756 [5 février 1791.] {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. Cossin, rapporteur. J’accepte le renvoi. (Le renvoi aux comités des finances et de jucli-cature est ordonné.) L’ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés. M. Duport, rapporteur. Messieurs, vous avez renvoyé hier à votre comité l’ancien article 28 qui est devenu le 27® du Titre VIII, par suite du retranchement de l’article 18 du projet primitif. Cet article était ainsi conçu : « Art. 27. Lorsqu’un accusé aura été acquitté, il pourra présenter requête pour obtenir de la société une indemnité, sur laquelle requête il sera statué par le tribunal criminel. » Nous vous proposons d’y ajouter la disposition suivante : « Mais, lorsqu’il n’y a ni dénonciateur, ni partie civile, ou lorsqu’ils sont insolvables, il doit présenter requête pour obtenir de la société une indemnité. « M. Croupil-Préfeln . Cette disposition exige un amendement indispensable dans tous les cas où l’accusateur ou le dénonciateur succombent. Il faut distinguer si l’accusateur a été méchant, pervers : alors il doit être puni. Je demande donc que, dans l’article, il soit ajouté ces mots : « Tontes les fois qu’il n’y aura ni partie civile, ni dénonciateur qui doivent les supporter. » M. ftlégnier. Je suis d’avis, Messieurs, que l’article soit amendé de cette manière : « Lorsqu’un accusé aura été acquitté et qu’il ne pourra obtenir de dédommagement ni contre son dénonciateur ni contre la partie civile, il pourra présenter requête pour obtenir une indemnité de la société, sur laquelle requête il sera statué par le tribunal criminel. » M. Prieur. L’article 3 accorde bien la faculté à l’accusé acquitté de présenter sa requête pour demander une indemnité; mais il ne dit pas qu’elle lui sera nécessairement accordée, puis-qu’au contraire il a pour contradicteur l’accusateur public. Quant au dénonciateur et à la partie civile, ils ne se trouvent condamnés à indemnité qu’autant qu’ils ont fait une accusation fausse ; ainsi M. Goupil doit être absolument rassuré sur la crainte qu’il a témoigné sur l’article. M. Martineau. L’avis qui vous est proposé donnera à 83 tribunaux le droit de donner en définitive des mandats sur le Trésor publient même 3 juges sur les 4 auront cette faculté, ce qui peut ne pas être absolument conforme aux principes de la Constitution : je proposerai pour amendement que le tribunal donnera son avis si la requête doit être présentée au Corps législatif; je propose que ce soit le Corps législatif qui statue sur les indemnités qui seront demandées par les accusés acquittés. L’article doit être rédigé dans ces principes en y ajoutant : « Jamais l’accusateur public ne pourra être condamné à des dommages-intérêts à moins qu’il n’y ait lieu à la prise à partie contre lui; lorsque l’accusateur public a été mû par la clameur publique, il n’est rien dû contre lui. » M. I&égnïer. Je crois que l’article proposé par le comité est également conforme à l’humanité et à ia justice, en y joignant l’amendement que j’ai l’honneur de vous proposer, et je ne saurais être de l’avis du préopinant qui soutient que la société, dans aucun cas, ne doit être tenue du dédommagement envers l'infortuné injustement poursuivi, et qui a été absous. C’est déjà un assez grand malheur qu’un innocent puisse être exposé à tous les dangers de la procédure criminelle, sans que son sort puisse encore être aggravé par l’impossibilité de réparer sa ruine. Dans le cas où il n’y aurait ni partie civile, ni dénonciateur, c’est à 1a société à indemniser l’accusé. Elle ne doit pas souffrir qu’un citoyen, assez malheureux pouravoir essuyé les dangers d’une procédure criminelle, soit encore ruiné. C’est dans les cas peu fréquents où un accusé n’aurait aucun moyen de recours contre un individu, où il aurait été évidemment victime des passions et des préventions locales, c’est dans ce cas que la société ne pourrait, sans barbarie, lui refuser un dédommagement. J’insiste pour l’article avec mon amendement. M. Duzot. La première question décidée est celle-ci : La société doit-elle dans tous les cas une indemnité? Si vous introduisez une différence remarquable, vous formez évidemmentun troisième jugement qui devient nécessairement une sorte de flétrissure contre un homme accusé, après même avoir été déclaré innocent. Si vous décrétez que le juge pourra décerner, au nom de la société, une indemnité à l’accusé innocent, vous faites une loi immorale, une loi d’après laquelle tout accusé qui ne recevra pas d’indemnite sera regardé comme inculpé ou comme à demi-ab-sous: ia quotité des indemnités, arbitrairement fixée par le juge, sera le thermomètre de sa réputation. Je demande donc, sur cette première question, que l’Assemblée veuille bien déterminer en général sans parler de la quotité qui peut être fixée par les circonstances. Cette première question décidée, on passera à celle de savoir si un accusé pourra obtenir une indemnité lorsqu’il aura été acquitté. Je porterai alors la parole et démontrerai que la multiplicité des accusés doit détourner d’une pareille disposition. M. Martineau. J’ajoute à ce que vient de dire le préopiuaut queM. Régnier a raisonné d’après une fausse hypothèse, dans les principes de l’ancien régime. On ne verra plus comme autrefois des procès traîner en longueur, des accusés emprisonnés pendant plusieurs années; iis comparaîtront immédiatement après l’accusation devant le juré d’accusation et delà devant le juré de jugement. Les lois ne sont donc plus mauvaises par l’effet de la société; conséquemment on ne peut pas répéter de dommages-intérêts contre elle. Si un innocent est accusé, c’est un malheur pour lui; mais la société ne lui doit point d’indemnité. Le législateur a tout fait, quand il a donné aux accusés les moyens les plus efficaces pour se justifier, quand il a établi un ordre de choses tel, qu’il soit moins difficile à un coupable qu’à un innocent de se soustraire à la peine. M. Lanjuinais. 11 n’est pas démontré que la société qui établit une procédure telle que celle des jurés, doive aucun dédommagement à l’accusé qui a donné les plus grandes preuves de son innocence. M. Martineau est descendu à cet égard dans des détails que je ne répéterai point; mais, Messieurs, ne perdez pas de vue la grande considération que vous a présentée M. Buzot. 11 serait impossible d’accorder des dommages et intérêts à tous les accusés acquittés. Si vous permettez