SOUVERAINETÉ DE BÉARN. CAHIER Des griefs, 'plainte s et doléances des Etats de Béarn (1). Sire, Votre Majesté a daigné inviter les gens des trois Etats de sa souveraineté de Béarn à envoyer aux Etats généraux de la France. Une invitation semblable avait été faite à nos pères au nom de votre auguste aïeul ; ils avaient craint de compromettre, en l’acceptant, leur indépendance et leurs privilèges. Nous-mêmes, sire, nous aurions peut-être ôté arrêtés par leur exemple, si nos premiers députés ne nous avaient rapporté ces paroles à jamais mémorables de Votre Majesté : «J’éprouve « une grande satisfaction d’avoir prévenu vos « vœux sur l’objet de votre députation; j’en goû-« terai une encore plus sensible, lorsque au milieu « de la France assemblée je verrai s’y réunir pour « la première fois les représentants de mes fidèles « sujets de Béarn. » Ces expressions de votre amour pour nous, Sire, ne nous permettaient pas d’hésiter un moment, et la délibération par laquelle nous avons déféré à votre demande a été le cri du sentiment et le vœu de la reconnaissance. •Et comment pourrions -nous craindre de perdre nos droits, lorsque Votre Majesté se plaît à rendre à la nation française ceux qu'elle semblait avoir perdus par une longue désuétude? Votre Majesté n’a-t-elle pas déclaré que sa volonté était de ne mettre aucun impôt, ni même d’en proroger aucun sans le consentement de la nation assemblée? N’a-t-elle pas manifesté son dessein d’assurer le retour périodique des Etats généraux par des lois préparées par les Etats généraux eux-mêmes? N’a-t-elle pas annoncé que voulant prévenir les désordres que l’incapacité ou l’inconduite de ses ministres pourraient introduire dans les finances, elle concerterait avec les Etats généraux les moyens de parvenir à ce but? N’a-t-elle pas prévenu le vœu légitime de ses sujets, en soumettant à leurs délibérations la question des lettres de cachet et la liberté de la presse? En!in n’a-t-elle pas remis à l’examen des Etats généraux tout ce qui tient à la législation générale, en sorte que les lois seront désormais ce qu’elles doivent être, le vœu de la nation entière consacré par l’autorité des souverains. Nos députés, Sire, iront se réunir aux représentants de la France pour traiter ces grands objets, concourir à l’accomplissement de vos vues et jeter les fondements de la félicité publique; en perfectionnant, de concert avec vous, la constitution de la France, ils affermiront la nôtre, et nous leur avons transmis à cet égard des pouvoirs généraux, qui n’ont d’autre borue que la reserve de nos fors, libertés et franchises. Le plus précieux de nos privilèges est celui de traiter directement avec vous, Sire, de tout ce qui peut intéresser les habitants de votre souveraineté; nous avons le droit de vous demander la répara-(1) Ce cahier nous a été communiqué par M. Larra-bure, sénateur, maire de la ville de Pau et ancien député des Basses-Pyrénées. lte Séiue, T. VI. tion des atteintes portées à nos libertés, et nous ne reconnaissons aucun corps intermédiaire entre Votre Majesté et nous; nous exerçons, dans ce moment, ce droit important, et nous « mettons sous vos yeux le cahier de nos griefs et le tableau de nos demandes. Nous vous supplions, en premier lieu, Sire, de nous maintenir dans nos fors, privilèges et libertés. On pourrait un jour peut-être abuser contre nous d’une expression qui se trouve dans la lettre que Votre Majesté a daigné nous écrire; elle paraît y subordonner la garantie de nos droits particuliers au bien général de son royaume. Quoique nos droits n’aient rien de contraire à l’intérêt du royaume, cette espèce de réserve, Sire, a dû nous alarmer; vous nous devez, conformément à votre serment, la pleine et entière garantie de nos droits. Nous allons la réclamer, et nous vous dirons, coipme le disaient nos ancêtres, que nos fors nous sont aussi chers que la vie. Après cette première demande, qui les comprend toutes, nous supplions Votre Majesté de revêtir de son autorité le règlement que nous allons lui proposer concernant l’administration de nos finances, notre législation et quelques objets qui tiennent à la religion, à la discipline et aux mœurs. « Nous vous demandons, Sire, d’ordonner relativement aux Finances : Art. 1er. « Que toutes les impositions et contributions pécuniaires soient également réparties entre les citoyens de tous les ordres, sans distinction ni privilège. Art. 2. « Que tous les impôts indirects établis en Béarn, sans le consentement des Etats, y soient abonnés et remis à l’administration des Etats, jusqu’à ce qu’un meilleur ordre dans les finances permette de les supprimer en entier. Art. 3. « Que les pensions accordées aux officiers retirés, devenues par la longueur de leurs services la seule propriété qui leur reste, et qui doivent être regardées comme alimentaires jusqu’à la classe de ceux qui sont parvenus au grade d’officier supérieur inclusivement, soient payées sans retenue, suivant la première disposition de leurs brevets. « Que ces pensions soient payées aux militaires ou autres pensionnaires par les trésoriers des provinces, afin de ne pas mettre ces militaires dans la dispendieuse nécessité d’avoir à Paris des gens fondés de procuration pour recevoir pour eux au Trésor royal, et ne pas les exposer à éprouver, pour la remise, un retard de plusieurs mois, enfin pour les mettre à l’abri des pertes occasionnées par les banqueroutes des gens avoués même par le gouvernement pour ces sortes d’opérations; et que le garde du Trésor royal soit autorisé à recevoir pour comptant les quittances des officiers pensionnés, ce qui procurera aux receveurs des provinces un moyen plus simple et plus économique de verser au Trésor royal le produit de leur recette. Art. 4. « Si les finances du royaume exigent une augmentation de subsides, que dans la contribution proportionnelle offerte par le Béarn, il lui soit tenu compte de la dette de 1,200,000 livres 32 498 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Souveraineté de Béarn J qu’il a contractée pour le gouvernement et dont ii acquitte les intérêts chaque année. Art. 5. « Que tous les péages qui gênent la circulation intérieure soient abolis, et que les privilèges exclusifs de roulage et de messagerie soient supprimés. Art. 6. « Que la régie des cuirs et l’impôt établi sur cet objet soient supprimés comme destructifs de cette branche de commerce. Qu’il soit accordé une liberté entière à ce genre de fabrication, et que le droit existant soit remplacé par un abonnement concerté entre les fabricants et les Etats généraux du pays. Art. 7. « Que tous les droits de plaçage, hallage et pugnère, perçus dans tes marchés sûr les denrées de première nécessité, soient abolis, en assurant les indemnités convenables aux particuliers à qui ces droits appartiennent, et en permettant aux villes qui en ont de semblables de les remplacer ar des octrois déterminés de concert avec les tats du pays. Art. 8. « Qu’il soit fait une loi générale pour régler d’une manière claire et précise le tarif de tous les droits compris sous le nom de droits domaniaux, tels que le contrôle des actes, etc. ; en sorte que l’extension arbitraire en devienne impossible, et que la forme des actes ne soit plus gênée dans la rédaction par le crainte de donner ouverture à de plus forts droits. Art. 9. « Que les conventions de mariage sous seing privé étant autorisées en, Béarn par l’usage, et cette forme, employée uniquement pour éviter les frais du contrôle, présentant quelques inconvénients, il plaise à Votre Majesté d’exempter en Béarn les contrats de mariage des droits auxquels ils sont assujettis dans le reste du royaume, et de se contenter d’un droit modique, tel qu’il sera concerté avec les Etats généraux du pays. Art. 10. « Que L’édit des hypothèques soit révoqué, comme tendant à substituer le régime fiscal aux précautions indiquées par les lois, et étant devenu une source de procès. Art. 11. « Que les of lices des huissiers-priseurs soient supprimés, leur ministère n’ayant d’autre effet que d’augmenter les frais de ventes et d’aggraver le sort des misérables. Art. 12. « Que les droits des greffiers, accrus d’une manière exorbitante, en 1771, sous des prétextes qui n’ont plus lieu, soient remis sur le même pied. Art. 13. « Qu’il plaise à Votre Majesté de révoquer toutes les aliénations des justices et seigneuries de son domaine, soit qu’elles aient été faites à titre d’engagement, soit qu’elles l’aient été à titre d’échange; aucun échange n’ayant dû avoir lieu en Béarn sans la participation des Etats et contre la loi du pays. Art. 14. « Qu’il soit défendu aux préposés du domaine de faire en Béarn des recherches, demandes et significations sur le fondement des lois domaniales de la France qui n’ont jamais été reçues par les Etats; que les dispositions de la coutume sur cet objet soient inviolablement exécutées, que la possession immémoriale garantisse les possesseurs, meme contre le domaine, notamment pour les prises d’eau, bacs et autres usages des rivières flottables et navigables; qu’il soit pareillement interdit aux préposés du domaine d'exiger des lods et ventes dans les lieux où il n’y a en faveur de Votre Majesté ni titres exprès, ni possession immémoriale, nonobstant quelques décisions de votre conseil à ce contraires. Que Votre Majesté soit suppliée de rappeler les aliénations par elle faites des droits de lods sur les échanges dans les terres seigneuriales, ce droit prétendu domanial n’étant fondé ni sur aucun titre ni sur aucune disposition de la coutume. Art. 15. « Que l’administration utile de vos domaines soit soumise à la surveillance des Etats, et dans le cas où Votre Majesté se déterminerait à les aliéner avec le consentement des Etats du pays, que l’exécution et les conditions de la vente soient confiées auxdits Etats. Art. 16. «Qu’il plaise à Votre Majesté de prendre en considération le commerce de Béarn, les gênes que les manufactures éprouvent, soit par les droits de visite, marque et plomb auxquels on les assujettit, soit par les lois prohibitives, récemment publiées en Espagne, et l’émigration de nos fabricants qui en est la suite. Votre Majesté est suppliée d’accueillir les mémoires que nos députés lui présenteront sur cet objet de nos réclamations, et d’interposer ses bons offices auprès de la cour d’Espagne pour l’engager à faire ouvrir dans son royaume des routes correspondantes à celles de Béarn. « Quant' à ce qui concerne la législation et l’administration de la justice, noussupplions Votre Majesté d’ordonner : Art. 1er. « Que la liberté personnelle et individuelle soit assurée à tout homme qui se cori-forme aux lois; que l’usage des lettres de cachet soit aboli; que nul ne puisse être détenu en prison, privé de son état, exilé ou forcé de s’absenter, si ce n’est en vertu d’un jugement rendu suivant les formes légales, et par des juges compétents. Art. 2. « Qu’aucun acte du pouvoir exécutif ne puisse suspendre le cours de la justice, qu’il ne soit établi aucune commission extraordinaire, qu’aucune évocation ne soit admise que dans les cas prévus et déterminés par les lois générales et dans la forme prescrite par les lois du pays; qu’il plaise à Votre Majesté de supprimer et révoquer tout droit de committimus , évocation et attribution, en sorte que nul ne puisse être désormais poursuivi en matière civile ou criminelle, personnelle ou réelle que devant ses juges naturels. Art. 3. c Qu’aucune loi ne puisse être enregistrée au parlement sans le consentement des Etats et sans être communiquée directement et par préalable aux syndics des Etats, et qn’iL ne puisse être fait aucun règlement par le parlement, le pays n’en reconnaissant d’autres que ceux qui sont faits du consentement des Etats avec le concours de l’autorité du Roi. Art. 4. « Votre Majesté est suppliée d’accélérer la réforme de l’ordonnance criminelle et du Gode pénal, et à cet effet de demander, à l’exemple des rois ses prédécesseurs, les instructions et mémoires aux diverses cours du royaume, les Etats se réservant d’examiner la nouvelle loi, lorsqu’elle leur sera communiquée. Art. 5. c Qu’il plaise à Votre Majesté de destiner les fonds nécessaires pour la construction d’une prison vaste, sûre et saine, où les prisonniers puissent être séparés, suivant leur sexe et la cause différente de leur détention, et pour les réparations du palais, la ville de Pau ne pouvant être tenue de ces dépenses. Art. 6. « Votre Majesté est suppliée d’ordonner que le secret et la sûreté des lettres remises à la poste soient désormais inviolables, et de permettre à ses sujets de poursuivre par les voies ordinaires quiconque oserait y porter atteinte. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Souveraineté de Béarn.) 499 Art. 7. Qu’il ne puisse être fait aucune information par les procureurs du parsan (1) sans une permission préalable des juges, et s’il en résulte une diminution dans le droit de leurs offices, Votre Majesté est suppliée de pourvoir à leur indemnité. Art. 8. « Que toutes les bailies domaniales du E soient abonnées aux Etats, et qu’il soit éta-jar eux un certain nombre d’huissiers auxquels il sera assigné un territoire dans lequel ils exerceront lesdites bailies ; qu’aucun ne puisse être admis à cet emploi qu’aprés cinq ans de pratique dans l’étude d’un procureur, soit du parlement soit du sénéchal, et après une enquête de vie et de mœurs; qu’il soit également tenu de déposer une somme de 600 livres ou un acte de cautionnement de pareille valeur dans la caisse du trésorier des Etats, moyennant quoi il lui sera expédié sans frais une commission d’huissier, laquelle sera registrée sans frais au greffe du parlement. Art. 9. « Que nul ne puisse être admis à exercer l’office de notaire qu’après six ans de pratique dans l’étude d’un notaire ou d’un procureur, soit d’un parlement soit du sénéchal ; qu’il ne puisse être reçu qu’après avoir subi un examen devant quatre notaires en présence du juge et du procureur du Roi de la sénéchaussée dans laquelle il doit travailler ; que le juge, sur la réquisition du procureur du Roi, indiquera les notaires examinateurs, fera l’enquête de vie et de mœurs, et dressera de l’examen et de la réception un procès-verbal qui sera incontinent envoyé au greffe du parlement. « Que les gradués qui aspireront à exercer l’office de notaire soient admis en rapportant un certificat d’assiduité au barreau pendant trois ans. Art. 10. a Qu’il plaise à Votre Majesté de statuer sur la délibération des Etats du 9 janvier 1788, conformément à leur vœu, et d’ordonner que les dispositions de nos coutumes et règlements concernant les médecins, chirurgiens et apothicaires soient exécutées suivant leur forme et teneur. Art. 11. « Que le tribunal des eaux-forêts soit supprimé, que sa juridiction soit rendue aux juges ordinaires, conformément aux anciens règlements, et que la partie de l’administration soit attribuée aux Etats généraux du pays. Art. 12. « Que les jurats du pays soient librement élus par les communautés dans la forme prescrite par le for ; que les offices municipaux créés en 1771 soient et demeurent supprimés; qu’il plaise à Votre Majesté de pourvoir au remboursement du petit nombre de titulaires qui restent encore ; de révoquer les arrêts du conseil concernant les offices municipaux et la forme des élections, et d’ordonner que les dispositions du for ce concernant soient littéralement observées dans chaque ville et bourg du pays. Art. 13. « Que toutes les attributions données au conseil, soit à l’égard des domaniaux, soit à l’égard des octrois, soit à quelque autre titre que ce puisse être, soient révoquées, et que la juridiction ordinaire soit rétablie dans toutes les causes sans aucune exception. Art. 14. a Que votre conseil ne puisse prononcer sur la cassation des arrêts de vos cours que conformément aux ordonnances et sans entrer dans l’examen du fond; qu’il lui soit interdit d’évoquer et de retenir le fond des contestations, et qu’il soit tenu, après le jugement de cassation, de renvoyer le principal aux tribunaux ordinaires-Art. 15. « Qu’il plaise à Votre Majesté défendre qu’il soit fait à l’avenir aucun classement ni enrôlement forcé pour le service de ses troupes de terre ou de mer, conformément aux droits et libertés du pays. Art. 16. « Que l’Abrégé des Etats puisse s’assembler dans tous les cas où l’intérêt public l’exige, suivant les règles ordinaires de sa convocation, et sans qu’il ait besoin d’aucune autorisation à cet égard. « Quant aux objets généraux qui regardent la religion, les mœurs etV éducation, nous vous supplions, Sire, d’ordonner : Art. 1er. « Qu’il vous plaise de statuer, par une loi irrévocable, que tous les archevêques et métropolitains convoquent périodiquement des conciles proviciaux, et qu’il sera tenu pareillement des synodes diocésains à des époques fixes, ces assemblées offrant le seul moyen de maintenir la pureté du dogme, l’observation du culte et la discipline ecclésiastique. Art. 2. « Que les évêques, abbés commandataires et bénéficiers soient tenus de résider dans le lieu de leurs bénéfices, et qu’il ne soit nommé aux évêchés, abbayes canonicats, et prieurés du pays que des Béarnois. Art. 3. « Que toutes les églises du Béarn soient déclarées exemptes de l’expectative des indul-taires. Art. 4. « Que les économats soient supprimés, et qu’il soit fait une loi pour assurer la réparation des bénéfices, sans porter le trouble dans les familles des bénéficiers. Art. 5. « Qu’il soit pourvu à l’amélioration du sort des curés, chacun à raison de sa situation locale ; qu’il leur soit accordé un traitement suffisant pour les entretenir avec décence et les mettre à portée de soulager les pauvres de leur paroisse; que pour leur procurer cette augmentation de revenu, il soit réuni des bénéfices simples aux cures indigentes, ou même qu’il y soit pourvu par des pensions sur les bénéfices consistoriaux; et comme il est également juste d’assurer une retraite aux prêtres qui ont vieilli dans l’exercice de leur ministère, qu’il plaise à Votre Majesté d’y pourvoir par les moyens convenables. Art. 6. « Que les dispenses de parenté et de publication de bans soient accordées sans frais; que les visites des paroisses soient pareillement faites sans frais, et que les curés des campagnes ne puissent exiger aucune rétribution ni pour les baptêmes, ni pour les mariages, ni pour les sépultures. Art. 7. « Que l’éducation publique des collèges soit améliorée ; qu’il soit fait un plan uniforme d’instruction et d’études, lequel sera suivi sous l’inspection immédiate des Etats; qu’il soit pareillement exécuté une réforme dans l’enseignement propre aux universités de droit, afin de les rendre plus utiles aux élèves destinés soit au barreau soit à la magistrature, et qu’il ne�puisse être accordé, sous aucun prétexte, aucune dispense cî’études à ceux qui voudront y prendre des grades; que la faculté de théologie soit remise à la direction et à la surveillance des synodes diocésains et conciles provinciaux. Votre Majesté est suppliée de révoquer les règlements concernant le collège de Foix, qui privent le ays de l’utilité des fondations faites en sa faveur ans ledit collège, et de nous rétablir à cet égard dans tous les droits qui nous appartiennent. (1) Division territoriale, district. 500 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Souveraineté de. Béarn.] Art. 8. « Que l’abbaye de Saint-Sigismond (1) soit rétablie conformément aux réclamations constantes des Etats. Art. 9. « Qu’il plaise à Votre Majesté de supprimer le dépôt de mendicité établi à Pau, les Etats se réservant de prendre les mesures nécessaires pour faire subsister les pauvres dans leurs paroisses. GlilEFS PARTICULIERS AU TIERStÉTAT. « Indépendamment des griefs que les gens des trois Etats de votre souveraineté de Béarn viennent de soumettre à la justice de Votre Majesté, le tiers-état en particulier vous supplie, Sire, de vouloir accueillir favorablement ceux qui suivent : Art. 1er. « Que tous les deniers des contributions ou impôts soient versés dans la caisse du trésorier des Etats; que les fonds destinés par Votre Majesté à l’acquittement des charges locales restent entre les mains dudit trésorier pour être employés conformément à l’état arrêté en votre conseil, et que le surplus des sommes levées dans le pays soit versé par le trésorier, directement et sans frais, au Trésor royal. Art. 2. « Que les heures des audiences soient fixées en tout temps, depuis neuf heures jusqu’à midi. Art. 3. « Que la contrainte par corps soit abolie en matière civile, sauf dans le cas exprimé par le titre XXXIV de l’ordonnance de 1.667, lequel titre sera rédigé en une loi particulière pour être enregistrée aux formes ordinaires, sauf aussi les cas exprimés par l’ordonnance du commerce de 1673; que nul ne puisse être appréhendé dans sa propre maison de nuit ni de jour pour cause civile, quelle qu’elle soit; qu'il ne soit néanmoins dérogé aux dispositions du style concernant le droit d'arrêter en certains cas" les étrangers au royaume. Art. 4. « Les Etats du présent pays ont demandé de laisser subsister la corvée en nature; mais, soit que Votre Majesté accueille cette demande, soit qu’elle la rebute, et attendu que, de quelque manière que les corvées s’exécutent, c’est toujours essentiellement une imposition pécuniaire, puisque les nobles et privilégiés en sont quittes en payant la journée d’un manœuvre, Votre Majesté est suppliée d’ordonner que les nobles et tous autres privilégiés, sans distinction, contribueront aux corvées proportionnellement à leurs moyens, de manière que tout privilège soit supprimé ce concernant. Art. 5. "« La môme considération exige que le logement des gens de guerre, qui pèse principalement sur la partie la plus misérable du peuple, soit supporté par tous les citoyens, sans distinction des personnes privilégiées ou des personnes qui ne le sont point ; sans préjudice à tous ceux qui voudront se dispenser du logement, de le payer en argent, suivant le règlement qui en sera fait par les officiers de police, laquelle rétribution sera employée à soulager la partie la plus misérable du peuple de là surcharge qu’il éprouve ; à ces causes, il plaira à Votre Majesté d’ordonner que le logement des gens de guerre sera suppçrté indistinctement par les personnes privilégiées et non privilégiées, sans préjudice aux personnes qui ne voudront point loger de se racheter en (1) Abbaye de femmes de l’ordre de Citeaux., fondée à Qrthez en 1227, supprimée en 1774. payant, suivant le règlement qui en sera fait par les officiers de police. Art. 6. « Le tiers-état de cette souveraineté, animé du même zèle pour le service de Votre Majesté et pour le bien public que les autres ordres, demande qu’il vous plaise ordonner qu’il pourra être également admis à toutes les charges, places et emplois, sans aucune autre distinction que celle que pourront établir le mérite et les talents. Art. 7. Les jurats ou officiers municipaux en Béarn sont chargés d'exercer la justice et d’administrer les biens communs; il importe qu’ils réunissent la confiance de leurs concitoyens, et que d’ailleurs on observe dans leur nomination les formes prescrites par l’article 12 du for (rub des jurais) et qu’il ne puisse y en être substitué d’autres. Votre Majesté est donc suppliée d’ordonner que, clans les communautés qui dépendent de vos domaines, il ne pourra y être nommé d’autres jurats que dans la forme prescrite par le for. Art, 8. « Les seigneurs médiats sont en possession de nommer les jurats pour exercer leur justice; mais, comme ces jurats administrent en même temps tous les biens communs, il n’est point juste que les seigneurs puissent contraindre les jurats à remplir toute leur vie des fonctions qui devraient être volonlaires, et qui deviennent très-onéreuses par leur perpétuité. Il est également injuste que lés habitants soient forcés à confier l’administration de leurs biens communs à des personnes qui n’out point leur confiance, et au choix desquelles ils n’ont aucune part. Les seigneurs se sont fait maintenir par divers règlements des Etats, et en particulier par ceux des 9 mars '1645, août 1649 et 9 septembre 1649, dans le droit d’instituer et de destituer à leur arbitre les jurats de leurs terres et seigneuries, ce qui donne lieu à divers abus ; c’est pourquoi il plaira à Votre Majesté d’ordonner que les seigneurs médiats ne pourront nommer des jurats dans leurs seigneuries que sur une lisle du double des sujets qui leur sera présentée par la communauté, et que les fonctions desdits jurats ne pourront êlre prorogées au delà du terme de quatre ans ; au surplus, permettre aux jurats seigneuriaux de porter une marque distinctive en conformité du for ; ordonner aussi que les seigneurs seront tenus de nommer les jurats alternativement de deux eu deux ans, de manière qu’il y ait toujours la moitié du nombre des jurats qui aient servi deux années. Art. 9. « Le bayle est un officier de justice nommé par les seigneurs médiats dans leurs terres; mais comme leurs fonctions, quoique bornées à l’espace d’une armée par la jurisprudence, sont très-avilissantes, puisqu’elles consistent à exploiter dans la terre du seigneur, à exécuter les ordres des jurats et à faire la collecte des cens et droits dus au seigneur, c’est une véritable peine infligée par le seigneur contre les habitanis qu’il nomme, et cette peine a été souvent un instrument de vengeance contre des habitants boTunétes qui ont eu le malheur de déplaire à leur seigneur. Votre Majesté est suppliée d’ordonner que les seigneurs médiats ne pourront nommer pour leurs bayles que les sujets qui voudront s’y soumettre volontairement, ou autrement seront indiqués par la communauté. Art. 10. La banalité n’appartient suivant l’ancienne coutume, réformée en 1551, qu’au seigneur souverain, encore n’était-ce que dans le fort de Morlàas et sur les habitants qui s’y étaient soumis. La nouvelle coutume accorda par l’arti- [Souveraineté de Béarn.] [États gen. 1789. Cahiers.] cle 3, tant au souverain qu’aux seigneurs médiats, le droit exclusif d’avoir des moulins dans leurs terres, et l’article 4 reconnut au souverain, dans toute l’étendue du pays, le droit de banalité pour le moulin bâti dans le lieu. Depuis la rédac-■ tion de la coutume, les seigneurs médiats se sont attribué cette banalité dans leurs terres, comme si la coutume la leur adjugeait, et ils s’y sont fait autoriser par divers règlements des années 1 629, 1639 et 1641, qui furent évidemment l’effet de l’influence du grand corps sur le tiers-état mal organisé ; d’autres, sous prétexte de l’érection de diverses terres en baronnies ou en d’autres fiefs de dignité, ont assujetti les habitants à aller moudre leurs grains hors du lieu de leur habitation ; comme si Votre Majesté, en leur accordant une grâce par l’érection d’un fief de dignité, pouvait être présumée avoir voulu l’accorder au préjudice d’autrui ; cependant ces banalités sont devenues la source de beaucoup de vexations de la part des fermiers des seigneurs, e! comme elles attaquent la subsistance du peuple, Votre Majesté est suppliée, en maintenant les seigneurs de Béarn dans le droit exclusif d’avoir des moulins, d’abolir le droit de banalité, sans préjudice de l’indemnité, qui ne sera accordée qu’autant que la banalité sera fondée sur un titre particulier; et qu’à l’égard de tous les autres seigneurs, ils seront déclarés sans aucun droit; qu’il en sera usé de même à l’égard des seigneurs qui, n’ayant point de moulins, ont voulu exiger des droits en argent pour tenir lieu de banalité; et enfin, à l’égard des possesseurs des fiefs de dignité qui ont voulu assujettir à la banalité des habitants étrangers du lieu où le moulin est situé. Votre Majesté est également suppliée qu’il en sera usé de même pour la banalité des fours, des foulons et autres de la même nature, sans préjudice du droit public qui continuera d’être exercé, les moulins par les jurats de chaque lieu, et en particulier par les jurats de Pau dans les moulins situés en cette ville; et pour ce qui concerne la banalité des moulins appartenant à Votre Majesté, permettre aux communautés de se racheter de cette servitude. Art. 11. Que Sa Majesté soit suppliée d’ordonner qu’on ne pourra percevoir à titre de droit de moulande que le vingt-quatrième, en conformité des règlements dn pays. Art. 12. Gomme les seigneurs médiats de cette province ont dénombré la propriété des chemins mblics et des arbres qui y sont existants, et que a Chambre des comptes de Navarre leur a adjugé cette propriété comme leur appartenant de droit commun, tandis que les chemins publics forment une propriété publique, non susceptible d’accen-sement ; que, d’un autre côté, les arbres existants sur les chemins et sur les bordures sont censés appartenir aux propriétaires des fonds voisins comme un dédommagement naturel de préjudice qu’ils leur causent, ainsi qu’il est décidé par l’article 356 de l’ordonnance de Blois, Votre Majesté est suppliée de faire cesser cette cause trop fréquente des vexations que souffrent les habitants de votre souveraineté, et de déclarer que les chemins publics forment une propriété publique non susceptible d’accensement, et que les arbres qui y croissent appartiennent auxdits propriétaires des fonds qui bordent les-dits chemins. Art. 13. Les seigneurs ne peuvent prétendre de droit commun en Béarn, que les droits seigneuriaux fondés sur la coutume, et quant aux autres, il leur faut des titres exprès. Cependant les sei-501 gneurs se sont fait adjuger en Béarn de droit commun certaines corvées pour la curaison des canaux, des moulins, et ils ont converti sans titre eu d’autres corvées des services personnels qu’aucun de leurs tenanciers n’aurait osé leur refuser, telle est l’unique source de plusieurs droits de cette nature que les seigneurs se sont arrogés. 11 plaira à Votre Majesté de proscrire toutes les corvées seigneuriales fondées sur un prétendu droit commun, et de permettre aux tenanciers de se racheter des autres corvées fou-dées sur des titres. Art. 14. Plusieurs seigneurs qui jouissentdudroit de bac ou bateau sur la rivière du Gave sont parvenus, sous prétexte d’un abonnement volontaire dans son principe, à imposer aux habitants de leurs terres une redevance forcée, par maison, d’une quantité de grains, soit qu’ils se servent dn bateau, ou qu’ils ne s’en servent point, et ils sont parvenus ainsi à se faire un gros revenu au préjudice de leurs tenanciers. Il plaira à Votre Majesté de proscrire des droits de cette nature, sans préjudice aux seigneurs et à leurs bateliers de percevoir le droit de passage dans les bateaux, conformément aux tarifs autorisés par le conseil de Votre Majesté. Art. 15. L’article 29 du for (rubrique lre) n’autorise Votre Majesté, non plus que les seigneurs médiats, à percevoir les lods et ventes et à exercer la préparance ou retrait censuel que conformément à l’usage du lieu où la pièce de terre est située. Cependant, sans égard pour le non-usage, il a été expédié depuis quelques années une foule de brevets de prélation au nom de Votre Majesté, même dans les terres où elle ne perçoit point de lods; les seigneurs médiats, de leur côté, se sont également arrogé le droit de préparance, abstraction faite de l’usage, malgré qu’ils respectent encore la règle fondée sur cet usage par rapport aux lods, d’où il résulte une infinité d’abus, d’autant surtout que ce droit est cédé et mis dans le commerce, soit pour dépouiller les acquéreurs, soit pour repousser l’action des retrayants lignagers, soit enfin pour y trouver un prétexte de"stipuler de nouvelles redevances et par conséquent des surcharges. Votre Majesté est suppliée, pour faire cesser" ces différents abus, d’ordonner : 1° Qu’aucun brevet de préparance ou retrait censuel ne pourra être expédié en son nom dans aucun cas ni sous aucun prétexte ; 2° Que les seigneurs médiats ne pourront en user qu’aux termes de la coutume et dans les lieux où il en sera ainsi usé ; 3° Que dans tous les cas le droit de retrait censuel ne sera incessible, et que les seigneurs médiats ne pourront s’en servir que pour eux et pour retenir les biens vendus à leur profit uniquement. Art. 16. Les échanges des immeubles ne forment point une aliénation, puisqu’ils ne font que subroger une propriété foncière à une autre; il n’v a que le prÿt donné pour les soultes qui tienne lieu d’une vente; il est donc Injuste de percevoir des lods pour des échanges, et Votre Majesté est suppliée d’ordonner qu’à l’avenir on ne pourra percevoir des lods pour des échanges qui se font but à but, sans préjudice d’en percevoir pour les soultes en argent dans les lieux où il est d’u&ge d’en payer. Art. 17. L’édit du mois de février 1770, qui a aboli le parcours, a permis aux propriétaires des héritages de les clore et de s’affranchir de la servitude des herbes mortes dont les seigneurs seraient en possession, en se soumettant à payer une redevance chaque année auxdits seigneurs, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 502 [États gén. 1789. Cahiers.] fixée à la moitié du cens, de laquelle redevance tous censitaires pourraient même se libérer toutes fois quand ils le jugeraient à propos, en payant aux seigneurs un capital sur le denier 25 ; la disposition de cette loi n’a eu presque aucune exécution, atlendu que quelques seigneurs ont prétendu que le rachat devait en être fait par le corps delà communauté et pour tout le territoire, et que la redevance à payer et à racheter devait être proportionnée non à celle due pour le fonds que l’on affranchirait de cette servitude, mais à celle due pour tous les héritages possédés par le tenancier, tandis que cette servitude d’herbes mortes établie par la seule jurisprudence n’est acquise que sur les fonds ouverts et non sur les fermés. Il plaira à Votre Majesté, en expliquant l’article 3 de l’édit du mois de février 1770, d’ordonner que la faculté de se racheter pourra être exercée par chaque habitant en particulier, et que la redevance à laquelle il devra se soumettre sera relative au fonds qu’il voudra clore et affranchir de la servitude des herbes mortes. Art. 18. « Les seigneurs se sont également attribué en Béarn un droit appelé Mayade, qui consiste dans le droit de vendre leur vin exclusivement pendant le mois de mai ou tel autre mois de l’année, droit qui a été converti par quelques seigneurs en une prestation pécuniaire par barrique de vin vendue par les habitants-, et comme ce droit n’a aucun autre fondement que la jurisprudence, et que la coutume n’accorde nulle part ce droit aux seigneurs, il plaira à Votre Majesté d’ordonner qu’aucun seigneur ne pourra le prétendre, et dans le cas où ce droit fût fondé sur quelque titre particulier, qui émanât du consentement libre des tenanciers, leur permettre de s’en racheter. Art. 19. « C’est aussi sur Punique fondement de la jurisprudence des arrêts de la chambre des Comptes que les seigneurs, qui ne sont pas hauts justiciers en Béarn, se sont approprié les eaux vives et mortes dans l’étendue de leurs seigneuries, tandis que d’après les principes du droit romain, qui est le droit commun du Béarn, les petits ruisseaux appartiennent aux propriétaires dans les fonds desquels ils passent. 11 résulte de cette prétention le plus grand abus pour l’agri-, culture en ce que les tenanciers sont gênés dans la faculté d’arroser leurs fonds. 11 plaira à Votre Majesté de déclarer que sous prétexte du prétendu droit des seigneurs, aucun habitant ne pourra être gêné dans la faculté de dériver les eaux des ruisseaux pour l’irrigation de leurs prairies et autres usages. Art. 20. « Parmi les droits qu’exercent divers seigneurs, est celui d’empêcher que leurs tenanciers ne puissent faire dépiquer le petit millet qu’avec les juments appartenant au seigneur, ce qui est contraire à la liberté naturelle. Il plaira à Votre Majesté de proscrire un pareil droit, sans préjudice aux habitants, en cas de titre, de se rédimer d’un pareil droit : Art. 21. « Quelques seigneurs se sont également approprié le droit de boucherie que la coutume ne leur donne pas et qui ne peut leur être dû à aucun titre légitime. Votre Majesté est suppliée de faire cesser un pareil abus. Art 22. « Les habitants redevables des dîmes ne pouvant point distraire les semences qui ont déjà acquitté ce droit, sont exposés par là à payer la dîme de la dîme, et ces semences se trouvent ainsi absorbées dans une courte durée de temps. Votre Majesté trouvera digne de sa justice d’or-[Souveraineté de Béarn.] donner qu’il ne sera dû de dîmes que les semences distraites. Art. 23. « Quoique les dîmes ayant été instituées pour fournir de£ aliments aux ministres des autels et qu’une partie ait été destinée aux réparations des églises, le haut clergé, possesseur de la plupart des dîmes dans le royaume, est néanmoins parvenu à se faire décharger de ces obligations pour les faire rejeter en partie sur les communautés laïques ; mais il plaira à Votre Majesté de ramener les dîmes à leur première institution, en rejetant sur ce bien la réparation et l’entretien des églises paroissiales. Art. 24. « Le logement de ses ministres forme une partie de leur entretien ; c’est donc sur les dîmes que les frais de ce logement doivent être pris et non sur les paroissiens. Votre Majesté trouvera qu’il est de sa justice de l’ordonner ainsi. Art. 25. « La jurisprudence du parlement a rejeté sur les habitants la charge de luminaire et les menues dépenses du service divin, tandis qu’il est reconnu et conforme aux vrais principes que c’est là une charge des dîmes. 11 plaira à Votre Majesté d’ordonner que ces charges seront rejetées sur cette espèce de bien et d’en décharger les habitants des paroisses. Art. 26. « Les habitants de votre souveraineté doivent se récrier contre un abus qui s’est introduit dans la plupart des communautés du pays, dans le temps où l’usurpation des dîmes exposa beaucoup de paroisses à manquer du service divin, faute de ministres auxquels on avait enlevé par là les aliments. Les habitants, excités par leur piété, s’assujettirent à un abonnement d’une certaine quantité de grain par mois ou d’une quotité de grain payable en sus de la dîme, et c’est ce qu’on appelle prémice paccaire ou conventionnelle, dont l’objet fut d’assurer la subsistance du ministre des autels; mais il est arrivé que, partie des dîmes ayant été restituée, et les curés jouissant d’une portion de dîme suffisante pour assurer leurs aliments, se sont encore perpétués dans la possession de cette prémice paccaire contre toute justice; d’autres continuent à percevoir la prémice paccaire, quoique les dîmes qui se perçoivent dans les paroisses soient plus que suffisantes pour remplir la congrue ; les suppliants demandent qu’il plaise à Votre Majesté de décharger les habitants des prémices paccaires ou en argent dans toutes les paroisses où les dîmes sont suffisantes, afin de pourvoir à la portion congrue ; et qu’au surplus les dîmes qui se payent au-dessous du dixième seront payées sur ce dernier taux. Art. 27. « Certains curés et autres décimateurs ont porté leurs prétentions au point d’exiger la dîme des œufs, des poules, des oies et dès cochons, qu’on ne nourrit qu’avec des fruits qui ont déjà payé la dîme. Celte prétention est des plus abusives, et il plaira à Votre Majesté d’ordonner qu’on ne pourra prétendre aucun droit de dîme sur les œufs, les poulets, les oies et les cochons. Àrl. 28. « Les décimateurs, voulant tout assujettir à la dîme, ont porté leurs prétentions sur les légumes cueillis en sec et que le père de famille destine à sa subsistance. Votre Majesté trouvera juste d’affranchir de cette dîme les légumes cueillis en sec dans les jardins : et, pour éviter les abus qui pourraient résulter du plus ou moins d’étendue des jardins, Votre Majesté' est suppliée de les fixer à un arpent. Art. 29. « Les gênes apportées au droit de ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Souveraineté de'Béarn.] gQ3 chasse enchaînent la liberté de détruire les animaux nuisibles aux récoltes, qui sont ravagées habituellement, au grand préjudice du cultivateur et du public. 11 plaira à Votre Majesté de permettre à chaque propriétaire de chasser dans son fonds les animaux et le gibier destructeurs de ses récoltes. Art. 30. « Pendant que les souverains du Béarn faisaient leur séjour au château de Pau, diverses communautés étaient tenues de fournir une quantité déterminée de bois à brûler pour son chauffage; cette charge était peu onéreuse à cette époque, attendu l’abondance du bois dans cette souveraineté ; mais, outre qu’elle est devenue, par le motif contraire, très-onéreuse, cette charge ne sert aujourd’hui qu’à accroître les profits dés officiers du château, au grand détriment du peuple. Votre Majesté trouvera équitable de décharger les communautés de la fourniture de ce bois. Art. 31 . « Il y a plusieurs bégueries (1) dans le pays dont les propriétaires perçoivent, dans différentes communautés , des redevances onéreuses, dont le principe est une usurpation injuste. Il plaira à Votre Majesté de permettre aux redevables de se racheter de ces différentes redevances, en payant aux possesseurs de ces bégueries un capital â 5 p. 0/0 concurrent au produit de ces redevances. Art. 32. « 11 doit en être de même d’une autre redevance appelée francau , qui est un reste de la servitude de la glèbe, et qui eu retrace l’odieux souvenir. Votre Majesté est suppliée de permettre à chaque redevable de s’en rédimer de la même manière. Art. 33. « Il /existe encore dans ce pays un usage qui est un reste de la barbarie du premier âge : c’est le droit de carnat, au moment duquel les bêtes et les troupeaux trouvés dans des pâturages étrangers qui jouissent de ce droit sont sujets à la confiscation, suivant les règles observées dans le pays ; et, comme l’exercice de ce droit produit encore des abus très-graves et qu’il (1) Vicariœ. dégénère souvent en une piraterie ruineuse, Votre Majesté est suppliée de proscrire ce droit carnal, sans préjudice au possesseur, en cas de dommage, d’agir par les voies ordinaires pour le faire réparer. Art. 34. « Le voisinage du Béarn, à l’égard de l’Espagne, occasionne souvent des discussions entre les vallées et les communautés limitrophes de ce royaume; il. en existe une considérable entre la vallée d’Aspe et une voisine d’Espagne, au sujet de la propriété de quelque montagne. Cette affaire a été soumise à des commissaires des deux nations, mais elle reste dans l’indécision. Votre Majesté est suppliée de donner des ordres afin de faire régler le plus tôt possible les contestations. Art. 35. « Le produit du péage et droits que l’on perçoit à la porte d’Aspe était destiné à la réparation et entretien des chemins de la vallée d’Aspe; cependant le domaine s’en est emparé, et ce produit est versé dans une caisse des ponts et chaussées établie à Auch. Votre Majesté trouvera qu’il est de sa justice d’ordonner ie rétablissement des droits de cette vallée, et que la destination des droits perçus à cette porte soit remplie. Art. 36. « Une déclaration du 1er mars 1771 assujettit les papiers fabriqués dans plusieurs papeteries de cette province au payement de divers droits ; et, comme cette imposition gêne le commerce et est trop onéreuse aux papeteries où ce droit est perçu, Votre Majesté est suppliée de révoquer cette loi. « Tels sont, Sire, les griefs généraux et communs sur. lesquels les gens des trois Etats de votre souveraineté de Béarn supplient Votre Majesté de leur accorder des règlements, et les demandes particulières du tiers-état auxquelles il vous supplie de pourvoir. Les trois Etats ont désiré de présenter à Votre Majesté, même sur les objete où ils peuvent avoir des intérêts ou des opinions opposées, les témoignage de l’accord et de l’union si conformes à vos intentions paternelles et si désirables pour le bien de la chose publique. (Signé) Barry, président du Tiers. »