338 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 41 Les officiers municipaux de Montbard annoncent que, sur une population de 2 128 individus, cette commune a fourni 176 volontaires; ils rappellent les différentes offrandes qu’elle et les autres communes du canton ont faites à la patrie en or, argent, habits, souliers, linge, etc. : (1) 40 paires de boucles d’argent et 1 d’or, 40 habits d’uniforme, 77 lits complets, 301 chemises, 93 liv. de charpie, 19 paires de bas, 52 paires de souliers, 458 chemises, 1 tonneau de charpie (2) . Mention honorable, insertion au bulletin (3). 42 Le citoyen Vielle, maire de la municipalité de Soissons, admis à la barre, félicite la Convention sur les mesures fermes et vigoureuses que les circonstances l’ont forcée de prendre, et l’invite à rester à son poste. Une des plus belles vertus du républicain, a-t-il dit, est de savoir partager ce qu’il possède, avec son frère qui manque du nécessaire. Pénétrés de cette vérité, les citoyens du district de Soissons viennent de fournir à la commune de Paris un contingent de 57 000 quintaux de bled ou environ. Il annonce ensuite qu’une fouille faite chez des prévenus de fabrication de faux assignats a produit 100 pièces d’or chacune de 48 liv., et 300 de chacune 24 liv., ce qui fait une somme de 12 000 livres qu’il dépose sur le bureau, ainsi que les procès-verbaux qui constatent ces faits. La Convention accueille le citoyen Vielle par les plus vifs applaudissemens, en lui accordant les honneurs de la séance; elle agrée le dépôt des 12 000 livres en or, et ordonne le renvoi des procès-verbaux au comité de sûreté générale (4). 43 POTTIER, au nom du comité de liquidation : Citoyens, un acte de courage et d’intrépidité vraiment extraordinaire a été mis sous le yeux du comité de liquidation, qui m’a chargé de vous en rendre compte. Le citoyen Philippe Rouzaud, laboureur, habitant le hameau des Fermes-d’Aumont, dans la commune de Mont-Ferrier, district de Tarascon, département de l’Ariège, n’a pas craint d’expo-(1) P.V., XXXVI, 138. J. Univ., n° 1625. Départ, de la Côte-d’Or. (2) Bin, 13 flor. (2e suppl‘). (3) P.V., XXXVI, 138. (4) P.V., XXXVI, 139, 154, 229 (cf. n° 27 du 7 flor.). J. Sablier, n° 1280; Audit, nat., n° 580; J. Lois, n° 575; Batave, n° 436; Mess, soir, n° 616; C. Univ., 7 flor.; J. Matin, n° 614; M.U., XXXIX, 109; Rép., n° 127 ; C. Eg., n° 616, p. 202; Ann. patr., n° 480; Feuille Rép., n° 297; J. Perlet, n° 582. ser évidemment sa vie pour se rendre utile au canton qu’il habite. Affligé de voir que, dans la partie de cette campagne qui avoisine les Pyrénées, les ours qui infestaient cette contrée y répandaient la terreur et l’effroi, que les bestiaux envoyés au pacage y devenaient souvent la proie de ces animaux féroces, que les récoltes y étaient ravagées, il forma, en 1787, la généreuse résolution de leur faire la chasse. Il n’avait pour arme que son fusil, pour compagnon que son chien. Il tua, le 22 mai, un de ces animaux d’une énorme grosseur; la peau, qu’il rapporta, avait six pieds de long. Au mois d’octobre suivant, il est instruit par des bergers qu’un autre ours plus monstrueux que le premier avait paru; il ne dissimule pas le danger qu’il peut courir en l’attaquant; il n’en est pas effrayé. Il s’arme de son fusil; il court à sa recherche avec son chien. Après huit heures de perquisition, le chien, ayant découvert la piste de l’ours, conduit le brave Rouzaud dans une gorge étroite, entre deux rochers escarpés, au pied d’un précipice où l’ours avait formé sa retraite dans une touffe d’arbustes et de ronces. L’ours, à la vue de l’homme, aux aboiements du chien, pousse un hurlement si effroyable que le chien, qui était en avant, rétrograde et va se jeter épouvanté aux pieds de son maître. Rouzaud n’avait aucunes ressources pour s’écarter de la route de l’ours; cependant il ne veut pas perdre l’occasion de le tirer. Il lâche son coup sur lui au milieu des broussailles; il l’atteint et le blesse entre le cou et l’épaule gauche. L’animal tombe. Rouzaud rappelle son chien qui avait fui. Il se retourne; l’ours, devenu furieux, s’était redressé; il était prêt à se lancer sur le chasseur. Rouzeaud essaie en vain de l’éloigner avec le canon de son fusil; l’animal s’en empare avec ses dents et ses pattes et le jette en arrière; il revient sur sa proie. Rouzaud s’arme d’un de ses sabots, et porte sur les dents de l’ours un coup qui le fait reculer. Le combat devient alors plus vif et plus sérieux. L’ours saisit avec ses pattes le pied de Rouzaud; il le mord à la jambe et le renverse. Dans cette affreuse position Rouzaud conserve sa présence d’esprit; il voit que l’animal cherche à le mordre à la figure; il essaie à lui prendre l’oreille pour le contenir, l’ours lui saisit la main. Rouzaud profite de l’instant où l’animal tenait sa gueulle ouverte; il y enfonce sa main droite et lui empoigne la langue; il lui gêne la respiration et parvient à le fatiguer au point qu’il le renverse. Il profite de ce moment pour monter sur l’animal; il le presse avec ses genoux, et, après une résistance et un combat de plus d’une heure, il parvient à l’étouffer. (Vifs applaudissements ) . Rouzaud, hors de danger, jette un regard sur lui; il est tout couvert de sang; il a le bras droit percé, le pouce et le petit doigt rongés, la main gauche fracturée, les deux jambes déchirées, et la jambe gauche criblée de blessures et un os cassé. Il tombe exténué de fatigue et de saisissement, et reste sur le champ de bataille jusqu’au 338 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 41 Les officiers municipaux de Montbard annoncent que, sur une population de 2 128 individus, cette commune a fourni 176 volontaires; ils rappellent les différentes offrandes qu’elle et les autres communes du canton ont faites à la patrie en or, argent, habits, souliers, linge, etc. : (1) 40 paires de boucles d’argent et 1 d’or, 40 habits d’uniforme, 77 lits complets, 301 chemises, 93 liv. de charpie, 19 paires de bas, 52 paires de souliers, 458 chemises, 1 tonneau de charpie (2) . Mention honorable, insertion au bulletin (3). 42 Le citoyen Vielle, maire de la municipalité de Soissons, admis à la barre, félicite la Convention sur les mesures fermes et vigoureuses que les circonstances l’ont forcée de prendre, et l’invite à rester à son poste. Une des plus belles vertus du républicain, a-t-il dit, est de savoir partager ce qu’il possède, avec son frère qui manque du nécessaire. Pénétrés de cette vérité, les citoyens du district de Soissons viennent de fournir à la commune de Paris un contingent de 57 000 quintaux de bled ou environ. Il annonce ensuite qu’une fouille faite chez des prévenus de fabrication de faux assignats a produit 100 pièces d’or chacune de 48 liv., et 300 de chacune 24 liv., ce qui fait une somme de 12 000 livres qu’il dépose sur le bureau, ainsi que les procès-verbaux qui constatent ces faits. La Convention accueille le citoyen Vielle par les plus vifs applaudissemens, en lui accordant les honneurs de la séance; elle agrée le dépôt des 12 000 livres en or, et ordonne le renvoi des procès-verbaux au comité de sûreté générale (4). 43 POTTIER, au nom du comité de liquidation : Citoyens, un acte de courage et d’intrépidité vraiment extraordinaire a été mis sous le yeux du comité de liquidation, qui m’a chargé de vous en rendre compte. Le citoyen Philippe Rouzaud, laboureur, habitant le hameau des Fermes-d’Aumont, dans la commune de Mont-Ferrier, district de Tarascon, département de l’Ariège, n’a pas craint d’expo-(1) P.V., XXXVI, 138. J. Univ., n° 1625. Départ, de la Côte-d’Or. (2) Bin, 13 flor. (2e suppl‘). (3) P.V., XXXVI, 138. (4) P.V., XXXVI, 139, 154, 229 (cf. n° 27 du 7 flor.). J. Sablier, n° 1280; Audit, nat., n° 580; J. Lois, n° 575; Batave, n° 436; Mess, soir, n° 616; C. Univ., 7 flor.; J. Matin, n° 614; M.U., XXXIX, 109; Rép., n° 127 ; C. Eg., n° 616, p. 202; Ann. patr., n° 480; Feuille Rép., n° 297; J. Perlet, n° 582. ser évidemment sa vie pour se rendre utile au canton qu’il habite. Affligé de voir que, dans la partie de cette campagne qui avoisine les Pyrénées, les ours qui infestaient cette contrée y répandaient la terreur et l’effroi, que les bestiaux envoyés au pacage y devenaient souvent la proie de ces animaux féroces, que les récoltes y étaient ravagées, il forma, en 1787, la généreuse résolution de leur faire la chasse. Il n’avait pour arme que son fusil, pour compagnon que son chien. Il tua, le 22 mai, un de ces animaux d’une énorme grosseur; la peau, qu’il rapporta, avait six pieds de long. Au mois d’octobre suivant, il est instruit par des bergers qu’un autre ours plus monstrueux que le premier avait paru; il ne dissimule pas le danger qu’il peut courir en l’attaquant; il n’en est pas effrayé. Il s’arme de son fusil; il court à sa recherche avec son chien. Après huit heures de perquisition, le chien, ayant découvert la piste de l’ours, conduit le brave Rouzaud dans une gorge étroite, entre deux rochers escarpés, au pied d’un précipice où l’ours avait formé sa retraite dans une touffe d’arbustes et de ronces. L’ours, à la vue de l’homme, aux aboiements du chien, pousse un hurlement si effroyable que le chien, qui était en avant, rétrograde et va se jeter épouvanté aux pieds de son maître. Rouzaud n’avait aucunes ressources pour s’écarter de la route de l’ours; cependant il ne veut pas perdre l’occasion de le tirer. Il lâche son coup sur lui au milieu des broussailles; il l’atteint et le blesse entre le cou et l’épaule gauche. L’animal tombe. Rouzaud rappelle son chien qui avait fui. Il se retourne; l’ours, devenu furieux, s’était redressé; il était prêt à se lancer sur le chasseur. Rouzeaud essaie en vain de l’éloigner avec le canon de son fusil; l’animal s’en empare avec ses dents et ses pattes et le jette en arrière; il revient sur sa proie. Rouzaud s’arme d’un de ses sabots, et porte sur les dents de l’ours un coup qui le fait reculer. Le combat devient alors plus vif et plus sérieux. L’ours saisit avec ses pattes le pied de Rouzaud; il le mord à la jambe et le renverse. Dans cette affreuse position Rouzaud conserve sa présence d’esprit; il voit que l’animal cherche à le mordre à la figure; il essaie à lui prendre l’oreille pour le contenir, l’ours lui saisit la main. Rouzaud profite de l’instant où l’animal tenait sa gueulle ouverte; il y enfonce sa main droite et lui empoigne la langue; il lui gêne la respiration et parvient à le fatiguer au point qu’il le renverse. Il profite de ce moment pour monter sur l’animal; il le presse avec ses genoux, et, après une résistance et un combat de plus d’une heure, il parvient à l’étouffer. (Vifs applaudissements ) . Rouzaud, hors de danger, jette un regard sur lui; il est tout couvert de sang; il a le bras droit percé, le pouce et le petit doigt rongés, la main gauche fracturée, les deux jambes déchirées, et la jambe gauche criblée de blessures et un os cassé. Il tombe exténué de fatigue et de saisissement, et reste sur le champ de bataille jusqu’au SÉANCE DU 6 FLORÉAL AN II (25 AVRIL 1794) - Nos 44 et 45 339 moment où quelques hommes, attirés par les aboiements redoutables de son chien, viennent jusqu’à lui, sont touchés de son état, lui donnent des secours et le transportent dans sa maison. Rouzaud a beaucoup souffert de la suite de ses blessures; il est resté malade et dans les remèdes depuis octobre 1787 jusqu’en mars 1788; il est estropié. Sur l’exposé qui fut fait dans le temps de cette action courageuse au commissaire alors départi dans la ci-devant province du Languedoc, celui-ci, par ordre du ministre, accorda à Rouzaud une gratification annuelle et viagère de 200 liv. affectée sur les indemnités accordées à la province. Il en a été payé jusques et y compris l’année 1790. Ces faits sont attestés par la municipalité de Roquefixade, district de Tarascon. L’obtention et le payement de la gratification sont également rendus certains par le ci-devant délégué de Mirepoix. Rouzaud demande la continuation de sa gratification annuelle. Le comité n’a pu entendre le récit de cette action sans un étonnement mêlé d’admiration; il a pensé qu’elle méritait d’être recueillie et récompensée, sous différents rapports. Si le courageux dévouement de Rouzaud présente au premier aspect une sorte de témérité, il n’en est pas moins le fruit d’une intrépidité rare. Son résultat fut heureux, le canton fut délivré d’une bête féroce qui pouvait y occasionner les plus grands maux. Le succès d’une lutte aussi terrible est l’effet d’une présence d’esprit peu commune, et qui honore celui qui a su la conserver au milieu d’un danger évident; les blessures qu’il porte rappellent à chaque instant le souvenir d’une belle action et la reconnaissance de ses voisins. L’ancien gouvernement, qui semblait avoir voué à l’insouciance et à l’oubli la classe honorable et laborieuse des habitants des campagnes, n’avait pu se refuser à un acte de justice à l’égard de Rouzaud. Le gouvernement républicain, aux yeux du-quels les hommes sont égaux, qui récompense tous les traits héroïques, qui honore toutes les vertus, ne se laissera pas vaincre en générosité; il augmentera la gratification donnée à un citoyen courageux qui, oubliant son épouse et ses enfants pour ne voir que le bien de son hameau, et se confiant sur sa force et son zèle, s’est dévoué au danger de perdre la vie pour la tranquillité de ses concitoyens. Une gratification décrétée solennellement pénétrera jusqu’au pied de ces montagnes; l’idée consolante que les représentants du peuple se sont occupés un instant de Rouzaud et de son courage sera pour lui la plus douce de toutes les jouissances. Ses enfants et ses voisins se réuniront autour de lui pour l’en féliciter; il oubliera ses blessures et ses infirmités, il ne verra que la bienfaisance nationale. Les habitants de ce canton trouveront un encouragement puissant pour garantir leurs bestiaux et leurs récoltes de ces animaux féroces qui ne leur enlèvent que trop souvent le fruit de leur travail et de leurs sueurs. Rouzaud est pauvre et père de sept enfants. Cette considération n’a fait qu’ajouter aux motifs intéressants et décisifs qui ont déterminé le comité à vous proposer le projet de décret que je suis chargé de vous présenter. [Adopté comme suit] (1). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [POTTIER, au nom de] son comité de liquidation, décrète : « Art. I. — Sur les fonds mis à la disposition de la commission des secours, pour les dons et gratifications, il est accordé au citoyen Philippe Rouzaud, laboureur de la commune de Mont-ferrier, district de Tarascon, âgé de 49 ans, qui, en 1787, exposa courageusement sa vie pour délivrer le hameau qu’il habite des ours qui l’infestoient, qui dévoroient les bestiaux et ra-vageoient les récoltes, et qui, par suite d’un combat qui essuya avec un de ces animaux, qu’il tua, est resté estropié, une gratification de trois mille livres, laquelle est convertie en une rente viagère de trois cents livres, dont il jouira pendant sa vie. « Art. II. — Cette rente viagère courra à compter du premier janvier 1791, qu’il a cessé de recevoir l’ancienne gratification dont il jouissoit au même titre, sauf la déduction des secours provisoires qu’il peut avoir reçus, en justifiant du dépôt de son certificat de résidence au bureau de la liquidation, dans les délais fixés par les lois, et en se conformant d’ailleurs à toutes celles rendues jusqu’à ce jour pour les pensionnaires de l’Etat. » Le présent décret ne sera pas imprimé. Il sera inséré au bulletin de correspondance. » Le rapport sera inséré au bulletin » (2). 44 Un membre fait connoître à la Convention les dificultés qu’éprouvent les orfèvres des départemens, de faire insculpter leur poinçon sur les planches de cuivre destinées à cet effet à la maison commune des orfèvres de Paris, pour continuer leur état dans cette commune. La Convention renvoie cette observation à ses comités d’agriculture et de commerce, pour lui faire un prompt rapport (3). 45 Sur le rapport [de ROVERE, au nom] des comités de salut public et des finances, la Convention nationale a rendu le décret suivant. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public et des finances, décrète : « Art. I. — Les jeunes Irlandais, au nombre (1) Mon., XX, 313; Audit, nat., nos 580, 583; J. Sablier, n° 1280; J. Mont., n° 164; J. Lois, n° 575; J. Matin, n° 514; M.U., XXXIX, 108; Mess, soir, n° 616; Rép., n° 187; J. Paris, n° 481; J. Perlet, n° 581; Batave, n° 435; Feuille Rép., n° 297; Ann. patr., 480; C. Eg., n° 616, p. 201; Ann. Rép., n° 147. (2) P.V., XXXV I, 139. Minute de la main de Pottier (C 301, pl. 1067, p. 30) . Décret n° 8923. Reproduit dans Bin, 7 flor. (suppl1). (3) P.V., XXXVI, 140. M.U., XXXIX, 139; J. Perlet, n° 583. SÉANCE DU 6 FLORÉAL AN II (25 AVRIL 1794) - Nos 44 et 45 339 moment où quelques hommes, attirés par les aboiements redoutables de son chien, viennent jusqu’à lui, sont touchés de son état, lui donnent des secours et le transportent dans sa maison. Rouzaud a beaucoup souffert de la suite de ses blessures; il est resté malade et dans les remèdes depuis octobre 1787 jusqu’en mars 1788; il est estropié. Sur l’exposé qui fut fait dans le temps de cette action courageuse au commissaire alors départi dans la ci-devant province du Languedoc, celui-ci, par ordre du ministre, accorda à Rouzaud une gratification annuelle et viagère de 200 liv. affectée sur les indemnités accordées à la province. Il en a été payé jusques et y compris l’année 1790. Ces faits sont attestés par la municipalité de Roquefixade, district de Tarascon. L’obtention et le payement de la gratification sont également rendus certains par le ci-devant délégué de Mirepoix. Rouzaud demande la continuation de sa gratification annuelle. Le comité n’a pu entendre le récit de cette action sans un étonnement mêlé d’admiration; il a pensé qu’elle méritait d’être recueillie et récompensée, sous différents rapports. Si le courageux dévouement de Rouzaud présente au premier aspect une sorte de témérité, il n’en est pas moins le fruit d’une intrépidité rare. Son résultat fut heureux, le canton fut délivré d’une bête féroce qui pouvait y occasionner les plus grands maux. Le succès d’une lutte aussi terrible est l’effet d’une présence d’esprit peu commune, et qui honore celui qui a su la conserver au milieu d’un danger évident; les blessures qu’il porte rappellent à chaque instant le souvenir d’une belle action et la reconnaissance de ses voisins. L’ancien gouvernement, qui semblait avoir voué à l’insouciance et à l’oubli la classe honorable et laborieuse des habitants des campagnes, n’avait pu se refuser à un acte de justice à l’égard de Rouzaud. Le gouvernement républicain, aux yeux du-quels les hommes sont égaux, qui récompense tous les traits héroïques, qui honore toutes les vertus, ne se laissera pas vaincre en générosité; il augmentera la gratification donnée à un citoyen courageux qui, oubliant son épouse et ses enfants pour ne voir que le bien de son hameau, et se confiant sur sa force et son zèle, s’est dévoué au danger de perdre la vie pour la tranquillité de ses concitoyens. Une gratification décrétée solennellement pénétrera jusqu’au pied de ces montagnes; l’idée consolante que les représentants du peuple se sont occupés un instant de Rouzaud et de son courage sera pour lui la plus douce de toutes les jouissances. Ses enfants et ses voisins se réuniront autour de lui pour l’en féliciter; il oubliera ses blessures et ses infirmités, il ne verra que la bienfaisance nationale. Les habitants de ce canton trouveront un encouragement puissant pour garantir leurs bestiaux et leurs récoltes de ces animaux féroces qui ne leur enlèvent que trop souvent le fruit de leur travail et de leurs sueurs. Rouzaud est pauvre et père de sept enfants. Cette considération n’a fait qu’ajouter aux motifs intéressants et décisifs qui ont déterminé le comité à vous proposer le projet de décret que je suis chargé de vous présenter. [Adopté comme suit] (1). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [POTTIER, au nom de] son comité de liquidation, décrète : « Art. I. — Sur les fonds mis à la disposition de la commission des secours, pour les dons et gratifications, il est accordé au citoyen Philippe Rouzaud, laboureur de la commune de Mont-ferrier, district de Tarascon, âgé de 49 ans, qui, en 1787, exposa courageusement sa vie pour délivrer le hameau qu’il habite des ours qui l’infestoient, qui dévoroient les bestiaux et ra-vageoient les récoltes, et qui, par suite d’un combat qui essuya avec un de ces animaux, qu’il tua, est resté estropié, une gratification de trois mille livres, laquelle est convertie en une rente viagère de trois cents livres, dont il jouira pendant sa vie. « Art. II. — Cette rente viagère courra à compter du premier janvier 1791, qu’il a cessé de recevoir l’ancienne gratification dont il jouissoit au même titre, sauf la déduction des secours provisoires qu’il peut avoir reçus, en justifiant du dépôt de son certificat de résidence au bureau de la liquidation, dans les délais fixés par les lois, et en se conformant d’ailleurs à toutes celles rendues jusqu’à ce jour pour les pensionnaires de l’Etat. » Le présent décret ne sera pas imprimé. Il sera inséré au bulletin de correspondance. » Le rapport sera inséré au bulletin » (2). 44 Un membre fait connoître à la Convention les dificultés qu’éprouvent les orfèvres des départemens, de faire insculpter leur poinçon sur les planches de cuivre destinées à cet effet à la maison commune des orfèvres de Paris, pour continuer leur état dans cette commune. La Convention renvoie cette observation à ses comités d’agriculture et de commerce, pour lui faire un prompt rapport (3). 45 Sur le rapport [de ROVERE, au nom] des comités de salut public et des finances, la Convention nationale a rendu le décret suivant. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public et des finances, décrète : « Art. I. — Les jeunes Irlandais, au nombre (1) Mon., XX, 313; Audit, nat., nos 580, 583; J. Sablier, n° 1280; J. Mont., n° 164; J. Lois, n° 575; J. Matin, n° 514; M.U., XXXIX, 108; Mess, soir, n° 616; Rép., n° 187; J. Paris, n° 481; J. Perlet, n° 581; Batave, n° 435; Feuille Rép., n° 297; Ann. patr., 480; C. Eg., n° 616, p. 201; Ann. Rép., n° 147. (2) P.V., XXXV I, 139. Minute de la main de Pottier (C 301, pl. 1067, p. 30) . Décret n° 8923. Reproduit dans Bin, 7 flor. (suppl1). (3) P.V., XXXVI, 140. M.U., XXXIX, 139; J. Perlet, n° 583.