§94 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 avril 1790.] rêt, avec prime ou avec chance, alimentera l’agiotage, sera ruineux pour le commerce qu’il achèvera de détruire, et perdra lui-même de sa valeur réelle. Nous avons une grande preuve de cette vérité, dans le sort qu’éprouvent les assignats créés au mois de décembre de l’année dernière, dans l’intention de rembourser la Caisse d’escompte, puisque, quoi qu’on les ait enrichis, d’un intérêt de 5 0/0 et que plusieurs districts aient fait leurs soumissions pour en acheter argent comptant, dans la vue bienfaisante de mettre cette caisse en état de payer à bureau ouvert au mois de juillet, on n’a pu les garantir du discrédit, et leur sauver le malheur de perdre sur la place (1) : ceci est une grande leçon et qui doit corriger entièrement de l’envie d’en créer de nouveau. Nous le répétons, le papier-monnaie qu’il nous faut créer, doit l’être absolument sans intérêt quelconque, car il n’est pas difficile de remarquer les mauvais effets d’une méfiance générale, ainsi que l’intention formée par .tous les capitalistes de retirer à eux tous les fonds qu’ils pourront : Alors si l’on crée un papier qui porte intérêt, ayant retiré des mains des commerçants, entrepreneurs et manufacturiers, la plus grande partie de leurs fonds, ils les replaceront en papiers municipaux, gagnant 5 0/0; et comme elle ne l’est déjà que trop et depuis trop longtemps, la France sera encore inondée de rentiers. Eh ! qui ne sait le mal que fait à un Etat leur trop grand nombre! Qu’on ne nous dise pas qu’assurés de leur sort, ils se livrent aisément à des dépenses que leur permettrait de faire le surplus de leur subsistance; c’est le contraire: la plus grande partie des rentiers qui ont lésiné pour amasser le capital uu revenu avec lequel ils subsistent, lésinent et économisent encore en le dépensant, n’achètent que, le moins possible, ne font travailler que le moins possible, enfin se retranchent surtout. Ceci est si vrai que c’est dans la classe des marchands, entrepreneurs, etc. , qu’il se fait le plus souvent des petites dépenses, qu’on appelle dépenses courantes et de consommation. Nous aurions beaucoup d’autres choses essentielles à dire contre l’admission d’un papier-monnaie à intérêt, mais nous pensons en avoir dit assez pour mettre sur la voie des réflexions toute personne que l’esprit de parti, de système et d’agiotage n’aveugle pas. L’argent étant devenu d’une si grande rareté, qu’on ne peut qu’avec peine et en l’achetant fort cher, s’en procurer, même pour les besoins ordinaires de la vie et pour les paiements ordinaires à faire aux ouvriers. Pour remplir cet objet, il serait nécessaire, en créant le papier-monnaie que nous demandons, de faire des billets de petites sommes, qui pussent se rapprocher de ces utiles et indispensables besoins, sans quoi ce ne serait pas venir eflicacement au secours des classes les moins (1) Qui ignore que la classe dangereuse des agioteurs a établi une espèce d’empire despotique, dont le siège est à la Bourse ue Paris ; que les maîtres de toutes les opérations qu’ils concertent entre eux avant d’y entrer, font perdre ou gagner à leur gré le papier de l’Etat ? et ce jeu illicite est quelquefois poussé à un tel point, que le particulier confiant, qui a ciu placer avantageusement son argent, achetant de tel ou tel papier, est tout étonné de perdre gros dessus, du jour au lendemain ? Nous fai'ons des vœux sincères pour que l’Assemblée nationale, ferme dans ses principes, daigne nous délivrer de ce gouffre d’usure plus dangereux pour nous, que ne l’étaitpour la Sicile, ceux de Gharybe et de Syl-la. fortunées des citoyens, de celles qui, sans contredit, dans les circonstances présentes, sont, à nos yeux, les plus intéressantes ; il faudrait donc faire pour elles un papier qui fût tellement divisé, qu’il pût leur servir de remplacement de l’argent et se rapprocher de tous leurs besoins journaliers. Ce papier-monnaie serait créé en somme suffisante pour rembourser tous les objets souffrants susceptibles de l’être, et divisé en somme de 1,000 livres, 300 livres, 100 livres et 2,5 livres ; il servirait à solder tous les comptes, tels forts qu’ils fussent, sans difficulté; par le moyen de la monnaie d’argent et de celle de billon, on parviendrait, comme à présent, à faire les plus petits appoints. � Il serait hypothéqué sur le produit de la vente des biens du domaine et du clergé; de cette manière il n’y aurait aucune inquiétude à concevoir sur sa solidité, puisque la somme des biens du domaine et du clergé, sur laquelle il reposerait, est de beaucoup supérieure à la sienne; qued’ail-leurs f Etat le recevant en paiement dans toutes ses caisses, en établirait rapidement la circulation, et Je ferait promptement jouir d’une grande contiance fl). M. Poncet d’Elpech, député de Montauban , donne lecture à l’Assemblée d’une adresse de la milice nationale de Montauban, à laquelle est jointe la copie d’un acte d’association, par lequel les bas-officiers et les soldats du régiment de Languedoc, infanterie, en garnison à 'ontauban, se sont unis à la milice nationale de Montauban sous la foi d’un serment devenu réciproque, d' être soumis irrévocablement aux décrets de l Assemblée nationale sanctionnés par le roi, d'en maintenir l exécution de tout leur pouvoir , et de la forcer même, à la première réquisition de la municipalité. Cette adresse, remplie des sentiments du plus pur patriotisme, obtient de grauds applaudissements. M. Roussillon propose que M. le président soit chargé d’écrire au régiment de Languedoc et à la milice nationale de Mumanban, pour donner à ces deux corps un témoignage authentique de la satisfaction de l’Assemblée. M. Faydel, député de Cahors, observe: 1° que la milice nationale de Montauban ayant voulu étendre celte confédération patriotique jusqu'à la milice nationale de Toulouse et des villes voisines, eu avait fait imprimer des exemplaires, et avait envoyé directement cette adresse d’association à la milice nationale de Toulouse en particulier; 2° que cette dernière n’avait pas cru devoir l’accepter; 3° que le conseil municipal de Montauban, qui n’avait pas été prévenu de cet envoi avant qu’il eût été fait par la milice nationale de la ville, avait désapprouvé cette démarche, et l’avait annulée par une ordonnance de police. — Il conclut en disant qu'il n’y a pas lieu à ce que le président écrive la lettre proposée. (1) On a bien eu pendant longtemps une entière confiance dans le papier de la Caisse d’escompte, quoi que la solidité n’en fût assurée que sur le crédit de quelques particuliers: à plus forte raison en aurait-on dans un papier garanti par la nation entière, créé par la nu lion pour payer une grande partie des individus qui la composent, et assuré sur les rentrées provenant d’une vente continuelle et avantageuse d’excellents biens. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 18 avril 1790.] 59a M. Charles de Cameth. L’Assemblée doit témoigner sa satisfaction à une adresse qui porte le plus précieux caractère. Si, comme on vient de l’avancer, la municipalité a désapprouvé cet acte de patriotisme, je demande que les pièces qui en font foi soient remises au comité des recherches pour que, sur le rapport qui en sera fait à l’Assemblée, cette coupable municipalité soit renvoyée au Châtelet. Je crois cependant que ceux qui viennent de montrer une inquiétude si patriotique, ne peuvent pas s’empêcher de prouver le fait. M. de Caehèze. J’atteste le fait et j’offre de le prouver. M. de Cazalès. Il est facile de produire les pièces propres à constater l’existence de cette ordonnance du conseil municipal; mais les faits ont besoin d’être expliqués. L’association formée entre la milice nationale de Montauban et le régiment de Languedoc n’a éprouvé aucune opposition de la part de la municipalité ; mais la milice nationale de la ville ayant voulu étendre cette espèce de confédération jusqu’aux milices nationales de Toulouse et des villes voisines, celle de Toulouse s’y est refusée ; c’est a'ors que le conseil municipal de Montauban a réprouvé cet acte comme contraire à l’esprit de subordination établi par les décrets de l’Assemblée nationale, entre les milices nationales et les municipalités. Je conclus et je pense que l’Assemblée doit passer à l’ordre du jour sans se livrer à une discussion plus étendue sur cet objet. M. E