262 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1790.] (L'orateur est vivement interrompu par la demande d'aller aux voix.) M. le Président. La liberté de la nation doit commencer par celle des opinions. Je prie l’Assemblée d’entendre l’orateur. M. Martineau. Etablissez un juge de paix par district, à la bonne heure ; mais en donner un à chaque section, le nombre est trop considérable. Il y avait autrefois à Paris un juge auditeur qui connaissait en dernier ressort jusqu’à 80 livres. Ce juge n’était pas trop occupé; je demande comment le seront 48 juges de paix? Je soutiens qu’ils sont absolument inutiles et j’ajoute que les justiciables ne sont pas assez éloignés du tribunal ordinaire, pour avoir besoin de recourir au juge de paix. Les six tribunaux proposés dans l’article 2 y compris les commissaires du roi et de la nation, les greffiers, les suppléants, donneront près de centofficiers de justice dans Paris. Comment après cela peut-on proposer de surcharger cette ville, déjà si gênée, de 48 juges de paix et de 48 greffiers ? Je conclus à la question préalable sur le premier article. M. Camus. La justice simple et expéditive des juges de paix est tout aussi nécessaire pour les uartiers de Paris que pour les campagnes ; mais ans l’organisation municipale que vous avez donnée à Paris, chaque section doit avoir un commissaire de police; il me semble que la sagesse en même temps que l’économie commandent de réunir les fonctions du commissaire de police à celles de juge de paix et pour les deux objects de n’avoir en tout que 48 personnes. M. Thouret, rapporteur. L’opinion de M. Martineau est absolument contraire aux principes constitutionnels qui ordonnent l’établissement des justices de paix dans tout le royaume : je ne comprends pas d’ailleurs comment on ose soutenir l’inutilité de cet établissement pour le peuple de Paris. M. Martineau. Je défie le rapporteur de fournir un seul argument qui justifie l’institution de 48 juges de paix dans la capitale. Je me borne néanmoins à demander l’ajournement de l’article 1er. M. le Président met aux voix l’ajournement qui est repoussé. (L’article 1er est adopté sans changement.) M. Camus. Messieurs, je vous ai parlé des commissaires de police ; comme leur éleciion est près de se faire, je demande qu’elle soit ajournée jusqu’à ce qu’il ait été statué ultérieurement sur ce sujet. Voici le décret que je vous propose : « Il sera sursis à la nomination des commissaires de police dans la ville de Paris, jusqu’à ce que, par l’Assemblée nationale, il en ait été autrement ordonné. » M. le Président met aux voix cette disposition. Elle est adoptée. On passe à la discussion de l’article 2 du projet du comité. M. Thouret, rapporteur. Messieurs, les raisons qui ont déterminé le comité de Constitution à roposer six tribunaux pour le département de aris sont les suivantes : 1° la nécessité de maintenir l’uniformifé constitutionnelle de l’appel pour tous les départements du royaume; 2° le danger des grandes corporations judiciaires. Comment pourriez-vous placer près de la cour un seul tribunal composé d’un grand nombre de juges, sans craindre que ce tribunal ne devînt, dans des circonstances équivoques, ou un parlement ou une cour plénière ? D’ailleurs, une prédilection pour Paris n’exciterait-elle pas la jalousie des autres villes qui toutes doivent suivre la loi commune ? Je vais répondre aux moyens sur lesquels se fondait la députation de Paris pour demander un seul tribunal. Ces moyens étaient : 1° qu’il faudrait déroger à la règle du nombre des tribunaux ; 2° qu’il n’y avait pas plus de raison de craindre un tribunal composé de 20 juges que 6 tribunaux composés de 5 ; 3° que les gens de loi se trouveraient trop éloignés des justiciables. Sur le premier point, le nombre des tribunaux est inégal entre les départements; sur le second, les juges des divers tribunaux n’auront point ceti e fréquentation journalière qui permettrait de les constituer en parlement; enfin sur le troisième, Paris, malgré son étendue, ne présente aucun obstacle à ce que les gens de loi ne remplissent convenablement leurs fonctions. M. Martineau. Les six tribunaux proposés seront infiniment nuisibles à la ville de Paris. Quant aux grandes corporations judiciaires, il n’y a pas de raison de les craindre puisque les juges ne sont élus que pour six ans. Dans le système qui vous est proposé, il sera impossible à" un homme de loi d’aller défendre un client dans un autre tribunal que celui de son arrondissement, à moins que vous ne donniez des voitures aux procureurs et aux avocats. M. Démeunier. Je n’ai pas pris part au plan du comité de Constitution et j’en ai propo>é un qui me semble préférable. Ce plan consiste à n’établir que deux tribunaux avec un nombre de juges couvenable. L’appel d’un jugement serait porté d’un tribunal à l’autre, et dans le cas d’appel le tribunal se ferait assister d’assesseurs. M. Barnave. L’Assemblée n’a pas détruit les abus pour leur donner un refuge dans Paris. Tous les systèmes, hors celui du comité, conduisent à cet inconvénient. Je demande qu’il n’y ait point d’exception et que l’Assemblée ne s’écarte point de la route de la Constitution. M. le Président met aux voix l’article 2. Il est adopté tel que l’a proposé le comité. Les articles 3, 4 et 5 sont adoptés sans discussion. M. Martienau demande le renvoi de l’article 6 au comité afin que la disposition relative à la convocation des électeurs des districts de Saint-Denis et de Bourg -la-Reine, soit soumise à un nouvel examen. M. Thouret, rapporteur. Il y a urgence à organiser sans délai les tribunaux de tout le royaume, et, pour gagner du temps, le comité a délégué au procureur de la commune de Paris les fonctions de procureur-syndic, à l’effet de convoquer les assemblées primaires aussi bien dans les cantons des districts de Saint-Denis et de Bourg-la-Reine, que dans les sections (Je la ville de Paris,