86 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juillet 1791. J projet, l’improbation qu’elle a manifestée annoncent assez qu’elle en a senti également toutes les difficultés. {Murmures.) Cependant, je suis de l’avis de ceux qui croient en principe que celui qui ne fait pas son service personnel dans un moment de crise et de péril doit un dédommagement à sa patrie. ( Murmures à l’ extrémité gauche.) Je ne sais pas, Monsieur le Président ..... M. le Président. Il faut entendre en silence les opinions quelles qu’elles soient. M. d’André. Quand on n’expose pas son opinion avec des phrases bien sonores, avec une déclaration bien pathétique, on n’obtient pas l’approbation de ces Messieurs : quant à moi, je veux toujours l’exposer avec simplicité et modestie. ( Applaudissements au centre.) Je dis donc que, si quelques circonstances particulières empêchent un citoyen de faire son service en personne, il en doit là solde en argent. Ces principes-là sont précisément ceux qui ont motivé l’avis du comité et sur lesquels ont roulé les opinions des préopinants qui ont soutenu l’avis du comité. D’après ce principe, je ne pense pas qu’on doive saisir ou séquestrer tous les biens des personnes absentes, mais qu’on doit exiger d’elles une subvention qui sera fixée sur le double ou le triple de leur contribution. Par là vous faites ce que vous devez faire, qui est de forcer ou à rentrer ou à payer beaucoup plus qu’on ne payait; au lieu que le projet du comité est inexécutable. D’abord il dit que les émigrants rentreront dans un mois : c’est une mesure inadmissible, parce qu’il y a des endroits où il y a beaucoup de Français et d’où on ne peut pas être de retour dans un mois : première difficulté. Le comité nous dit ensuite que tous les Français seront tenus de rentrer; il excepte ensuite les hommes qui ont une mission du gouvernement et les négociants notoirement voyageurs. Or, je demande s’il serait possible d’admettre une disposition pareille, car tel négociant n’est pas voyageur, et cependant il a besoin d’aller à Amsterdam, à Londres, etc., pour son commerce. Il y a beaucoup d’autres citoyens qui doivent être également exceptés; et ce sont les exceptions qui rendront votre loi inexécutable. Puisque vous en voulez une, il faut la faire exécutable ou sujette au moins d’exceptions possibles, la rendre plus générale que l’on pourra. Il n’v a que la dernière proposition de M. le rapporteur qui puisse remplir vos intentions sur cet objet. Si cette mesure n’est pas adoptée, je vous défie de séquestrer les biens; car il sera impossible de le faire, si vous n’en faites pas un inventaire : vous ne pouvez pas faire un inventaire sans scellés ; donc vous ne pouvez pas séquestrer sans scellés. Ainsi votre projet de décret serait inquisitionnaire et inexécutable. Je demande donc la priorité pour le dernier projet de M. Vernier. M. Itewbell. J’entre entièrement dans les vues du préopinant. Tout ce que je demande eu sus, c’est qu’on se réserve de prendre des mesures ultérieures bien plus rigoureuses en cas d'invasion de la part de ces émigrants. {Applaudissements.) Je demande donc qu’on décrète aujourd’hui que tous les absents depuis le mois de juillet 1789 —parce qu’on lésa protégés depuis et qu’ils doivent payer cette protection — soient soumis à une triple imposition, et que cela soit décrété sur-le-champ. Pour bien cimenter ce mode d’exécution, je demande le renvoi au comité et qu’avec le renvoi on décrète cette disposition-ci : « Sauf à prendre des mesures ultérieures en cas d’invasion de la part des émigrants. » {Applaudissements.) Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. le Président. Je mets aux voix le renvoi. Plusieurs membres .-Non! non! le principe! M. Defermon. La proposition qui vous est faite est une proposition nouvelle, étrangère à celle du comité, et sur laquelle la discussion doit s’ouvrir. Mais il faut avant toutes choses que la signification du mot émigrants soit parfaitement déterminée. Je définis un émigrant : l’homme qui trahit sa pairie en quittant son poste, dans un moment de crise, pour aller aider de sa présence et de tous ses moyens les ennemis de l’Etat. {Applaudissements.) La discussion qui a été faite du projet du comité roulait principalement sur les moyens d’assurer la confiance publique et l’on avait cru que, pour parvenir à ce but, il fallait séquestrer les revenus des émigrants. La définition que je viens de donner une fois admise, je crois qu’il n’est pas un membre dans cette Assemblée qui puisse contester la nécessité du séquestre des revenus. Ce n’est que la conservation de la chose. Si le propriétaire vient réclamer, il y aura un jugement ( Murmures .); mais, Messieurs, si vous ne prenez pas cette mesure, vous manquez absolument l’effet de la loi que vous avez demandée; car, d’une part, votre numéraire sortira, et cette considération devrait avoir une grande inlluence sur ceux qui réclament. Je demande que la délibération se porte uniquement sur ces deux points : il sera accordé un délai aux émigrants, lequel délai sera fixé; et passé ce délaii il sera procédé au séquestre de leurs biens. M. Itewbell. Ma proposition est que i’on décrète, dès à présent, que tout Français, hors du royaume, qui ne rentrerait pas dans le délai de 2 inois {Murmures.) à compter du jour de la publication du décret... Plusieurs membres : Ne mettez qu’un mois. M. Itewbell. Soitl... Qui ne rentrerait pas dans le délai d’un mois à compter de la publication du décret, sera soumis à une triple imposition ; qu’on renvoie au comité pour la rédaction du décret et les moyens d’exécution, et qu’on réserve, en cas d’invasion sur le territoire, des mesures ultérieures telles que les circonstances pourront l’exiger. Un membre demande qu’il soit dit que la triple imposition aura lieu pour la présente année 1791. (La proposition de M. Rewbeil et cet amendement sont mis aux voix et adoptés.) En conséquence, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que tout Français hors du royaume, qui ne rentrera pas dans le délai d’un mois à compter de la publication du présent décret, sera soumis à une triple im-