SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N08 18-19 229 dernier article d’un décret porte ces mots : le présent décret ne sera point imprimé; il sera seulement inséré au bulletin, la Convention nationale entend le bulletin des lois ou le bulletin de correspondance, passe à l’ordre du jour motivé sur l’article 1 er de la section lere de la loi du 14 Frimaire (1). Article 1er. Les lois d’intérêt public ou d’exécution générale, dont elle auroit ordonné pour des motifs particuliers la promulgation par la voie du bulletin de correspondance, seront néanmoins imprimées dans le bulletin des lois. Art. II. Aucun décret dont l’objet sera individuel ou local ne sera imprimé dans le bulletin des lois, à moins que la Convention n’en ordonnât autrement. Art. III. Les lois qui auront pour objet un intérêt public ou qui seront d’une exécution générale porteront cette disposition : Le présent décret sera imprimé dans le bulletin des lois. Les décrets qui n’auront pour objet qu’un intérêt local ou individuel porteront cette disposition : Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance. Art. IV. Le rapport qui a précédé le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (2). 18 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Pons (de Verdun), au nom de] son comité de législation sur la pétition du citoyen Revel, député à la Convention nationale, tendante à obtenir la radiation de son nom de la liste des émigrés du département de l’Eure, sur laquelle il a été inscrit, à raison d’une propriété qu’il possédoit dans ce département où il n’étoit pas domicilié, Décrète que le nom du citoyen Revel sera rayé de la liste des émigrés du département de l’Eure et que le séquestre apposé sur ses biens sera levé. Le présent décret ne sera pas imprimé; il en sera adressé une expédition manuscrite aux administrateurs du département de l’Eure (3). Le représentant Barailon s’étonne que des administrateurs puissent porter sur la liste des émigrés un représentant du peuple qui, n’ayant point quitté son poste, se trouve sans cesse sous les yeux de ses collègues et de la nation entière. Il pense qu’il ne peut y avoir dans une pareille conduite qu’une malveillance secrète ou une ignorance impardonnable. Il demande que ces administrateurs supportent les frais de la procédure et que désormais on ne puisse plus inscrire sur les listes des émigrés aucun député présent à son poste (4). (1) Voir Arch. Pari. , t. 80, p. 629. (2) P.V., XLIII, 272-273. Rapport de la main de S.E. Mon-nel. Décret n° 10 436. Reproduit au B'n, 30 therm. (3) P.V., XLIII, 273-274. Rapport de la main de Pons (de Verdun). Décret n° 10 431. Moniteur (réimpr.), XXI, 524-525; Débats , n° 696,515. (4) J. Sablier, n° 1505. Mais le rapporteur a observé que l’ignorance seule avoit présidé à [la] délibération, et l’affaire en est restée là (1). 19 BARÈRE, au nom du comité de salut public : Citoyens, des 4 places livrées par la trahison à l’Autriche, la seconde vient de rentrer au pouvoir de la République. (On applaudit). Nous avons annoncé il y a quelques jours la reprise de Landrecies; aujourd’hui le comité vous annonce la reprise du Quesnoy. ( Nouveaux applaudissements). Les relations extérieures et les gazettes britanniques portent, parmi les étranges projets de paix projetés par les tyrans coalisés ou leurs émissaires dans les pays neutres, que les coalisés pourraient bien, dans ce cas, restituer les 4 places prises dans le Nord. Cette diplomatie ne vaut pas celle de nos armées. Les 2 premiers articles de paix sont effacés à coups de canon par les républicains (on applaudit) et dans peu le surplus du traité, quant à la restitution des 4 places, deviendra inutile. La garnison autrichienne, forte de 3 000 esclaves, a mis bas les armes et s’est rendue à discrétion. Les républicains occupent la ville et assurent à la France la possession de 119 canons autrichiens et hollandais. Nous y avons trouvé 200 fusils de rempart, 50 milliers de poudre de guerre, des fers coulés, des outils à pionniers, des cartouches à fusil et à boulet, des armements et autres approvisionnements dont on n’a pu encore connaître le nombre. On a pris des mesures sévères pour découvrir et faire arrêter les émigrés qui se trouvent dans le Quesnoy, pour les envoyer au tribunal criminel du département, pour y subir la peine prononcée par la loi. On a déjà arrêté 41 émigrés, et la justice nationale va frapper cette partie de l’aristocratie parricide qui infeste les frontières de la République. Jamais armée ne s’est conduite avec plus de courage et d’activité que celle qui a fait le siège du Quesnoy; les pluies presque continuelles avaient inondé la tranchée; eh bien, c’était aux cris de vive la République ! et au son de mille chants guerriers que nos intrépides soldats y travaillaient, malgré une grêle de bombes, d’obus et de boulets qu’ils voyaient pleuvoir sur eux. Aussi justes envers cette armée que vous l’avez été à l’égard des autres armées de la République, vous décréterez sans doute, en récompense de ses travaux et de ses fatigues, qu’elle a bien mérité de la patrie; ce décret retentira à Condé et à Valenciennes et dans quelques jours nous viendrons vous apprendre que le sol de la liberté n’est plus souillé par les esclaves du Nord. (1) J. Perlet, n° 594; J. S. -Culottes , n° 549; J. Fr., n°694; J. Jacquin, n° 749; Gazette fr(se , n° 960; Feuille de la républ. , n° 410. 230 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Voici la lettre officielle : Scherer, général de division, commandant sous Le Quesnoy, aux citoyens représentants composant le c. de salut public. Au quartier général de Beaudignies, le 29 thermidor, l’an 2 e de la République française, une et indivisible. Citoyens représentants, Le Quesnoy est à la République; hier, avant les 4 heures du soir, environ 3 000 hommes, grenadiers, infanterie, cavalerie, artillerie, officiers comme soldats, ont mis bas les armes aux pieds des drapeaux tricolores. Après avoir déposé leurs armes, conformément aux ordres, toute la garnison a été reconduite dans l’ouvrage à cornes de la place, où je la tiens en état d’arrestation jusqu’à ce que vous ayez ordonné de son sort. Les officiers du génie, de l’artillerie, commissaires ordonnateurs et un officier de l’état-major, sont occupés dans ce moment-ci de prendre possession de l’état des munitions de guerre et de bouches à feu, des papiers, effets, argent appartenant à l’empereur; 24 compagnies de grenadiers et 3 bataillons occupent l’ouvrage intérieur et extérieur de la place. L’armée que j’ai l’honneur de commander a témoigné, pendant 20 jours de tranchée ouverte, toute la bravoure, la constance, l’intrépidité qui caractérisent les républicains. Aucun des individus qui la composent ne doit en être excepté; car tandis que l’infanterie, sous un feu terrible d’artillerie, s’approchait jusqu’aux palissades et couronnait le chemin couvert, la cavalerie allait faire des prisonniers sur les glacis de Valenciennes. Si elle a mérité votre approbation, c’est la plus douce satisfaction que vous puissiez lui accorder. S. et F. Signé Scherer (1). Etat des bouches à feu existantes dans la place du Quesnoy, le 28 thermidor, jour de sa reddition. Deux pièces de 3, anglaises, sans affûts; 25 de 4, et 5 de 8, françaises; 11 de 12, autrichiennes; 11 de 12, allemandes; 5 de 16, françaises; 6 de 18, autrichiennes; 12 de 24, idem; 3 de 24, françaises; 8 obusiers de 7 pouces; 3 idem, 4 idem de 8 pouces, français; 8 mortiers de 10 pouces 10 lignes; 4 id. de 30 lignes; 3 id. de 50 lignes; 2 id. de 60 lignes, hollandais et autrichiens; un idem, 10 pouces; 4, de 12 pouces; 4 pierriers de 15 lignes, français. Total, 119 bouches à feu. Nota. Il existe en outre dans cette place 200 fusils de rempart, 3000 idem d’infanterie, 30 milliers de poudre de guerre, des fers coulés, des outils à pionniers, des cartouches à fusils et à boulets, des armemens, attirails, etc. dont on n’a pu encore connoître le nombre. (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 515. Environ la moitié de ces 119 bouches à feu sont autrichiennes et hollandaises et il y en a environ le 6 e qui sont hors de service. Signé Bonnard général de brigade, commandant l’artillerie (1). BARÈRE : Voilà les seuls détails que nous puissions vous donner dans ce moment; lorsque les 4 places de la frontière du Nord seront restituées à la République par le courage des armées, nous ferons connaître toute les circonstances qui ont précédé et accompagné le châtiment militaire des esclaves des tyrans; nous ferons bientôt un rapport général sur Landre-cies, Le Quesnoy, Condé et Valenciennes et la Convention connaîtra tous les faits relatifs à cette partie militaire. Nous saisissons cette occasion pour vous parler d’un établissement nouveau fait sous les auspices de la Convention nationale, d’une machine par le moyen de laquelle la nouvelle de la reprise du Quesnoy a été portée à Paris, il y a 2 jours, une heure après que la garnison y est entrée. Un moyen ingénieux, inventé pour transmettre la pensée par un langage particulier, qui se répète de proche en proche à des machines distantes l’une de l’autre de 4 à 5 lieues, et qui arrive en quelques minutes à des distances très éloignées, fait honneur aux lumières de ce siècle et son exécution est votre ouvrage. L’essai de cette invention s’est fait l’année dernière en présence des commissaires nommés par la Convention. Sur le rapport avantageux qu’ils en firent, le comité mit tous ses soins à établir par ce procédé une communication entre Paris et les places de la frontière du Nord, en commençant par la place de Lille. Près d’une année a été employée à réunir les instruments nécessaires à former les établissements des machines, à apprendre aux hommes les manœuvres nécessaires à ce service. Aujourd’hui ce service est tellement monté qu’on peut écrire à Lille toute correspondance sur toute espèce d’objets, exprimer quelque chose que ce soit, même les noms propres, et en recevoir la réponse et recommencer plusieurs fois par jour. Ces machines qui sont de l’invention du citoyen Chappe ont été exécutées sous ses regards; c’est lui qui en conduit la manœuvre à Paris; elles ont l’avantage de résister au mouvement de l’atmosphère et à l’intempérie des saisons, et il n’y a d’interruption que dans les moments d’un très mauvais temps qui dérobe la vue des objets et des signes. On conçoit quels avantages généraux peuvent résulter de machines de ce genre pour établir des communications faciles entre les parties les plus éloignées de la République. Par cette invention les distances des lieux s’évanouissent en quelque sorte; toutes les communications de correspondance se font avec la rapidité de la vue et l’on conçoit combien les opérations du gouvernement peuvent en recevoir de facilités. C’est un moyen qui tend à (1) Bin, 30 therm. SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N08 20-22 231 consolider l’unité de la République par la liaison intime et subite qu’il donne à toutes ses parties. Le plus grand avantage que l’on retire de cette correspondance, c’est que, lorsqu’on le désire, elle n’est connue que des deux extrémités; en sorte qu’aujourd’hui le comité de salut public peut correspondre avec le représentant du peuple qui est à Lille sans que personne en connaisse l’objet; d’où il résulte que, dans un cas de siège, nous saurions tout ce qui se passerait à Lille et nous pourrions transmettre les décrets de la Convention sans que les ennemis pussent les connaître et s’y opposer. Les peuples modernes, par l’imprimerie, par la poudre, par la boussole et par la langue des signes télégraphiques, ont fait évanouir les plus grands obstacles qui s’opposaient à la civilisation des hommes et à leur réunion en grandes républiques. C’est ainsi que les sciences et les arts servent la liberté. Nous avons cru devoir tracer aujourd’hui quelques lignes sur cette machine télégraphique; malgré les lumières qui caractérisent la fin du XVIIIe siècle, les inventions modernes ne sont pas à l’abri des accusations ridicules dont les grandes conceptions du génie ont été frappées dans d’autres siècles. C’est aux législateurs à faire cesser les clameurs de l’ignorance ou les inquiétudes de la curiosité; c’est à la Convention nationale à encourager les arts et les sciences; elle a toujours regardé comme les bienfaiteurs de la patrie les citoyens qui contribuent à étendre les connaissances ou à utiliser tous les résultats des sciences. La récompense de cette invention pour les auteurs est dans la mention que j’en fais à cette tribune, comme la plus douce récompense de l’armée qui a fait le siège du Quesnoy est dans le décret que le comité vous propose. (1) : La Convention décrète que les troupes qui ont fait le siège du Quesnoy ont bien mérité de la patrie (2). [L’assemblée se lève pour approuver le décret, d’un mouvement unanime. Le rapport est accueilli par les plus vifs applaudissements et les cris de vive la France /] 20 Le représentant du peuple CHARLIER déclare que sa santé ne lui permet pas de suivre les travaux de la commission à laquelle il a été nommé pour la levée des scellés et l’examen des papiers de Robespierre et ses complices; il donne sa démis-(1) Moniteur (réimpr.), XXI, 515-516; Débats, n° 696, 517-519, n° 697; J. Sablier, nos 1505, 1507; M.U., XLIII, 16, 25-28; J. Pans, nos 595, 596; J. univ., nos 1728, 1729; J. Mont., n°110; Audit, nat., n° 693; Ann. R.F., nos 258, 260; Rép. , n° 241; C. Eg. , n° 729; J. Fr., n° 692; Ann. patr., n° DXCIV; F. de la Républ., n° 409; Gazette fr(se ., n° 960; J. Perlet, nos 694, 695; J.S. -Culottes , n° 549; J. Jacquin, n°749. (2) P.V., XLIII, 274. Rapport de Barère. Décret n° 10 432. Reproduit dans B‘n, 30 therm. sion. La Convention nationale l’accepte et nomme, pour le remplacer dans lesdites fonctions, le représentant du peuple Courtois (de l’Aube) (1). 21 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Pons (de Verdun), au nom de] ses comités de législation et de sûreté générale, sur la pétition du citoyen André de Vouges, tendante à obtenir la radiation de son nom de la liste des émigrés du département de Saône-et-Loire, sur laquelle il a été inscrit pour n’avoir pas envoyé de certificat de résidence à la commune de Châlons, à raison d’une maison qui n’étoit pas sa propriété mais celle de l’administration des messageries, Décrète que le nom du citoyen André de Vouges sera rayé de la liste des émigrés du département de Saône-et-Loire, qu’il sera mis en liberté sur l’expédition du présent décret et que le séquestre apposé sur ses biens sera levé. Le présent décret ne sera point imprimé; il en sera adressé une expédition manuscrite à l’administration du département de Saône-et-Loire (2). 22 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public, nomme les citoyens Laignelot, Guyardin et Dornier représentans du peuple près l’Armée de l’Ouest, et le citoyen Dumas général en chef de la même armée (3). (1) P.V., XLIII, 274. Rapport attribué à Charlier dans C* II 20, p. 257. Décret n° 10 447. Moniteur (réimpr.), XXI, 525; Débats, n° 696, 517; J. Fr., n° 692; Ann. R.F., n° 259; J. Perlet, n° 694; J. Mont., n° 110; F. de la Républ., n°410; J. Sablier, n° 1507. Tous les journaux placent le décret ci-dessus à la suite de celui du n° 29. (2) P.V., XLIII, 274. Rapport de la main de Pons (de Verdun). Décret n° 10 430. Moniteur (réimpr.), XXI, 524; Débats, n° 696, 516; J. Sablier, n° 1505; M.U., n° XLIII, 42. (3)P. V. , XLIII, 275. Rapport attribué à Barère dans C* II, 20 p. 256. Décret n° 10 435. Reproduit au B'n , 30 therm.; Moniteur (réimpr.), XXI, 516; Débats, n° 696, 520; M.U., XLIII, 30; J. Paris, n° 595; F. de la Républ., n° 409; J. Fr., n° 692; Rép., n°241; J. Sablier, n° 1505; Audit, nat., n° 693; Ann. R.F., n° 260; J. Jacquin, n° 749. Le bulletin et tous les journaux placent ce décret à la suite du rapport de Barère (ci-dessus, n° 19).