[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26juin 1790.] 4g» rouge continuent à faire un feu bien nourri de la tour où ils sont retranchés ; l’attaque en est résolue, on offre capitulation à ceux qui la défendent ; ils refusent de se rendre; on les attaque avec du canon, ils répondent par un feu très-meurtrier. De nouvelles conférences sont sans succès ; la tour est emportée ; les assiégés fuient par les toits du collège et des maisons voisines, on se cache dans des souterrains qu’on sait attenants à la tour; on les poursuit dans le collège, où il se commet plusieurs désordres et d’où les régents et les pensionnaires se retirent (1). La nuit se passe sous les armes et sans effusion de sang. Le lendemain mardi, il arrive encore des secours de tous côtés, même d’au delà Idu département, de Ganges et de Montpellier. Toutes ces troupes réunies se portent à plus de douze mille hommes. Ces généreux citoyens viennent défendre la Constitution et leurs frères ; ceux qui avaient servi la veille commencent à se retirer. Ce jour il n’y a plus d’attaque réglée, mais les rues ne sont point sures ; les légionnaires à pouf rouge tirent encore des coups de fusil par les fenêtres; les troupes nationales se livrent à la fureur ; plusieurs maisons suspectes sont forcées et pillées; d’honnêtes citoyens souffrent également de ces désordres. On poursuit les poufs rouges; on les immole partout où on les rencontre; les instances réitérées, les efforts constants du comité électoral, des commissaires du roi , des chefs de gardes nationales et des bons citoyens arrêtent ces meurtres; et l’on emprisonne tous ceux qui sont soupçonnés d’avoir participé au complot que le courage des bons citoyens a déconcerté La municipalité reste dispersée; quelques-uns de ses membres seulement continuent leurs fonctions. L’assemblée électorale se rend en corps sur les places publiques, pour y exhorter les citoyens et les gardes nationales à la modération et à la paix. Dans ce même temps, on tire un coup de fusil d’un cabaret qui était le rendez-vous des poufs rouges, et qui se trouve voisin du lieu où s’assemblaient les électeurs. Aussitôt cette maison est forcée : elle récélait un dépôt de poudre et des gens cachés; le cabaretier est massacré. Un malveillant se glisse jusque dans le palais et delà tire sur l’armée nationale postée à l’esplanade. L’assemblée électorale poursuit ses scrutins avec courage, conservant plus des deux tiers de ses membres. Deux électeurs de la ville de Nîmes, l’un procureur de la commune, l’autre ofticier municipal, viennent se mettre sous sa sauvegarde, et sortent du palais pendant la nuit. Le mercredi matin, la légion nîmoise, privée depuis longtemps de son état-major, le crée de nouveau en présence de toute l’armée auxiliaire et du régiment de Guyenne ; il se forme une fédération entre toutes ces troupes ; le serment est prêté solennellement en présence du corps électoral, et le président proclame l’état-major de l’armée fédérée. L’ordre tenait peu à peu et les esprits sont moins échauffés. Instruits que les malveillants s’empressaient de répandre que la diversité des opinions religieuses était la cause des malheurs de la ville de Nîmes, le comité électoral et les officiers municipaux font, de concert, une proclamation pour détruire ces bruits, qui auraient pu être une source de nouveaux désordres. Le corps administratif, entièrement formé, cède aux circonstances impérieuses et se constitue provisoirement. Il donne des pouvoirs à l’état-major pour la formation de l’armée fédérée; il fait pour la ville et pour le département une proclamation de paix, qu’il publie solennellement le 17, et dont les bons effets deviennent sensibles à l’instant; il prend de nouvelles mesures pour le retour de l’ordre. t Déjà le désarmement des compagnies suspectes s’était opéré en partie ; des légionnaires séduits et dispersés dans les campagnes offrent de rendre leurs armes, ou ils sont forcés par les municipalités voisines. D’autres, réduits à la fureur et au désespoir, exercent dans les campagnes toutes les cruautés des brigands et massacrent des citoyens. Cependant la tranquillité commence à renaître dans la ville. Des troupes nationales qui venaient du côté de Remoulin donnent une fausse alarme ; on apprend qu’elles marchaient au secours des patriotes et qu’elles se sont retirées, lorsqu’elles ont su qu’ils avaient des forces suffisantes; cinq d’entre eux se rendent jusqu’à Nîmes, et reçoivent, au sein de rassemblée administrative, l’assurance du retour de la paix, et les témoignages d’une vive reconnaissance. Enfin, les membres du corps administratif, qui s’étaient provisoirement constitués, se séparent pour s’occuper de l’organisation des districts ; mais ne voulant pas abandonner la chose publique, ils croient devoir nommer un comité chargé de veiller au retour du bon ordre, de concert avec le reste de la municipalité et l’état-major de l’armée fédérée. Le district de Nîmes ayant terminé 3es élections, nomme un comité pareil, et chacun s’efforce de réparer les malheurs qui ont affligé cette ville infortunée. M. Cortois de Halore, évêque et député de Nîmes, demande que les pièces dont la lecture vient d’être faite soient renvoyées aux comités des recherches et des rapports pour en rendre compte à l’Assemblée. Gette motion est mise aux voix et adoptée. M. le Président ajourne l’Assemblée à demain, onze heures du matin. La séance est levée à dix heures du soir. (1) Il est important d’observer que la tour où les séditieux s’étaient réfugiés, est voisine de l’église des Dominicains, assignée d’abord pour le lieu des séances de l’assemblée électorale, et refusée par les commissaires du roi ; tout cet emplacement fait partie de l’ancien château royal de Nîmes, et en a conservé en partie les caractères.