(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1791.] 751 corde, et que le drapeau blanc a été arboré sur la tour de la ville. Adresse de la société des amis de la Constitution établie à Brest , qui fait hommage à l’Assemblée d’une adresse imprimée qu’elle a envoyée aux habitants des campagnes pour les prémunir contre les écrits et les sermons incendiaires des prêtres fanatiques de la ci-devant province de Bretagne ; elle supplie l’Assemblée de suspendre l’exécution de l’article 2 du décret rendu pour dissiper les troubles qui ont agité le département du Morbihan, portant que le roi sera prié de faire passer des forces suffisantes dans ce département. Les membres de cette société répondent sur leur tête de ramener partout le calme, sans secours étrangers. Adresse de la société des amis de la Constitution séant à Dunkerque, qui dénoncent une défense faite par le ministre de la guerre, aux officiers et soldats des régiments Colonel, Général et Viennois, d’assister aux séances des sociétés des amis de la Constitution. Un membre fait lecture d’une adresse des patrons pêcheurs des ville et port de Cette , contenant l’expression de leur reconnaissance pour la juridiction des prud’hommes, qui leur a été accordée par le décret du 6 janvier dernier; ils réclament la même faveur pour les pêcheurs des étangs qui avoisinent la ville de Cette, et qui sont dans le même département des classes de la marine. (L’Assemblée renvoie cette adresse au comité de la marine.) M. Iîoussion. Je me présente à la tribune, Messieurs, pour vous faire part d’une nouvelle qui doit être infiniment agréable aux législateurs de l’Empire, puisqu’elle leur prouvera qu’il est des hommes qui, constamment occupés du bonheur de leurs concitoyens, leur font accueillir tous vos décrets avec transports, et surtout celui de la contribution foncière. Ces hommes sont les officiers municipaux de Villeréal, district de Monflanquin, département du Lot-et-Garonne. A p"ine l’arrêté du département et votre instruction relative au nouveau mode d’imposition leur sont parvenus, que ces véritables amis de la Constitution, animés du plus pur civisme, se sont empressés d’appeler à leurs conférences patriotiques tous les bons villageois, cultivateurs et propriétaires, pour s’éclairer mutuellement, discuter et adopter les moyens les plus convenables pour asseoir la répartition de l’impôt. Les commissaires des sections ont été nommés au gré de tous les habitants, et à mesure qu’ils se rendent sur chaque section, chaque cultivateur se trouve sur son champ ; et tous à i’envi désirent concourir à cette opération et l’accélérer. Je passerai sous silence les fêtes civiques qui ont eu lieu à cette occasion. De jeunes enfants et des jeunes filles vêtus de blanc, dansent en chantant Ça ira, ça ira, sèment des fleurs sur le passage des commissaires; d’autres leur présentent des couronnes de tendres rameaux de chêne : présage heureux d’un bonheur durable. Quelle différence, Messieurs, de ces impôts jadis arbitraires, qu’on n’arrachait que par la force, et de ceux consentis librement par les représentants du peuple. C’est au nom du département que j’ai l’honneur de remettre sur le bureau l’extrait de lu lettre que lui ont écrite ces vertueux officiers municipaux, pour lui exprimer la joie avec laquelle toute la commune de Villeréal avait reçu, et son arrêté, et l’instruction sur l’impôt. J’y joindrai la réponse du département et son adresse à l’Assemblée nationale, dans laquelle le département vous assure que ce louable exemple sera suivi, et que si les bons villageois et cultivateurs ouvrent les trésors de leurs terres à la liberté, ils auront le courage de les fermer au despotisme. ( Murmures à droite.) Plusieurs membres à droite : L’ordre du jour ! M. Iîoussion. Je sais, Messieurs, que ce qui plaît aux amis de la Constitution, déplaît à ses ennemis ; mais je demande à être entendu, et je suis persuadé que les patriotes de l’Assetnblée en auront du plaisir. (Vifs applaudissements à gauche.) J’ai l’honneur de demander, Messieurs, qüe l’Assemblée ordonne une mention honorable, dans son procès-verbal, de la conduite vraiment patriotique des officiers muuicipaüx de Villeréal. (. Applaudissements .) (Cette motion est décrétée.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une note du ministre de la justice ainsi conçue : « Le roi a donné sa sanction, le 24 du mois dernier : « 1° Au décret du même jour, relatif an voyage de Mesdames tantes de Sa Majesté. « 2° Et le 25, au décret du 20 janvier, relatif à l'établissement d’uu tribunalcriminel dans chaque déparlement. « 3° Au décret du 3 février, concernant lavante de biens nationaux à la municipalité de Vincent) es. « 4° Au décret du 9, relatif à la recherche de 2 fiégates françaises, la Boussole et l'Astrolabe, commandées par M. de la Pérouse. « 5° Au décret du 18, relatif aux fonds à faire au Trésor public en 1791, pour acquitter toutes les dépenses attribuées au culte, à la liste civile, aux apanagistes et aux divers départements de l’administration. « 6° Au décret du même jour, relatif à la priorité acquise à la municipalité de Romaniac, pour l’acquisition de domaines nationaux, situés dans son territoire. « 7° Au décret du 19, concernant la suppression de tous les imptôs perçus à l’entrée des villes, bourgs et villages. « 8° Au décret du même jour, relatif à la dépense de l’administration des haras. « 9° Au décret du 20, concernant la suppression des gouvernements de province et des places de toutes les classes, les lieutenances générales et les majorités des ci-devant provinces, places et gouvernements. « 10° Au décret du même jour, concernant les pensionnaires non compris dans les étals nominatifs des secours. « 11° Au décret du 21, relatif au payement d’ndemiiités à quelques porteurs de brevets de retenue. « 12° Au décret du même jour, concernant le temps nécessaire aux ofiici rs des régiments coloniaux, pour obtenir la décoration militaire. « 13° Au décret du même jour, relatif à la rédaction de l’article 4 du décret du 27 novembre précédent, sur le serment à prêter par les fonctionnaires publics ecclésiastiques. 752 [Assemblée nationale.) archives parlementaires. « 14° Au décret du même jour, concernant les assignats qui reste à fabriquer, et la nomination de 6 nouveaux signataires. « 15° Au décret du même jour, relatif à la contribution foncière à laquelle seront soumis les droits de péage, et autres de même nature supprimés, et le revenu net des canaux de navigation. « 16° Au décret du même jour, relatif au payement des secours accordés aux officiers tant civils que militaires, Acadiens et Canadiens, et à leurs familles. « 17° Au décret du 22, relatif à l’acquisition à faire par les administrateurs du département de l’Ariège, de la maison de l’Abbaye de Sain t-Volusien, pour y placer tant le directoire de l’administration du département, que le tribunal du district. « 18° Au décret du même jour, concernant les personnes qui, étant dans les cas prévus par la loi du 23 août dernier, pour des services rendus à l’Etat antérieurement à l’époque du 1er janvier 1790, n’auraient pas été récompensées, et celles qui prétendraient avoir droit à des pensions et gratifications, pour des actions faites postérieurement à cette époque. « 19° Et enfin au décret du 23, relatif à l’envoi de trois commissaires dans le département du Gard et dans Jes départements voisins, pour y rétablir l’ordre et la tranquillité publique. « Le ministre de la justice transmet à M. le Président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction du roi. » « Signé : M.-L.-F. Duport. « Paris, le 5 mars 1791. » M. Auvynet, qui avait obtenu un congé, annonce àl’Assetnblée qu’il est de retour et qu’il vient reprendre ses fonctions. M. Verny, député du département de l’Hérault, demande un congé de 2 mois pour raisons de santé. (Ce congé est accordé.) M. le Président fait lecture d’une lettre de M. Bailly, maire de Paris , qui informel’Assemblée que la municipalité a fait, le 7 de ce mois, l’adjudication de 3 maisons nationales situées : la première, rue Cassette, louée 2,800 livres, estimée 39,600 livres, adjugée 52,800 livres; la deuxième, rue de la Verrerie, louée 2,400 livres, estimée 30,187 iivres, adjugée 54,100 livres; la troisième, rue de la Tonnellerie, louée 12,000 livres, estimée 180,700 livres, adjugée 273,000 livres. M. d’André. Je demande à l’Assemblée la permission de lui faire une proposition q e je crois importante dans les circonstances actuelles. Vous avez décrété, le 26 de ce mois, que le tribunal institué pour connaître des crimes de lèse-nation , serait séant à Orléans. 11 est important, sous plusieurs rapports, qu’à l’époque du rassemblement de ce tribunal, les prisonniers pour crime de lèse-nation se trouvent rendus dans les prisons d’Orléans, afin que, lorsque les juges seront rassemblés, ils puissent s’occuper du travail important dont ils sont chargés. Mais, Messieurs, il y a un autre point de vue sous lequel la proposition que j’ai l’honneur de vous faire est extrêmement importante. Les prisons de Paris sont remplies de prisonniers; déjà [9 mars 1791.] peut-être, par une mesure inconsidérée, vous avez ordonné ou vous avez permis que le donjon de Vincennes soit arrangé pour y renfermer des prisonniers. Cette disposition a une foule d’inconvénients que je pourrais détailler, mais dont je ne vous rapporterai que deux. Le premier, c’est une dépense énorme; le second, c’est la difficulté de faire aller les prisonniers, pour être entendus, dans les tribunaux de Paris qui doivent connaître de leurs affaires. D’après toutes ces considérations et surtout d’après la nécessité qu’il y a que la nation sache qu’on s’occupe efficacement de juger les gens qui se permettent de troubler le repos public, je demande que l’Assemblée nationale décrète qu’il sera pris les précautions les plus promptes et les plus sûres pour que les prisonniers détenus dans la prison de l’Abbaye, pour crime de lèse-nation, soient transférés incessamment à Orléans. (Applaudissements.) M. lie Chapelier. En reconnaissant la nécessité de la mesure que propose M. d’André, je demande d’abord que M. le Président soit chargé de se retirer par devers le roi, comme l’a dit M. d’André, pour le prier de se faire donner les instructions les plus promptes pour savoir si le local destiné à recevoir les prisonniers à Orléans, est dans un état si sûr, que la tranquillité publique ne puisse pas être troublée ; secondement, qu’on les transfère dans cet endroit par les voies les plus sûres. Je m’arrête un instant sur un objet que M. d’André n’a fait qu’effleurer et qui me paraît digne de toute votre attention : je veux parler du donjon de Vincennes. Un matin, le comité des domaines, pressé par la municipalité de Paris, vous proposa d’autoriser celle-ci à réparer ce donjon qu’on aurait dû détruire. Cette dépense qui vous a été proposée sous le prétexte spéc eux qu’il n’y avait pas assez de local à Paris pour loger les prisonniers, paraîtra futile au moins, pour ne pas dire davantage ; il faut donc l’arrêter. Je demande, en conséquence, qu’il soit décrété que dès aujourd’hui on ne fera plus aucune dépense au donjon de Vincennes et qu’il ne servira plus à rien, parce qu’il ne doit servir à rien et qu’on doit anéantir et non réparer ce monument du despotisme. ( Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.) M. Briois-Beaumetz. J’appuie les propositions qui viennent de vous être faites, et je m’étonne avec les préopinants, que l’on soit parvenu à entraîner l’Assemblée dans une mesure qui me parait à la fois contraire à l’économie et aux principes de la liberté dont nous devons toujours être animés. Je ne crains pas de dire qu’il est honteux de laisser subsister plus longtemps, à la vue de cette capitale, une forteresse qui n’était, pour me servir d’une expression commune, qu'un nid à tyrans. ( Applaudissements .) S’il était prouvé que nous n’eussions pas d’autres moyens de pourvoir à la sûreté des prisonniers qui sont accusés de crimes de lèse-nation, s’il était démont é qu’aucun autre endroit de cette capitale ne pût également assurer leur sauvegarde, je crois alors qu’il faudrait sacrifier quelque chose à la nécessité publique. Mais s’il est vrai que ce donjon ne peut contenir que 80 prisonniers, je demande pourquoi il faut encore renouveler une espèce ne prison d’Etat dont la vue a si longtemps scandalisé tous