210 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE publique en maintenant de tout leur pouvoir la République une et indivisible. Grognard agent comptable, Clement, inspecteur, Girard, garde magasin. 35 La société populaire d’Elbeuf [département de la Seine-Inférieure] offre à la patrie la somme de 34 632 L 10 s. qu’elle a versée dans la caisse du receveur de son district, pour contribuer à l’augmentation des forces navales de la République. Cette même société offre des détails sur les sacrifices multipliés que la commune a faits en assignats, en effets d’équipement pour les défenseurs de la patrie, et en hommes, etc. Mention honorable, insertion au bulletin (52). [La société populaire d’Elbeuf à la Convention nationale, s. d.J (53) Citoyens Législateurs, Il ne suffit pas que nos armées triomphantes fassent flotter au loin l’étendard de la liberté; il faut encore que les vaisseaux français portent au delà du vaste océan le pavillon tricolore qui doit assurer sur les mers un droit égal à tous les peuples qui voudront être libres; il faut qu’ils soient promptement affranchis de cette tirannie anglicane que nous avons juré d’anéantir. Tels furent les principes de ces nombreux héros du Vengeur qu’une mort glorieuse rendit immortels. Tels sont aussi les nôtres. Une souscription ouverte dans notre sein pour l’augmentation de la marine à laquelle ont concouru nos habitans s’est élevée à la somme de trente mille six cent trente deux livres dix sols versée dans la caisse de notre district. Si nous joignons à cette offrande l’examen rapide des efforts constants d’une commune composée à peine de six mille individus dont les trois quarts sont manouvriers; vous verrez que toujours attachée à la Révolution, elle a tout fait pour elle. Sans cesse armés depuis que le premier cri de la liberté s’est fait entendre, nous avons sçu braver plus d’un danger pour la protection des subsistances destinées à nos frères de Paris. Ce n’est point des discours que nous venons vous offrir, nous n’en savons pas faire, mais des sacrifices, et toujours des sacrifices. Quatre cent des nôtres à la défense de la patrie dont quarante armés et équipés aux frais de la commune et nombre d’autres fantassins et cavaliers montés et fournis par leurs parents. Une infinité d’objets envoyés à nos frères d’armes tels que chemises, bas, souliers, habits, charpie et secours pécuniaires. Deux cavaliers jacobins montés et équipés par la société populaire; un atelier reconnu pour avoir déjà fourni une quantité de cinq milles cinq cent (52) P.-V., XLV, 25. Bull., 17 fruct.; Débats, n° 713, p. 292. (53) C 318, pl. 1293, p. 31. J. Paris, n° 612; C. Eg., n° 747; M. U., XLIII, 285. livres de salpêtre, des dons patriotiques excédant cent milles livres, un emprunt volontaire bien au delà de ce que prescrivait la loi de celui forcé, une agence de secours à l’aide de laquelle la mendicité a été expulsée, et qui ne laisse rien à désirer à nos frères indigents, et enfin la dotation d’un hôpital entretenu par la généralité de la commune. Voilà, citoyens représentants, voilà quelles ont été nos actions depuis la révolution : nous avons laissé gronder dans les départements voisins les factions fédéralistes, les murmures et la malveillance des nobles et le fanatisme des prêtres sans que jamais notre sol ait été souillé par un seul des monstres destructeurs de notre liberté. Toujours attachés aux grands principes que vous avez développés, inébranlables et fermes auprès de vous, notre cri de ralliement sera toujours, périssent les traîtres et les tyrans. Vive la liberté, vive la République. Vive la Convention. Hayet, président, Dossier, Fladigny Gros-ser, secrétaires. 36 Le comité d’ Agriculture propose un décret pour étendre et rendre plus commune l’éducation des vers à soie. Renvoyé aux comités des Domaines et des Finances (54). Rapport fait au nom du comité d’Agriculture pour étendre et rendre plus commune l’éducation des vers à soie, par J.M. Coupé (de l’Oise) (55). Citoyens, Tandis que vous étonnez l’Europe par la grandeur de vos conseils, je viens fixer un instant vos regards sur un insecte; mais cet insecte est devenu précieux aux yeux des plus puissantes nations, et il a ajouté à leur opulence. L’industrieux chinois a le premier imaginé de profiter de l’ouvrage d’une chenille, de la multiplier, et de la faire filer pour lui : ses mains adroites et patientes sont parvenues à suivre les fils imperceptibles de sa coque, et à en développer tous les contours. Cette nouvelle industrie n’a pas été seulement un objet de curiosité ou de luxe, mais elle a fourni une matière précieuse aux manufactures, et a donné à la société les étoffes les plus belles et les plus commodes. Les autres nations l’ont imitée : le ver à soie et le mûrier qui le nourrit, se sont propagés et sont parvenus jusqu’en Europe. Le mûrier s’y est facilement naturalisé, et à l’abri de nos habitations ou d’une température factice, on voit prospérer cette chenille exoti-(54) P.-V., XLV, 25. Décret n° 10699. Rapporteur: Mon-mayou. (55) C 318, pl. 1282, p. 36, rapport imprimé, 24 pages. M. U., XLIII, 332-335, 348-351. SÉANCE DU 17 FRUCTIDOR AN II (3 SEPTEMBRE 1794) - N“ 36 211 que. Les personnes sédentaires, les mains les plus débiles se sont livrées à l’éducation de cet insecte, à la filature de la soie, et les plus riches manufactures de l’Europe ont enrichi notre patrie. Dans le principe sans doute, lorsqu’une première paire de bas de soie étoit achetée de la sueur du peuple, et se vendoit au véritable poids de l’or, c’étoit un luxe; mais lorsque cette matière est devenue commune, et d’un usage sain et commode, ses ouvrages sont un présent pour la société et c’est un bienfait que d’ouvrir aux particuliers cette nouvelle carrière d’industrie : la France est propre à la faire fleurir; nous pouvons l’y étendre davantage, et surtout la répartir plus avantageusement. Votre comité ne vous proposera pas des établissemens dispendieux, des administrations nationales, des éducations, des filatures en grand; il vous propose au contraire d’exciter de toutes parts et de disséminer les petites cultures particulières. C’est au peuple répandu dans les petits ménages, c’est à ses mains innombrables qu’il vous propose de confier cette industrie et son succès. C’est toujours sur le peuple que la République peut fonder les plus grands produits de son agriculture et de son commerce. Que le ver à soie passe dans la chaumière du vigneron et du journalier, dans la chambre de l’ouvrier de ville, c’est dans ces petites habitations qu’il réussit le mieux : il y est moins accumulé que dans les grands ateliers; il y a moins de méphitisme, et ces petites éducations sont immanquables. Que la mère, au milieu de ses petits enfants, y emploie leurs mains curieuses, et que le mûrier croisse communément dans nos haies et autour de nos closeaux. Colbert fit former des plantations de mûrier dans les provinces méridionales de la France, et ces établissemens y apportèrent la richesse; mais après lui, les pépinières royales ne tournèrent plus qu’à l’avantage des riches et des seigneurs pour qui elles étaient ouvertes, et le peuple n’en tiroit plus que des espèces languissantes et des plants de rebut. Le pauvre qui n’avoit qu’un petit terrein, craignoit encore d’en étendre le produit par des plantations de mûrier, pour n’être pas surchargé de taille : ainsi cette industrie n’osoit s’étendre; elle restait en la possession des riches, et elle leur offroit encore un moyen de plus pour tenir le peuple industrieux dans leur dépendance. C’est à la République à la mettre à la portée de tous les citoyens, à la répandre dans le plus grand nombre de mains, où elle portera une vivification salutaire, et d’où sortiront des milliers de produits particuliers qui formeront les grandes masses. Le mûrier et le ver à soie peuvent réussir dans tous les départemens de la République : ils conviennent et prospéreront sur-tout dans les pays de vignobles, où le sol, la disposition des terreins, sont propres à cette culture, et où les bras sont plus nombreux. Dans les environs de Paris et des grandes communes, le mûrier pourroit être substitué aux inutiles maronniers, et il doit obtenir son cantonnement avec les arbres à fruit dans ces jardins de luxe et ces parcs qui ne donnoient que de l’ombre et de la stérilité. Qu’il acquière parmi nous l’attention que mérite et la bonté de son bois et l’usage de sa feuille; que le jardinier trouve son profit à en former des pépinières, le particulier à louer sa plantation ou à en vendre la dépouille et qu’il s’établisse dans les villes et sur-tout à Paris des marchés de feuille dans la saison. C’est à l’administration publique à donner la détermination générale, à se charger des premiers soins, les particuliers n’ont pas aisément les terreins propres, la bonne graine, l’art de semer, mais tout cela est sous sa main. Rendons plus utiles encore ces établissemens de savans que la République entretient. Le muséum national des plantes peut dans quelques-uns des parcs qui lui ont été réservés pour ces objets, former, avec toutes les attentions convenables, des semis de mûriers dont on distribueroit les jeunes tiges dans l’état de pourretes, c’est-à-dire, à l’âge d’un an ou deux. Il seroit facile de les envoyer par milliers, et elles s’habitueroient plus aisément dans les terreins auxquels elles seroient destinées. Cette pépinière toujours bien dirigée donnerait le meilleur plant, et elle pourroit en fournir aux différentes parties de la République où cette culture est encore ignorée. Qui peut mieux encore que le muséum national désigner la bonne graine d’œufs de ver à soie, et la méthode de les bien élever ? Qu’il soit chargé d’en diriger l’approvisionnement de chaque année, dans les commencemens, pour les personnes peu fortunées, et qu’il y joigne un petit imprimé sur la manière de faire éclore et soigner cet insecte. On pourroit commencer par la commune de Paris et ses environs. On sait qu’aucun genre d’industrie comme d’héroïsme ne lui est étranger et combien son exemple a d’influence sur toute la République. Dans Paris encore, comme dans les autres grandes commîmes, sont des maison destinées à servir d’asyle à l’indigence, à la vieillesse, aux enfans abandonnés. On a supprimé la mendicité, et l’on veut occuper utilement tous ces infortunés, autant pour eux-mêmes que pour l’intérêt public. De vastes enclos, de grandes avenues accompagnent ces édifices; on peut les environner de mûriers, et permettre à leurs habitans de faire de petites éducations de vers à soie : ils auraient sous la main des récoltes de feuilles. C’est encore dans ces maisons que l’on pourroit établir des moulins pour tirer la soie des cocons, et les petites mécaniques employées pour son dévidage. En général, cette branche de production et d’industrie, aussi avantageuse qu’elle est encore amusante, est de nature à s’établir entre les mains de particuliers quelconques, sans leur faire abandonner leurs travaux ordinaires; et il y en a une infinité qui n’ont besoin que de connoître pour essayer. Il seroit utile d’en répandre d’avance les premières notions dans ces contrées de la France qui ne connoissent pas le ver à soie, afin d’exciter l’attention du peuple sur cet objet, et de l’y préparer. Il suffit 212 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE qu’une personne commence dans un endroit son exemple ne tarde pas à être suivi, et l’aisance se répand dans les lieux les plus pauvres. Votre comité vous propose une instruction à la portée de tout le monde, qui contienne la pratique abrégée de ce qu’il y a de plus nécessaire et de plus usité dans l’éducation des vers à soie. Il en existe plusieurs imprimées déjà depuis longtemps, et les départemens méridionaux n’en ont pas besoin; ils ont leurs méthodes formées par l’expérience, et variées par la nature des localités et du climat. Il ne s’agit que de mettre sur la voie les autres départemens de la France qui en sont susceptibles. L’usage fera le reste, et chacun y ajoutera son amélioration. Nota. L’occasion de ce rapport a été un mémoire du citoyen Lejeune, qui annonce beaucoup de vues économiques et d’expérience. INSTRUCTION SUR L’ÉDUCATION DU VER À SOIE Le ver à soie est une chenille rase, originaire des pays chauds d’Asie. Sa nourriture propre est la feuille du mûrier blanc, dont on a apporté la graine avec lui. Nous n’élevons pas le ver à soie en plein air, mais dans nos chambres ou dans un lieu tempéré, et on lui forme un climat factice qui le rapproche de celui de son pays originaire. Avant de le faire éclore, il faut lui préparer sa pâture, et faire naître le mûrier. Du mûrier On distingue le mûrier sauvageon venu de semence, à feuilles minces découpées, de couleur claire, et le mûrier rose, ainsi appelé, lorsque ses feuilles sont entières, et que leur forme approche de celle du rosier. Les semis donnent diverses variétés plus ou moins avantageuses; et le sauvageon sorti de la pépinière et transplanté dans une bonne terre, ne tarde pas à perfectionner de lui-même sa feuille qui devient large, pleine, et plus substantielle. Lorsque les semis, le sol, l’exposition, ont procuré de bonnes espèces de mûrier, la greffe est le moyen de les fixer. De la bonté de la feuille dépend la vigueur de l’insecte et l’excellence de la soie. Le mûrier greffé produit une plus ample nourriture, mais elle est plus grossière. Celui qui ne l’a pas été ne fournit pas autant de feuilles, mais elles sont plus légères, et plus près de celles que la nature avoit formées pour cet insecte. On fait usage de celles-ci tant que le ver est foible. Quand il est en état de digérer une nourriture plus forte, on lui donne la feuille de mûrier greffé, qui est plus substantielle et qui l’avance davantage. Le mûrier se sème de graines. Pour faire un semis, on recueille le fruit qui tombe d’un mûrier blanc, de bonne espèce, qui n’a pas été effeuillé, qui est vigoureux, et dans le moyen âge : on la dépose dans un lieu sec où elle se déssèche, et on la garde pour la semer; ou bien on écrase la mûre, on la lave dans beaucoup d’eau, on en obtient ainsi la graine : on la mêle ensuite dans du sable pour la garantir du contact de l’air jusqu’à ce qu’on la sème. On la sème, aussitôt que la saison nouvelle le permet, dans des terreins bien préparés, et avec les mêmes attentions que l’on donne aux autres semis. L’année suivante, on transplante les jeunes tiges pour leur donner plus d’espace, ou simplement on en arrache une partie dans les endroits où elles sont trop serrées. A la troisième année, on les replante à la distance de deux pieds et on les recèpe. On les cultive ensuite sans les étêter ni émonder; on en greffe le nombre que l’on juge à propos, jusqu’à ce qu’elles soient assez fortes pour être plantées à demeure, soit en bordure, soit en allées, soit en quinconce. Les soins de plantation sont les mêmes que pour les autres arbres. Les plantations de mûrier sont ordinairement à tiges élevées et en plein vent : on en fait aussi bien en buissons, en haies de clôture et en taillis; et ceux-ci ont l’avantage de verdir de meilleure heure, de pousser plus rapidement, d’être beaucoup plus aisés à effeuiller, et de venir dans les terreins où les mûriers à haute tige ont plus de peine à réussir. Les mûriers nains sont en plein produit après cinq ou six ans de plantation, et les mûriers élevés, à quinze ans. On n’attend pas cet âge pour commencer à leur enlever une portion de leurs feuilles. Mais il faut observer, pour les uns et pour les autres, de leur laisser prendre un accroissement raisonnable avant de les dépouiller entièrement. On émonde le mûrier, et on répare les dommages qu’il a éprouvés par les meurtrissures des échelles, les fractures et le ploiement des branches; de cette manière on le conserve, et on le fait repousser plus vigoureusement. Il faut observer que la taille doit se faire en sens inverse de celle des arbres à fruits : ici ce sont les branches à feuilles et à bois que l’on ménage, ou dont on prépare la sortie. Il n’est pas indifférent d’ajouter que le bois de mûrier est d’une bonne qualité, et que la feuille d’ailleurs est une nouvelle richesse pour les bestiaux. La première pousse est pour les vers à soie, et la seconde fournit en automne un excellent fourrage. De l’habitation du ver à soie Le mûrier étant planté, et la nourriture préparée, on procède à l’éducation du ver à soie. Êlle peut s’établir d’abord sans de grands apprêts dans la simple cabane du campagnard, dans la chambre de l’ouvrier de ville, et à la même température qu’eux. Quelques corbeilles, quelques planches arrangées sur des échelons en tablettes peuvent recevoir les vers à soie et les cabaner. On les voit s’y multiplier heureusement sur les chaises, sur les bancs, sur la table, jusque sur le ciel du lit; et une femme intelligente qui soigne elle-même au milieu de son ménage, les vers d’une once de graine d’œufs, avec attention, peut recueillir jusqu’à dix ou douze livres de soie. Les personnes riches font une dépense digne de cette précieuse production; elles ont des SÉANCE DU 17 FRUCTIDOR AN II (3 SEPTEMBRE 1794) - N“ 36 213 emplacements construits et exprès, et des ateliers en grand pour l’éducation des vers à soie. Leurs soins, leur méthode, peuvent ici servir de règle et d’instruction. L’éducation de dix vers à soie est la même que celle de cent mille : chacun en adaptera la connoissance à ses facultés. On choisit un local sain et bien aéré, écarté des marais, et non exposé aux vents froids et pluvieux, et à la trop grande ardeur du soleil. Le bâtiment est composé de plusieurs pièces séparées; l’on y pratique avec soin des fenêtres au midi, au levant et au nord, pour en renouveler l’air facilement. Le premier étage est pour les vers à soie; et le rez-de-chaussée sert à déposer les feuilles et à les y conserver fraîches. On établit entre deux chambres, dans le mur de séparation, des poêles de terre que l’on allume dans les temps froids. Les fenêtres sont garnies de toiles, ou de papiers huilés, au lieu de vitres, afin d’amortir les rayons du soleil et le trop grand jour, car le ver à soie est une chenille de nuit. Les ouvertures du côté du Nord sont garnies d’abat-jours mobiles, pour ne pas admettre une entrée d’air trop subite quand il est à propos de le renouveler. Les murs doivent être secs et bien enduits pour ne laisser aucune entrée aux souris et aux insectes. On dispose dans l’intérieur des chambres des châssis de menuiseries distribués en échelons, élevés au-dessus les uns des autres de douze à quinze pouces : sur ces échelons sont disposées des planches unies, formant autant de tablettes dont chacune a deux ou trois pieds de largeur. On laisse autour de ces châssis un intervalle de deux ou trois pieds pour pouvoir passer et agir autour avec des échelles doubles ou des marche-pieds, et qui les isole eux-mêmes des murs. Ceux qui n’ont pas de bâtiment spécialement destiné à l’éducation des vers à soie, ont des châssis mobiles qui se démontent et s’ajustent dans la pièce de leur logement. Beaucoup de personnes se servent de leur propre habitation, dont elles démeublent quelques chambres pour le temps de l’éducation, et souvent l’atelier du plus grand nombre consiste en un table longue et solide, et peu élevée, quelques chaises, des banquettes. C’est dans des mannes ou corbeilles plates que l’on place les vers à soie avec leurs feuilles. Il en faut environ deux cents par once d’œufs que l’on fait éclore. Elles doivent être faites d’osier blanc, de forme de quarté long de deux pieds et demi, et d’un pied et demi de large. De l’éducation du ver à soie Le local étant disposé, et la feuille de mûrier commençant à paroître, on fait éclore les œufs de vers à soie. La première attention que l’on doit avoir est de se procurer de la bonne graine. On préfère ordinairement celle qui est acclimatée, et celle de France se tire principalement des départe-mens méridionaux et des environs de Tours. On reconnoit la bonté à sa pesanteur et à sa couleur claire et luisante; elle doit aussi être cassante et pleine de liqueur lorsqu’on l’écrase avec l’ongle. Les femmes se chargent ordinairement de la faire éclore elles se distribuent la graine dans de petits sachets qu’elles portent sur elles pendant le jour, et qu’elles mettent à la chaleur du lit pendant la nuit. Il y en a qui entretiennent la chaleur continuelle du lit, en se recouchant de temps en temps pendant le jour. On se sert aussi du nid d’une poule couveuse; d’autres ont des coussins de plume, dans l’entre-deux desquels ils mettent des boites ou paquets de papiers qui contiennent la graine, et qu’ils échauffent au moyen de boules pleines d’eau chaude. Enfin il y en a qui emploient la chaleur modérée d’une étuve. De tous ces moyens, la chaleur animale est le plus naturel, et il faut encore l’administrer graduellement, d’abord, afin d’éliminer réchauffement progressif de l’atmosphère qui fait éclore chaque insecte au gré qui lui est propre. Si la graine, après quelque temps de mise à éclore, prenoit une couleur rouge, il faudroit la jeter promptement, et en substituer d’autre; elle auroit été originairement viciée par quelque accident. Il faut au contraire que la graine, à mesure qu’elle se porte à éclore, de brune qu’elle étoit, prenne une couleur grise blanchâtre, et toute simultanément. Après huit ou neuf jours d’une chaleur animale graduée, la graine doit éclore. Si elle eût été gardée pendant l’hiver dans un lieu humide et froid, elle pourroit tarder davantage; mais que cela n’étonne pas, pourvu qu’on la voie bien blanchir et se disposer à éclore. Aussitôt que les vers paroissent, on étend un papier de la grandeur de la boîte où ils ont éclos, percé avec des ciseaux d’une quantité de petits trous comme un crible, et on pose par dessus quelques feuilles tendres de mûrier. Les nouveaux-nés les gagnent bien vite : alors à l’aide d’une épingle, on enlève légèrement ces feuilles chargées de milliers de petits vers presque noirs, on les dépose dans de petites corbeilles plates dont le fonds est garni de papier, et on continue de leur donner de la nourriture. Les vers éclos dans la première journée doivent être étiquetés n° 1; ceux éclos dans la deuxième journée n° 2. Dans ces premiers momens ils occupent un si petit espace, qu’une mère de famille, sans autre assistance que celle des personnes qui l’entourent, peut leur faire passer chez elle la première mue, et ne les établir dans l’atelier qu’après cette première métamorphose. C’est entre six et sept heures du matin que l’on visite les vers à soie, qu’on enlève les restes des feuilles, qu’on leur en donne de nouvelles et que l’on nettoie les ordures. On réitère ces soins ou cette curation le soir. On augmente leur nourriture à mesure qu’ils avancent en accroissement. Dès le deuxième ou troisième jour, on commence à répartir les vers dans de nouvelles corbeilles pour leur procurer plus d’espace, et on continue ainsi jusqu’au sixième jour, observant exactement de conserver aux corbeilles nouvelles le numéro de l’éclo-sage, et d’en faire des piles ou cantonnemens séparés jusqu’à la fin de l’éducation. Dès après la première mue, on remarque dans ces diffé-rens âges une inégalité bien sensible; et cette attention à ne pas les confondre, procure un ordre très avantageux dans l’atelier. 214 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE A compter du jour de la sortie de l’œuf, si la saison est belle, les vers doivent entrer le septième ou le huitième jour dans leur première mue : ceux marqués n° 1 y entrent les premiers; ceux marqués n° 2 les suivent le jour d’après; ce terme peut être retardé d’un jour ou deux par l’intempérie de l’air; et l’on observera en général que le ver à soie comme les végétaux suit dans ces développemens et ses progrès la température à laquelle il est exposé. On reconnoît que la mue arrive quand on voit que le ver cesse de brouter, et se fixe sur la côte d’une feuille la tête pointée en l’air. Il faut se garder de le troubler dans cet état. On cesse de lui donner aucune nourriture, il ne demande que du repos, ni d’autre soin que de le tenir chaudement. Cette crise est environ de deux jours, et plus ou moins longue et laborieuse selon la température du temps. A cette espèce de léthargie succède un mouvement général qui annonce que la mue est finie. On donne des feuilles nouvelles et tendres; et à mesure que le ver monte dessus on le transpose dans de nouvelles corbeilles préparées et tapissées dans le fond d’un papier propre, en conservant toujours la distinction des numéros. Lorsque cette curation est faite dans toutes les corbeilles, il faut rechercher encore dans la litière de cette première mue, les vers tardifs qui par foiblesse ou par quelqu’autre empêchement n’ont pu gagner les nouvelles feuilles, et qui cependant sont sains et bien portans. On les enlève adroitement avec une épingle, ou autre brin délié pour les déposer sur la feuille d’une autre corbeille préparée à cet effet. Les vers étant ainsi transposés et renouvelés, on néglige tout ce qui a l’air malade, ou qui devient jaune ou luisant, et on le jette dans la litière. C’est au troisième ou quatrième jour après que l’on transporte les vers de la maison à l’atelier, quand on a un semblable local en grand pour les y élever. Une des chambres doit avoir été préparée et échauffée convenablement pour les recevoir. On choisit le plus beau moment de la journée; on couvre les corbeilles d’un drap, et s’il fait froid, d’une couverture. C’est à cette époque que les travaux commencent. Les vers grossissent sensiblement. A chaque curation, il faut en décharger les corbeilles trop garnies, les distribuer dans de nouvelles, ôter les litières, en retirer les vers sains qui n’auroient pu monter sur la feuille nouvelle; jeter sans pitié tout ce qui a l’air languissant, ou qui commence à jaunir ou à tourner, mettre sécher les corbeilles dont on a jeté les litières pour leur ôter cette odeur que produit la fermentation des restes de feuilles mêlées aux ordures de l’insecte; secouer, faire sécher les papiers ou réformer ceux sur lesquels des vers seroient tournés ou pourris; faire régner la plus grande propreté dans tout l’atelier, entretenir une température égale depuis le quatorzième degré du thermomètre de Réau-mur, jusqu’au 18 ou 20, sans qu’elle puisse jamais s’écarter de ces termes : renouveler avec attention un air chargé de la transpiration de tant d’insectes réunis, et sur-tout à l’approche des temps orageux et étouffans, sans laisser jamais éprouver à l’intérieur un effet trop brusque, et le passage trop sensible du chaud au frais et du frais au chaud. Ce travail et ces soins sont continuels, et ils deviennent plus considérables d’une mue à l’autre. Il faut se disposer à la deuxième mue, en faisant en sorte que toutes les litières se trouvent renouvelées le sixième jour après la sortie de la première. C’est ce jour qu’elle doit commencer, si la variation du temps n’y apporte pas de retard; et elle s’annonce avec les mêmes signes; le ver cesse de manger et devient immobile la tête dressée. On le laisse tranquille et on ne lui donne aucune nourriture pendant 48 heures. Aussitôt qu’il a quitté sa dépouille et repris son mouvement, il faut se hâter de lui donner des feuilles nouvelles, et le transposer de dessus celles où il a mué. Les soins et le travail du dehors augmentent aussi alors par la grande consommation de feuilles, et il faut multiplier les cueilleurs. Il est important de savoir qu’il ne faut laisser contracter aux feuilles aucune mal-propreté ni mauvais air : les feuilles simplement mouillées sont mortelles pour les vers, elles les dévoient et les corrompent. Il ne faut donc jamais cueillir les feuilles à la rosée ni pendant la pluie. Si le temps est inconstant, il faut avoir dans une pièce fraîche et bien aérée, ou dans l’aire d’une grange, des feuilles cueillies sèchement pour un jour d’avance; et il y auroit moins d’inconvénient à laisser jeûner les vers quelqu’intervalle de temps, que de leur donner des feuilles mouillées. Il ne faut pas souffrir que les cueilleurs érissent les feuilles, c’est-à-dire, qu’ils passent la main à rebours depuis la pointe de la branche jusqu’à sa naissance, pour faire d’un seul coup une poignée de feuilles. Cette manière est plus prompte, mais elle emporte les boutons qui doivent donner une seconde feuille, et lui ôte une partie de sa qualité en la meurtrissant. Il faut cueillir les feuilles une à une; et l’on doit avoir l’attention de réserver les plus beaux arbres, ceux dont la feuille a le plus de substance, pour la quatrième mue et le temps qui la suit. Sept ou huit jours après la sortie de la troisième mue, les vers doivent arriver à la quatrième. A cet âge ce qu’ils consomment de feuilles est étonnant : les curations sont considérables, et les amas de litières s’accumulent avec rapidité, et fermentent facilement dans les corbeilles par la progression de chaleur de la saison. Il faut alors un travail très prompt et une multitude de mains. Pour lever plus promptement les vers de dessus leurs litières, on a imaginé de se servir de petits filets qui abrègent beaucoup l’opération. Il faut en avoir à peu près autant que de corbeilles : ils sont fait à mailles d’environ un pouce quarré, et sont étendus sur une monture de baguettes de la grandeur de la corbeille. Quand on veut s’en servir pour lever les vers de dessus leur litière, on les place le matin sur les corbeilles, et on dépose les feuilles nouvelles par dessus : les vers les traversent pour aller chercher leur pâture. On revient à chaque SÉANCE DU 17 FRUCTIDOR AN II (3 SEPTEMBRE 1794) - N08 36 215 corbeille : alors deux personnes soulèvent le filet par les baguettes, et enlèvent ainsi sans les toucher, la presque totalité des vers avec la feuille nouvelle, et les déposent doucement dans une corbeille vuide préparée à côté. Il ne reste plus qu’à donner un coup d’œil sur la litière restante pour en retirer les vers sains qui n’auroient pas traversé le filet, les réunir aux autres, et continuer l’opération sur les autres corbeilles, pendant que des personnes enlèvent les litières et emportent les corbeilles au dehors pour les secouer et les faire sécher ainsi que les paniers. Enfin, le ver à soie approche du dernier terme de son accroissement et il faut lui préparer l’asyle où il doit s’enfermer et filer sa coque. On a dû faire une provision de menues branches de bouleau ou de bruyère épluchées de leurs graines et de leurs feuiles. On les lie par poignées en faisceaux : on les tient plus longues de quatre à cinq pouces que la hauteur des tablettes où sont placés les vers, on les y dresse la houppe en l’air, on en écarte les branches et on les replie en berceau. On en met quatre ou cinq sur la largeur d’une tablette et on en fait ainsi des rangées distantes les unes des autres, de huit à dix pouces de façon que les brins courbés de l’une se rencontrent par en haut avec ceux de l’autre, et forment ensemble des voûtes auxquelles on donne le nom de cabanage. Il faut être attentif à préparer ces berceaux de bonne heure pour ne pas se laisser surprendre par la montée des vers qui partent quelques fois tout d’un coup. On reconnoît que les vers veulent filer lors-qu’après la quatrième mue ils ont acquis une couleur presque transparente. Alors on les voit courir dans les corbeilles, en sortir même en dressant la tête sans songer à brouter. Ils ne sont pressés que du besoin de déposer cette gomme dont ils composent le fil brillant dans lequel ils vont s’envelopper. Il est instant alors de les placer sous les cabanes. Une ouvrière enlève les vers avec la feuille sur laquelle ils se trouvent, et les dépose sur des papiers propres qu’elle porte sur le fonds d’une corbeille renversée. Une main adroite reçoit ces papiers chargés de vers sur une large palette de bois mince, et les glisse sur la tablette de chaque berceau sans trop la surcharger; on leur jette encore quelques feuilles avant de les quitter. Le premier jour on doit cabaner les premiers vers éclos n° 1, le deuxième jour ceux éclos n° 2, et le troisième jour les corbeilles sans numéro, remplies de vers tardifs recueillis sur les litières à chaque mue. Si le temps est favorable, les vers gagnent la bruyère avec une rapidité étonnante, et tous doivent avoir disparu au plus tard le neuvième ou le dixième jour après la sortie de la quatrième mue, ou plus tôt si les mues ont été courtes. S’il est resté des vers moins actifs ou lan-guissans, on peut les mettre dans des cornets de papier ou dans des mannequions remplis de bruyère ou de copeaux de varlope : on les tient à part, et on en tire encore quelque soie. Le travail, qui a toujours été croissant, a cessé tout à coup; et il n’y a pas plus qu’à faire enlever les cabanes, les papiers, le peu de litière, les vers qui peuvent être tournés ou morts à la montée, faire balayer et remettre tout en ordre pour l’année suivante. Le ver à soie est environ huit jours à filer et à perfectionner sa coque; et c’est ordinairement le onzième ou le douzième jour après la montée quand on estime que les plus tardifs ont fini leur travail, et quand on n’entend plus le petit bruit du filage, que l’on doit commencer à cueillir les cocons. On retire les tablettes, sans violence, les balais qui en sont chargés, les uns après les autres, et on les dépose dans des mannes à anses, que l’on porte dans une grande chambre vuide qui doit être ouverte à tous les airs : là on recueille les cocons sur chaque balai sans les écraser; on les épluche en leur enlevant cette espèce de bourre qui les entoure, et on les arrange dans des corbeilles sans trop les emplir. On rencontre dans les bruyères quelques vers tournés, raccourcis, des chrysalides sans cocon, devenus noirs et infects : il faut éviter qu’ils ne touchent les bons cocons, et les jeter. La récolte finie, on ramasse les balais, et on les porte au grenier pour l’année suivante. Mais avant de les employer de nouveau, on doit les faire passer à une flamme de feu de paille, pour ôter la mauvaise odeur et les baves que les vers y ont laissées. En général, on doit apporter le plus grand soin à purifier, laver tout ce que le ver a touché, et les tablettes même : rien ne procure des succès avantageux comme la grande propreté. Le ver converti en chrysalide dans son cocon, n’y peut rester que 18 ou 20 jours; après ce temps, il le perce pour sortir sous la forme d’un papillon. Quand on n’a recueilli qu’une médiocre quantité de cocons, on se hâte d’en dévider la soie : mais quand elle est considérable, il seroit impossible de pouvoir le faire pendant cet intervalle; alors il est nécessaire d’étouffer la chrysalide qu’ils renferment pour qu’elle ne les gâte point, et pour avoir tout le temps que l’on veut pour en développer la soie; et on le fait en général de deux manières. On expose les cocons dans un crible de laiton à la vapeur de l’eau bouillante, au-dessus d’un grand chaudron couvert, et on les y laisse à peu près un demi-quart d’heure : en les retirant, on les enveloppe d’une couverture jusqu’à ce qu’ils soient refroidis; on les expose ensuite au soleil pour les faire sécher. Le procédé le plus ordinaire est la chaleur du four. On le fait chauffer au point qu’un papier tortillé que l’on y jette y roussit simplement après qu’il est fermé, sans noircir ou brûler. C’est presque le quatre-vingtième degré du thermomètre de Réaumur. On dispose alors dans le four des corbeilles remplies de cocons croisant les unes au-dessus des autres. Quand il est plein on le ferme exactement, et dès qu’un bruit pareil à celui du pétillement du sel jeté sur le feu a tout à fait cessé, les fèves sont entièrement étouffées. On retire les corbeilles, on les empile, et on étend par-dessus des couvertures, afin d’y concentrer la chaleur jusqu’au parfait refroidissement. On a rendu cette opération beaucoup plus 216 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE facile en la faisant dans un fourneau auquel sont adaptés des tiroirs qui contiennent les cocons que l’on y expose. Elle est faite en un instant, et avec la plus grande commodité; cette pratique réunit tous les avantages. Avant d’étouffer les chrysalides dans leurs cocons, on doit avoir choisi ceux que l’on réserve pour la propagation de l’année suivante. On met à part, quand on les épluche, ceux qui paroissent les mieux formés, dont le fil est le plus brillant, et qui ont plus de fermeté sous les doigts. Les cocons mâles sont ordinairement un peu pointus par un des bouts; ceux des femelles ont les deux bouts à peu-près également ronds : on estime ceux qui ont une espèce de ceinture rétrécie dans le milieu. Il est nécessaire que l’on sente rouler la fève dans le cocon en le remuant. Pour avoir une once de graine, on estime qu’il faut avoir environ cent cocons femelles et autant de mâles; il en faut réserver plutôt plus que moins. On les arrange les uns à côté des autres, dans des corbeilles, ou bien, on en fait des chapelets en passant une aiguille dans leur superficie, et on les tient suspendus à une tapisserie. Après 18 ou 20 jours de prison, le ver quitte son état de chrysalide, et sort sous la forme d’un papillon blanc rayé de gris. A mesure que les papillons sortent, on les dépose sur des pièces d’étoffe de laine rase que l’on tient suspendues verticalement sur une perche. Les mâles sont plus petits, les femelles ont le ventre plein et plus gros. On facilite leur accouplement en les approchant les uns des autres; il ne doit pas durer plus de six heures, après quoi il est bon de les séparer. On jette les mâles; les femelles ne tardent pas à déposer leurs œufs sur l’étoffe. La ponte finie, on jette aussi les papillons femelles : on plie l’étoffe chargée de graine; deux mois après environ, on l’en détache, quand on est dans le cas d’en faire commerce et des envois; autrement on la garde dans un lieu sec et sain jusqu’au temps de l’éclosage de l’année suivante. Alors on détache légèrement les œufs avec le tranchant mousse d’une pièce de six liards sur un drap étendu à terre; on les lave ensuite avec du vin tiède; on écume et l’on jette tous ceux qui surnagent: cette opération doit précéder de quelques jours la mise à éclore; elle prépare la graine et donne la certitude de l’avoir bonne. Des maladies des vers à soie Les vers à soie sont exposés, par la foiblesse de leur être et par les inconvénients inévitables du climat artificiel où on les tient, à des maladies mortelles causées par l’intempérie des saisons, par l’humidité qui se mêle à leurs alimens, et par les diverses altérations qui s’y communiquent, par le méphitisme qui se produit nécessairement au milieu de la transpiration de tant d’insectes accumulés, et de la fermentation de leurs excrémens avec les débris de feuilles. C’est moins par des remèdes que par des attentions assidues et la grande propreté qu’on les en garantit, qu’on les sauve. Il ne faut pas oublier que cet insecte étoit placé par la nature sur un arbre, et n’étoit pas destiné à habiter des corbeilles et à vivre sur la litière. Quand on s’apperçoit que les vers souffrent, il faut redoubler de propreté et de soins; il faut fréquemment les retirer de dessus les litières qui en contiennent de morts ou de corrompus, les délivrer de tout ce qui produit autour d’eux la fétidité et la fermentation, et leur procurer un air souvent renouvelé. Lorsque les chambres ont contracté une odeur forte, on est dans l’usage d’y faire évaporer du vinaigre sur une pelle rouge, ou d’y brûler des pelures sèches de pommes, de l’encens, des plantes aromatiques, de frotter le papier qui tapisse le fond des corbeilles avec un bouquet de thym; mais l’attention qui réussit le mieux, c’est de les transférer dans un local plus sain. Les orages sur-tout sont funestes aux vers à soie; l’athmosphère alors est étouffante et sans ressort : alors les effets électriques se joignant à l’activité de la fermentation et du méphitisme de l’intérieur, causent les plus tristes ravages dans les ateliers. Il faut les prévenir par la circulation et le renouvellement de l’air. Enfin un mal inévitable à tous les grands rassemblemens d’êtres vivans en masse, l’épidémie désole souvent des ateliers entiers. Les murs, les planchers, les ustenciles s’imprègnent de la contagion, et la transmettent encore à l’année suivante; on a imaginé de les faire habiter par des moutons pour la détruire : dans certains endroits le mal a été quelquefois si grand, que l’on a renoncé à des exploitations et arraché les mûriers. Les petites éducations ne procurent pas cette intensité de méphitisme; et c’est autant pour la prospérité de la chose même, et pour l’avantage d’un plus grand nombre de citoyens, que votre comité d’agriculture vous propose de répartir l’éducation des vers à soie par petites portions, et dans les plus nombreux détails, bien assuré par là de l’augmentation de ses produits, de sa réussite, et de l’aisance qui naîtra sous les mains de tous ceux qui s’y livreront. Il s’agit quant à présent de la production de la matière de la soie : elle entre ainsi dans le commerce. La manière de l’ouvrer sera le sujet d’une nouvelle instruction. PROJET DE DÉCRET Article premier. — Les professeurs du Muséum national des plantes sont chargés de faire choix, dans les départemens méridionaux de la République, des meilleures graines de mûrier. Art. II. — Ils en feront faire des semis abondans pour le printemps prochain dans quelques-uns des terreins et parcs nationaux qui ont été réservés pour ces objets, ou dans quelques autres jardins de botanique. Art. III. — A la seconde ou troisième année, lorsque le jeune plant devra être levé des semis, ils en distribueront à tous les particuliers qui voudront en faire des plantations en haies, taillis ou pépinières, pour élever des vers à soie, et chaque année ils feront de même jusqu’à ce que cet arbre soit suffisamment propagé. Art. IV. — Lorsque les plantations de mûriers seront arrivées au point de fournir des