[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 1790.] M. de Noailles. La discussion que demande le mémoire lu par le ministre de la guerre, au sujet du rétablissement de l’ordre dans l’armée, n’est pas une chose aussi simple qu’elle le paraît à quelques opinants. Quand vous direz aux municipalités et aux districts de ne pas se mêlerdes corps militaires, vous n’aurez rien fait, car alors l’armée conservera encore beaucoup de choses qu’il faut détruire ; il y aura aussi beaucoup de choses à édifier : par exemple, croyez-vous qu’il soit permis de chasser des soldats des régiments parce qu’ils déplaisent aux chefs ? Vous avez voulu que le sort du soldat fût préférable à celui des malheureux artisans : vous n’y parviendrez qu’en prenant tousles moyens d’empêcher les injustices, et ce n’est qu’alors que vous vous opposerez efficacement aux insurrections... Il faut bien déterminer aussi des délits dont ne parlent pas les ordonnances militaires : je regarde comme un délit les propos qu’on se permet contre la Constitution. Tant que je ne verrai pas cet article à la tête des ordonnances, je dirai que rien n’est fait encore pour rétablir l’ordre dans l’armée et pour assurer par elle la tranquillité publique au dedans et la sûreté au dehors. Quant apx applaudissements demandés pour les régiments qui ne se sont pas écartés de la discipline, et je pourrais en demander pour celui à la tête duquel je suis, que je ne commande pas et avec lequel je n’al qu’une simple correspondance, ces applaudissements, dis-je, sont dangereux ; ils mettraient la guerre dans l’armée.... Je m’oppose donc à toute motion étrangère à l’engagement sacré, pris par M. de Menou, de présenter incessamment un travail complet. L’armée verra avec reconnaissance tous les bienfaits de la Constitution dans ce plan, qui, en rendant aux soldats tout ce que nous leur devons, fera de la force militaire le rempart de la Constitution et rassurera pour jamais sur les insurrections dont on a maintenant à se plaindre. Je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour. M. Charles de Lameth. Si la proposition de passer à l’ordre du jour est de s’arrêter à ce qui a été dit par M. de Menou, je ne parlerai pas. Si l’on propose quelques décrets provisoires, je demanderai la parole pour en montrer les inconvénients. (On demande l’ordre du jour.) M. Arthur Dillon. 11 faut décréter la formule du serment fédératif. (On demande avec plus d'instance l’ordre du jour.) M. d’Estourmel. Rien n’est si essentiel que de passer à l’ordre du jour; mais cette demande n’est-elle pas un moyen d’écarter des motions également essentielles? L’organisation militaire est indépendante de l’état où se trouve l’armée. En me réunissant pour réclamer l’ordre du jour, j’insiste pourque le rapport du mémoire du ministre soit fait mercredi prochain. M. de Rostaing, président du comité des finances. J’ai l’honneur d’annoncer qu’il sera fait très incessamment un rapport particulier sur les 32 deniers accordés à l’armée. M. de Broglie. En me référant à ce qui a été dit par MM. de Noailles et de Menou, je me borne à demander que le président se retire vers le roi 1" SÉRIE. T. XVI. pour leremercier de sa sollicitude et des mesures qu’il annonce. Après une légère discussion sur l’époque où sera fait le rapport du comité des finances, l’Assemblée décide que ce sera le plus tôt possible. On se dispose à mettre aux voix la proposition de M. Malouet. M. de Noailles. Je défie M. Malouet de rédiger sa proposition de manière que ce décret puisse être exécuté, c’est-à-dire qu’il puisse concourir à rétablir la discipline et la tranquillité dans l’armée. M. Malouet lit son projet de décret : « Faites une adresse à l’armée pour la rappeler à la subordination et à la discipline; donnez des éloges aux régiments qui ont été fidèles à la loi et au roi, et témoignez la désapprobation des insurrections qui ont eu lieu dans quelques régiments. » (L’Assemblée décide, à une très grande majorité, qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret de M. Malouet.) M. Achard de Bonvouloir demande à présenter quelques considérations sur l’état de l'armée (voy. ce document annexé à la séance de ce jour). La parole lui est refusée. M. le Président résume la discussion et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète : « 1° Que son président se retirera dans le jour par devers le roi, à l’effet de le remercier de la communication qu’il lui a fait donner de la lettre par laquelle Sa Majesté autorise la confédération des régiments des troupes de ligne avec les milices nationales ; « 2° Qu’elle renvoie à son comité militaire les pièces relatives au message fait de la part du roi par le ministre de la guerre, pourque ce rapport soit joint au rapport général qui doit lui être fait dans le plus court délai possible, sur la constitution et l’organisation de l’armée. « L’Assemblée nationale ordonne, en outre, l’impression du discours prononcé par le ministre de la guerre, ainsi que de la réponse qui lui a été faite par son président. » M. Baudouin de Maison-Blanche demande un congé de quinze jours pour raison de santé ; il lui est accordé. L’Assemblée reprend ensuite la discussion du projet de décret sur la Caisse d'escompte. M. le baron d’AUarde donne lecture de l’article 2, qui est ainsi conçu : « Art. 2. Le premier ministre des finances est également autorisé à prendre les mesures les plus économiques pour satisfaire au payement des appoints du service public. » M. Rewbell. Je demande la question préalable. Prendre des mesures économiques, c’est le devoir du ministre. M. de Folleville. Le style du comité des finances est semblable à celui des oracles de Delphes : on ne l’entend pas aisément. S’il s’agit d’argent à acheter, il faut le dire; il faut dire comment et par qui il sera acheté. 7