98 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 17 Un membre [Rühl] (44) observe que, parmi les moyens dont se sont servis Saint-Just et Lebas pour pousser au désespoir les habi-tans du département du Bas-Rhin, celui des impositions d’un emprunt formé n’a pas été la moindre, et la seule commune de Strasbourg a été imposée à neuf millions payables en vingt-quatre heures quant aux plus riches imposés, et un banquier de cette commune a été attaché à la guillotine pour n’avoir pas payé sur-le-champ sa quote part. Il demande que les quatre millions qui ne sont pas encore payés, et qu’on exige en vertu d’un ordre du représentant Saint-Just, ne soient pas payés. Sur la proposition d’un membre, la Convention nationale décrète le renvoi de cette pétition au comité des Finances et de Salut public réunis (45). 18 Carnot, au nom du comité de Salut public, section de la Guerre, fait un rapport sur le 26ème régiment de cavalerie (46): Au mois de pluviôse, le représentant du peuple Paganel, à qui le 26ème régiment de cavalerie fut fortement dénoncé ordonna qu’il serait informé contre ce corps. Les renseignements recueillis annoncèrent qu’il existait dans ce corps beaucoup d’officiers et de soldats coupables de délits graves. Le 17 pluviôse les représentants Dartigoeyte, Beauchamp, Paganel et Delbrel s’assemblèrent à Toulouse, s’environnèrent d’officiers, de militaires et de civils et de membres de la société populaire et, après avoir fait l’examen des dépositions prirent un arrêté portant que les officiers et soldats composant le détachement du 26ème régiment de cavalerie alors à Castres seraient arrêtés et conduits à Toulouse; que le chef d’escadron serait également arrêté et conduit dans la maison d’arrêt de cette ville, et qu’une commission continuerait l’instruction de l’affaire. Cet arrêté fut exécuté, et des nombreuses déclarations reçues par la commission et les juges de paix, de notions puisées dans les autres pièces de la procédure, il résulte les accusations suivantes: La plus grande indiscipline régnait dans ce corps; il ne s’y faisait presque aucun service, il ne s’y exerçait aucune surveillance, les lois n’y étaient pas connues. (44) D’après Moniteur, XXI, 626. (45) P.-V., XLIV, 219. Débats, n° 710, 213; Moniteur, XXI, 626; Ann. R.F., n° 272; J. Mont., n° 123; J. Fr., n° 705; J. Paris, n° 608; J. Perlet, n° 707; J. S.-Culottes, n° 562; Mess. Soir, n° 742; Rép., n° 254; M. U., XLIII, 217. (46) Moniteur, XXI, 626. Par ce défaut de surveillance, les chevaux y étaient tellement négligés que la plupart ont péri. Dans leurs routes, des individus de ce corps vexaient et pillaient les citoyens et les étapiers, insultaient même les magistrats, ce qui eut lieu notamment à La Madelaine et à Cahors. On soupçonne que ce régiment renferme des scélérats qui massacrèrent à Albi plusieurs volontaires et plusieurs femmes; un des cadavres fut retiré de la rivière enveloppé d’un manteau de cavalier. Des cavaliers de ce régiment ont été trouvés sans la cocarde nationale. D’autres ont chanté des couplets aristocratiques et crié vive le roi, et tenu des propos contre-révolutionnaires . Deux cavaliers désignés ont habillé un chien en garde national par dérision des défenseurs de la patrie. On accuse une partie de ce corps d’avoir voulu passer à l’étranger avec armes et chevaux et d’avoir fui devant l’ennemi. La comptabilité n’y est pas en règle. Les officiers sont prévenus d’avoir été dans l’usage de démonter la cavalerie, de leur rendre leurs chevaux ruinés. Le chef d’escadron fut arrêté par ordre du représentant du peuple Taillefer, à Montauban avec un détachement de 82 hommes qu’il conduisait; ces cavaliers et lui furent traduits au tribunal criminel du département du Lot pour les excès qu’ils avaient commis dans leur route de Versailles à Montauban. Ce Bocquet est accusé d’avoir voulu armer les cavaliers détenus pour forcer la prison. Le chef de brigade Ledée est aussi inculpé d’incivisme et d’indifférence pour la discipline; on lui reproche d’avoir réformé 88 hommes dont plusieurs sont de taille et patriotes, de leur avoir refusé des congés, et d’avoir fait de violentes menaces aux cavaliers qui demandaient des effets d’équipement. Tels sont les faits à la charge du 26ème régiment de cavalerie : ces faits ne sont pas tous certains mais plusieurs paraissent prouvés; par exemple l’incivisme d’une partie de ce corps, composée de déserteurs étrangers; son indiscipline et l’immoralité de beaucoup de ses individus. D’après la certitude acquise que l’existence de ce régiment était plus dangereuse qu’utile à la République, et que sa conduite nécessitait un exemple, le comité de Salut public se détermine à son licenciement. Cependant on ne peut se refuser à croire qu’il existait beaucoup de patriotes dans ce corps; la société populaire d’Albi en indique plusieurs tant officiers que soldats et déclare qu’il peut en exister encore d’autres; l’incorporation des hommes purs qu’il renfermait serait donc une mesure juste et avantageuse; les représentants du peuple en mission sur les lieux en ont paru persuadés, et ont montré l’intention d’exécuter cette incorporation (47). (47) C 318, pl. 1281, p. 18. Rapport de la main de Carnot.