18 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1791..] Art. 8. « Le transit et l’entrepôt accordés par les articles ci-dessus aux marchandises étrangères qui passeront sur les départements du Haut et du Bas-Rhin auront également lieu pour celles qui seront importées par le bureau de Sarguemines et par les autres bureaux des départements de la Meurthe et de la Moselle, ausd à la destination étrangère; à la charge par ceux qui expédieront lesdiles marchandises, de remplir les formalités prescrites par lesdits articles. Art. 9. « Le transit ne sera assujetti à aucun droit, mais il payera les frais du plombage; et les magasins d’entrepôt qui seront établis à Strasbourg seront fournis aux Irais du commerce, qui payera également ses préposés. Art. 10. « Les entrepreneurs de manufactures de toiles peintes, établies actuellement dans le département du Haut-Rhin, jouiront du remboursement des droits du nouveau tarif qu’ils auront acquittés sur les toiles de coton blanches tirées de l’étranger par le bureau de Saint-Louis pour être peintes dans leur manufacture, et réexportées à l’étranger, en se conformant aux formalités prescrites par les articles suivants. Ait. 11. « Les toiles qui auront cette destination devront, au moment de leur introduction, être déclarées pour celle des manufactures du département du Haut-Rhin à laquelle elles sont destinées. Art. 12. « Le remboursement des droits quMles auront ac initiés ne 1 onrra s’elfectuer q doutant que ces toiles n’auront pas changé de main, que l’exportation ; on verra que, loin de repousser la loi proposée, elle l’appelle et la nécessite en qu lqne sorte. D’après l'article 4, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à au trui : l’exercice des droits naturels de chaque lioaime n’a de bornes que celles qui assurent aux membres de la société la jouissance de ces mêmes droits; ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». La liberté naturelle, suivant cette déclaration, est donc restreinte par tout ce qui peut nuire à autrui; l’exercice des droits naturels de chaque homme peut donc avoir des bornes, et ces bornes peuvent être déterminées par la loi : or, le projet de loi proposé sur l’absence n’a d’autre objet que d’empêcher qu'elle ne puisse nuire à autrui, au corps entier delà sod te, et d’a-sur r aux coassociés la jouissance des droits qu’ils se sont mutu liement garantis. Il est prévu que c’est à la loi à poser ces bornes, et c’est précisément cette loi que l’on réclame. En abusant de la déclaration des droits, on eût été fondé à s’opposera toutes nos luis coercitives, notamment à la loi martiale, ou au décret contre les attroupements; décret que l’on a jugé nécessaire pour assurer la liberté et l’ordre public : cependant on n’a pas lemé pour lors de l’écarter s -us le vain et faux prétexte qu’elle était contraire à la liberté; il ne faut pas s’en étonner, les dissidents avaient à cette époque des im, misions bien différentes de celles qui les dirigent en ce moment. Les motifs qui ont déterminé cette loi martiale s’adaptant si naturellement, si essentiellement à celle que l’on sollicite aujourd’hui, qu’il devient t indiS ensable de les rappeler. L’Asse.nblée nationale, considérant « que la [ liberté affermit les Empires, mais que la licence 00 [Assemblée nationale.] les détruit; que, loia d’être le droit de tout faire, la liberté n’existe que par l’obéissance aux lois; que, si dans les temps calmes ceüe obéissance est suffisamment assurée par l’autorité publique ordinaire, il peutsunenir des époques difficiles où les peuples, agités par des causes souvent criminelles, deviennent l’instrument d’intrigues qu’ils ignorent; que ces temps de crise nécessitent momentanément des moyens extraordinaires pour maintenir la tranquillité publique et conserver les droits de tous ». Par celte loi, vous défendez les attroupements au dedans, Souffrirez-vous que dans des temps orageux on aille les former tranquillement au dehors? souffrirez-vous que des transfuges trament, en vous bravant, leurs perfides complots? Attendrez-vous que l’on ait fait irruption sur vos frontières, que l’orage grossi par l’impunité vienne fondre sur vous? Attendrez-vous que le sang des vrais citoyens, versé par de-mains coupables, provoque votre vengeance? N’auriez-vous pas à gémir sur les maux que vous auriez dû prévenir? iN’auriez-vous pas à vous reprocher votre coupable indifférence et votre fausse sécurité? La loi proposée, beaucoup moins sévère, beaucoup moins da gereuse que la loi martiale, n’a d’autie objet que de réprimer la licence ou plutôt l’abus du mot de liberté. Cette loi, comme la première, ne sera pas pour les temps calmes, mais pour ces époques difficiles, pour ces temps de troubles qui nécessitent des précautions extraordinaires et momentanée-; ede devient néctssaire pour conserver les droits de tous, d’api ès le contrat mutuel et réciproque des associés. Loin d’être contraire à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, loin de porter atteinte à la liberté civile et politique, elle la protège en assurant le bonheur et la tranquillité publies; en un mot, elle ne blesse ni ia Constitution, ni les droits de l’homme et du citoyen, elle n’est, comme la plupart de vos décrets, qu’une suite et une émanation nécessaire du contrat social, qui veut que le salut commun soit la suprême loi. Il ne suffit pas d’avoir démontré que cette loi pouvait se concilier avec la liberté civile et politique, il faut encore faiie voir qu’elle est juste, utile et nécessaire : nous examinerons ensuite si el'e peut être facilement exécutée, et sans la dangereuse ressource des commissions dictatoriales. Ce ne serait point assez de dire qu’une loi contre l’absence est juste, l’on peut et l’on doit encore ajouter qu’elle est nécessaire ; que le Corps législatif a non seulement le droit de la porter, mais encore que tout lui en fait un devoir. La société ne peut se maintenir que par l’observation exacte di s lois qu’elle a constnties et auxquelles elle s’est soumise; transgresser ces lois, c’est violer le pacte social : cette violation est ce qu’on appelle délit. La qualité ou la gravité des délits doit être évaluée pur la nature des pactes que l’on viole; la plus giande ou la moind;e influence qu’ont ces pactes sur l’ordre social détermine nécessairement la valeur ou la gravité de ces mêmes délits : de là, ces distinctions pris, s dans la raison, dans la nature même des choses, pour classer on apprécier les délits de différents genres. G-, s distinctions, qui exigent les plus profondes méditations, doivent toujours être le guide et la boussole d’un sage législateur. On peut rapporter touies les distinctions des h juillet 1791.] délits à 3 divisions principales, qui se sous-di-visent et se multiplient, pour ainsi dire, à l’infini. Nous ne nous attacherons qu’à ces trois grandes divisions, laissant à l'écart leurs ramilications innombrables, pour vérifier ensuite dans laquel e des trois principales classes nous devons placer l’absence coupable ou nuisible à l’Eiaf. Le pacte le plus précieux, celui de tous, qui a la plus grande influence sur l’ordre social, que l’on ne peut violer sans rompre, sans dissoudre la société, est sans doute celui qui défend de porter atteinte à la souveraineté. L’infraction, la violation de ce pacte est donc le plus grand des délits. Tons ceux de ce genre sont donc du premier ordre et de la première classe. Dans ia seconde, on peut ranger tous les délits qui violent direct ment et immédiatement l’ordre public; car il faut bien observer que, quoique tous les délits, sans exception, troublent l’ordre public, tous ne le troublent pas directement. Ceux qui lui portent des atieintes directes sont tes délits contre l’autorité confiée aux magistrats, aux représentants du peuple, aux administrateurs, aux fonctionnaires avoués ; les délits contre la sûreté publique, contre le maintien de la police, de l’administration générale, et contre l’ordre politique de la société. La troisième classe comprend et renferme tous les délits commis contre les individus, contre la vie, la personne, la dignité, l’honneur, la propriété des citoyens. Ces bases immuables et fondamentales ainsi posées, il s’agit de voir dans quelle classe, ou dans laquelle de ces trois grandes divisions, nous rangerons l’absence. Nous n'hésiterons pas de placer ce délit dans la seconde classe, et parmi ceux qui blessent directement et immédiatement l’orure public : nous allons parcourir rapidement les délits de ce genre, pour en donner des notions plus précises et plus exactes. Tout citoyen contracte en naissant le devoir de respecter tous les magistrats, tous les organes des lois, tous les fonctionnaires publics, d’obéir à leurs ordres, de laisser un libre coursa la justice I rotectrice de la liberté civile; c’est donc troubler directement l’ordre public que d’enfreindre de tels devoirs, que d’apporter des obstacles aux ordres des magistrats, à l’exécution des lois; les délits de ce genre sont très nombreux, mais, abandonnant les détails, il suffit de dire que ces délits deviennent plus ou moins graves par les circonstances. C’eü commettre des délits du second ordre que de troubler ou la tranquillité, ou la sûreté, ou la confiance publique, ou l’ordre politique de l’Etat : il en est parmi ces délits qui semblent tenir à tons les genres et participer à la gravité de tous : tel est (qu’il nous soit permis de le dire) le monopole en grand, cet attentat horrible qui fait naitre la disette du sein de l’abondance, qui livre des peuples entiers au désespoir et à la mort. Il n’est que trop vrai que ce système meui trier, combiné par des âmes atroces, par des gens riches et puissants, s’est renouvelé plusieurs fois de nos jours, et dans des temps où les provinces se félicitaient de leurs riches moissons; mais ne portons pas pins loin ceüe courte digression, oublions ces temps de calamité et de deuil : il n’est point à craindre qu’ils se renouvellent sous une adminislration nationale. Tous ces délits sont contre l’ordre public, par la raison invincible qu’ils portent des atteintes directes et immédiates au pacte social ; il a donc ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1791.] été nécessaire de faire des lois pour les réprimer et les punir ; osera-t-on dire que ces lois blessent la liberté et la Constitution? N’est-il pas au contraire évident qu’elles l’affermissent, la protègent et la défendent? La Constitution n’est que l’ensemble et le résultat de ces mêmes lois combinées et consenties pour l’intérêt de tous. Voyons à présent si la liberté indéfinie de s’absenter et de sortir du royaume ne viole pas également le pacte social, l’ordre politique de l’Etat, si elle ne messe pas l’intérêt de tous, et ne porte pas des atteintes directes à tous les liens qui nous unissent : cYst à ces caractères que nous pourrons reconnaître un vrai délit contre l’ordre public et politique de l’Etat. Personne ne met en doute que le conspirateur, le transfuge et le traître méritent l’opprobre des hommes, la sévérité et la vengeance des lois; eh bien, Messieurs, un examen attentif va nous apprendre que l'absence coupable , c’est-à-dire celle qui est faite dans d s temps contraires et orageux, contre la prohibition delà loi, et sans prendre les précautions dont elle a bien voulu se contenter pour justifier ceux qui s’absentent, suit immédiatement les délits du premier ordre, et doit tout au moins être classée parmi ceux du second. Le vrai fondementdu pacte social estdans l’union pour la défense commune, l’avantage, la tranquillité et le bonheur de tous; de ce pacte sortent les devoirs et les droits réciproques des associés; la société est sans doute le seul juge compétent de ce qui peut convenir à ses intérêts dans les différentes positions où elle se trouve : aussi Filan-gieri a-t-il judicieusement observé que la nation ne faisait que défendre les principes de la justice et de l’intérêt général, lorsqu’elle usait du premier et du pies essentiel de ses droits, celui d’appeler à son secours les enfants de la patrie, d’armer tous leurs bras lorsque la liberté était en danger, lorsqu’on menaçait sa souveraineté, ses droits, sa Constitution. Le Spartiate, ajoute-l-il, l’Athénien qui fuyait loin de la cité en avait recueilli les avantages. Qu’il nous soit permis de donner plus de jour et plus d’étendue à cette réflexion. Un citoyen a vécu pendant de longues années à l’abri des lois qui ont protégé sa personne et ses biens, qui ont assuré son bonheur et sa tranquillité; il a usé de toute la liberté nont une institution politique peut être susceptible; ses associés dans son enfance ont mille et mille fois exposé leur vie et prodigué leur sang pour défendre son berceau, cette protection s’est prolongée et augmentée avec ses besoins. Tout à coup l’E at est troublé, sa liberté est en danger, la société va se dissoudre et la patrie s’anéantir; entendriez-vous alors de sang-froid un lâche, un coupable, un infâme citoyen vous dire : J’ai entendu vivre sous une Constitution libre, je vous abandonne aux dang rs qui vous menacent; si vous rétablissez la paix, le calme et la sûreté, je reviendrai pour lors jouir tranquillement parmi vous du bienfait de vos lois. Non, non, Messieurs, un tel langage vous révolterait, et vous le trouveriez indigne d’un citoyen français ; il n’est ni dans la raison, ni dans la nature, ni dans l’ordre des choses. Si l’on rentre en soi-même, onsentque déjà la loi existe, quoiqu’elle ne soit pas explicitement prononcée; elle n’est qu’une conséquence naturelle et nécessaire du pacte social, dont la réciprocité forme la chaîne et le nœud. Vous auriez donc à lui répon dre : 21 « Je vous ai protégé, défendu; vous devez donc me protéger et me défendre à votre tour. « Je vous ai fait vivre dans le calme et la paix ; vous ne pouvez m’abandonner dans le péril. « J’ai été le garant de votre personne, de vos propriétés, de vos droits; vous devez l’être des miens. « J’ai compté sur vous, sur le nombre de tou3 les membres de la société, pour régler m s p'ans de défense et de conservation ; vous ne pouvez donc tromper mon attente, mes combinaisons, et trahir les devoirs que ces obligations réciproques vous imposent. « Le calme une fois rétabli, je vous restitue dans la plénitude de votre liberté : c’est alors que, sans manquer à vos engagements, vous pourrez aller où bon vous semblera, former de nouveaux liens et une nouvelle société; mais vous cessez d’être entièrement libre, au moment où le danger se manifeste et se déclare, au moment où l’Etat est en péril, où la société a beson du secours de tous ses membres, de contenir et de rappeler dans son sein tous les enfants de la patrie. » Des mandataires, des associés, quoique essentiellement libres, par la nature du contrat même, de rompre et de dissoudre leurs engagements à volonté, ne peuvent plus le faire cependant dans des circonstances inattendues, dans des temps contraires et inopportuns. Si, par une suite nécessaire du contrat, du pacte social, la liberté qui fait la base de notre Constitution peut être modifiée, limitée et restreinte dans certaines occurrences, pour le bien et l’avantage de tous, à plus forte raison une loi sur cet objet doit-elle trouver place dans le code de notre législation. Pour mieux juger de la nécessité de la loi, réfléchissez, Messieurs, sur le danger des conséquences, sur les abus inca'culables qui pourraient résulter d’une fausse idée de liberté, et d’une fausse application des principes. L’épuisementde nos richesses, de nos ressources, de notre numéraire, mérite la plus grande attention. Ou ne concevra jamais que, dans une société bien organisée, on puisse souffrir que des citoyens lidèles et zélés épuisent leurs forces, leur industrie, leurs talen's, pour féconder et protéger des possessions dont le produit doit leur être incontinent enlevé, et les laisser ensuite dans un dénuement total, au lieu de refluer parmi eux, comme naturellement ils devaient l’attendre. Passons à des considérations plus graves. Une guerre menaçante se déclare au dehors. Si la liberté ne pouvait être modifiée ni limitée dans aucun te nps, des ennemis puissants pourraient corrompre nos citoyens, r. cruter dans le cœur même de la Fi ance : on verrait alors des hommes capables de servir utilement la patrie, s mtir eu foule du royaume, en disant: Je suis libre d'aller où il me plaîl; ainsi nos forces s’épuiseraœnt iufailliblementen doublant celles de nos ennemis. Les suites d’un tel abus vont à l’infini; on ne peut, sans frémir, s’appesantir' sur le danger des conséquences. Si, dans le système de nos contradicteurs, l’expatriation absolument libre était permise à un seul citoyen, elle serait autorisée pour tous; alors d s mil: ion s d’hommes pourraient, sans ménagement, sa is raison, sans précautions, abandonner le sot qui les a vus naître, pour repeupler une terre étrangère ou fortifier une puissance ennemie. Cet excès de liberté ne peut donc avoir lieu ((lie dans l’état de nature; il contraste directement avec le pacte social; ce pacte ne peut se maintenir avec [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Il juillet 1791.) me liberlé indéfinie-, il nécessite donc, dans certains cas, des lois coercitives. Le saint de l’Etat pourrait justifier les lois les plus rigoureuse?; il I (Ut donc, à plus fonte raison, se concilier avec une loi protectrice de la liberté, avec une loi douce, modérée et restreinte au seul cas de V impérieuse nécessité. Telle est celle que l’on vous pré-enle aujourd'hui ; c’est ici le moment d’en développer l’esprit et les vues. On a dû reconnaître, par sa contexture, qu’elle est non seulement possible, mais encore d’une exécution facile. Elle consacre d’abord, par un premier article, cette précieme liberté qui fait l’objet de vos travaux et de \otre sollicitude; elledeveloppe même, plus explicitement que ne l’a fait la déclaration des droits de l’homine et du citoyen, toute l’étendue de cette liberté; elle déclare ensuite que cette même lit erté ne pourra être restreinte et modifiée que dans les cas d’urgente nécessité, et seulement dans les temps où la patrie aura besoin des secours extraordinaires qu’elle a droit d’attendre de lous ses membres. La manière dont ct-tle liberté est modifiée est si fucile dans l’exéci tion, qu’il faut d’avance se déclarer pervtrs et coupable, pour refuser de se soumetlre aux précautions qu’elle prescrit: car vous aurez lieu d’observer, Messieurs, qu’on n’em; êche vériiab emeot aucun citoyen de sortir du royaume; on s’en rapporte avec une pleine confiance à sa déclaration; on exige seulement qu’il manifeste ses intentions au moment de son départ, ou depuis le lieu de son absence présumée nécessaire. Comme il y aura deux sortes d’absences, l’une avouée par la loi, et l’autre réprouvée, la première ne donne lieu qu’à une indemnité, et la seconde à une peine modérée qui ne porte que sur une privation momentanée d’une portion de revenus, et n’atieint la personne que p ar la privation de la qualité de citoyen, à laquelle elle paraît avoir renoncé. Telle est en substance la loi : ses détails sont infiniment simples. Lorsque des cas mg