392 [Assemblée nationaie.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juin 1790.] bres, elle sera nécessairement mise aux voix, et le président sera tenu de prendre les moyens qui sont en son pouvoir pour faire exécuter le décret (1). Art. 15. Tout membre qui ayant été rappelé à l’ordre, s’y sera mis aussitôt, pourra demander et obtenir la parole pour se justifier avec modération et décence. Art. 16. Aucun membre ne pourra en rappeler personnellement un autre à l’ordre, mais seulement requérir le président de le faire. Le président sera tenu de mettre aux voix toute motion tendant à un rappel à l’ordre, lorsqu’elle sera appuyée par quatre membres de l’Assemblée (2). Art. 17. S’il s’élève dans l’Assemblée un tumulte que la voix ni la sonnette du président n’aient pu calmer, le président se couvrira ; ce signal sera, pour tous les membres de l’Assemblée, un avertissement solennel qu’il n’est plus permis à aucun d’eux de parler; que la chose publique souffre, et que tout membre qui continuerait de parler ou d’entretenir le tumulte, manque essentiellement au devoir d’un bon citoyen. Le président ne se découvrira que lorsque le calme sera rétabli. Alors il interpellera un ou plusieurs des membres, auteurs du trouble, de déclarer leurs motifs : la parole sera accordée à celui qui eh aura été le moteur ou l’occasion; aussitôt qu’il aura été entendu pour sa justification, le président consultera l’Assemblée, soit sur la justification du membre inculpé, soit sur es peines à infliger. Art. 18. Les députés à l’Assemblée nationale peuvent seuls se placer dans l’intérieur de la salle. Tout étranger, qui s’y serait introduit, sera tenu de se retirer aux premiers ordres qui lui (1) Cette prison a pu paraître trop sévère. Quelques réflexions peuvent cependant réconcilier beaucoup d’esprits avec cette disposition. Conservez-la, la peine énoncée pourra n’être jamais encourue ; et il n’est pas impossible qu’elle soit souvent méritée, si elle n’est point à craindre. 11 est très important d’apprendre aux citoyens à respecter les lois : quoi de plus propre à marquer de son vrai caractère l’amour de la liberté que l’exemple des représentants qui consentent eux-mêmes à s’en imposer d’aussi rigoureuses? Cette peine, enfin, ne sera jamais prononcée que sur la demande d’un grand nombre de membres, et le vœu de la majorité. (2) Avant d’exposer l’article suivant, j’ai cru devoir faire observer qu’il est puisé dans l’un des usages qui se pratiquent avec succès dans la Chambre des communes de l’Angleterre; et certes il n’est pas de nation à laquelle l’on puisse le proposer avec plus de confiance qu’à la nôtre. Depuis trop longtemps le peuple français, malgré le droit de toutes les nations, et celui dont il a joui dans ses premiers âges, était soumis au despotisme. L’honneur français, l’honneur seul a suffi pour le soustraire à �avilissement qui, chez beaucoup d’autres peuples, en a été la suite nécessaire. Le sentiment de l’honneur est donc un des plus puissants ressorts qui puisse être employé parmi nous; et tel est celui dont je vais avoir l’honneur de vous parler. Lorsque un désordre général trouble la séance de la Chambre des communes d’Angleterre, et que les moyens ordinaires n’ont pu suffire pour y rappeler l’ordre, le président se couvre ; et ce signe imposant, annonçant que la séance demeure suspendue, avertit tous les bons citoyens que la chose publique souffre, et produit sur chacun d’eux l’effet infaillible de les faire tous à l’instant rentrer dans l’ordre. Cet effet ne le sera pas moins parmi vous. C’est dans cette confiance que les commissaires ont rédigé l’article que je vais avoir l’honneur de vous présenter. en seront intimés. Dans le cas d’une résistance, et de la nécessité de requérir main-forte, l’étranger sera conduit en prison pour vingt-quatre heures, ou pour un temps plus long, suivant la gravité des circonstances. Art. 19. Il sera prononcé par l’Assemblée cpntre les étrangers, placés aux galeries ou ailleurs, qui troubleraient la séance, ou qui manqueraient à l’Assemblée, des peines proportionnées à leurs délits. La prison pour un temps plus ou moins long, mais déterminé, sera la peine la plus grave. Plusieurs membres demandent l’impression du rapport et l’ajournement de la discussion après la distribution. L’ajournement est rejeté. M. de Faucigny-Lncinge. Je propose de rédiger ainsi l’article 1er. « Le président usera avec politesse et modération , etc... » M. Fréteau. Gomme il n’est pas possible de supposer que le président de l’Assemblée nationale de France n’usera pas de son autorité avec politesse, je demande la question préalable sur l’amendemeDt. M. de Bonnay. Je demande l’insertion d’un article additionnel après l’article 6, portant qu’aucune discussion ne pourra être fermée qu’après que deux opinants pour et deux opinants contre auront été entendus. M. de Faucigny. Je fais une autre proposition additionnelle : c’est que, lorsqu’une discussion aura été ouverte, on ne puisse décréter que la question sera décidée sans désemparer, dans la même séance. Mon but est d’éviter les surprises, de quelque part qu’elles viennent. M. Muguet de Nantfaou. Rien n’est plus important que de marcher à grands pas au terme de la Constitution; les amendements proposés pourraient embarrasser la marche de nos travaux, et j’en demande le rejet. M. de Robespierre. Il faut pourtant que la * lumière se fasse et vous ne pouvez clore un débat avant de l’avoir ouvert. Gomme l’article proposé par M. de Bonnay sauvegarde le droit de discussion, je suis d’avis de le décréter. M. Charles de Kjameth. Je viens vous représenter que si quatre orateurs pouvaient être entendus dans les discussions, vous n’aboutiriez à rien, parce qu’il y a dans l’Assemblée des membres assez féconds pour discuter trois ou quatre heures sur un objet insignifiant. Galcuiez le nombre des séances qui seraient, perdues de la sorte. (L’amendement de M. de Bonnay est rejeté.) Plusieurs membres proposent ensuite diverses modifications de rédaction qui sont adoptées. M. le Président met aux voix les articles 1 à 6 qui sont décrétés en ces termes : « Art. 1er. Le président usera avec autant de fermeté que de sagesse, de toute l’étendue du pouvoir qui lui est confié par le règlement et par les articles qui suivent : Art. 2. Aucun des membres de l’Assemblée ne se placera auprès du siège du président, du bu- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juin 1790.) 393 reau des secrétaires, ni dans le milieu de la salle; et les places des trésoriers ne seront jamais remplies que par eux. La barre ne sera occupée que par les personnes auxquelles l’Assemblée aura permis de s’y placer. « Art. 3. La tribune ne sera occupée que par l’opinant; aucun des membres placés sur les bancs voisins ne pourra lui adresser la parole. Les membres de l’Assemblée pourront proposer de simples observations de leurs places, mais ils passeront à la tribune lorsque le président les y invitera. «> Art. 4. Le présidentestexpressémentchargéde veiller à ce que personne ne parle sans avoir obtenu de lui la parole, et à ce que jamais plusieurs membres ne la prennent à la fois. « Art. 5. Lorsque plusieurs membres demanderont la parole, le président l’accordera à celui qui la lui aura demandée le premier. Il fera faire une liste des autres par un secrétaire qui les appellera ensuite suivant l’ordre de leur inscription ; la liste sera double ; elle n’aura d’effet que pour une seule séance, et les opinants parleront alternativement pour et contre. « Art. 6. Si une réclamation s’élevait sur la décision du président concernant l’ordre de la parole, ou sur la liste, l’Assemblée prononcera. » La suite de la discussion est renvoyée à une séance ultérieure. M. Antoine de MVailly de Château-Renaud , suppléant deM. Lezay-Marnésia, démissionnaire, dont les pouvoirs ont été vérifiés et trouvés en règle, est admis comme député d’Aval. M. Martineau propose d’excepter les ambassadeurs et les étrangers de la disposition qui prohibe l’usage des livrées et des armoiries. M. de Hoailles, député deNemours. Jepriel’As-semblée d’observer que le décret rendu hier ne peut concerner les ambassadeurs et le s étrangers. Si cette disposition les renfermait, elle entraînerait beaucoup d’inconvénients qui frappent sans doute tous les esprits, et que je crois inutile de développer. La proposition de M. Martineau est adoptée en ces termes : <« Ne sont compris dans la disposition du présent décret tous les étrangers, lesquels pourront conserver en France leurs livrées et leurs armoiries. » M. Bouche. Je demande que ceux qui portent un nom en vertu d’un acte, don, cession ou autre contrat, soient obligés de le quitter pour prendre celui qu’ils portaient anciennement. M. d’Ambly. Le décret est porté, il faut l’exécuter. Rien n’est plus naturel que de s’appeler Jacques, François ou Paul. Qui est-ce qui perdra à cela? Personne, si ce n’est les usurpateurs de noms. On demande la question préalable sur la motion de M. Bouche. L’Assemblée décide qu’il n’v a pas lieu à délibérer. M. Dumouchel, secrétaire. Dans la séance d’hier soir, vous avez adopté, sauf rédaction, sur la proposition de M. Alexandre de Lameth, un décret concernant les quatre ligures enchaînées qui se trouvent au pied delastatuede LouisXIV. Ce décret a besoin de la sanction définitive dé l’Assemblée. L’auteur de la motion propose une rédaction ainsi conçue : « L’Assemblée nationale considérant qu’à l’approche du grand jour qui va réunir les citoyens de toutes les parties de la France pour la fédération générale, il importe à la gloire de la nation de ne laisser subsister aucun monument qui rappelle des idées d’esclavage, offensantes pour les provinces réunies au royaume ; qu’il est de la dignité d’un peuple libre de ne consacrer que des actions qu’il ait lui-même jugées et reconnues grandes et utiles, « A décrété et décrète que les quatre figures enchaînées au pied de la statue de Louis XIV, à la place des Victoires, seront enlevées avant le 14 juillet prochain, et que le présent décret, après avoir reçu la sanction du roi, sera envoyé à la municipalité de Paris, pour en suivre Fexécu-tion. » (Ce décret est adopté.) M. le Président donne lecture d’une note de M. le garde des sceaux, qui annonce que le roi a donné sa sanction ou acceptation aux décrets suivants : « Le roi a donné sa sanction ou son acceptation : « 1° Au décret de l’Assemblée nationale du 8 de ce mois, qui commet, provisoirement la municipalité de Paris à l’exercice de toutes les fonctions attribuées par le décret du 14 avril, que le roi a sanctionné, aux administrations de département et de district, ou à leur directoire ; « 2° Au décret du 9, relatif aux citadelles, forts, châteaux et autres fortifications qui existent actuellement dans le royaume, et singulièrement à la citadelle de Montpellier; « 3° Au décret du 10, qui autorise la municipalité de Paris à faire évacuer le couvent des récollets du faubourg Saint-Laurent, et celui des dominicains de la rue Saint-Jacques, pour être provisoirement employés à servir, soit de dépôt aux mendiants infirmes, soit d’atelier de travail pour les mendiants valides ; « 4° Au décret du 11, pour la suite et l’accélération des opérations des commissaires du roi chargés de l’établissement des assemblées administratives des départements, et notamment du département de la Corrèze; « 5° Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Montrond à imposer dans leurs rôles la somme de 2,400 livres, en prenant pour base de cette imposition le taux des vingtièmes ; « 6° Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Salins à imposer la somme de 4,000 livres, en deux ans, sur tous les habitants qui payent 4 livres et au-dessus d’impositions directes; « 7® Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Chevreuse à imposer la somme de 4,000 livres, et par quart, dans le cours de 4 années prochaines, sur tous les contribuables qui payent au-dessus de 5 livres de toute espèce d’impositions ; « 8° Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de Saint-Yrieux à imposer la somme de 3,000 livres sur tous leurs contribuables ; « 9° Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Moissac à imposer la somme de 3,000 livres, au marc la