plus importante de l’espèce humaine : jouissez long-temps du bonheur qu’elle vous prépare, et ne trompez jamais les espérances de la patrie. » M. le comte d’Estagniol, député de Sedan, remet un don patriotique de cent louis, envoyé oar M. Simon Bruyères, négociant de Sedan, et 'Assemblée décide qu’il en sera fait mention dans le procès-verbal. M. de Turckheiin , député de Strasbourg, présente à l’Assemblée l’hommage du respect, de a reconnaissance, et du dévouement de la société harmonique des Amis-Réunis à Strasbourg ; il la supplie d’agréer le don patriotique de 600 livres, qu il va déposer chez le Trésorier. L’Assemblée reçoit ensuite à la barre les députés de la nouvelle municipalité de Châlons-sur-Marne, formée suivant ses décrets. Ce premier hommage des nouvelles municipalités est accompagné d’un don patriotique. M. le président leur témoigne la satisfaction de l’Assemblée en ces termes : « La ville de Châlons doit être glorieuse d’apporter à l’Assemblée nationale le premier hommage d’une municipalité formée sur les principes constitutionnels; l’Assemblée reçoit avec satisfaction vos respects et votre offrande. » M. le Président. L'ordre du jour appelle la discussion sur l'affaire du prévôt de Marseille. M. le comte de Mirabeau a la parole contre le projet de décret présenté par M. l'abbé Maury au nom du comité des rapports. M. le comte de Mirabean (t). Messieurs, deux de vos décrets ont accueilli les plaintes des citoyens que poursuit le prévôt général de Provence, et deux de vos décrets n’ont pu sauver encore des innocents ; leur péril s’accroît en raison de leurs succès. Le magistrat irrité, qui peut d’un mot les dévouer au supplice, veut juger ceux-là mêmes qui par leurs dénonciations l’ont mis au rang desaccusés. Il les dénonce à son tour cDmme des calomniateurs, et prétend que c’est à lui de punir ! Il est pris à partie, il se défend, il attaque, il ne disssimule ni son ressentiment ni sa vengeance et ne descend pas de son tribunal ! Si cet étrange combat ne présentait que cette seule singularité, l’affaire de Marseille vous paraîtrait sans doute inconcevable, mais ce juge, qui met un si grand prix à conserver le droit redoutable de juger Jes autres, cherche à prouver, dans les mémoires qu'il vous adresse, que les accusés sont coupables, et caractérise déjà leur délit. Soit prévention, soit vengeance, il les traite de séditieux, de criminels de lèse-nation ; la conviction estdans son cœur, le jugement estsur ses lèvres: (1) Ls Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. le comte de Mirabeau. et ce magistrat, qui ne saurait désormais avoir l’impartialité de la loi, s’obstine à juger ! Et ce magistrat, parmi les motifs qu’il allègue de rester à sa place, annonce lui-même qu’il doit venger son tribunal ! Que deviendra dès lors cette funeste procédure? Le ressentiment, qui en dirigera le fil tortueux, ne conduira-t-il pas invinciblement à l’échafaud ceux qu’il regarde comme si coupables ? Laisser aujourd’hui dans ses mains le glaive deslois, n’est-ce pas lui livrer des victimes, les frapper nous-mêmes, les abandonner après que vos propres décrets, dont le prévôt voudra montrer l’injustice, auront servi à les faire immoler ? Mais ce ne sont là que les circonstances les moins frappantes que je me propose de vousdéve-lopper. Ces malheureux, dont la voix impuissante, perçant les voûtes des bastilles de Provence, vient retentir jusqu’à nous, qui sont-ils? Quelle est cette procédure prévôtale où sept cents témoins sont entendus, où cent citoyens sont décrétés, où soixante-dixaccusés sont prisonniers? Quel crime impute-t-on à ces infortunés qu’un peuple immense justifie, pour lesquels presque toutes les corporations de Marseille vous ont envoyé les plus touchantes supplications, et qui n’ont contre eux que quelques gens en place, une partie des anciens échevins du conseil municipal, et celte petite portion de négociants dont se compose l’aristocratie de l’opulence, qui ne seront désormais, par vos nouvelles lois, que les égaux de leurs concitoyens? Quel but se propose-t-on de remplir par celte étonnante procédure, prise dans une ville frontière, dans une ville où l’on a rassemblé une armée de huit mille hommes, et où la milice nationale n’a que des chefs et point de soldats? Quel a été l’objet du pouvoir exécutif, lorsqu'il a confié au seul prévôt général, à un seul nomme, la connaissance de tous les troubles d’une grande province? Que veulent les ministres, lorsqu’ils mettent tant de chaleur à soutenir cet nomme, que sa résistance à vos lois vous a forcés de renvoyer au Châtelet; lorsqu’ils portent un Roi juste à refuser sa sanction pour celui de vos décrets qui devait rétablir la paix dans une des plus importantes villes du royaume? Je tâcherai, Messieurs, de résoudre une partie de ces grandes questions, ou plutôt je ne ferai que cette seule réponse : Les prisonniers que l’on veut punir sont les défenseurs du parti populaire. Aucun de ceux qui, dans les assemblées primaires, ont dénoncé les maux de la patrie, n’a échappé. Aucun de ceux que le Parlement menaçait, il y a six mois, n’a pu se soustraire aux poursuites du tribunal qui a pris sa place. Aucun de ceux qui ont fait dans le conseil de ville des motions utiles et courageuses, qui ont pris notre langue, qui ont voulu établir une milice nationale ou réformer celle qui existe, ou porter au conseil, à l’époque du juillet, les vœux modérés d’un peuple que les nouvelles de Paris, que d’affreux présages et nos propres craintes alarmaient, n’a pu se garantir contre les décrets d’un juge pour qui nos principes sont aussi étrangers que si la révolution qui vient de s’opérer n’existait pas. Tout est maintenant connu ; les motifs du prévôt, les principales charges de la procédure, les interrogatoires des accusés, tout est dévoilé. Le prévôt a lui-même envoyé toutes les pièces qui le condamnent. D’après ces pièces, au lieu de punir, il faudra récompenser ; au lieu d’environner les accusés des terreurs qui précèdent les supplices, il faudra les sortir en triomphe de leurs cachots, les mettre au nombre des coopérateurs de l’Assem-