[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 octobre 1790.] 429 conformément auxdits décrets entre les départements et les districts qui formaient autrefois les provinces soumises à ces droits. » M. Dupont lit l’article 2 en ces termes : « Art. 2. D’après cette première répartition, la population des villes indiquant en chaque département la somme de la contribution à laquelle elles devront être soumises, cette somme sera distraite de la contribution générale, pour être imposée en chaque ville, ainsi qu’il sera décrété par l’Assemblée nationale, sur le vu de l’avis du directoire de département, qui sera tenu de demander l’opinion du directoire du district, et par celui-ci le vœu de la municipalité, conformément au décret du 22 mars. « Le surplus sera imposé, dans les campagnes, au marc la livre des impositions ordinaires, et du premier cahier des vingtièmes. » M. Gaultier de Biauzat;. Le mode que nous propose le rapporteur ne peut être suivi dans les pays abonnés pour le prix du sel et les vingtièmes ; je ferai remarquer encore que dans d’autres provinces l’exécution de cet article serait très diflicile et très lente ; enfin, il pourrait arriver que les campagnes qu’on veut soulager se trouvassent plus grevées. M. Dubois-Crancé. Les observations qui viennent de vous être présentées sont très importantes. Je demande que l’article 2 et les suivants soient ajournés à demain avec invitation au rapporteur de produire un mode différent de répartition. (Cette proposition est mise aux voix et adoptée.) (La séance est levée à deux heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du lundi 4 octobre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Bouche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Gaultier de Biauzat. Le procès-verbal a inséré le 2e alinéa de l’article 1er du décret sur le remplacement de la gabelle, sans ajouter que cet alinéa n’a pas été adopté par l’Assemblée. Je demande que la rédaction du procès-verbal soit modifiée de manière à ce qu’il ne puisse subsister aucun doute. (L’Assemblée ordonne la modification demandée.) M. Treilhard observe que l’Assemblée a mis à l’ordre du jour, pour la séance du mardi au soir, un rapport sur la liquidation de la caisse d’escompte, elle a par là retardé sa délibération sur le troisième titre des articles proposés sur le traitement à accorder aux religieux et religieuses et aux chanoinesses; il demande que cette discussion soit remise à une séance extraordinaire. L’Assemblée décrète qu’il y aura ce soir une séance extraordinaire pour cet objet. M. le Président fait donner lecture de la lettre suivante de M. de La Luzerne, ministre de la marine : « J’ose représenter à l’Assemblée nationale combien il est urgent qu’elle se fasse rendre compte de la lettre que j’ai eu l’honneur de vous adresser le 1er de ce mois, et surtout des pièces qui y étaient jointes. Je reçois de Brest des dépêches, en date du 29 septembre, qui annoncent que, malgré la prudence et les soins des chefs, des officiers militaires, des commissaires civils envoyés par le roi, la fermentation des équipages ne se calme point. Je vous transmets copie d’une lettre de M. d’Hector, relative au départ du vaisseau la Ferme, qui a mis enfin à la voile. J’ose supplier l’Assemblée nationale de donner quelque attention au zèle, à la fermeté, à la sagesse de M. Rivière, capitaine, et de M. Duclesmeur, lieutenant de vaisseau, au soulèvement des matelots lorsqu’ils ont reçu ordre d’appareiller, à leur résipiscence postérieure, à l’aveu qu’ils ont fait spontanément que d’autres équipages les avaient travaillés à terre. On se hâte de congédier celui du Léopard , conformément au décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi ; mais je trahirais mon devoir, en en rendant pas compte d’un fait singulier dont m’instruit le commandant de la marine. II m’annonce qu’on distribue à chacun des hommes licenciés une espèce de certificat, ou plutôt de lettres patentes, qu’on qualifie de diplôme, et il me fait passer copie d’une de ces pièces que je transcris. Extrait des registres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. « Au nom de la nation, de la loi, du roi et de « la partie française de Saint-Domingue, aux mu-« nicipalités, à tous les bous Français et particu-« lièrement à tous les habitants de cette con-« trée : « Soit connu que le généreux citoyen Pierre « Richeux, de Saint-Malo, matelot à 21 liv., est « un de ceux à qui la nation est redevable du « salut de la partie française de Saint-Domingue. « Le porteur du présent diplôme doit s’attendre « à trouver dans les municipalités et particuliè-* rement chez tous les habitants de la partie « française de Saint-Domingue, les secours en « tous genres que son patriotisme peut se pro-« mettre de la reconnaissance des bons Français « et de la recommandation de l’assemblée géné-« raie. « Délivré par l’assemblée générale de la parti tie française de Saint-Domingue, en exécution « de son décret du 27 août dernier, à bord du « vaisseau le Léopard , surnommé le Sauveur des « Français ; le 2 septembre 1790, par les 43 de-« grés 31 minutes de latitude nord et les 30 de-« grés 31 minutes de longitude. D’Augy, pré-« sident\ BOURGET, vice-président ; DEN1X et « Deaubonneau. Pour copie, signé : d’HECTOR. » « 11 paraît de plus, parla lettre de M. d’Hector, qu’il a été ou qu’il va être frappé une médaille, dont il me ne donne point la description, et que chacun de ces marins s’attend à la recevoir. ■ « Je ne puis prévoir quel effet produiront ces diplômes et ces médailles dans les divers quartiers où 480 hommes de mer vont se disperser. Il m’a paru, par cette raison, indispensable de vous (1) Cette seance est incomplète au Moniteur. 480 [Assemblée nationale. [ ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [4 octobre 1790*} communiquer ce qui m’est mandé. L’Assemblée nationale pèsera dans sa sagesse s’il ne convient pas d’en faire prévenir les municipalités et autres corps administratifs, ou de rendre elle-même un décret pour s’opposer, autant qu’il est possible, à la contagion de l’effervescence et du trouble qu’on veut éloigner de Brest, et qui se répandra peut-être subitement, par ces moyens bizarres, dans beaucoup de parties du royaume. » M. Dupont (de Nemours). Il est clair que l’As-semble générale de Saint-Domingue se constitue en Assemblée nationale et usurpe tous les pouvoirs. M. d’AurilIac. Les faits qu’on nous dénonce doivent être promptement réprimés. Je demande le renvoi au comité colonial de tout ce qui est relatif aux colonies et au comité de marine de tout ce qui concerne la marine. M. l’abbé Gouttes. Il ne suffit pas de réprimer les actes délictueux, il faut les prévenir toutes les fois que cela est possible. Je propose de charger M. le Président d’écrire à la municipalité de Brest alin qu’elle prenne les mesures nécessaires pour empêcher toute distribution de médailles. (Ce s propositions sont adoptées.) Un de MM. les secrétaires annonce qu’il a été déposé ce matin sur le bureau une pétition des mariniers, qui demandent la suppression de certains droits exigés au passage de certains ponts et pertuis de la Seine. Cette pétition est renvoyée au comité féodal. M. l’abbé Jallet, député du département des Deux-Sèvres, demande un congé de sept semaines, pour raison de santé. M. de Choiseul-d’Ailleeourt, député de la Haute-Marne, sollicite la permission de s’absenter pour un mois. M. l’abbé Flachat, député du département de Rhône-et-Loire, demande un congé de six semaines pour motif de santé. Ces congés sont accordés. M. le Président. Le comité de Constitution demande à faire un rapport sur des pétitions du district de Pau relatives à la fixation du chef-lieu du département des Basses-Pyrénées. M. Gassin, rapporteur . Des discussions se sont élevées entre les villes de Pau et celle de Navar-reins, département des Basses-Pyrénées, pour la fixation du siège d’administration. La petite ville de Navarreins est peuplée tout au plus de mille habitants; elle a pour tous établissements publics un château fort, un arsenal et un hospice de capucins; l’on n’y trouve ni poste, ni messageries, ni imprimerie. La ville de Pau, au contraire, est peuplée de quinze ou dix-huit mille âmes; elle a plusieurs édifices et établissements publics. Malgré tous ces avantages qui semblaient devoir fixer à Pau l’administration, Navarreins a sollicité la préférence, et elle lui a été accordée. Cette décision contrarie ouvertement les principes. Je les ai tant de fois invoqués sur cette matière, qu’il est inutile de les rappeler ; ce n’est pas dans des lieux comme Navarreins qu’il faut reléguer, ou plutôt exiler une assemblée administrative; on ne peut point, sans de grands inconvénients, l’isoler des regards des hommes, regards nécessaires à des dépositaires de fonctions publiques, ou pour soutenir leur émulation, ou pour surveiller leur zèle dans une carrière aussi délicate. Eloigner les administrateurs des grands théâtres, c’est les exposer au découragement et aux abus d’autori té ; il n’y a pas d’opinion publique dans les petites villes, ou s’il en existe, elle est petite comme son centre; elle restreint l’intelligence et les lumières; elle anéantit le patriotisme et le courage. On ne peut point, sans violer nos principes, la raison, ne pas fixer le siège de l’administration à Pau, dans le lieu de la naissance de Henri IV, qui sera encore le domaine de Louis XVI; la nation et le roi l’ont ainsi voulu : et c’est ainsi que l’amour du peuple réunit les bons rois, malgré l’intervalle et des temps et des lieux ; le libérateur de la nation française est présenta Pau par l’affection des habitants, comme Henri IV l’est à tous les Français par le souvenir. Voici le projet de décret que le comité de Constitution vous propose : « L’Assemblée nationale décrète : 1° que la ville de Pau est le chef-lieu de l’admioistration du département des Basses-Pyrénées ; 2° que les administrateurs élus seront tenus de s’y rendre aux termes et délais prescrits par la loi ; 3° fait défense aux électeurs de donner aucune suite aux arrêtés par eux pris, et leur enjoint de se conformer au décret sanctionné par le roi. » M. Pémartln. Le projet de décret qui vous est proposé est trop sévère pour être juste. L’Assemblée nationale doit tenir compte de l’importance de la ville de Pau, mais elle doit aussi prendre en sérieuse considération le vœu manifesté par les électeurs du département qui sont les premiers intéressés dans la question. Je proposé l’alternat entre Navarreins et Pau. (On crie : Aux voix ! aux voix !') M. d’Arraing. L’Assemblée paraît impatiente et semble déterminée à adopter le projet du comité malgré les réclamations des députés qui veulent parler contre. Je me borne donc à demander que le provisoire accordé à Navarreins par le décret du 17 février soit prorogé jusqu’à la prochaine assemblée des électeurs du département qui doit avoir lieu pour la nomination des députés au Corps législatif; laquelle assemblée sera tenue d’émettre de nouveau son vœu pour le choix du chef-lieu du département des Basses-Pyrénées. (Les deux amendements sont rejetés par la question préalable.) M. Gaultier de Biàuzat. Je vote pour que l’on improuve l’arrêté pris par les électeurs pour régler le nombre des administrateurs à prendre dans chaque district et pour que néanmoins les nominations déjà faites soient maintenues. (On demande de nouveau à aller aux voix.) Le projet de décret est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète : « 1° Que la ville de Pau est le siège de l’administration du département des Basses-Pyrénées; 2° Que les administrateurs élus par l’assemblée électorale seront tenus de s’y réunir à l’époque fixée par la loi ; elle lui fait défenses, et à toutes personnes, de donner ultérieurement aucune suite aux arrêtés par elle pris relativement à l’indem-