270 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.] de créer deux Chambres avec un veto respectif l'une sur l’autre, comme en Amérique. Dans mon plan, les membres des deux sections sont nommés par les représentants : par conséquent, point d’aristocratie; ils sont élus au sort et renouvelés au scrutin tous les mois : par conséquent, point de supériorité; point de veto l’une sur l’autre et point de corruption à craindre. Ces fréquentes mutations l’éloignent nécessairement et déjouent tous les calculs à cet égard. Par le moyen des discussions préparatoires qui auront lieu”dans les sections, un parti ne pourra jamais emporter d’assaut une délibération. Toutes les questions sont soumises à la délibération de l’Assemblée générale et décidées par la majorité après la discussion la plus ample. De là résulte qu’il y a donc dans celte forme législative plus de sûrelé pour la propriété publique, plus de chances pour la raison et la vérité, plus de sagesse dans les décisions, puisqu’elles s’épurent par les discussions et que les influences des préjugés et des passions y ont moins de prise. Enlin, cette législature s’accorde mieux à la nature humaine; elle offre une plus belle carrière aux talents et aux vertus de plusieurs. La sagesse, le savoir, l’expérience, la fermeté, l’élévation de l’âme ont plus d’occasion de se développer dans ces divers combats soutenus des deux sections. Le public a plus de temps pour s’éclairer, pour manifester son opinion, pour éclairer à son tour les combattants. Il y a donc dans cette division des avantages pour la chose publique, sous quelque point de vue qu’on l’envisage; telles sont les raisons qui m’ont déterminé pour le mode que je propose, mode qui ne détruit pas l’unité d’une Chambre; qui, sans doubler les chances, sans y introduire le système empirique des poids et contre-poids, forme les délibérations, leur donne le plus de maturité possible; mode qui est autant éloigné de l’aristocratie des deux Chambres que de la démocratie d’une Chambre unique. En un mot, le secret de la stabilité de votre Constitution et de tout gouvernement libre en général est dans la division d’une Assemblée délibérante en deux sections. Je n’ai pas voulu cette stabilité dans les hommes appelés à faire la loi; elle ne conduit qu’à l’esclavage; mais je veux la stabilité dans les lois et cette stabilité dépend des formes qui commandent une délibération sage, qui excluent les mauvaises lois, qui garantissent la durée des bonnes, c’est-à-dire qui éloignent la précipitation et l'irréflexion, de ces formes enfin qui ne permettent pas à l’esprit de parti de s’arroger un empire funeste par l’mtrigue. On vous a parlé beaucoup d’anarchie. Eh ! Messieurs, sa durée n’est qu’en raison de la force de l’esprit de parti qu’elle peut plus facilement entraîner, soit par l’enthousiasme, soit par des terreurs. La force de l’esprit de parti est dans l’unité de la délibération: c’esl frapper du môme coup, du coup de la mort, le règne de l’enthousiasme, de l’erreur, de l’esprit de parti, et par conséquent de l’anarchie. C’est d’après ces considérations que je me suis hasardé à présenter le projet suivant que je vous prierai, si vous le jugez à propos, de renvoyer à votre comité de Constitution (1) : (1) Ce projet, qui n’a pu être fait que très hâtivement, aurait été corrigé par l’auteur, s’il n’eût pas cru devoir le livrer à l’impression tel qu’il l’a proposé à la tribune. [Note de M. Buzot.) « Art. 1er. Toutes les propositions importantes et tous les rapports des comités qui pourront entraîner de longues discussions seront soumis à la forme de délibération qui suit : « Lorsque la majorité de l’Assemblée l’exigera, l’Assemblée se divisera en deux sections, composées comme il va être dit : « Art. 2. Tous les mois, après la nomination des officiers de remplacement, les noms des représentants seront mis dans une roue, et l’on en tirera la moitié des noms : cette moitié fera la première section. — Les noms restants formeront la seconde. Le président et deux secrétaires passeront dans cette seconde; le vice-président et deux autres secrétaires, dans la première. On ne pourra inférer de ces dénominations aucune supériorité, les deux sections formant deux fractions égales d’un tout homogène. « Art. 3. L’objet renvoyé à l’examen des deux sections, y sera discuté successivement, publiquement et dans les mêmes formes que dans l’Assemblée générale.