[Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars 1790.] 189 M. le comte de Toulouse-Lautrec demande par écrit un congé pour rétablir sa santé. Il termine sa lettre à M. le président, en disant : « Si, pendant mon absence, on rapporte à l’As-« semblée ce que je dirai d’ellé, elle sera con-« tente, même votre côté gauche. > On rit beaucoup de tous les côtés de l’Assemblée et le congé est accordé. M. d’André, député de la sénéchaussée d’Aix, absent depuis quelques mois comme commissaite du roi en Provence, demande à prêter le serment patriotique. De nombreux applaudissements font connaître à M. d’André les regrets qu’avait causés son absence, et la satisfaction qu’éprouve l’Assemblée des services qu’il a rendus dans l’exercice des fonctions dont le roi l’avait chargé. M. Rewbell, député d’Alsace , à qui sa santé n’avait pas permis de paraître à l’Assemblée depuis le 4 février, est admis à prêter le serment civique. M. le comte de Pardieu demande un congé qui lui est accordé sans opposition. M. le Président annonce qu’il a eu l’honneur de porter au roi, et de présenter à sa sanction : 1° Le décret par lequel Sa Majesté est suppliée de donner des ordres pour que les intendants et les commissions intermédiaires des assemblées provinciales fassent parvenir dans les paroisses les commissions nécessaires pour la confection du rôle des tailles ; 2° Le décret qui autorise la municipalité de Mouzon à faire un emprunt de dix mille livres; 3° Le décret qui autorise la municipalité de Langres à toucher les termes échus ou à échoir du prix de l’adjudication, faite en 1788, des bois du chapitre; 4» Le décret qui autorise la municipalité de Gray à faire un emprunt de 22,000 livres ; 5° Le décret qui autorise la ville de Poitiers à imposer la somme de 12,000 liv. sur les habitants qui payent trois livres d’imposition et au-dessus. M. le Président dit qu’il a aussi rappelé au roi que l’Assemblée nationale l’a chargé de supplier Sa Majesté de hâter la sanction du décret à elle présentée le premier mars, et rendu le 28 février sur l’organisation militaire. Il ajoute que le roi lui a répondu qu’il s’en occuperait incessamment, et qu’il avait même déjà ordonné l’exécution de plusieurs dispositions de ce décret. M. l’abbé ISéhln, député d’Artois, demande un congé pour cause de maladie. Le congé est accordé. M. l’abbé Gouttes, au nom du comité des finances, propose un projet de décret pour autoriser la ville de Toulouse à faire un emprunt. M. Roussillon, député de Toulouse . La nouvelle municipalité de Toulouse qui demande l’autorisation de contracter un emprunt, a été formée sans trouble ; c’est une des mieux composées du royaume ; ses membres sont de bons citoyens et c’est justement qu’ils ont réuni la grande” majorité des suffrages; ils méritent, de plus, la confiance de l’Assemblée, par leurs sentiments patriotiques aussi bien que par leur amour éprouvé de la liberté. Le projet de décret du comité des finances est mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale autorise la nouvelle municipalité de la ville de Toulouse à faire un emprunt de trois cent mille livres, portant intérêt de 5 0/0, pour rembourser la somme de soixante mille livres, déjà empruntée, et le surplus être employé à l’entretien des ateliers de charité. » M. l’abbé iVlassieii, curé de Sergy, membre du comité des pauvres, demande à rendre compte des secours accordés sur la demande du maire de Paris. Dette affaire est renvoyée à la séance du soir. M. 1© Président. L’Assemblée passe à son ordre du jour et reprend la suite de la discussion sur le projet de décret pour le remplacement de la gabelle. L’article 3 est ainsi conçu: Art. 3. Une contribution de2 millions, formant les deux tiers seulement du revenu que le Trésor national retirait des droits de traite de toute espèce, établis sur le transport du sel destiné à la consommation des départements et des districts qui formaient les provinces franches et rédimées, sera répartie sur ces départements et ces districts, en raison de la consommation que chacun de ces départements et de ces districts faisait du sel soumis à ces droits. M. Malouet (I). Messieurs, la répartition de 2 millions d’impôt sur les pays rédimés pour tenir lieu des deux tiers des droits de traite sur les sels a été l’objet des réclamations de plusieurs députés de ces provinces; et quoiqu’elles n’aient Sas été favorablement accueillies, je présume, Lessieurs, que vous ne leur refuserez pas même un soulagement plus considérable s’il n’en résulte aucun désavantage pour les pays de grandes et petites gabelles. Je ne peux développer mon opinion sur cet article sans traiter complètement du mode de remplacement de la gabelle qui vous est proposé par le comité des finances. Je trouve cette opération vicieuse et insuffisante. Je crois voir les moyens de mieux faire, et je commence par prévenir deux objections. La première est qu’il ne s’agit point ici d’une opération générale sur les impôts, mais seulement du remplacement provisoire de celui que vous supprimez. La seconde, que le mode le plus prompt, le plus facile, est celui qu’il faut préférer en ce moment-ci. A cette seconde objection, Messieurs, je réponds que c’est par cette facilité funeste que les impôts directs se sont accrus à un point intolérable; c’est parce qu’il était tout simple d’imposer addition-nellement deux sols, quatre sols pour livre, qu'on a attaqué tout à la fois l’aisance et l’industrie du peuple. Lorsque les impôts ne portent pas uniquement sur le superflu des contribuables, ce n’est que par de sages combinaisons qu’on peut en prévenir les funestes effets. Quant à la première objection que j’entends même à présent répéter dans l’Assemblée, il n’est point question d'une opération générale, il s’agit de prononcer sur la répartition de la somme imposée en remplacement de la gabelle. Je dis, Messieurs, que la conversion d’un impôt de 60 millions est un objet assez important pour que le système général des impositions en soit modifié eu bien ou en mal suivant le parti que vous prendrez, et il n’est pas moins essentiel que la (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discour; de M. Malouet. {90 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars i?90.] première opération de ce genre, faite par l’Assemblée nationale, réunisse tous les caractères de justice et présente au peuple les principes et les avantages d’un pian raisonnable dans toutes ses parties. Remarquez d’abord, Messieurs, que nous ne sommes embarrassés sur le mode de remplacement de la gabelle que par l’excès des impôts dont le peuple est déjà accablé; et les impôts ne sout devenus accablants que parce qu’à la violation de toutes les règles d’une sage répartition, on a ajouté celle de la proportion qui doit exister entre les facultés des contribuables et les besoins de l’Etat, entre les impôts directs et les impôts indirects, Je ne renouvellerai point la discussion qui a eu lieu sur ce dernier article ; je me permettrai seulement une observation qui n’a point été faite et qui peut éclairer votre décision. Les impôts de l’Angleterre comparés à ceux de la France, en compensant la différence de terri-toireet de population, sont de près de 2/5 au-des:ms des nôtres, et cependant tout prospère en Angleterre ; l’agriculture et le commerce y sont dans la plus grande splendeur, le peuple y est dans une grande aisance; l’artisan, le paysan, le soldat y sont infiniment mieux nourris que les nôtres, mieux vêtus, mieux logés. En France, tout lan-uit par l'effet désastreux de l’impôt, parce que 2 millions d’hommes y sacrifient une partie de leur subsistance au moment où ils le payent, et en sont tourmentés chaque jour de l’année jusqu’à ce qu’ils l’aient payé. Grande et cruelle différence entre l’impôt direct qui pèse incessamment sur nos têtes et l’impôt indirect auquel il semble qu’on ait la liberté de se soustraire, Or, Messieurs, qui pourrait douter que l’Angleterre ne doive l’avantage de sa situation, relativement à l’impôt, à la sage proportion qu’elle a établie et conservée depuis 140 ans, entre l’impôt direct et l’impôt indirect, et surtout à la parfaite combinaison des droits qui n’attaquent jamais les sources de l’industrie et du travail ; tandis que, parmi nous, l’un et fautre ont été plus d’une fois sacrifiés à l’avidité et à l’ignorance du fisc. En Angleterre, le tarif de la taxe sur les terres n’a pas été renouvelé depuis Cromwel ; et les impôts réels sont aujourd’hui relativement aux impôts indirects, dans la proportion d’un à huit. Chez nous, au contraire, les impôts réels, y compris celui de la gabelle, le plus accablant de tous, montent à 240 millions, c’est-à-dire à plus de la moitié de lamasse totale. Voilà, Messieurs, le régime monstrueux que vous pouvez modifier aujourd’hui par le décret qui statuera le remplacement de la gabelle. On vous propose de répartir les deux tiers du produit sur les pays qui y étaient soumis, et de substituer ainsi un impôt direct à un impôt du même genre. Quant au remplacement de l’autre tiers* parmi les moyens Indiqués par M. Dupont, celui d’un bénéfice au profit de l’Etat, présumé de 10 millions, a été fortement attaqué, et une augmentation projetée de 3 millions, sur la ferme des postes, me paraît d’une difficile exécution, par l’arrangement proposé. Enfin, les deux millions repartis sur les provinces rédimées, sont une nouvelle charge sur les terres déjà trop imposées ; et si ce qui nous a été dit sur cela par un député d’Auvergne, ne peut être contesté, je pourrais y ajouter des faits qui exciteraient votre pitié. Qu'on prenne tout ce que nous avons , mais qu’on nous nourrisse, telle était l’expression des cahiers et l’unique vœu des députés des deux paroisses dans Rassemblée où j’ai été élu. Ce n’est donc pas une surcharge, mais une diminution que ces provinces ont droit d’attendre ; comme celles des grandes et petites gabelles, au moment où nous nous occupons de la conversion de l’impôt. Et cependant, je n’ai garde de vous proposer une réduction dans la masse des revenus de l’Etat, la situation de nos finances ne le permet pas. Tout ce que nous pouvons et devons faire en cet instant, est de distribuer plus également les poids, de manière que tous ceux qui supporteront cet impôt de 60 millions en soient soulagés, sans aggraver le sort de ceux qui ne le supporteraient pas. Cette conditionne sera pas remplie par le plan qu’on vous propose. Quarante millions répartis en addition aux impôts directs des provinces de grandes et petites gabelles, produiront une surcharge excessive pour les petits propriétaires. Je vais vous en rendre la preuve seasible. Cette imposition nouvelle sera répartie au marc la livre des anciennes, c’est-à-dire à raison de 40 0/0; ainsi, la classe des journaliers, qui ne paie d’autre impôt qu’une capitation de deux, trois et six journées de travail, et qui, sous le régime de la gabelle, payait deux et trois fois le montant de cette capitation, par l’impôt du sel, cette classe sera véritablement soulagée; car celui dont la capitation est fixée à cent sous, sera, moyennant 40 sous, affranchi d’un impôt de 6 ou 7 francs. Gel avantage ne peut être contesté, et je suis bien loin de vouloir le réduire ; mais il est évident que ce qui sera payé en moins par cette classe sera reversé en plus sur celte très nombreuse des petits propriétaires, dont la situation relative approche déjà, par l’effet des impôts, de fadasse des indigents. En effet, si l’homme imposé à cent sous, ne supporte que 40 sous de supplément, en remplacement de la gabelle, l’homme imposé à 100 livres sera taxé à 140 livres. Or, personne n’ignore que, dans les pays d’élection, les contribuables taxés à 100 livres n’en ont pas 600 de revenu net. L’excès des contributions produit donc pour eux uue diminution sensible de la somme nécessaire à leur subsistance et entretien, et le nouveau mode de remplacement ajoute pour 40 0/0 à cette charge, car il faut qu'ils supportent la compensation des moins imposés, pour la classe des journaliers. Je répète encore une fois qu’en rendant cette injustice sensible, mon intention n’est pas de ia réparer aux dépens de la classe indigente dont il est aussi juste qu’urgent d’améliorer le sort. Je sais que, d’après les explications données par M, Dupont, d’après le texte même du décret, une partie des 40 millions de remplacement doit être imposée en augmentation des droits d’entrée sur les villes ; mais outre qu’il y a fort peu de villes murées où la perception des droits d’entrée soit praticable, l’inconvénient que je viens d’exposer est, dans toute sa force, pour les campagnes, Ainsi de grandes injustices sont inévitables par ce mode de remplacement. La même observation s’applique aux deux millions imposés sur les pays rédimés,qui sont tous, à l’exception de la Bretagne, dans un état d’oppression qu’il ne nous est pas permis de prolonger un instant, lorsque nous avons un moyen actuel d’y remedier; et ce moyen serait non seulement de les affranchir des droits de traite en totalité, mais de leur accorder, même sur leur taille réelle [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES* [16 mars 1790.] et personnelle, une diminution de 3,500 livres, Me voici arrivé au développement du mode de remplacement que je voudrais substituer à celui qui vous est proposé. Je considère, et personne ne le voit autrement, l’impôt de la gabelle comme direct et personnel dans le régime actuel. Il est supprimé. De cette suppression, je fais résulter pour les provinces de grandes et petites gabelles Un soulagement de 20 millions dans leurs impôts directs, et de 6,500,000 livres pour les pays rédimés, Sur les 60 millions de produit, je n’en remplace que 20 en addition aux impôts réels et droits d’entrée dans les provinces de grandes et petites gabelles. Vingt autres millions seront perçus dans toute Détendue du royaume, par un droit de timbre, dont le produit sera calculé dans cette proportion, et de manière à ne pas excéder celle de 24 millions. Sur quoi je remarque que la diminution de 6,50Ü,U0U livres, accordée par mon plan aux pays rédimés, sur leur taille et droit de traite, sera la compensation de leur contribution au droit de timbre, dont la 10e partie tout au plus serait supportée par la classe des journaliers, artisans et petits propriétaires. Reste maintenant 20 millions à répartir sur les pays de grandes, petites gabelles et quart-bouillon. Jni besoin ici, Messieurs, de solliciter votre attention, et même votre indulgence, car j’ai à combattre une opinion qui a obtenu et mérité des applaudissements, celte de M. l’archevêque d’Àix. Mais lorsque cet honorable membre a censuré aussi vivement toute espèce de bénétire réservé par l’Etat sur la vente du sel, je ne peux être de son avis et je vous fais remarquer d’abord qu’il n’a pu suppléer à cet expédient que par un autre qui ne sera probablement pas admis, savoir, la faculté accordée aux départements de remplacer, pour cette année, par un emprunt, l’impôt de la gabelle. Je vous rappellerai ensuite que votre comité des finances s’est cru obligé de réserver une part quelconque au Trésor public dans les bénéfices de la vente du sel qu’il accorde sans privilège aux fermiers actuels. Il ne s’agit donc que de savoir jusqu’où peut s’étendre le bénéfice sans vexation pour les peuples et sans laisser parmi nous aucune trace de l’odieuse et cruelle inquisition dont vous avez voulu délivrer la France. Or, je soutiens que tant que les droits imposés sur une denrée quelconque peuvent se confondre pour les consommateurs, avec les bénéfices légitimes du marchand, tant qu’ils n’occasionnent pas dans les prix de surhaussement plus sensible que celui qui résulte des chances ordinaires du commerce et de cet état moyen entre la plus grande et la moindre abondance; dans cette proportion, dis-je, les droits du fisc ne grèvent ni n’inquiètent les consommateurs. G’est alors le mode d’imposition le plus doux, le plus léger, le plus précieux à conserver: les droits ne deviennent odieux et oppressifs que lorsqu’ils nous représentent, par l’augmentation du prix des denrées, un état de disette, et lorsque les moyens de perception ne peuvent être séparésde l’appareil de la force et de la tyrannie. Ge n’est plus là ce que nous avons à craindre, en arrêtant un nouveau plan de vente par les fermiers généraux; il n’est plus question pour les peuples, de gardes, de saisie, d’oppression. Le seul avantage des établissements actuels, des moyens de transport et d’approvisionnements, assuré aux fermiers celui d’une préférence décidée sur tout autre concurrent, et la fixation graduée du prix du sel proportionnellement aux distances des marais salants, assuré aux consommateurs à des prix modérés un approvisionnement de bonne qualité, qui ne peut être garanti ni quant à la modération du prix, ni quant à la qualité par tout autre concurrent. M. l’archevêque d’Aix a repoussé toutes ces considérations par Une Comparaison qiie je ne crois pas applicable au commerce du Sel ; c’est celle du commerce des blés. La liberté de ce commerce, a-t-il dit, produit-elle des accaparements ? expose-t-ëlle les consommateurs à être approvisionnés de blés de mauvaise qualité? 1° On recueille du blé dans toutes les parties du royaume, et dû sel sur les bords de la mer seulement et dans quelques parties de nos cités ; 26 Rien n’est plus apparent que la bonne ou mauvaise qualité des grains, et l’on ne peut s’apercevoir, que par l’usage, dé là bonne ou mauvaise qualité des sels ; 3° Les blés ont déjà payé par l’impôt établi sur la terre qui le produit une forte contribution : et les sels se trouvant déchargés tout à fait de la portion considérable qu’ils supportaient dans la contribution générale, il sera très difficile, très onéreux de la rendre réversible sur toute autre denrée. Le meilleur mode d’imposition, je l’ai déjà dit, est celui qui se confond, par sa quotité modérée, avec le prix naturel de la chose; et lé plus productif des impôts, én observant cette condition, est celui qui se perçoit Sur les consommations les plus habituelles. Je pense donc, Messieurs, que vous regretterez un jour de n’avoir point réservé à l’Etat une portion raisonnable dans les bénéfices de la. vente du sel. Je pressentais avec peine la défaveur qu’éprouve cette proposition; mais je me crois obligé d’y insister, et je conclus : fi à ce que les provinces rédimées soient affranchies du droit de traite, et qu’il leur soit fait en sus une remise de 3,500,000 livres sur les tailles ; 2° Que les pays de grandes, petites gabelles et quart-bouillon soient tenus de supporter les 2/3 seulement du produit de la gabelle, savoir: en un impôt de 20 millions par addition aux impôts réels et aux droits d’entrée sur les villes, et en une retenue au profit du Trésor public, sur les bénéfices de la vente du sel, Calculée d’après le plan présenté parles fermiers généraux; 3° Que pour le remplacement du troisième tiers du produit actuel de la gabelle, il soit établi dans tonte l’étendue du royaume un droit de timbre, dont le produit sera combiné de manière qu’il ne puisse excéder de 20 à 24 millions (1). (1) En transcrivant ici mon opinion, telle à peu près que je l’ai prononcée, j’observe qu’on m’a, interrompu, parce qu’on voulait que je me bornasse à discuter le troisième article seulement. Je n’ai donc pü développer mon plan qui aurait compris dans uu seul décret les huit proposés par le comité des finances; il serait inutile d’y revenir aujourd’hui. Mais je n’entends pas comment on n’a pas voulu regarder comme une opération générale le remplacement et la conversion de 63 millions d’impositions; car la suppression très raisonnable des droits sur les fers, sur les cuirs et sur la fabrication des huiles, fait monter à cette somme les produits à remplacer. J’aurais donc proposé de prononcer dans ie même décret toutes les suppressions, et après les trois articles de remplacement par lesquels je conclus. J’aurais proposé 192 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. l’abbé Dillon. Je demande qu’on ajoute à l’art. 3 comme on l’a fait à l’art. 2 : Provisoirement et pour la présente année seulement. M. de Richier expose les droits énormes qui sont perçus eu Saintonge sur les marais salants; il demande que ces droits soient aussi supprimés, et propose en conséquence un amendement. M. Dnpont (de Nemours). Vous avez voulu que les provinces en général fussent imposées à raison de leur revenu, et que celles qui ne sont pas soumises à la gabelle ne supportent aucune partie du remplacement de cet impôt; aussi votre comité se gardera bien d’adopter les propositions que vous ont présentées MM. Maury, Cazalès et Malouet. Le timbre devrait porter sur toutes les provinces à la fois; et, comme je viens de le dire, le remplacement ne doit s’étendre que sur quelques-unes. Vous trouverez sans doute à placer cette idée, parce que vous aurez sûrement de nouveaux remplacements à ordonner. On vous a fait des discours très savants sur les impositions de l’Angleterre ; mais on ne songe pas qu’en Angleterre les richesses sont plus grandes, que le commerce et l’agriculture sont plus favorisés : cent ans de liberté ont donné à chaque anglais 100 écus de plus à manger. Quand nous aurons joui de la liberté pendant cent ans, nous verrons. On prétend que la classe qui travaille sera trop soulagée ; mais c’est le travail qui met en valeur les richesses territoriales et commerciales; c’est le travail qu’il faut protéger. On a dit qu’il fallait atteindre les capitalistes : la proposition que vous fait le comité remplit cet objet, puisque nous offrons un remplacement dont une partie sera en accroissement de l’imposition territoriale et de la capitation, et que le reste portera sur les octrois ou sur tout autre objet qui sera indiqué par les villes. — J’adopte l’amendement de M. le curé Dillon, et je propose d’ajouter à l’article, après les mots franches et rédimées, ceux-ci : qui paient des droits de traite. On trouvera peut-être que c’est là une répétition désagréable; mais quand on fait des décrets on ne fait pas de discours académiques, et il faut être clair. L’Assembléeadopteles amendements de M. l’abbé Dillon et de M. de Richier et l’article 3 est décrété dans les termes suivants : Art. 3. « Une contribution sur le pied de 2 millions par année, formant les deux tiers seulement du revenu que le Trésor national retirait des droits de toute espèce sur le transport du sel destiné à la consommation des provinces franches et rédimées, sera, (provisoirement aussi, et pour la présente année seulement), répartie sur les départements et les districts qui formaient ces provinces, et payaient ces droits, en raison une augmentation de 1,500,000 francs et non de 3 millions sur la ferme des postes, en indiquant un autre arrangement que celui présenté par le comité. — Enfin j’aurais proposé une augmentation de 2,500,000 livres sur les droits perçus à l’entrée du royaume sur toutes les marchandises étrangères ouvrées dont les tarifs ne sont pas convenus entre la France et les pays étrangers; c’était une prime accordée à nos propres manufactures qui en ont besoin dans ce moment-ci. — Mais la discussion calme et réfléchie des grandes affaires est mpossible dans l’Assemblée ; il ne faut pas se lasser de la demander, de proposer son avis, de renouveler ses efforts ; tel est notre devoir, le succès ne dépend pas de pous. [16 mars 1790.J de la consommation que chacun de ces départements et districts faisait du sel soumis à ces droits, lesquels droits seront supprimés, ainsi que tous autres droits qui se perçoivent sur les sels à leur extraction des marais salants, sauf à ceux qui auraient acquis ces droits du roi, à poursuivre le remboursement de leur finance. » M. le Président. Le comité des finances est prêt à faire son rapport sur le mémoire présenté par les représentants de la commune de Paris, concernant la vente des biens domaniaux et ecclésiastiques, jusqu’à concurrence de .400 millions. L’Assemblée décide que le rapporteur sera entendu tout de suite. M. le eomte de Lablache, rapporteur (1). Messieurs, vous avez chargé votre comité des finances d’examiner le mémoire de la municipalité de Paris... (Le rapporteur est vivement interrompu du côté droit). M. le comte de Lablache recommence sa phrase ; au mot de municipalité de Paris , il est interrompu de nouveau. Plusieurs voix : Il n’y a point de municipalité de Pans. M. le comte de Lablache. Ce projet, digne de toute votre attention, a déjà paru réunir un grand nombre de vos suffrages; et l’examen attentif auquel nous l’avons soumis, n’a fait qu’ajouter pour nous à cette première impression. En effet, Messieurs, rétablir la circulation et la confiance, faire sortir le numéraire caché, dissiper les alarmes et les inquiétudes, donner de la vie à ces assignats, qui sont, dans ce moment, une de nos ressources les plus précieuses ; voilà l’objet et le but que l’on s’est proposé d’atteindre. Le projet que vous sommet la ville de Paris, Messieurs, ne remplit pas l’ensemble du système de finance qu'il vous faut saisir en entier"; mais s’il se lie heureusement à vos décrets, s’il est une suite naturelle et indispensable de leur exécution, s’il facilite et vous donne le temps de pourvoir avec sécurité à de. plus grandes opérations, si, enfin, il ajoute au moyen de passer cette année de 1790, et d’atteindre le 1er janvier 1791, sans trouble et sans inquiétude, avec quel empressement ne devrait-il pas être accueilli 1 Vous le savez, Messieurs, c’est au 1er janvier 1791 que doit s’ouvrir un nouvel ordre de choses; et ce n’est véritablement qu’à cette époque que nous pouvons compter sur l’effet si désire de nos travaux. Si nous parvenons à dégager cette année de toutes les entraves ordinaires de nos finances; si, après l’organisation de nos municipalités, nos impôts s’établissent avec cette égalité de répartition si justement décrétée entre tous les contribuables, et la modération que permettront, sans doute, nos moyens et nos économies, quel courage ne devons-nous pas trouver pour parcourir cette carrière, et combien cette sécurité, si elle était acquise, rendrait faciles toutes les ressources extraordinaires dont nous avons besoin pour arriver à ce but 1 Nos maux présents se composent presque en entier des alarmes que l’on se plaît à répandre sur l’avenir; et c’est lorsque la nation est réunie (1) Le rapport de M. le comte de Lablache est incomplet au Moniteur.