SÉANCE DU 7 VENDÉMIAIRE AN III (28 SEPTEMBRE 1794) - N° 41 123 Art. IV. - La commission des Travaux publics nommera, pour chacune de ces communes, un examinateur qui sera chargé de juger des qualités intellectuelles et de l’instruction des candidats sur les sciences mathématiques mentionnées à l’art. H. L’agent national du district y nommera également un citoyen recommandable par la pratique des vertus républicaines, qui sera chargé de juger de la moralité et de la bonne conduite des candidats. Art. V. - Les examens commenceront au plus tard le premier brumaire. La commission des Travaux publics donnera les ordres pour que les examinateurs soient rendus à leur poste à cette époque; elle leur adressera les instructions nécessaires, ainsi qu’aux autorités qui doivent participer à cette mesure. Art. VI. - Tous les jeunes citoyens âgés de seize à vingt ans, autres que ceux qui sont compris dans la première réquisition, pourront se présenter à l’examen. Ceux qui feroient partie de la première réquisition, ou qui seroient attachés à d’autres services publics, ne le pourront qu’autant qu’ils en auront reçu l’autorisation expresse du comité de Salut public. Art. VII. - Nul ne pourra se présenter à l’examen, s’il n’est porteur d’une attestation de la municipalité du lieu de son domicile, qui prouve qu’il a toujours eu une bonne conduite, et qu’il a constamment manifesté l’amour de la liberté et de l’égalité, et la haine des tyrans. Art. VIII. - En arrivant dans la commune où ils doivent être examinés, les candidats se rendront à la municipalité pour y apprendre le lieu et le jour où ils pourront se présenter à l’examen. Art. IX. - L’examen se fera en public et dans le local qui aura été préparé par la municipalité. Art. X. - Les examens seront terminés le 10 brumaire. Art. XI. - Dans les trois premiers jours qui suivront la fin de l’examen, les deux examinateurs rendront compte à la commission des Travaux publics, et en commun, du résultat de l’examen qu’ils auront fait, et dans la forme qui leur aura été prescrite. Art. XII. - D’après les comptes rendus par tous les examinateurs, la commission des Travaux publics déterminera le nombre des élèves de chaque examen à admettre pour compléter les quatre cents pour lesquels les dispositions préparatoires de l’école ont été faites, et de manière que ceux qui, par leur moralité et par leur intelligence, donneront plus d’espérance, y soient compris. Cependant, pour cette admission, la commission ne pourra intervertir l’ordre de mérite dans lequel les candidats auront été présentés par leurs examinateurs respectifs. Art. XIII. - Les élèves appelés par la commission se rendront à Paris avant le 10 frimaire prochain. Ils recevront pour ce voyage le traitement des militaires isolés en route comme canonniers de première classe, conformément au décret du 2 thermidor. Art. XIV. - A compter du jour de leur arrivée, ils jouiront du traitement de 1 200 L par an, pour tout le temps qu’ils resteront à l’école. Dans aucun cas, ce temps ne pourra se prolonger de plus d’un an au-delà des trois années nécessaires aux cours ordinaires des études. Art. XV. - Les élèves, après ce temps d’étude, seront employés aux fonctions d’ingénieurs pour les différens genres de travaux publics, d’après la capacité et l’aptitude qu’ils auront montrées. Ceux qui n’auront pas acquis les connoissances suffisantes, retourneront chez eux, et cesseront de recevoir le traitement. Art. XVI. - Le comité de Salut public est cependant autorisé à tirer de l’école les élèves qui pourroient être employés utilement pour la République, lorsque les besoins du service l’exigeront. Art. XVII. - La commission des Travaux publics, sous l’autorité de laquelle l’école centrale est placée, est chargée de l’exécution de toutes les mesures de détail nécessaires pour achever l’établissement et la parfaite organisation de cette école; et elle les soumettra à l’approbation des comités de Salut public, d’instruction publique et des Travaux publics, réunis (68). 41 Un membre fait des observations sur l’établissement des écoles centrales; il pense que les ingénieurs doivent joindre la théorie à la pratique, et demande que les ingénieurs géographes et militaires soient conservés. Ces observations sont renvoyées au comité de Salut public (69). CALON : Le projet d’établissement d’une école centrale de Travaux publics est une de ces grandes vues qui doivent fixer l’attention du législateur, puisqu’il s’agit d’imprimer à des arts précieux, trop longtemps négligés, un mouvement d’harmonie et d’ensemble capable de di-(68) P.-V., XLVI, 143-148. Voir séance du 3 vendémaire, n°56. C 320, pl. 1329, p. 14-15, rapport et décret imprimé, 20 p. Décret pris sur le rapport de Fourcroy selon C* II 21, p. 3. Bull., 7 vend, (suppl.); Moniteur, XXII, 111-112. Mention dans Débats, n° 737, 92; Ann. Patr., n 636; Gazette Fr., n° 1001; J. Fr., n” 733, 736, 737; J. Perlet, n” 735; J. Univ., n° 1769; M. U., XLIV, 108; Rép., n° 8. (69) P.-V., XLVI, 148. Bull., 7 vend, (suppl.); Ann. R. F., n° 8. 124 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE riger le développement, ou d’accroître l’étendue des connaissances les plus utiles à la société. Mais, pour retirer de tels instituts les avantages qu’on a droit d’en attendre, il faut bien se garder de cumuler des rapports qui n’ont aucune connexité, et de compromettre le développement et la perfection des connaissances, en dirigeant l’application sur trop d’objets à la fois, ou qui comportent séparément et isolément des opérations et des résultats totalement différents. En applaudissant aux vues sages qui vous sont présentées au nom de vos comités, je vous dois néanmoins quelques observations que m’a fait naître le discours qui précède le projet de décret : elles sont relatives aux ingénieurs géographes. Je vous les présente avec d’autant plus de confiance, que plus de 40 années de service, en qualité d’ingénieur géographe militaire, m’ont donné dans cet art une expérience qui peut aujourd’hui tourner utilement au profit de la chose publique. Les ingénieurs géographes sont des artistes nécessaires et indispensables aux officiers généraux et aux états-majors des armées, pour établir l’état et les opérations de la guerre : c’est par leur secours et à l’aide de leurs travaux que ceux qui dirigent les opérations militaires acquièrent la connaissance exacte des terrains occupées par les ennemis, des positions ennemies, et des postes importants qu’il est besoin d’emporter ou de s’assurer. C’est par le moyen des cartes et plans dressés par des ingénieurs habitués au coup d’œil et exercés à figurer un pays à vue, même sous le feu de l’ennemi, que l’attaque et la défense acquièrent une certitude et un ensemble qui amènent les succès, ou corrigent les hasards malheureux à la guerre. L’institution des ingénieurs géographes militaires remonte à plus de 100 ans; les nombreux services qu’ils ont rendus semblaient faire un devoir au gouvernement de conserver d’aussi précieuses ressources. On ne sait par quelle fatalité, au moment où l’on allait en avoir le plus grand besoin, Bureaux de Pusi, officier du génie, émigré, parvient à faire adopter par l’Assemblée constituante la proposition perfide de leur suppression, sous l’insidieux motif que les officiers du génie pourraient remplacer aux armées les ingénieurs géographes ; ce qui n’est point arrivé. Le dépôt général de la guerre où se trouvaient ci-devant attachés les ingénieurs géographes m’ayant été confié, j’ai eu l’occasion de reconnaître par moi-même ce que je viens de vous avancer. Les généraux et les états-majors des armées demandaient continuellement et avec la plus grande instance de leur procurer des géographes militaires; convaincu de l’extrême besoin qu’ils éprouvaient à cet égard, j’ai choisi parmi ceux employés au dépôt à la levée et construction des cartes les plus capables de répondre aux vues des généraux ; j’ai mis tous mes soins à en perfectionner d’autres, et je puis assurer la Convention qu’il existe au dépôt de la guerre plus de vingt ingénieurs en état de suivre les opérations de la campagne prochaine. C’est ainsi que j’ai suppléé à la mesure désastreuse combinée par un traître, sans doute pour livrer sa patrie à la merci des hordes étrangères. Je pourrais donner de plus grands développements à ce que je viens de vous avancer, ce sera l’objet d’un travail particulier que je me propose de vous soumettre ; mais en ce moment il me suffit de vous avoir démontré l’importance et l’utilité des ingénieurs géographes, parce qu’il suit de là la nécessité de pourvoir à ce qu’il en soit formé de bons, et que l’étendue des services essentiels qu’ils sont dans le cas de rendre ne permet pas d’être indifférent sur les moyens de procurer à ceux qui se destinent à cette profession les connaissances qui leur sont indispensables pour l’exercer. J’applique ces réflexions à l’établissement qu’on vous propose. Le rapporteur semble annoncer que l’école centrale des Travaux publics comprendra une série d’enseignements pour les ingénieurs géographes ; je puis affirmer que cette classe n’obtiendra aucun succès dans l’école proposée. Sans doute les connaissances physiques et mathématiques qui y seront démontrées sont indispensables à toutes les classes d’ingénieurs ; mais où se trouve terminée l’étude des ingénieurs militaires des ponts et chaussées, des mines, ou constructeurs, là seulement commence l’apprentissage des ingénieurs géographes. Il faut alors qu’ils aillent sur le terrain appliquer les connaissances théoriques qu’ils ont reçues, et qu’ils recommencent, pour ainsi dire, un nouveau cours pratique; car, en sortant de l’école centrale, ils ne seraient que de faibles écoliers sans utilité, le but serait donc manqué. Qu’est-il donc besoin pour former ces ingénieurs? D’un institut pratique, où ils puissent à la fois trouver à côté de professeurs habiles une savante théorie, et à côté des ingénieurs instruits un exemple sûr qui tout à la fois donne le précepte et l’application, et amène, par l’usage du faire , la facilité et la sûreté des opérations. Tout cela se trouve réuni au dépôt général de la guerre ; il y a de plus des mémoires précieux, des recueils rares d’observations topographiques et géographiques ; enfin tout ce qui peut concourir à rendre complète et sûre une si importante éducation. L’établissement est composé d’artistes instruits et exercés qui opèrent continuellement ; on ne retouve aucun de ces moyens dans l’école centrale des Travaux publics. Si une funeste sécurité venait s’établir sur les espérances incertaines que donne à cet égard la mesure qui vous est proposée, comme il n’existerait pas ailleurs d’autre instruction, vous risqueriez sous peu de vous retrouver dans un dénûment absolu d’ingénieurs géographes, et de perdre ainsi la suite des connaissances qu’il vous importe de conserver pour le succès des armes de la République. Je ne vous vanterai pas l’économie que pré- SÉANCE DU 7 VENDÉMIAIRE AN III (28 SEPTEMBRE 1794) - Nos 42-46 125 sente d’ailleurs l’idée d’attacher les élèves ingénieurs géographes à côté de ceux qui exercent et qui pratiquent continuellement ; mais il est précieux pour vous de retrouver dans vos mesures ce qui concilie la gloire et l’intérêt de la grande nation que vous représentez. J’ai dû vous dire ces vérités, parce que j’en suis fortement convaincu; je les livre à vos considérations ; et en adoptant le projet de décret qui vous est présenté, je demande que l’institut des ingénieurs géographes continue d’être attaché au dépôt général de la guerre, comme pouvant là seulement répondre aux vues et à l’attente du gouvernement, sauf les accroissements qu’un plan plus vaste pourra vous faire adopter, et qu’il est facile d’y effectuer (70). 42 Un membre [ROMME] demande que le comité d'instruction publique fasse, dans la décade prochaine, un rapport sur l’enseignement des élémens de mathématiques appliquées aux arts utiles, en s’attachant sur-tout à la pratique, comme plus propre à propager et à fixer l’instruction; il présentera un plan de répartition des écoles de mathématiques qui doivent être assez multipliées pour qu’elles nous assurent pour l’avenir de bons et de nombreux artistes. Cette proposition est décrétée par la Convention nationale (71). 43 La Convention nationale renvoie à son comité d’instruction publique la proposition de créer des écoles pratiques de marins dans les différens ports de la République (72). 44 La Convention nationale, ouï le rapport de ses comités des Finances et des Décrets, procès-verbaux et archives, réunis, décrète : Article premier. - Les gardiens, dépositaires et commis des différens dépôts des (70) Moniteur, XXII, 110-112. Ce journal place l’intervention de Calon avant l’adoption du décret précédent, disant que les propositions de Calon donnent lieu à quelques amendements au projet de décret présenté par Fourcroy. (71) P.-V., XLVI, 148. C 320, pl. 1329, p. 16, minute de la main de Romme, rapporteur. Bull., 7 vend, (suppl.). Ann. R. F., n’ 8; M. U., XLIV, 120. (72) P.-V., XLVI, 148. C 320, pl. 1329, p. 17, minute de la main de Talot, rapporteur. Bull., 7 vend, (suppl.); Ann. R. F., n” 8; M. U., XLIV, 120. greffes situés dans la commune de Paris, qui ont perçu des émolumens sur les expéditions qu’ils ont délivrées, à la charge d’en tenir compte à la municipalité, seront tenus de faire arrêter leur compte de recette par la régie générale des droits d'enregistrement, et en verseront de suite le montant à la Trésorerie nationale, qui leur en donnera décharge. Art. II. - Ils ne pourront toucher aucun traitement échu qu’en justifiant de leurs décharges auprès des deux comités (73). 45 La Convention nationale, sur la proposition de son comité de Salut public, décrète que le représentant du peuple Elie Lacoste se rendra à Tulle, pour y rétablir l’ordre et l’activité du travail dans la manufacture d’armes. Il rendra compte au comité de Salut public du résultat de ses opérations (74). Fourcroy propose de charger Elie Lacoste de la surveillance de la manufacture d’armes de Tulle, dont les travaux se sont ralentis depuis le départ du représentant qui étoit auprès d’elle. La nomination est décrétée. Reverchon demande que l’on s’occupe aussi de la manufacture de Saint-Etienne, qui ne pro-duisoit autrefois que 300 fusils par jour, mais qui maintenant en fournit 600, et qui bientôt sera en état d’en donner mille. Fourcroy répond que le comité s’en occupe, et que le vœu de la Convention, à cet égard, est entièrement rempli (75). La séance est levée à 4 heures. Signé , A. DUMONT, président; CORDIER, BORIE, L. LOUCHET, PELET, LOZEAU, LAPORTE, secrétaires (76). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 46 MERLIN (de Thionville) : J’ai promis de donner à la Convention nationale le résultat de (73) P.-V., XLVI, 148-149. C 320, pl. 1329, p. 18, minute de la main de Loffidal, rapporteur. Décret anonyme selon C*II 21, p. 3. M. U., XLIV, 120. (74) P.-V., XLVI, 149. C 320, pl. 1329, p. 19, minute de la main de Fourcroy, rapporteur. Ann. R. F., n'8; J. Fr., n° 733 ; J. Perlet, n” 735. (75) Rép., n’8 ; J. Perlet, n" 735. (76) P.-V., XLVI, 149.