280 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMERTAJRESj [22 mars 1791. Adresse de M. d’ Esparron,vicê-consul de France , aux Dardanelles, contenant la prestation de son serment civique entre les mains de la municipalité d’Aigues-Mortes, conformément à la loi du 1er décembre dernier. Lettre du procureur général syndic du département de V Ardèche, contenant une délibération du conseil général de la commune et autres citoyens notables de la ville des Vans, par laquelle ils ont décerné la couronne civique à M. Moutet, leur maire, en récompense de la conduite héroïque qu’il a tenue lors des troubles excités par le fanatisme dans cette ville. Adresse de la société dès amis de la Constitution, établie à Laon, qui consacre les premiers moments de son existence à présenter à l’Assemblée nationale l’hommage de son admiration et de son dévouement ; elle expose ses alarmes sur les émigrations, et supplie l’Assemblée de défendre à tout Français, sous peine d’être à jamais privé du droit de citoyen actif, de s’expatrier sans passeport, donné sur motifs suffisants, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale ait terminé ses travaux et achevé la Constitution française. Adresse du sieur Canière, vicaire de Cambon, district de Saint-Pons, qui fait hommage à l’Assemblée de la prestation de son serment civique. Adresse des administrateurs composant le district dé Saint-Hippoly te, qui annoncent que tous les fonctionnai es publics de leur arrondissement ont prêté le serment, la plupart sans préambule, et quel tues-uns (avant de connaître la loi du 4 janvier) avec préambule, respirant religion et civisme. Iis demandent s’ils seront obligés défaire remplacer res derniers. Joseph-Etienne Michel, négociant d' Aiguières, administrateur du département des Bouches-du-Rhône, prie l’Assemblée nationale d’agréer l’hommage de ses observations sur le commerce des bêtes à laine, dans les départements des Bouches-du-Rhône, des Basses-Alpes et du Var. Adresse du sieur Guesdon , ancien navigateur , citoyen de Paris, qui expose les différents services qu’il a rendus à l’Etat. Il réclame une indemnité à raison d’une fortification flottante qui lui a coûté beaucoup de peines et de dépenses. Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville de Saint-Claude , département du Jura, qui, après avoir exprimé les sentiments du plus pur et du plus ardent patriotisme, demandent que l’Assemblée nationale veuille décréter la publicité des séances des municipalités et des corps administratifs. Lettre des membres du bureau du collège de la ville de Rodez, qui annoncent qu’ils viennent de procéder au remplacement des professeurs de ce collège, qui out réfuté de prêter le serment civique. Lettre par laquelle les auteurs de l'Atlas national de France font hommage à l’Assemblée nationale de six nouvelles cartes topographiques des départements ci-après : Côte-d’Or, Eure, Somme, Seine-et-Marne, Nièvre et Seine -Inférieure. Adresse de M. Duprê de Saint-Maur, qui se plaint de ce que le conseil veut juger une affaire pendante entre lui et la dame de Dampierre, nonobstant qu’il ail récusé le rapporteur avec lequel il est en procès, ainsi qu’avec plusieurs de ses juges. (Cette adresse est renvoyée au comité des rapports.) Lettre du président de l'assemblée électorale du département de l’Aude, qui annonce que cette assemblée a procédé à la nomination de l’évêque de ce département, ainsi que du membre de la cour de cassation, et de son suppléant; à cette lettre est annexé le procès-verbal de nomination. Lettre par laquelle les membres du directoire du département du Nord annoncent qu’ils ne pourraient, sans exposer la chose publique, rétablir l’assemblée électorale dans la ville de Douai ; que c’est dans la ville de Lille qu’ils vont la convoquer, et qu’ils s’occupent d’un mémoire qui convaincra l’Assemblée nationale que leur conduite a eu pour uniques motifs les sentiments les plus pur d’amour pour la Constitution, d’attachement au bien public, et de dévouement aux intérêts de leur département. Cette lettre est ainsi conçue : « Lille, le 21 mars 1791. « Monsieur le Président, le directoire du département du Nord vient de recevoir le décret que l’Assemblée nationale a rendu sur les événements affreux qui ont eu lieu dans la ville de Douai et qui nous ont portés, pour le bien général du département, à transférer le lieu de nos séances à Lille. « Nous avons, Monsieur le Président, donné un exemple d’attachement à nos devoirs et à nos fonctions, en quittant le séjour où elles devenaient impossibles à exercer. Douai est calme. Douai est atterré par notre détermination; Douai aurait été un théâtre d’horreur, si nous n’eussions pas déjoué les intrigues qui y préparaient de toute part l’annihilation de rassemblée électorale. Les citoyens sont étonnés de la fermeté de notre parti ; *ils sont abîmés de douleur sur leurs intérêts et leurs pertes; mais les ennemis de la paix ne montrent pas de repentir sincère, puisque le cri de la lanterne s’y est encore fait entendre. « Dans ces circonstances, nous ne pourrions, sans exposer la chose publique, rétablir l’assemblée électorale dans la ville de Douai; c’est dans la ville de Lille que nous allons la faire convoquer et nous osons garantir qu’elle se tiendra en paix et sans nulle interruption. « La translation de nos séances, objet qui présente tant de difficultés à éclaircir, sera celui d’un mémoire que nous aurons l’honneur de vous adresser incessamment. « Nous sommes, etc. » Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. Fleurieu, ministre de la marine, contenant envoi de la liste des consuls, vice-consuls et autres employés en pays étranger, qui ont prêté le serment civique, avec les procès-verbaux de ces serments. M. I�e Chapelier, au nom des comités de Constitution et ecclésiastique. Messieurs, je suis chargé par vos comités de Constitution et ecclésiastique de vous rendre compte d’une lettre écrite par le directoire du département de Paris à M. le Président de l’Assemblée, et de vous proposer un projet de décret. Voici la lettre ; « Monsieur le Président, le choix du recteur de l’Université se fait tous les trois mois : M-Du-monchel, député à l’Assemblée nationale, a été continué jusqu’à ce jour; mais il est nommé évêque du département du Gard. C’est jeudi que l’on doit lui donner un successeur, et nous sommes instruits que l’on compte saisir cette [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mars 1791.] 281 circonstance pour troubler l’Université par des dissensions et même la dévier des mesures de patriotisme qui l’ont honorée. « Un objet plus instant peut-être encore est de pourvoir au remplacement des chaires qui sont et ne peuvent rester vacantes, sans être exposées à être remplies par des hommes qui se font un point d’honneur de désobéir à la loi. « C’est sur ces deux points qu’à défaut de loi qui puisse nous guider, l’administration du département de Paris me charge de prendre les ordres de l’Assemblée et de joindre ici le vœu du département, dans le cas où l’Assemblée voudrait le connaître. « Je suis, avec respect, etc. « Signé : la Rochefoucauld, président. » Voici, en conséquence, Messieurs, le projet de décret qui nous a été transmis par l’administration du département et que nous avons adopté ; il est très conforme aux circonstances et aux principes de l’Assemblée. « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « La nomination du recteur de l’Université de Paris est provisoirement suspendue jusqu’après l’organisation de l’instruction publique. Art. 2. « Les chaires qui sont vacantes, ou qui viendront à vaquer jusqu’à cette époque, seront remplies provisoirement par l’un des agrégés de l’Université au choix du directoire du département, et les agrégés, qui seront ainsi appelés à exercer les fonctions de professeurs, en toucheront les émoluments pour le temps où ils seront en place. Art. 3. « Nul agrégé et en générai nul individu ne sera appelé à exercer, et nul professeur ne pourra continuer aucune fonction ou remplir aucune place dans les établissements appartenant à l’instruction publique, dans tout le royaume, qu’auparavant U n’ait prêté le serment civique, et, s’il est ecclésiastique, le serment des fonctionnaires publics ecclésiastiques. » Un membre : Je demande qu’en adoptant ce décret, on veuille bien l’étendre à toutes les universités du royaume. M. Treilhard. Étendre l’exécution de ce décret à toutes les universités du royaume, c’est une motion particulière, sur laquelle l’Assemblée pourra délibérer ; mais je demande qu’on aille aux voix sur le décret. Après cela, on ajournera la motion particulière qui est faite. M. I�e Chapelier, rapporteur. J’observe que ce qu’il y a de plus pressant pour le royaume est dans le décret, puisque la troisième disposition est générale. (L’Assemblée, consultée, décrète le projet du comité et renvoie la motion au comité ecclésiastique.) M. IVeclonx, membre de la ci-devant assemblée coloniale de Saint-Domingue, demande un congé qui lui permette de retourner dans cette île, pour réiablir sa santé. (Ce coDgé est accordé.) Un de MM. les secrétaires; Messieurs, voici une adresse des amis de la Constitution établie à Dunkerque. Un membre à droite : A renvoyer au club des Jacobins! M. le secrétaire : Messieurs, cette société se plaint de ce qu’un sous-officier d’artillerie qui voulait assister à ses séances a été menacé, s’il le faisait, de perdre trente années de service. M. Merlin. Il est intéressant, Messieurs, que vous vous expliquiez là-dessus; car M. Boistel, commandant en second dans le département du Nord, s’appuyant d’une lettre du ministre de la guerre, a défendu très expressément à tous officiers et soldats d’entrer dans la société des amis de la Constitution. Je demande le renvoi de cette adresse au comité militaire. (Ce renvoi est décrété.) Une députation des artistes de la Comédie française est admise à la barre. M. Saint-Prix, orateur de la députation. Messieurs, au milieu de tous les sacrifices que la nation entière s’empresse de faire à la liberté, la Comédie française n’a pas dû s’attendre qu’elle serait le seul établissement où le fruit de cette même liberté, dont le bienfait doit également influer sur elle, n’entraînerait pas des pertes considérables. L’Assemblée nationale aura pensé dans le décret qu’elle vient de rendre, qu’il pouvait être utile a l’art du théâtre de ne pas resserrer le génie des Corneille et des Racine dans les limites d’une seule société, et elle aura peut-être espéré hâter la perfection du tout, en répandant ainsi et en multipliant pour ainsi dire la jouissance de leurs travaux et de leurs efforts. Mais les auteurs vivants peuvent-ils s’approprier le3 mêmes motifs ? Serait-il également convenable que les sacrifices que la Comédie française a faits à leur égard fussent absolument perdus pour elle? Quand les auteurs vivants ont donné leurs pièces à la Comédie française, ils entendaient lui en aliéner la propriété. La Comédie elle-même comptait l’acquérir. Mais ce n’est pas ce qui occupe en ce moment la Comédie française ; il sera toujours temps pour elle de songer à son propre intérêt; un objet bien plus important, d’une nécessité bien plus pressante, et qui la touche de la manière la plus sensible, excite aujourd'hui sa sollicitude. Des acteurs célèbres, et qui ont fait pendant plus de 50 années la gloire et les délices de la scène française, n’ont actuellement d’autre existence que celle qu’ils tiennent des pensions que leur fait la Comédie. Ces pensions ne sont pas seulement une retraite accordée à de longs travaux; elles sont le prix de la contribution qu’ils se sont imposée à eux-mêmes quand il leur a fallu acquitter celles qui étaient dues aux acteurs qui les avaient précédés dans la même carrière qu’eux; elles sont le prix des sacrifices multipliés qu’ils ont faits pour la rétribution des auteurs dont ils ont embelli ou au moins soutenu les ouvrages. Elles sont le prix de toutes les charges qu’ils ont supportées; ils avaient acquis d’ailleurs ces pensions par l’exercice assidu de leur propre talent; ils les avaient acquis par les travaux les plus constants et les plus heureux. Ainsi ce n’est pas à leur égard une libéralité qui est le fruit de