144 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791.) consumer en frais inutiles, Lasolde des troupes, payée en assignats, sera partout convertie en monnaie d’usage au lieu de leur séjour. Vous n’aurez besoin de rien ajouter aux moyens de votre administration actuelle; et si je ne m’abuse pas dans mon propre système, vous ne pourriez par aucune autre méthode arriver ni aussitôt ni aussi bien à la solution complète du problème. On m’objectera peut-être que l’Assemblée nationale n’a pas besoin de s’occuper des établissements que je propose; qu’elle lésa fondés tous, en fondant la liberté. Je pense, en effet, qu’une maison de commerce accréditée peut toujours faire circuler des billets souscrits par elle, et qu’il est libre à ceux qui les croient bons de les recevoir en payement. Mais ici l’intérêt public vous commande de grandes précautions. Le besoin de fractions d’assignats est extrême ; l’extrême besoin peut , entraîner beaucoup de citoyens à une confiance téméraire, et la loi, qui veille pour tous, doit les garantir des surprises. De tels établissements nécessaires partout ne doivent être dangereux nulle part. Ils doivent donc être immédiatement et soigneusement surveillés par les corps administratifs. Le gage delà sûreté publique ne peut être confié qu'à un dépôt inviolable. L’acquisition de la monnaie de cuivre pour l’échange continuel de ce papier doit être une condition essentielle de chaque établissement. Enfin l’Assemblée ayant décrété des assignats de 5 livres, il est nécessaire que l’on sache qu’elle n’en approuve pas moins les établissements que formeraient, ou des citoyens réunis, ou même des municipalités, à telle et telle condition; et c’est cette approbation que je sollicite. Mais, comme vous le voyez, toute l’opération repose sur l’émission simultanée d’une immense quantité de monnaie de cuivre. Sa nécessité est reconnue depuis longtemps : depuis longtemps votre comité des monnaies est chargé d’en préparer le travail; mais permettez-moi de vous le dire, Messieurs, le pouvoir exécutif ne réside pas et ne doit pas résider dans vos comités. Lorsqu’il y repose, vous voyez qu’il y dort. {Applaudissements à gauche .) Depuis plus de 6 mois, tous ceux qui, dans cette Assemblée, ont parlé de finances et d’assignats, ont demandé une profusion de sols. L’Assemblée les veut, et il n’en a pas encore été fabriqué un seul. Que ne dirait-on pas d’un ministre qui, ayant reçu une semblable mission, y aurait apporté une pareille lenteur ? Je ne réclame ici que des principes qui sont les vôtres, et dont on ne s’écartera jamais impunément. Votre comité des monnaies doit, comme tous les autres comités, préparer les lois générales et vous les soumettre. Là finit leur ministère. Là commence l’action du pouvoir exécutif. Je demande donc expressément que l’Assemblée décrète la somme qu’elle jugera nécessaire de monnaie de cuivre, et qu’elle prie le roi de donner les ordres les plus prompts pour la fabrication. Je me résume, et vu l’urgence des besoins qui deviennent tous les jours plus alarmants, je propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Art. 1er. Le roi sera prié de donner les ordres les plus prompts pour faire fabriquer de la monnaie de cuivre en sols, jusqu’à là concurrence d’une somme de 40 millions, et d’y employer toutes les monnaies du royaume. Les anciennes empreintes seront employées jusqu’à ce que les nouveaux coins soient terminés et que l’Assemblée nationale en ait ordonné l’usage. « Art. 2. Le minisire chargé d’exécuter les ordres du roi sera tenu de rendre compte à l’Assemblée, tous les quinze jours, des progrès de la fabrication. « Art. 3. L’Assemblée nationale approuve tous les établissements particuliers qui, sous la surveillance des corps administratifs, se chargeraient de mettre en émission des fractions d’assignats de 5 livres et de les donner en échange contre des assignats nationaux, à la charge par eux de fournir des cautionnements suffisants pour la sûreté de leur gestion, et à la condition expresse d’acheter aux Monnaies la quantité de sols nécessaire pour entretenir l’échange à bureau ouvert desdites fractions d’assignats contre des sols ; le tout conformément à une instruction qui sera adressée à tous les corps administratifs. « Art. 4. Il sera nommé au scrutin quatre commissaires pour rédiger cette instruction, dans le plus court délai, et pour la présenter à l’Assemblée nationale, » M. Duquesnoy. Si personne ne combat la proposition de M. de Montesquiou, je me bornerai à ajouter deux observations : la première, c’est que je crois que pour la fabrication des assignats de 5 livres il faut se servir des mêmes précautions, prendre les mêmes moyens que pour les anciens; la seconde, c’est que le prix de l’argent est très effrayant ; mais je vous prie d’observer que si le patriotisme régnait dans beaucoup de cœurs comme il est dans beaucoup de têtes, il serait facile de se tirer de cet embarras ; car il est évident qu’il y a plus de mille particuliers à Paris qui pourraient vendre à 5 0/0 plus de 1,000 livres par jour, et qui, avec un sacrifice de 25 louis, parviendraient à modérer le taux de l’argent. Je ne fais cette observation que pour appuyer la proposition du préopinant ; car il est évident que si vous favorisez ces établissements particuliers, vous produirez les mêmes effets que ceux que vous ne pouvez obtenir du patriotisme. , M. Defermon. Les mesures à prendre dans cette circonstance demandent à être discutées avec attention, quelque instantes qu’elles puissent être. Je ne sais pas par exemple si dans la proposition de M. de Montesquiou il y a assez de sûreté pour que le Trésor public ne soit plus exposé à perdre dans le change des assignats pour de la monnaie. 11 s’agit d’une mesure d’où dépend la fortune publique; il faut qu’elle obtienne par la réflexion la confiance de l’Assemblée et celle de tout le royaume. On ne peut la regarder comme tellement urgente qu’on ne puisse se livrer à un examen approfondi. Je demande donc que l’Assemblée ordonne l’impression de l’opinion de M. de Montesquiou et que le comité des finances soit chargé de nous présenter, dans deux jours, ses vues sur le projet dont il vient de donner lecture. M. Prieur. La motion de M. de Montesquiou contient deux parties. Je crois que, sur ce qui concerne la fabrication d’une monnaie de cuivre, tout le monde en sent l’urgente nécessité et a les idées faites là-dessus. Quant à la seconde, il y a longtemps que nous nous plaignons de la rareté du numéraire, et je ne sais comment il se fait qu’aucune des personnes instruites dans le système monétaire ne nous ait encore présenté un