SÉANCE DU 29 THERMIDOR AN II (16 AOÛT 1794) - N° 77 159 ladite loi le mot provisoire sur la liberté qui leur a été ou leur sera accordée. [Cette motion a été applaudie par l’assemblée ]. LEVASSEUR (de la Sarthe), BERLIER, THURIOT et plusieurs autres membres appuient cette proposition (1). LEVASSEUR appuie cette proposition et demande qu’elle soit décrétée sur le champ (2). BERLIER demande que le projet présenté par DU BOIS DU BAIS soit adopté, mais que la mise en liberté soit restreinte à ceux qui étoient cultivateurs avant la révolution (3). MONTAUT et quelques autres membres craignent qu’on ne confonde dans la classe des agriculteurs des gens qui ne cultivent que depuis quelques années, et seulement quelques arpens pour la forme, et qui ont d’ailleurs 20 à 30 000 livres de rente. Ils demandent qu’on restreigne la faveur de la loi aux laboureurs et ouvriers vivant du travail de leurs mains. BOURDON (de l’Oise) : Les nobles sont ennemis reconnus de la révolution; il a donc fallu les envelopper dans la loi de suspicion, à moins qu’ils n’eussent des preuves positives de civisme. C’est ici tout le contraire. Les laboureurs, les ouvriers sont essentiellement amis de la révolution : il faut donc supposer leur civisme, à moins qu’il n’y ait des preuves positives contre eux. Je demande en conséquence que l’on remette en liberté tous ceux à la charge desquels il n’y a pas de délits formels (4). MAURE, CHARLIER et plusieurs autres appuient la proposition de Bourdon (5). COUTURIER vouloit de son côté qu’on ne gardât dans les maisons d’arrêt que les exnobles, prêtres, suppôts des fermes et tous leurs agens, ainsi que les prévenus de crimes, et que l’on mît provisoirement en liberté tous les autres détenus. Elie LACOSTE proposoit d’appliquer cette mesure à tous ceux qui ne sont pas prévenus, par des pièces, d’avoir provoqué le rétablissement de la royauté, d’avoir volé, etc., et d’avoir porté les armes contre la République (6). EHRMANN observe que tout ce que les préopinans demandent se trouve dans la loi du 21 messidor : il la lit. Vous voyez, dit THURIOT, qu’il ne s’agit que de rapporter l’article qui restreint la faveur de la loi aux communes de 1 200 âmes; et cela est d’autant plus juste que les agriculteurs sont plus pauvres dans les grandes communes que dans les petites; dans celles-ci, ils ont quelquefois 12 charrues; dans les autres, tout au plus deux (7). (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 506-507. (2) Débats, n° 695, 503. (3) J. Fr., r>° 691. (4) Débats, n° 695, 503-504; selon Ann. R.F. (n° 257) et Audit, nat. (n° 692), Bourdon (de l’Oise) propose aussi de charger les comités révolutionnaires de l’exécution de ce décret, afin, dit-il, de les mettre à même de réparer les sottises qu’ils auroient pu faire. (5) J. Fr., n°691. (6) Gazette fr!se , n° 960. (7) Débats, n° 695, 504. VADIER annonce que le motif qui a déterminé le comité à ne faire jouir du bienfait de la loi du 21 messidor que les communes dont la population n’excède pas 1 200 âmes était les craintes qu’il avait que, sous prétexte d’élargir dans les grandes communes un cultivateur, on mît en liberté un contre-révolutionnaire; au reste, il appuie la proposition de Du Bois Du Bais, mais il demande que la rédaction en soit renvoyée au comité de sûreté générale (1). Plusieurs membres demandent le renvoi de cette proposition aux comités de salut public et de sûreté générale, motivé sur ce qu’ils ont eu des raisons pour faire une exception à la loi du 22 (2). [Après une longue discussion THURIOT propose la rédaction suivante :] Après discussion sur la proposition d’un membre [THURIOT], la Convention nationale rapporte la disposition de l’article 1 er de la loi du 21 messidor, qui limite son effet aux communes de la République dont la population est au-dessous de 1 200 habitans; Décrète que la loi du 21 messidor aura son effet relativement aux citoyens y désignés dans toutes les communes de la République, et que les mises en liberté, en exécution de cette loi, seront définitives (3). *** : Je demande que le bienfait de la loi du 21 messidor soit étendu aux marins sans-culottes et aux ouvriers des ports, qui ne sont pas détenus pour d’autres causes que les citoyens dont la Convention vient d’ordonner l’élargissement. REAL : Je demande l’ordre du jour, motivé sur ce que ces citoyens sont compris dans la loi du 21 messidor. L’ordre du jour ainsi motivé est adopté (4). Sur la demande de rendre la loi du 21 messidor applicable aux soldats marins et ouvriers des ports, qui ne vivent que de leur solde, la Convention passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que les soldats marins et ouvriers des ports, qui ne vivent que de leur travail, sont considérés comme artisans, et doivent conséquemment jouir du bénéfice de la loi du 21 messidor. L’insertion de cette loi au bulletin lui servira de promulgation (5). LEVASSEUR... demande aussi qu’on... étende [le décret] aux femmes. Il y a plusieurs comités révolutionnaires, dit-il, qui ont relâché les maris et gardé les femmes. Pour moi, j’ai cru qu’en renvoyant les maris labourer leurs champs, il falloit aussi renvoyer les femmes leur préparer la soupe. (On applaudit) (6). (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 507. (2) J. Fr., n° 691. (3) P.V., XLIII, 264. Rapport de la main de Thuriot. Décret n° 10 421, attribué à Du Bois Du Bais dans C* II 20, p. 255. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 507. (5) P.V., XLIII, 264-265. Rapport de la main de Guezno. Décret n° 10 425. (6) Débats, n°695, 504. 160 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE THURIOT observe que le mot citoyens compris dans le décret est générique, et que par conséquent les citoyennes sont comprises dans cette expression (1). La Convention nationale, sur la proposition faite d’ajouter dans le décret concernant la mise en liberté des citoyens ouvriers et cultivateurs, le mot citoyennes, passe à l’ordre du jour, motivé sur ce que le mot citoyen est générique (2). [Cette rédaction est adoptée au milieu des plus vifs applaudissements ]. 78 Le représentant du peuple JORRAND écrit à la Convention nationale et demande la maintenue du congé que la Convention lui avoit accordé le 23 du présent mois (3); il joint à sa lettre un certificat du citoyen Braignes, chirurgien. La Convention nationale maintient le congé d’un mois et demi qu’elle avoit accordé au représentant du peuple Jorrand (4). Un membre écrit que sa santé est on ne peut plus affoiblie; il demande un congé pour la rétablir. - Nous devons être à notre poste au moment d’orage, dit MONMAYOU, la conspiration n’est pas d’ailleurs entièrement anéantie. BENTABOLE : Si notre collègue, qui réclame un congé, est véritablement malade, n’a-t-il pas suffisamment de quoi se faire guérir à Paris ? (5) BENTABOLE s’oppose à ce qu’il soit accordé parce que bientôt il faudroit en donner d’autres; chaque représentant du peuple dit-il, doit rester à son poste dans un moment surtout où la patrie n’est pas encore hors de tout danger, et pour répondre à ces appels nominaux dont on nous menace. BRÉARD répond à BENTABOLE que, dans la chaleur d’une discussion, le mot appel nominal a pu être proféré par quelques voix, mais que jamais sans doute, on n’a voulu en faire un sujet de crainte, parce qu’il est reconnu, dit-il, qu’ils ne sont pas toujours un thermomètre sûr du patriotisme {Applaudi). Quant à la demande faite d’un congé, il pense qu’il seroit barbare de s’y refuser, si le député qui la forme a réellement besoin de respirer l’air natal pour sa guérison. (1) Ann. R.F., n° 258. (2) P.V., XLIII, 265. Rapport de la main de Turreau. Décret n° 10 428. J. Fr., nos 691, 692; Ann. R.F., nos 257, 258; Rép. , n° 240; Audit, nat., n° 692; Gazette fr{se , nos 959-960; J. Paris, n° 594 (qui fait intervenir dans la discussion Bentabole et Beffroy); Ann. patr., n° DXCIII; M.U. , XLII, 478; J. Perlet, nos 693, 694; J. Sablier, n° 1503; Feuille de la Républ. , n° 408; J.S. -Culottes, n° 548; J. Mont., n° 109; C.Eg. , n° 728; J. univ., n° 1727. (3) Voir t. XCIV, séance du 23 therm., n° 88. (4) P. V. , XLIII, 265. Rapport anonyme. Décret n° 10 427. (5) J. Fr., n°691; Ann. R.F., n° 257. Plusieurs membres appuyent cet avis; mais BENTABOLE réclame l’ajournement de toute décision jusqu’au moment où l’Assemblée sera plus nombreuse (1). Sur la proposition de BENTABOLE, l’assemblée décrète que dorénavant les congés ne seront accordés qu’à 2 heures. La demande en congé ne sera discutée à cette heure. On met aux voix la demande en congé faite par un membre au commencement de la séance, pour raison de santé. - Le congé est accordé (2). 79 La Convention nationale, sur la proposition d’un membre [CLAUZEL], décrète que le département de Paris est autorisé provisoirement à viser les certificats de résidence et de civisme délivrés par les sections et les comités révolutionnaire de Paris (3). CLAUZEL : Il y a 20 jours que Paris est sans municipalité; par conséquent il y a 20 jours qu’on ne délivre plus de certificats de résidence ni de civisme, de sorte que beaucoup de citoyens, non seulement ne peuvent toucher à la trésorerie nationale les sommes qui leur sont dues, mais ils ont la douleur d’apprendre que l’on a séquestré leurs biens dans les départements, parce qu’ils n’ont pu y faire parvenir des certificats de résidence. Je demande que la Convention décrète que le département de Paris est autorisé provisoirement à viser les certificats de résidence et de civisme délivrés par les sections et les comités révolutionnaires de Paris. Cette proposition est adoptée. MONMAYOU : Les mariages sont aussi entravés à Paris depuis qu’il n’y a plus de municipalité. THURIOT : J’annonce à la Convention que le comité de salut public s’occupe d’un travail général, dans lequel on n’a point oublié les mariages (4). (1) Rép., n° 240 (A propos du jugement de Bréard sur les appels nominaux, le gazetier remarque en note : Ici Bréard se trompe, car il est bien reconnu que les appels nominaux ont toujours produit le plus grand bien); Ann. R. F., n° 257; Audit, nat., n° 692. (2) J.Fr., n° 691. (3) P.V., XLIII, 265. Rapport de la main de Clauzel. Décret n° 10 426. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 507; J. Sablier, n° 1503; Débats, n° 695, 502-503; Ann. R.F., n° 258; J.Fr., n° 691; Rép., n° 240; Audit, nat., n°691; J. Paris, n° 594; M.U., XLII, 478; Ann. R.F., n° 258; J. Perlet, n° 693; Ann. patr., n° DXCIII; C. Eg., n° 728; J. Mont., n° 109; J.S. -Culottes , n° 548; Gazette frfse n° 960; F. de la Républ. , n° 408.