[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 octobre 1789.] profondi. Je demande l’ajournement de cette discussion. M. le duc de La Rochefoucauld. J’adopte toutes ces observations, et je pense qu’en ajournant la question, on pourrait décréter sur-le-champ ce principe de Constitution : que le peuple .a le droit de s’assembler, mais en suivant les formes prescrites. L’Assemblée décrète l’impression du projet de M. Target, et ordonne qu’ainsi que celui de M. le comte de Mirabeau, il sera remis au comité de Constitution. M. le duc d’Aigui lion fait une motion tendant à faire nommer un comité chargé de recevoir les adresses. Cette motion est ainsi conçue (1): Messieurs, il me semble que plus que jamais il est nécessaire d’accélérer les opérations de l’Assemblée. Jusqu’à présent vous avez marché au milieu des dangers vers le but auquel vous allez arriver pour le bonheur de la France. Les obstacles sans nombre que vous avez rencontrés ont pu ralentir votre marche, mais dans les circonstances actuelles, il est plus que jamais nécessaire de réunir tous nos efforts pour hâter l’instant de la félicité publique. Bientôt une Constitution sage établira la liberté de Ja nation ; bientôt les villes par l’organisation de leurs municipalités, les provinces par celles de leurs assemblées administratives, seront sûres de leur tranquillité; bientôt l’établissement d’un régime nouveau dans les lois, dans les tribunaux, dans la manière de rendre la justice, va mettre l’innocent à l’abri des attentats du coupable; bientôt enfin l’ordre dans les finances et l’établissement du crédit public assureront à jamais la force de l’empire. Ces biens vont vous être dus, Messieurs, mais il faut presser le moment où la France vous comblera de bénédictions. Vous allez à Paris vous réunir au Roi, pour achever l’ouvrage important que vous dictent votre patriotisme et vos lumières. Rien ne doit vous détourner un instant de cet objet si désiré et cependant, au milieu d’un peuple satisfait de posséder l’Assemblée nationale dans les murs de la capitale, ne craignez-vous pas que l’empressement de tous les corps, de toutes les réunions de citoyens, de particuliers môme, ne vous enlèvent chaque jour des instants précieux? Ne craignez-vous pas que leurs demandes, leurs plaintes, qu’ils viendront en foule vous adresser, ne vous dérobent un temps qui doit être consacré au bonheur de tout le royaume ? D’après ces considérations je crois que l’Assemblée nationale devrait interdire de recevoir à labarre toute députation quelconque des habitants de Paris si ce n’est celle des représentants de la communede Paris. Il est cependant nécessaire d’accueillir les demandes, les plaintes des citoyens, et cette loi de justice est trop bien gravée dans vos cœurs, Messieurs, pour que je me permettede vous la répéter. Il faut donc, ce me semble, que l’Assemblée nomme un comité de vingt membres, dont dix de la députation de Paris, pour recevoir les adresses, les demandes, les plaintes et toutes affaires quelconques des corps, communautés, réunions de citoyens et particuliers de la capitale, excepté la commune dont les députations seront toujours reçues à la barre de 1 Assemblée nationale. Si vous approuvez, Messieurs, et les (1) Cette motion ne se trouve pas au Moniteur. 453 motifs qui ont dicté mon opinion, et mes idées à cet égard, j'aurai l’honneur de vous proposer l’arrêté suivant; « L’Assemblée nationale, constamment occupée de ses travaux importants, et ne voulant perdre aucun instant pour achever l’œuvre si désirée de la félicité publique, a décrété et décrète ce qui suit: « Aucune députation quelconque, d’aucun corps, communauté, réunion de citoyens, des habitants de la capitale, sous quelque titre que ce soit, ne sera désormais admise à la barre, excepté les députations des représentants de la commune de cette ville. « Il sera nommé dans le sein de F Assemblée un comité de vingt personnes, dont dix choisies parmi les membres de la députation de Paris. Ce comité sera chargé de recevoir les adresses, demandes, plaintes et toutes affaires quelconques qui pourraient être soumises aux représentants de la nation parles corps, communautés, réunions de citoyens, sous quelque titre que ce soit, et particuliers de la capitale. « Le comité fera ensuite ses rapports à l’Assemblée nationale. » La motion de M. le duc d’Aiguillon est mise en discussion. M. Barnave. Je pense qu’il faut substituer le comité des rapports à la commission demandée. M. llilscent. On pourrait inférer de ce décret que les autres municipalités du royaume ne pourront députer à l’Assemblée; je suis certain cependant que beaucoup de villes, qui ont des choses importantes à communiquer, ont envoyé des députations qui sont déjà à Paris. M. Grarat expose le danger d’une exception en faveur de la capitale. M. de la Grallssonnière. Il y a déjà des députations envoyées par deux provinces entières: pourra-t-on les refuser? M.le duc d’AUguillon. L’Assemblée a renduun décret par lequel elle avait arrêté que, passé le 10 du mois d’août, aucune députation ne serait reçue à la barre; mais ce n’était que pour les députations de félicitation. Quand bien même l’objet de ce décret aurait été plus étendu, l’Assemblée a assez prouvé, par un usage contraire, qu’elle n’entendaitpoint l’exécuter rigoureusement. Aussi je n’ai pas proposé une exception à ce décret en faveur de la ville de Paris; j’ai seulement voulu exclure les députations des corps et communautés, ou les agrégations de citoyens. Le décret proposé par M. le duc d’Aiguillon est, après quelques amendements, adopté comme il suit: « L’Assemblée nationale, constamment occupée de ses travaux importants, et ne voulant perdre aucun instant pour achever l’ouvrage si désiré de la félicité publique, décrète : « Qu’il n’y aura de députation de Paris admise à la barre que celle des représentants de la commune de cette ville ; et quant aux adresses, demandes, plaintes, qui pourraient être présentées à l’Assemblée nationale par des corps, communautés ou réunions de citoyens, sous quelque titre que ce soit, et particuliers de Paris, elles seront portées an comité des rapports, qui en rendra compte à l’Assemblée nationale. » M. Alquier, membre du comité des rapports , 454 [Assemblée nationale.] ARCHIVES à fait un rapport sur l’affaire de M. de Mintier, évêque deîréguier. Il dit dans son mandement que ie Roi est digne de porter le sceptre de Charlemagne... « Il est donc vrai qUe le diadème est garni de pointes cruelles, qtii ensanglantent le trône des rois, et que, dans la crise excitée par des libellistes fougueux, le trône est ébranlé ..... , que la vertu d’un évêque est d’opposer son courage, comme saint Thomas de Cantorbéry aux nouveautés dangereuses?... Qui jatnais a mieux mérité que le Roi les sacrifices des peuples 1 Que la monarchie française est différente d’elle-même! ..... Les princes fugitifs, le pouvoir militaire énervé, un système d’indépendance soutenu avec force, la vengeance aiguisant ses poignards ..... la capitale a été souillée par des assassinats... Tels sont les ouvrages de ceux qui abusent de leurs talents ; conservons nos lois et réformons nos mœurs. « Chaque Etat a ses habitants ; les monarchies surtout ne se soutiennent que par les principes anciens ..... « Les doléances pénétraient bientôt dans le cœur de nos maîtres, les riches jouissaient de leur opulence, le superflu se répandait sur les pauvres, l’honnête plébéien jouissait du fruit de ses travaux; ces beaux jours ont disparu comme un songe. La religion est anéantie ; ses ministres sont réduits à la triste condition de commis appointés des brigands; on soulève les gens de campagne; on attaque les châteaux; tous ces maux prennent leur source dans les libelles anonymes ; le scepticisme, l’égoïsme, voilà la morale du jour. L’on veut que le disciple obstiné de Moïse, le sectaire de Mahomet, le voluptueux athée vivent avec le chrétien ..... » Ce mandement est terminé par une invocation à la bienfaisance, et il ajoute : « N’est-il pas étonnant qu’il y ait des gens qui veulent circonscrire les droits du souverain? Réclamons nos anciennes lois. « Il y a dès abus; mais pour les réformer faut-il faire couler le sang? « Vous qui partagez nos fonctions, ministres de Dieu, montez dans nos chaires, faites entendre les leçons de la soumission; dites aux peuples qu’ils s’abusent quand ils croient aux diminutions des impôts; dites qu’on les trompe quand on accuse les chefs du clefgé... « Vénérables cultivateurs, n’est-ce pas à l’accord de votre noblesse et de votre clergé que voils devez votre félicité ? « Ces systèmes d’égalité dans les rangs et la fortune ne sont que des chimères, ün vous trompe, quand on vous promet d’arracher de vos pasteurs et de vos seigneurs leurs propriétés. » Tel est l’extrait du mandement de M. l’évêque de Tréguier. Vit-on jamais, dit le rapporteur, un écrit aussi incendiaire? Quoi! un prélat exhorte de mouter dans la chaire de vérité pour y débiter de pareilles horreurs! Peut-il donc jusqu'à ce point s’oublier et déshonorer le caractère sacré d’un mihistre de paix ? Dans un siècle moins éclairé, le fanatisme aiguiserait ses poignards, la discorde allumerait ses sinistres flambeaux, les secouerait sur la France, et, à la voix d’un prélat fanatique ou irrité� tout l’empire serait à feu et à sang. Mais heureusement la raison domine et guide les Français ; ils mépriseront les cris d’un furieux qui aspire à la palme du martyre, qui croit avoir dit beaucoup quand il nous dit qu’il opposera la fermeté de saint Thomas de Cantorbéry, LEMÉNTA1RES. [15 octobre 1789.] Prélat, lisez votre histoire, lisez avec les yeux de la raison, de l’humanité, et vous verrez si vous devez vous autoriser d’un pareil exemple ! Ce prélat que vous citez avait au moins un prétexte spécieux; ' mais vous, de quel droit, dans quel dessein criez-vous qu’on abuse les peuples, qu’on les trompe, que la religion est anéantie? De quel droit calomniez-vous les augustes réprésentanls de ' la nation? En est-il un parmi eux, je dis même parmi ceux qu’on appelle aristocrates, animé de pareils sentiments? J’aime à croire qu’il n’en existe aucun qui vous ressemble. On fait quelques observations sur cette affaire; mais elle est ajournée avant que le rapporteur ait terminé. La discussion sera reprise mardi prochain. Les gardes de la prévôté de l’hôlel, qui, pendant tout le cours des séances de l’Assemblée nationale à Versailles, ont été chargés de la garde des portes de la salle, ont demandé à continuer auprès d’elle leur service, lorsque les séances seraient transférées à Paris. Il a été arrêté que M. le président serait chargé de prendre, à cet égard, les mesures convenables, et de les concerter avec le ministre ayant le département de Paris. La garde nationale de Versailles a offert d’escorter la caisse des dons patriotiques dans son transport à Paris. M. le président a été chargé de lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée sur cette offre, etdefaireses remerciements à la ville de Versailles. Les commis du secrétariat ont demandé de se rendre à Paris ; l’Assemblée y a consenti. MM. Camus, Glezen, Emmery, Redon et Arnould, conjointement avec M. le président, les secrétaires de l’Assemblée nationale, ont été chargés de régler l’ordre du travail des commis, leur nombre, la division des bureaux et départements dans lesquels ils seront employés. Le rapport de l’affaire de M. Marat a été ajourné à mardi prochain. M. de Menou a demandé que les députés ne fussent plus distingués par aucun costume particulier, qu’il n’y eût plus de distinction de places dans la salle des séances, ni de rang et préséance dans les cérémonies publiques : l’Assemblée a adopté cette proposition propre à établir et à conserver une précieuse confraternité. Le comité des domaines a nommé pour président M. Parent de Chassy, et pour secrétaires MM. Rarrère de Vieuzac et Geoffroy. M. le Président a levé la séance en l’indiquant à lundi prochain, 19, à dix heures précises du matin, dans une salle de l’archevêché de Paris, préparée à cet effet. 11 a annoncé pour l’ordre du jour la discussion sur l’organisation des municipalités. ANNEXE à la séance de l'Assemblée ndtionale du 15 octobre 1789. Les ministres du Roi attachés, comme ils en fqnt profession, aux principes de l’Assemblée nationale, et voulant se conformer à ses décrets dans les parties del’administration que le Roi leur con-