[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 février 1790.] 71& et vous pourrez établir la proportion entre l’impôt direct et l’impôt indirect; mais si vous faites un remplacement partiel, vous serez hors de mesure, et vous trouverez des mécomptes auxquels il ne vous sera pas facile de remédier. M. le duc de CroS. Ce que dit M. de Gazalès est parfait pour 1791, et serait fort dangereux pour 1790. M. Anson. J’observe, sur l’amendement de M. Duport, que vous avez rendu un décret par lequel vous avez chargé votre comité de faire un plan de remplacement de la gabelle : il s’en est occupé, et il reconnaît la nécessité de vous présenter très promptement son travail. La perception des aides et des droits réunis n’a pas éprouvé le même échec que la gabelle; si vous vous occupiez en ce moment de leur remplacement, vous verriez bientôt que le peuple, pressé de jouir du bienfait qui lui serait offert, ne voudrait plus se soumettre à ces impôts. Vous avez jusqu’à la récolte pour préparer le remplacement des droits d’aides. Je pense donc qu’il faut borner à la gabelle l’amendement de M. Duport. Cet avis est adopté. L’Assemblée ferme la discussion. M. le Président met aux voix le décret tel qu’il résulte de la discussion. Il est adopté en ces termes : DECRET SUR LES FINANCES. L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. 11 sera fait une réduction provisoire de 60 millions sur le montant des dépenses du Trésor public, dont l’état est annexé au présent décret, laquelle réduction aura lieu, à compter du 1er avril prochain. Art. 2. L’Assemblée nationale se réserve de statuer définitivement et en détail sur chacun des articles contenus dans ledit état annexé au présent décret, d’après le compte détaillé qui lui en sera rendu par le comité des finances et ses autres comités; mais de manière que la masse des dépenses ordinaires de l’administration générale ne puisse excéder les bornes prescrites par l'article précédent, et qu’il ne puisse être proposé ni adopté, à cet égard, que des réductions nouvelles. Art. 3. L’Assemblée ordonne que le tableau des besoins de tout genre de l’année 1790, et des fonds destinés au service de ladite année, soit mis incessamment sous ses yeux, par le premier ministre des finances; Art. 4. Que le comité des finances soit tenu de présenter, sous huitaine, à l’Assemblée, le projet de remplacement, pour l’année, de la gabelle. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet de décret proposé par le comité féodal M. Merlin, rapporteur, donne lecture des trois articles suivants : TITRE IL DES DROITS SEIGNEURIAUX SUPPRIMÉS SANS INDEMNITÉ. « Art. 1er. La mainmorte personnelle, réelle ou mixte, ainsi que la servitude d’origine, la servitude personnelle du possesseur d’héritages tenus en mainmorte réelle, celle de corps et de poursuite, les droits de taille, de corvée personnelle, d’échute, de vide-main, le droit prohibitif des aliénations et dispositions à titre de vente, de do-: nations entre-vifs ou testamentaires, et tous les | autres effets de la mainmorte réelle, personnelle ou mixte, qui s’étendaient sur les personnes ou les biens, sont abolis sans indemnité. « Art. 2. Néanmoins tous les fonds, ci-devant as-, sujettis à la mainmorte réelle ou mixte, conti-' nueront d’être assujétis aux autres charges, redevances, tailles ou corvées réelles dont ils | étaient précédemment chargés. : » Art. 3. Lesdits héritages demeureront pareillement assujétis aux droits dont ils pouvaient être tenus en cas de mutation par vente, pourvu néanmoins que lesdits droits ne fussent pas des compositions à la volonté des propriétaires du fief dont ils étaient mouvants, et que lesdits droits n’excédassent point ceux qui ont accoutumé d’être dûs par les héritages non mainmortables, tenus en censive dans la même seigneurie, ou suivant la coutume. » La discussion est ouverte. M. Merlin, rapporteur. Plusieurs difficultés se sont présentées : la première est de savoir précisément quelle a été votre intention, en abolissant la mainmorte réelle. Avez-vous par là affranchi de tous droits et la personne et le fonds du mainmortable? OU bien, en faisant jouir la personne d’une liberté entière, et en effaçant du fonds même les traces de la mainmorte, avez-vous laissé subsister sur ce fonds les droits qui n’ont par eux-mêmes rien de servile? En un mol, la condition du possesseur de fonds mainmortable est-elle aujourd’hui meilleure, que si originairement il lui avait été fait une concession en censive, au lieu d’une concession en mainmorte? Le comité a pensé qu’en abolissant et en affranchissant des droits qui en étaient la suite, tous les fonds mainmortables, vous n’aviez pas touché aux droits qui ne tiennent point à la mainmorte elle-même, et dont les fonds mainmortables partagent le fardeau avec les fonds libres. La seconde difficulté s’est élevée sur l’abolition prononcée des droits représentatifs de la mainmorte. Vous avez décrété l’abolition pure, simple et sans indemnité, de tous les droits qui représentent la mainmorte, et en cela vous n’avez fait que suivre le fil des principes éternels qui assurent à l’homme une liberté toujours inaliénable et que jamais ne peuvent atteindre, ni l’esprit commercial, ni les transactions qu’il produit. Sous ce rapport votre décret est souverainement juste et il n’y a que la cupidité en délire qui puisse le censurer; mais si la justice de ce décret est au-dessus de toute critique relativement aux droits représentatifs de la mainmorte personnelle, il n’en serait pas de même par rapport aux droits représentatifs de la mainmorte réelle, si à cet égard votre décret était entendu à la lettre. (M. Merlin explique ensuite les raisons qui ont détermine le comité. Il dit qu’il n’y a dans les traités qui ont substitué la lenure en censive à la tenure en mainmorte, rien qui ne s’accorde parfaitement avec les principes de la justice ; rien qui ne dérive directement du droit de propriété, rien par conséquent qu’il ne soit dans le devoir, comme dans l’intention de l’Assemblée [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 février 1790.] 746 de maintenir. Sous quel prétexte pourrait-on donc dépouiller le seigneur des droits de cens, et des lods et ventes qui remplacent actuellement, dans ses mains, la mainmorte et les droits qu’elle produisait ?) M. licyris-Desp©nchez,ei>eq'tie de Perpignan, cherche à prouver que la mainmorte ne peut être abolie sans indemnité. M. Tronchet établit une distinction entre les différentes espèces de mainmorte; il compare la tenure en mainmorte réelle à la tenure censuelle et il démontre la justice des articles proposés par le comité. M. Christin. En quoi consiste la mainmorte, même celle qu’on appelle réelle ? Dans l’obligation imposée au cultivateur de vivre éternellement, non seulement dans le même village, mais dans la maison de son père avec ses enfants, ses frères, ses sœurs, ses neveux, ses cousins, sous peine de perdre le droit de disposer des biens qu’il a possédés dans ce village, sous peine encore d’être à jamais exhérédé des portions qui appartiennent à ses parents dans les mêmes biens; ainsi !a liberté naturelle d’aller, de venir, de changer de domicile, liberté que nous avons consacrée dans la déclaration des droits, est proscrite dans les pays de mainmorte. Le citoyen ne cesse d’être frappé par ces coutumes barbares d’une espèce de mort civile; en abolissant ces coutumes injustes et cruelles, l’Assemblée nationale a fait justice et non pas grâce; et on ose lui proposer aujourd’hui de revenir sur son décret, de contredire ses propres principes, et d’effacer de ses arrêtés l’abolition gratuite de la mainmorte réelle, qui n’en est que la conséquence immédiate! cela ne se peut pas. M. le marquis de Bianeourt trouve injuste d’abolir sans indemnité des droits qui dériveut d’une concession de fonds, faite à un très bas prix. Il accuse l’abbé de Mably d’avoir exagéré l’état des mainraortables d’avoir compromis les droits des seigneurs et de n’avoir pas connu par lui-même ce genre d’intérêt, n’ayant pas habité la province dont il parle. M. Muguet de Wautou fait valoir de nouvelles considérations destinées à appuyer les articles proposés par le comité féodal. M. de Robespierre soutient que la mainmorte ne doit son origine qu’à l’oppression et à la violence ; que toutes les présomptious sont contre le seigneur et que c’est à lui à prouver que la concession des terres est la source de la mainmorte ; il propose, par amendement à l’article 2, que les mainmortables soient déchargés, à moins que les seigneurs ne prouvent par titres, que la mainmorte est le fruit de la convention. M. Grelet de Beauregard propose un autre amendement à l’article 3. On demande la question préalable sur les amendements. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements. Les trois articles réunis sont ensuite mis aux voix et adoptés sans modification. M. le Président lève la séance à quatre heures, après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin. ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 26 février 1790. Décrets relatifs a la division du royaume. Du vendredi, 15 janvier 1790. L’Assemblée nationale, sur le rapport du comité de Constitution, après avoir entendu les députés de toutes les provinces du royaume, a décrété que la France sera divisée en quatre-vingt-trois départements : Savoir : Provence, .............. 3 Dauphiné, ............... 3 Franche-Comté, ............ 3 Alsace, ................ 2 Lorraine, trois évêchés et Barrois, .... 4 Champagne, principauté de Sedan, Gari-gnan et Mousson, Philippeville, Marienbourg, Givet et Charlemont, ........... 4 Les deux Flandres, Hainault, Cambresis, Artois, Boulonais, Galaisis, Ardrésis, .... 2 Isle-de-France, Paris, Soissonnais, Beau-voisis, Amiénois, Vexin-Français, ..... 6 Normandieet Perche, ...... .... 5 Bretagne et partie des Marches-Communes. 5 Haut et Bas-Maine, Anjou, Touraine et Sau-murois .................. 4 Poitou et partie des Marches-Communes, . 3 Orléanois, Blaisoiset pays Chartrain, ... 3 Berry, ................ 2 Nivernais, ...... . ........ 1 Bourgogne, Auxerrois et Sénonais, Bresse, Bugey et Valromey, Dombes et pays de Gex, . 4 Lyonnais, Forez et Beaujolais, ...... 1 Bourbonnais, .............. 1 Marche, Dorât, Haut et Bas-Limousin, ... 3 Angoumois, .............. 1 Aunis et Saintonge, .......... 1 Périgord, . . ............ 1 Bordelais, Bazadois, Agénois, Gondomois, . Armagnac, Chalosse, pays de Marsan et Landes, ......... " ........ 4 Quercy, ................ 1 Rouergue, ............... 1 Basques et Béarn, ......... . . 1 Bigore et Quatre-Vallées, ........ 1 Couserans et Foix, ........... 1 Roussillon, ....... . ...... 1 Languedoc, Cominges, Nebousan et Rivière-Verdun, ................. 7 Velay, Haute et Basse-Auvergne, .... 3 Corse, ................. 1 Total des départements. . . 83 TITRE PREMIER. ARTICLES GÉNÉRAUX. Du mardi, 16 février. L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :