856 [Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1789.] Hase de plusieurs établissemeuts ; en les anéantissant, c’est anéantir des contrats, ruiner des familles entières, et renverser les premiers fondements du bonheur public. M. Mounier propose de retrancher la phrase qu’il vient de citer. La glèbe, ajoute-t-il, a été générale dans le royaume ; il n’est pas étonnant qu’elle soit devenue la base de plusieurs conventions qu’il importe de ne pas anéantir. M. Duport. Tout ce qui est injuste ne peut subsister. Tout remplacement à ces droits injustes ne peut également subsister. Donc on ne peut les exiger. L’est la jurisprudence des tribunaux. Toutes servitudes réelles y sont abolies, et les droits qui les représentent sont également abolis. (On applaudit.) M. le Président met l’arrêté de M. Duport en délibération. Le voici tel qu’il a été adopté à la grande majorité (1 ). « L’assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal ; elle décrète que, dans les droits etdevoirs tant féodaux que censueis, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité. Tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode du rachat seront iixes par l’Assemblée nationale. Leux desdits droits qui ne sont point supprimés parce décret continueront néanmoins à être perçus jusqu’au remboursement. » Quelques membres de la noblesse ayant observé qu’il n’était pas question dans cet article des droits honoritiques, et qu’il était juste de les conserver aux seigneurs ; M. le président a demandé à l’Assemblée si elle voulait délibérer sur cette proposition. M. le duc de Liancourt. S’occuper de la discussion de ces droits qui ne sont attaqués par personne, c’est les infirmer. M. de Montmorency. J’appuie l’observation de M. le duc de Liancourt ; il n’y a là ni amendement ni motion ; il n’y a pas lieu à délibérer. Un membre réclame avec force contre les observations des préopiuanls, et fait la motion expresse de la suppression de tous les droits honorifiques. On met en délibération s’il y a lieu à délibérer. 11 est arrêté qu’il y a lieu à délibérer. M. le comte de Mirabeau. L’Assemblée nationale vient de décider que c’est le cas de délibérer sur les droits honorifiques ; mais il ne s’ensuit pas de là qu’il faille en faire la suite de l’arrêté qui vient d’être pris ; car c’est diamétralement opposé. Je ne crois pas qu'on puisse délibérer à trois heures sur une chose aussi importante ; je ne crois pas que l’ordre du jour puisse permettre cette délibération et que l’on suspende l’arrêté pris dans la nuit du mardi, arrêté que (1) Nous donnons cet article, tel qu’il a été inséré au procès-verbal, il diffère par quelques mots de la version du Moniteur, toute la France attend avec empressement, et si nécessaire pour faire renaître le calme. Ces raisons ont fait rejeter la délibération sur les droits honorifiques. Trois heures et demie étant sonnées, M. le President a levé la séance, et en a indiqué une autre à six heures du soir. Séance du soir. M. le Président dit que, pour se conformer aux ordres de l’Assemblée, il s’est rendu chez le Roi, pour lui parler de l’affaire de Brest et de celle des trois évêchés ; qu’il a trouvé Sa Majesté seule ; qu’elle l’a accueilli avec beaucoup de boulé, et qu’elle lui a dit qu’elle ferait connaître incessament sa réponse à l’Assemblée. 11 a dit que M. le garde des seaux l’avait préveau que le Roi avait accordé les entrées familières de sa chambre au président de l’Assemblée nationale, pour rendre à l’avenir la correspondance plus facile entre Sa Majesté et l’Assemblée. M. le Président annonce qu’un des premiers magistrats du royaume vient de faire supprimer un droit de péage très-avantageux pour lui, mais très-nuisible pour le commerce. Le respectable magistrat avait instamment prié M. le président de ne pas le nommer ; c’était la seule récompense qu’exigeait sa modestie ; mais elle aurait trop coûté à l’Assemblée : M. le président a cru devoir nommer l’auteur de cette belle action ; c’est M. le premier président du parlement de Bordeaux, M. Le Berthon. M. le Président a dit enfin que M. Volter de Neurbourg avait fait le même sacrifice dans ses domaines ; qu’il abandonnait en outre les droits de lods et ventes qui lui appartenaient dans toute l’étendue du territoire de Sentrits, et une somme de 6,692 liv. 5 s. qui lui était due par le gouvernement pour arrérages d’une pension ; que son acte d’abandon, qui était sur le bureau, serait déposé dans les archives de l’Assemblée. M. le marquis de Lusignan s’est approché du bureau pour donner lecture des nouveaux pouvoirs qu’il avait reçusdeses commettants ; et il s’est expliqué en ces termes : Connaissant le respect et la confiance de mes commettants aux lumières de cette auguste Assemblée, j’avais prévenu leur permission en adhérant à ses décrets, bien convaincu que leur approbation justifierait mon zèle et répondrait à tous les vœux de mon cœur. Le comité des rapports a rendu compte a l’Assemblée de l’affaire de M, le duc de la Vauguyon. M. Desmeuniers. Il a été ministre dans des temps où toute la cour trempait dans la conjuration la plus atroce. Il a été ministre, et n’a pas refusé: il est dans un état de suspicion, et il doit être détenu jusqu’à la preuve authentique de son innocence. M. l'archevêque de Langres réfute M. Desmeuniers. M. l’abbé Sieyès parle aussi en faveur de M. le duc de la Vauguyon ; il invoque les principes qui veillent à la sûreté de tous les individus.