Q0 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 septembre 1789.] pèsent comme à vous. J’ai demandé la parole our une proposition incidente. Honorez-moi ’un instant d’attention : je serai à la fois clair et court. Messieurs, quand on se fait un tableau étendu et fidèle des circonstances où se trouve actuellement le royaume ; quand on se représente que depuis plusieurs mois, toute puissance publique est vacillante et mal assurée ; que le cours de la justice est languissant et suspendu; que l’aliment de toute administration, le payement des impôts est interrompu ; quand on considère de quelles conséquences terribles menace la continuation d’un état si violent, si précaire, il est impossible d’aimer le bien public, d’être bon citoyen et de ne pas concevoir de vives alarmes de la lenteur de notre marche, et des délais qui surviennent chaque jour à nos plus pressantes opérations. D’autre part, quand on examine d’où naissent les entraves qui arrêtent nos pas; quand, recherchant leur nature et leurs causes, on amène en comparaison les personnes avec les choses ; quand on observe que depuis quinze jours spécialement, les oppositions aux principes les plus clairs, les incidents sur les questions les plus simples, se sont multipliés ; quand, pour le dire en un mot, on fait attention quels nouveaux moteurs d’opposition, depuis cette époque, ont apparu dans cette tribune et ne la quittent plus, il est encore impossible de ne pas s’apercevoir que les motifs de nos lenteurs dérivent de notre propre composition, et que nous portons dans notre sein le germe couvert, mais non étouffé, de tous nos obstacles. Mon dessein n’est pas de m’appesantir sur cette matière, encore que ce ne soient point des murmures qui puissent m’imposer silence ; car, si un homme connu par sa résistance aux vœux de la nation a pu récemment faire céder cette Assemblée à son opinion, il ne me serait pas difficile d’avoir en uu autre sens autant de courage. M. Duval d’Eprémesnil demande au président que l’orateur soit rappelé à l’ordre dont il s’écarte par une inculpation. Toute l’Assemblée rappelle M. d’Eprémesnil lui-même à l’ordre, et lui prescrit le silence. M. de Volney. Je ne vise pas au scandale et, pour arriver droitement à mon but, j’ai l’honneur de demander à l’Assemblée 'qu’elle décrète d’abord: 1° Que toute délibération sur la réponse du Roi aux arrêtés du 4 août soit ajournée ; 2° Qu’il soit déclaré que Ton rentrera sans délai dans la discussion des *bjets essentiels et pressants de la constitution; Qu’en conséquence il soit, avant tout autre article, discuté et déterminé: 1° De combien de membres sera composé le Corps législatif; 2° Quelles seront les conditions requises pour être électeur et éligible ; 3° Quels seront et le mode et les départements d’élection dans le royaume ; 4° Qu’aussitôt que ces objets seront décidés, l’Assemblée nationale actuelle, sans quitter sa session, sans discontinuer ses travaux, ordonne dans toute l’étendue du royaume une élection de députés selon le nouveau mode ; lesquels viendront de suite nous relever, et substituer une représentation véritablement nationale à une représentation vicieuse et contradictoire, où des intérêts personnels et privés, mis en balance égale avec l’intérêt général, ont la faculté d’opposer un ressort si puissant à la volonté publique. Cette motion est universellement applaudie, et tous les membres sans exception se lèvent pour témoigner leur adhésion. M. Gnillotin rappelle à la question primitive, et résume les différentes motions relatives au discours du Roi. 11 reconnaît et présente avec de nouveaux développements le principe incontestable qui établit la différence de la sanction ou du consentement du Roi, avec la promulgation que l’Assemblée a pu seule demander. 11 conclut en adoptant l’ajournement proposé par M. Chasset. M. le Président observe qu’il est trois heures et demie; il lève la séance, et la convoque pour ce soir sept heures et demie. De nombreuses réclamations s’élèvent pour qu’on ne se sépare pas sans délibérer; cependant la séance est levée. Séance du 18 septembre 1789, au soir. M.de NToailles fait la motion suivante concernant la constitution de l’armée (1). Messieurs, l’Assemblée nationale vient de poser les bases primordiales de toute constitution dans la Déclaration des droits de l’homme. Elle s’occupe maintenant de tracer le plan de la constitution particulière de la France. Déjà, démarquant la limite des deux grandes divisions de tout gouvernement, elle a prononcé la séparation de la puissance qui ordonne, de celle qui exécute. Déjà, saisissant dans cette dernière les subdivisions qui la constituent, elle a projeté l’organisation du pouvoir qui administre, et du pouvoir qui juge. Un troisième rameau lui reste, non moins important, non moins digne de ses soins, puisque c’est par lui que les autres se maintiennent, je veux dire le pouvoir militaire ; c’est donc entrer dans les vues de l’Assemblée nationale et concourir à ses travaux que de lui présenter un plan d’organisation des milices et de l’armée, qui fasse correspondre leur action à celle de l’administration et de la justice, pour le double objet de toute société : la sûreté extérieure de l’Etat et la liberté domestique des citoyens. Pour obtenir cette sûreté, chacun doit concourir à la défense de tous, chacun doit le service militaire personnellement ou par représentation. L’armée soldée peut ainsi être considérée comme une partie de la totalité des citoyens qui se chargent à certaines conditions du service militaire, auquel seraient tenus tous les citoyens ; elle est aussi la représentation d’une partie de l’impôt destiné à la protection des propriétés, et à la sûreté des personnes; elle est enfin une perspective d’honneur et de fortune pour tout ce qui peut porteries armes dans l’Etat. Le Roi est le chef naturel de l’armée; les ordonnances qui sont relatives aux troupes se donnent en son nom, mais ce n’est qu’en vertu des lois décrétées par le Corps législatif que le pouvoir militaire peut exister et agir. 11 est de plus à considérer que celui qui est chargé de diriger les forces militaires de l’Etat, (1) La motion de M. de Noailles n’a pas été insérée au Moniteur.