298 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.1 coivent les seigneurs, à chaque mutation, par leurs vassaux. Art. 15. De l’ordre dans la cherté des blés, c’est-à-dire une modification sur les prix actuels qui sont exorbitants. Telles sont les plaintes, observations et remontrances que les habitants de ladite paroisse d’An-net-sur-Marne prennent la liberté de faire à MM. les députés du Châtelet de Paris, pour le fait des Etats généraux, pour qu’il leur plaise les insérer dans leurs cahiers, et de la manière qu’ils le trouveront à propos. Fait et arrêté par lesdits habitants, le 13 avril 1789. Signé P.-Y. Chartier; Lepreux; Conidart; de Cressac; Moret; Caron; C. Simon; Thevenard; Nève; Jean-Pierre Leblond; Berthault; Crochard; Couilleaux; Jean-Philippe Simon; C.-E. Jardin; Duflocq, syndic; J.-C. Mathoux; Louis Simon; Ju-melet, et Menier. CAHIER Des demandes de la commune d’Antony , élection de Paris , subdélégation de Choisy-le-Roi , département de Corbeil (1). La commune assemblée ce jour, jeudi, 16 avril 1789, suivant la forme ordinaire, en l’église de Saint-Saturnin, paroisse d’Antony, en exécution de la lettre du Roi pour la convocation des Etats généraux, en date du 24 janvier dernier, du règlement y annexé, et de j’ordonnance de M. le prévôt de la vicomté de Paris, en date du 4 présent mois, a arrêté et signé le présent cahier de ses demandes, pour être porté par les trois députés qu’elle choisira en l’assemblée préliminaire de la prévôté et vicomté de Paris, indiquée pour samedi prochain, 18 du présent mois, en la grande salle de l’archevêché, à Paris. La commune d’Antony observe que, pour rendre le présent cahier moins étendu, elle se bornera seulement à former ses demandes. Elle n’entrera pas dans le détail des motifs qui les ont déterminées, parce qu’ils seront suffisamment développés dans les cahiers des bailliages ou sénéchaussées du royaume. Elle s’expliquera davantage sur ce qui. est particulier à son territoire ; et pour établir de l’ordre dans ses demandes, elle divisera le présent cahier en deux chapitres. Le premier chapitre contiendra les demandes qui intéressent les sujets du Roi en général. Le second chapitre contiendra les demandes qui intéressent particulièrement la commune d’Antony. CHAPITRE PREMIER. Demandes qui intéressent les sujets du Roi en général. La commune d’Antony demande : Art. 1er. Que les Etats généraux s’occupent d’abord delà régularité, ainsi que de la forme de leur convocation, et composition. Que le tiers-état soit au moins en nombre égal à ceux des deux autres ordres. Que les voix soient comptées par tête, et que les résolutions passent à la pluralité. Qu’avant la séparation de chaque assemblée des Etats généraux, le jour et le lieu de sa prochaine assemblée soient indiqués d’une manière invariable. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Que l’assemblée des Etats généraux soit périodique tous les trois ans, Art. 2. Que tous les impôts actuels soient supprimés et rétablis à l’instant tels qu’ils sont, par la . sanction des Etats généraux, jusqu’à ce que lesdits Etats aient arrêté une nouvelle forme d’impôt, plus convenable à la nation et plus productive pour le trésor public. Art. 3. Que les droits respectifs du Roi et de la nation soient déterminés irrévocablement, et sanctionnés de manière qu’aucune loi nouvelle ne puisse être établie, sans avoir été consentie et proclamée par les Etats généraux, convoqués et assemblés en la forme qui sera déterminée par la prochaine assemblée desdits Etats. Art. 4. Que la liberté individuelle de chaque citoyen soit assurée Art. 5. Que l’usage des lettres de cachet soit supprimé. Art. 6. Qu’aucune commission, pour juger les procès civils et criminels ne puisse être établie. Art. 7. Que les lettres confiées à la poste ne puissent, en aucun cas, être ouvertes. Art. 8. Que la presse soit libre, mais soumise aux lois que les Etats généraux estimeront établir. Art. 9. Que les propriétés des citoyens soient assurées par une loi inviolable, et que, sous tel prétexte que ce soit, même pour raison de Futilité publique, on ne puisse s’emparer des propriétés sans le consentement des Etats généraux. Art. 10. Qu’aucun emprunt et impôt ne puissent être établis sans le consentement des Etats généraux régulièrement assemblés. Art. 11. Que tout impôt cesse d’être perçu, sile retour des Etats généraux n’a pas lieu à l’époque indiquée par la dernière assemblée. Art. 12. Qu’en cas de guerre, les Etats généraux soient extraordinairement convoquéset sansdélai. Art. 13. Que les droits de toute espèce , perçus dans l’intérieur du royaume sur les marchandises, soient supprimés, et qu’il n’existe des douanes qu’à l’entrée du royaume seulement. Art. 14. Qu’il soit profondément réfléchi sur les moyens de supprimer les aides, la gabelle, la ferme du tabac, les insinuations, contrôle, et tous autres impôts, pour les convertir en impositions simples, qui seront établies d’une manière uniforme, et sans distinction d’ordre, dans toute l’étendue du royaume. Que la corvée soit supprimée et convertie en une prestation en argent. Art. 15. Qu’il soit accordé à chaque province ou arrondissement, des Etats particuliers, qui seront organisés suivant le plan adopté par les Etats généraux. Que lesdits Etats particuliers soient autorisés à faire la division, subdivision, répartition et perception locale et individuelle des impôts, ainsi que le versement, dans le trésor national, des sommes qu’ils produiront. Art. 16. Que tous les membres du tiers-état soient déclarés habiles à posséder et à remplir tous les emplois, toutes les charges et toutes les commissions, tant civiles que militaires, lorsqu’ils en auront la capacité. Art. 17. Que l’uniformité des peines soit établie pour les différents ordres ; qu’il ne subsiste aucune distinction humiliante pour le tiers-état ; et que la peine soit personnelle. Art. 18. Que les Etats généraux, après avoir déterminé le montant de la dette nationale, la consolident et en assurent le payement ; et qu’ils fixent le véritable état des finances, qui sera rendu public par la voie de l’impression. 299 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs,] Art. 19. Que les Etats généraux fixent les dépenses de chaque département, et que, de concert avec Sa Majesté, ils assignent, pour les dépenses de sa maison, la somme nécessaire, afin que Sa Majesté puisse, d’une manière digne d’elle , soutenir l’éclat du trône, la dignité, la grandeur et l’appareil qui conviennent au plus puissant monarque de l’univers. Art. 20. Que les ministres et administrateurs soient responsables, envers le Roi et la nation, de leur conduite et de l’administration des finances qui leur aura été confiée. Art. 21. Que le tiers-état ait la faculté de s’affranchir des servitudes particulières et seigneuriales, par une juste indemnité envers les légitimes propriétaires. Art. 22. Qu’il soit pourvuà l’éducation nationale; qu’il soit fait un catéchisme constitutionnel ; que la constitution soit lue, plusieurs fois l’année, au prône, afin que chaque citoyen connaisse ses droits, ainsi que ses devoirs; et que, dans chaque paroisse, il soit établi des écoles publiques. Art. 23. Qu’il soit fait une loi pour le commerce des grains, de manière que le prix du setier de blé, mesure de Paris, qui pèse de 240 à 250 livres, ne soit pas au-dessous de 20 livres, ni au-dessus de 25. Art. 24. Que la coutume, les poidset les mesures soient uniformes dans l’universalité du royaume. Art. 25. Que la mendicité soit absolument détruite, en employant les meilleurs moyens poury parvenir. Art. 26. Qu’il soit établi des hôpitaux dans chaque district, et des bureaux de charité dans chaque paroisse. Art. 27. Qu’on s’occupe de l’établissement, dans chaque paroisse ou district, dé chirurgiens et sages-femmes expérimentés. Art. 28. Qu’il soit pourvu à une meilleure administration du domaine territorial du Roi, singulièrement des bois qui en dépendent ; et qu’il soit proposé aux Etats généraux de délibérer s’il n’est pas utile à Sa Majesté de vendre tous les domaines qu’elle ne fréquente pas. Art. 29. Que les frais énormes que les terriers font supporter au peuple soient diminués. Art. 30. Que les capitaineries soient supprimées, mais qu’il soit réservé , autour des châteaux habités par Sa Majesté, un canton suffisamment étendu pour ses chasses. Art. 31. Que, dans les cantons ainsi réservés pour Sa Majesté, le code des chasses soit bien adouci ; et que chaque propriétaire ait la liberté d’enclore son terrain quand cela lui convient , et de moissonner son champ lorsqu’il l’estime convenable. Art. 32. Que chaque propriétaire ait le droit de détruire le gibier qui se trouvera sur son terrain, excepté sur ceux réservés à Sa Majesté. Art. 33. Que ceux qui voudront conserver des bêtes fauves dans les bois, les y retiennent par des palis ; et que chacun ait le droit de tuer toutes celles qui viendront sur son domaine. Art. 34. Qu’il soit fait uneloi, afin que le nombre des pigeons bisets ou fuyards soit beaucoup diminué, et enfermés pendant le temps des semences et de la récolte. Art. 35. Que les miliciens ne soient plus tirés au sort, mais fournis et payés par chaque paroisse, sans distinction d’ordres. De cette manière, le père infirme ou âgé, ou la veuve ne se verront plus privés de leurs enfants, dont l’absence les réduit à la plus affreuse misère, et quelquefois au désespoir. Art. 36. Que la vénalité des offices de magistrature soit supprimée, et que ces mêmes offices ne soient conférés qu’à des hommes connus pour être de bonne vie et mœurs et. d’un mérite éprouvé. Art. 37. Que la réforme, depuis si longtemps demandée, dans l’administration de 1a. justice civile et criminelle, soit exécutée; et qu’il soit examiné s’il convient de laisser subsister les juridictions seigneuriales. Art. 38. Que les juges royaux et seigneuriaux, si ces derniers sont conservés soient inamovibles, excepté pour le cas de forfaiture, en faisant régulièrement leur procès. Art. 39. Que les bailliages puissent juger souverainement jusqu’à la somme de 100 livres, et les présidiaux jusqu’à celle de 4,000 livres. Art. 40. Que l’arrondissement de tous les tribunaux soit formé, au plus grand avantage des justiciables. Art. 41. Que tout droit de committimus soit supprimé; que chaque citoyen soit jugé par le tribunal dont il relève; que le cours de la justice ne puisse jamais être suspendu ni arrêté; et que les magistrats soient comptables envers le Roi et la nation de l’exercice du pouvoir qui leur est confié. Art. 42. Que les tribunaux d’exception soient supprimés, parce que l’établissement d’impôts simples les rendront inutiles. Art. 43. Que, dans les villages ou hameaux, qui n’ont qu’un desservant, il soit établi des curés en titre, dont la stabilité fonde la confiance réciproque. Art. 44. Que la portion congrue des curés des villes soit fixée relativement au nombre de ses paroissiens, et que celle des curés de la campagne soit de 1,200 livres au moins. Que la rétribution des vicaires soit à la ville, soit à la campagne, soit au moins de 800 livres. Art. 45. Que les fêtes, trop nombreuses, soient réduites. Art. 46. Que les droits d’annates, de dis-pensesQainsi que de préventions en matière bénéficiâtes, soient supprimés; et que les évêques de France accordent gratuitement toutes dispenses. Art. 47; Qu’il ne soit pas permis de posséder plusieurs bénéfices; et que tous les ecclésiastiques qui en auront soient tenus de résider. Art. 48. Que les canonicats ou autres bénéfices soient la juste récompense des curés, vicaires et autres ecclésiastiques qui auront dignement rempli leurs fonctions du saint ministère pendantle tempsqui sera déterminé par les Etats généraux. Art. 49. Qu’il soit fait une plus juste distribution des biens-fonds du clergé, et que les dîmes ecclésiastiques et laïques soient supprimées. Art. 50. Que tout ecclésiatique, s’occupant dignement des fonctions du sacerdoce, soit assuré, particulièrement à l’époque de sa vieillesse, d’une existence convenable à son état. Art. 51. Que les Etats généraux s’occupent des moyens pour que les archevêchés, évêchés et cures soient conférés à des prêtres vraiment dignes d’un ministère aussi sacré, et que toute résignation de bénéfice soit défendue. Art. 52. Qu’il soit avisé aux moyens de rendre utiles les ordres religieux des deux sexes. Art. 53. Que les baux des bénéficiers et autres gens de mainmorte puissent être de douze années ; que les démissions, résignations et décès ne puissent annuler l’effet de ces baux. Art. 54. Que les entretiens, réparations et 300 fÉtatsgén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] reconstructions des églises paroissiales, ainsi que des presbytères, soient désormais, en totalité, à la charge du décimateur, si les Etats généraux estiment devoir conserver la dîme. Art. 55. Que les bénéficiers et gens de mainmorte puissent faire des échanges plus facilement que cela n’est praticable aujourd’hui. CHAPITRE II. Demandes qui intéressent particulièrement la commune d'Antony. Art. 1er. La commune d’Antony, à l’article 9 du précédent chapitre, demande que les propriétés des citoyens soient assurées par une loi inviolable. Elle est, plus que les autres communes du royaume, dans le cas d’invoquer, à ce sujet, la justice des Etats généraux, et de solliciter leur protection pour arrêter l’exécution du projet d’un canal, présenté par le sieur Defer, pour conduire à Paris les eaux des rivières d’Yvette et de Bièvre. Ce projet, qu’on exécute présentement, est l’entreprise la plus décidée contre la propriété des citoyens. Si la commune d’Antony n’était pas retenue par la crainte de rendre le présent cahier trop volumineux, elle exposerait tous les dommages que causera, sans utilité pour la capitale, l’exécution du susdit projet de canal. Ne pouvant donc s’étendre à ce sujet, elle se réfère aux Observations pour les propriétaires intéressés à la conservation des eaux de la rivière de Bièvre, dite des Gobelins, imprimées en mars 1789, chez L. Jorry , rue de la Hachette , annexées au présent cahier, et elle se borne à donner un simple aperçu de la conduite hardie du sieur Defer, et des pertes que la paroisse va supporter, si ledit sieur Defer n’est pas promptement arrêté dans son entreprise destructive. Le sieur Defer, en vertu d’un arrêt du conseil, qui a nommé M. l’intendant de Paris juge souverain des contestations à naître pour l’exécution de son projet; a commencé, sans prévenir aucun propriétaire, par tracer son canal. Pour y parvenir, il a, à la veille des vendanges, coupé les vignes et arbres fruitiers qui se sont trouvés dans la direction de ce canal. Ensuite le sieur Defer, de son autorité, sans avoir traité avec les propriétaires, s’est emparé, en traversant le territoire de la paroisse, d’une largeur de terrain de 84 pieds, pour ouvrir un canal de 12 à 13 pieds de largeur. La municipalité d’Antony s’est pourvue au conseil du Roi. N’ayant pu être entendue, elle s’est retirée devant'!, l’intendant de Paris , qui , pour le moment, lui a donné gain de cause. Mais, peu après, le sieur Defer a obtenu du même magistrat ce qu’il venait de lui refuser; et, en même temps, M. l’intendant a ordonné une estimation des terrains nécessaires au cours du canal. Cette estimation a été faite en avril 1788, sans entendre la plupart des propriétaires, et de la manière qui convenait audit sieur Defer. Le sieur Defer, sans avoir payé le prix des terrains qui lui étaient nécessaires, les ;a fouillés et culbutés. Les propriétaires, fatigués de trouver les portes de la justice fermées, inquiétés par les menaces de Defer, et craignant de voir prendre leurs terrains pour rien, sont arrivés au but où Defer voulait les amener, c’est-à-dire à celui d’avoir leurs héritages pour peu de chose. En cet état, les propriétaires se sont rendus auprès de Defer, qui a refusé de communiquer le procès-verbal d’estimation, a payé ce qu’il lui a plu, et n’a rien donné à ceux qui n’ont pas voulu se réduire à ses offres. Par un moyen, trop long à détailler, on est parvenu à mettre le parlement dans le cas de connaître de cette entreprise destructive. Aussitôt le parlement, reconnaissant l’injustice de la conduite de Defer, a défendu, par un arrêt, la continuation des travaux du canal, et a nommé MM. les officiers de la maîtrise de Paris, pour entendre les parties opposantes. MM. les officiers de la maîtrise ont fait imprimer, à la suite des observations ci-devant énoncées, leur procès-verbal qui constate l’étendue des dommages que causera à un très-grand nombre de paroisses, ainsi qu’au faubourg Saint-Marceau, l’exécution du canal. Mais le sieur Defer a obtenu un arrêt de conseil qui casse celui du parlement, et l’autorise à reprendre ses travaux : ce qu’il a fait, il y a peu de jours, et ce qu’il continue avec une grande activité. Les dommages que la paroisse d’Antony éprouvera sont inappréciables : 1° Elle sera privée d’un moulin à farines, sans pouvoir y suppléer, puisque ceux au-dessus et au-dessous du village, sur la même rivière' de Bièvre, seront supprimés par l’effet du canal projeté. 2° Cette rivière de Bièvre arrose une vaste prairie, d’autant plus importante que le foin qu’on y recueille est de première qualité. Si on détourne le cours de la rivière, il n’y aura plus de récolte à faire dans cette prairie. 3° Le canal projeté traverse un immense terrain planté en vignes et arbres fruitiers qui deviendront sans production à cause du voisinage des eaux. 4° Le canal passe dans le milieu du village d’Antony, qui est bâti sur un terrain incliné. Par l’effet des infiltrations, et après quelques jours de pluie, ou seulement un orage, la partie basse du village, où est située l’église, sera submergée et rendue inhabitable. 5° Une grande partie du territoire, qui touche aux murs du village d’Antony, a été fouillé pour en extraire le plâtre. Le canal, étant dirigé sur ces terrains creux, les eaux, qui y couleront, ne tarderont pas à se faire un jour, à couler et se perdre dans les carrières, à détruire le ciel ainsi que les piliers qui soutiennent les terres, et à causer des fondis, dont les suites fâcheuses sont incalculables. Art. 2. Ainsi que cela est dit ci-dessus, une partie du territoire d’Antony est fouillée pour des carrières à plâtre. Les unes sont abandonnées, et les autres sont en pleine exploitation. Le ciel, ainsi que les piliers qui soutiennent les terres de ces carrières, sont taillés à même la masse, qui, par la raison qu’elle n’est que de plâtre, a fort peu de solidité. Souvent les carriers, pour tirer un plus grand profit de la masse qu’ils exploitent, laissent un ciel trop mince et des piliers trop faibles et trop éloignés les uns des autres. 11 résulte de ce manque de précautions que les piliers des carrières étant promptement détruits, les terres éboulent, et forment, à la surface des terrains, des fondis dangereux. Il est même arrivé, il y a déjà quelques années, qu’une bouche de ices carrières ayant écroulé par les motifs ci-dessus expliqués, trois hommes ont été enfermés, pendant neuf jours et sans vivres, dans une carrière d’où ils ont été retirés vivants par un effet réellement miraculeux. La commune demande qu’il soit fait une loi : 1° Pour empêcher les carriers d’extraire le plâtre des terrains dont la fouille ne leur a pas été concédée ; [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.] 301 2° Pour prévenir les accidents auxquels donne lieu l’exploitation des carrières, particulièrement de celles à plâtre ; 3° Pour déterminer à quelle distance des villages les carriers peuvent établir les fourneaux pour cuire le plâtre, dont le voisinage est incommode par la fumée, qui est insupportable dans son odeur, et dangereux, parce qu’ils inspirent la crainte du feu. Art. 3. Depuis quelques années, le pavé du village d’ An tony n’est plus sur l’état des entretiens au compte du Roi ; et pendant du temps, il a été sans réparations. Un particulier de la paroisse, remarquant que si on continuait à l’abandonner, il deviendrait impraticable, a fait réparer et entretenir à ses frais la portion de chemin qui conduit de la grande route à sa maison. La commune demande que la totalité du pavé du village d’Antony soit entretenue aux frais de tous les propriétaires de maisons. Art. 4. Attendu que, dans la paroisse, il y a deux maîtres de poste, dont on présume que le privilège d’exemption de tailles qui leur est accordé pèse sur le général des habitants, la commune d’Antony en demande la suppression ; et que, s’il est nécessaire d’accorder des gratifications ou indemnités aux maîtres de poste, pour les aider à soutenir un service dispendieux, qui est également utile au clergé, à la noblesse et' au commerce, et même à l’Etat, qu’elles leur soient accordées et payées sur la caisse nationale, n’étant pas juste que la paroisse fournisse, à elle seule, les secours nécessaires à un service qui n’est pas même à son usage. Art. 5. Les accidents fréquents qui arrivent au bac de Choisy, le retard qu’éprouvent les routiers et le temps qu’ils y perdent étant ruineux pour eux, la nécessité d’établir une communication plus rapide pour le commerce qui se trouve souvent et très-longtemps interrompu, soit par les grandes eaux, soit par les glaces, et de procurer à toutes les paroisses voisines les moyens de ouvoir plus facilement s’approvisionner de ois, de fourrages et de toutes autres espèces de marchandises, qui sont épuisées dans leurs cantons, à cause du voisinage des villes de Versailles et Paris , font désirer aux habitants d’Antony qu’il soit fait le plus promptement possible un pont au lieu flu bac de Choisy. Art. 6. Les droits de la "voirie seigneuriale étant à la charge de la paroisse d’Antony, la commune en demande la suppression; et que les permissions d’ouvrir des fenêtres, planter des bornes, etc., soient délivrées gratis, comme celles du bureau des finances. Art. 7. Les droits de la banlieue étant également perçus sur ce qui y passe ou ce qui en sort, comme sur ce qui s’y consomme, la commune en demande la suppression, attendu qu’ils sont aussi gênants pour de commerce, qu’onéreux aux consommateurs. Art. 8. La dîme sur les vins étant, dans la paroisse d’Antony, de la onzième pièce, elle est trop onéreuse aux habitants. Ils demandent, si les Etats généraux ne jugent pas à propos de la supprimer, qu’elle soit, au moins, réduite à une quantité modérée, et dans la même proportion que celles dos terres. Art. 9. La commune d’Antony désire qu’il soit statué aux Etats généraux sur les autres vœux et doléances des autres villes, bourgs et communautés de ce royaume, qui auront pour objet l’intérêt de l’Etat, celui de la nation, le bonheur et le soulagement du peuple. En conséquence, la commune d’Antony, conformément aux intentions de Sa Majesté, a arreté le présent cahier, en la susdite assemblée; et il a été signé par tous ceux des habitants qui le savent, les autres ayant déclaré ne le savoir : Signé Barié ; Beauchain ; Beunier ; Boucher ; Juin ; J. Boucher; D. Boursier ; Mauvet; Troufillot; Huvon ; Moré ; Bouvet ; M.-N. Ghauchin ; Zinno-mon ; Cazin ; H. Chartier ; H.-S. Chartier ; Serom ; C. Chauvière; Lachaud; Troufillot; J.-L.-J. Cousin ; L. Denis; Gau; C.-F. Huard; Troufillot père; J. -B. Laurain ; Lelarge ; Lamare ; Lefrère; Mon-garney ; Raguy ; S. Saurain ; N.-C. Petitfils; Denis Manoury ; Monarny ; J.-B. Paulet; Richard ; Taureau ; Choury ; Folliet ; P. Poulet ; P.- J. Port-haux ; J.-A. Raguy ; Rion ; Robinet ; J.-Louis Su-rivet; Chartier ; V. Dupuis ; Paulet; et Vattier, syndic municipal. OBSERVATIONS Pour les propriétaires et intéressés à la conservation des eaux de la rivière de Bièvre, dite des Gobelins , contre le prétendu projet de l’Yvette , annexées au cahier contenant les demandes de la commune d’Antony , ou désir de l’article 1er du chapitre second dudit cahier. Tout Paris connaît lepré tendu projet de l’Yvette. Depuis longtemps, les papiers publics ne cessent de colporter, de répandre, avec une profusion sans bornes et sans mesure, des prospectus qui fondent, sur une merveilleuse chimère, la fortune de tous ceux qu’une association inconsidérée enchaînera au spéculateur hardi qui l’a enfantée. Ce spéculateur, qui, sous le nom imposant d’utilité publique, n’a eu en vue que lui-même, qui a dénaturé un projet qui devait son existence à un génie créateur (1), pour le livrer et le prostituer à un agiotage aussi inconcevable sans doute, qu’il est peu réfléchi ; ce spéculateur, disons-nous, sans respect pour le public, le trompe et l’abuse ; tend au souverain et au gouvernement des pièges perfides, les enveloppe dans l’erreur du prestige et de l’illusion ; leur arrache, par ses importunités, des décisions qui, n’ayant pour objet, dans l’opinion de ceux de qui elles sont émanées, que le bonheur des citoyens, deviennent, dans la main de celui à qui elles sont confiées, des armes qui vont se tourner contre • les citoyens et le gouvernement lui-même. Tout Paris connaît les intentions prétendues bienfaisantes de M. Defer; mais tout Paris ignore que son projet, qui n’a pour objet réel qu’une spéculation de finance, n’est plus celui de l’Yvette, dont on emprunte seulement le nom, mais bien celui delà Bièvre; qu’il jette l’alarme et la désolation dans les campagnes, menace des villages, un faubourg entier de Paris, et trente mille de ses habitants, de leur ruine totale. Tout le monde ignore que les agents subalternes du sieur Defer, qu’il a su inspirer, ont forcé les paisibles habitants des campagnes à rentrer sous le chaume, pour leur abandonner les terrains qui, tous les ans, arrosés de leurs sueurs, fournissaient à leur existence. Leur seule ressource contre ces persécutions a été, après avoir longtemps poussé des cris impuissants, de venir se mettre sous la protection des juges que le souverain et la loi ont chargés de leur défense. (1) M. de Parcieux. 302 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Hâtons-nous d’entrer eu matière; exposons le projet comme il fut créé. Suivons-le, confié à des vérificateurs habiles, et voyons le passer à un de leurs subalternes, qui calcule avec légèreté, réduit les dépenses, aplanit les obstacles, sait vaincre les difficultés, admire, promulgue avec satisfaction les avantages sans nombre que lui présente sa seule imagination, et écorne les noms de tranquillité publique, de propriété, qui, avec lui, entrent à peine en ligne de compte. Ce fut M. de Parcieux, académicien zélé, homme d’un mérite reconnu, qui, guidé par la bienfaisance et la sagesse, imagina le projet de l’Yvette, calcula toutesles possibilités, et, en même temps, les dépenses énormes qu’il faudrait faire pour la conduire au plus haut point de Paris, à l’Observatoire. Son objet était de fournir à la capitale des eaux qui, partant d’un point élevé, se distribueraient plus facilement dans tous les endroits publics et particuliers, où le besoin, plu souvent le luxe, les recherchent à gros frais. Il savait très-bien que les eaux de la Seine, qu’il appréciait mieux que personne, étaient préférables aux eaux marécageuses de l’Yvette et à toutes autres. Cependant, comme chacune pouvait avoir son utilité, il désira procurer cet avantage à la ville de Paris. Mais les inconvénients qu’il reconnut le déterminèrent à y renoncer. Depuis, ce projet fut repris par MM. Perronnet et de Chezy, dont les noms et les talents sont connus de tout Paris. Ils ont vérifié avec exactitude, et dans le plus grand détail, les plans, projets et devis de M. de Parcieux. Le projet n’a pas été exécuté. C’est après eux que s’est présenté le sieur De-fer de la Nouerre. S’il ne lui a pas appartenu de créer le projet, il n’a pas hésité de l’adopter. 11 s’est placé au premier rang; et de là, maîtrisant tous les éléments, a déterminé leur nouveau cours. Les montagnes s’éclipsent à ses yeux ; Ponde devient pure et limpide sous sa main (1) ; ses flots, roulant avec rapidité, et abandonnés au milieu des terres, s’élancent vers la capitale, et seront désormais destinés à baigner ses murs, à coopérer à la salubrité de son air .et à abreuver ses habitants, Funeste illusion, que tu as de charmes ; mais qu’ils sont trompeurs et peu durables ! Ton voile se déchire, et la seule vérité reste. Mais il n’appartient qu’à ses sectateurs de se laisser guider par elle. Le sieur Defer l’a méconnue, cette vérité sacrée. Suivons-le dans sa marche tortueuse et obscure, mais hardie, mais vive et entreprenante. Nous le voyons se traînant aux pieds du gouvernement, pour lui surprendre l’autorisation sans laquelle il ne pourrait rien oser, et avec laquelle il osera tout. Nous le voyons, surprenant à l’autorité du conseil, après une simple vérification de toisé et nivellement, hors la présence des parties intéressées, un arrêt par lequel il a le talent de faire adopter le projet de l’Yvette, et de se faire ordonner de ne pas l’exécuter. Cette énigme s’explique aisément. Qu’il nous soit permis quelques détails avant l’expiication. Si ce faiseur de projets s’est flatté • qu’il parviendrait à aveugler le gouvernement et le public, (lî 11 faut entendre M. Parmentier dans sa dissertation sur les eaux de la Seine, et M. le marquis de Gouy, dans sa lettre à M. de Corny, procureur du Roi de la ville, pour se convaincre de la mauvaise qualité des eaux des rivières d’Yvette et de Bièvre. [Paris hors les murs.] au point de persuader à l’un qu’il exécuterait tout ce qu’il promettait, avec une somme très-médiocre ; et à l’autre, que tout lui était facile , il n’a pas eu, pour son compte, cette intime persuasion. Il a vu les obstacles qu’il cherchait à cacher; il a aperçu cette chaîne de montagnes qui avait arrêté M. de Parcieux ; il s’est dit à lui-même : Impossible, impraticable de vaincre de pareilles difficultés sans des frais énormes! Puisque nous avons mis en avant le projet de l’Yvette, conservons précieusement son nom : servons-nous-en pour nous emparer de la Bièvre, elle est précieuse à Paris, surtout dans son cours actuel; elle fait vivre, exister un faubourg entier. Nous n’aurons l’air que de l’emprunter; nous promettrons de rendre, de fournir à ce faubourg, à des intéressés qui y forment un corps, la quantité d’eau qui leur sera nécessaire : notre promesse aura l’air de la bonne foi, parce que l’Yvette sera toujours mise en avant pour être un jour jointe à la Bièvre. Tirons le rideau : il faut vous mettre à découvert. La rivière d’Yvette est la couleur avec laquelle vous éblouissez le public. Vous ne cherchez qu’à remplir vos vues ambitieuses aux dépens de qui il appartiendra. Triomphez, en passant, de la surprise que vous avez faite à la religion du gouvernement. Vos vues insidieuses ont été satisfaites. Gonvenez que la phrase insérée dans l’arrêt du conseil, qui vous ordonne de mettre à fin tous les travaux de la rivière de Bièvre, avant de toucher à l’Yvette, est bien conforme à vos désirs, remplit bien vos vues, est bien prise dans votre requête, et puisée dans vos intentions. Mais convenez aussi qu’il est bien inconcevable que vous vous trouviez forcé, en quelque manière, à vous emparer d’abord d’une rivière qui, dans votre système, n’était qu’une cause seconde, peu digne de votre attention, et qui devient la cause première, celle qui sera bientôt le mobile de votre projet, mettra tout en action. Il faudrait qde le bandeau de l’erreur que vous avez enfantée fût bien fortement attaché, bien fixé sur les yeux les moins clairvoyants, pour ne pas s’apercevoir de la combinaison que vous y avez mise, pour faire adopter vos vues, en ayant l’air d’y être contraint. Ce bandeau est arraché. Vous êtes arrivé comme le serpent sous l’herbe, pour nous enlever en même temps une rivière qui, seule, vous occupe et vous intéresse, qui, seule, remplit tout votre vaste projet, et des terrains et des établisssements qui sont notre propriété. Si nous sommes en butte à vos coups, nous avons le même avantage sur vous, et nous vous le prouverons. Le gouvernement, en adoptant votre projet, en vous autorisant, en connaissait les difficultés. Il en avait été averti par des hommes qui ont toujours mérité sa confiance : aussi est-ce à vos risques, périls et fortune qu’il vous a donné son autorisation. Aussi, le Roi a-t-il pris la précaution de vous ôter jusqu’au prétexte de recours sur lui; aussi l’arrêt vous oblige-t-il d’acquérir, de payer les propriétés avant d’y attenter. Ces clauses ne sont, sans doute, ni comminatoires ni illusoires, parce que vous faites tout ce qui est en vous pour qu’elles le deviennent. Vous trouvez le moyen de faire réduire à 400,000 livres le gage ostensible et effectif qu’il vous est ordonné d’offrir et de donner à tous les propriétaires, pour sûretés, pour indemnités, pour acquisitions de leurs rivière, moulins, usines, manufactures, maisons, prés, terres et vignes, etc. Vous trouvez même le moyen d’appliquer cette [États gén. 1789. Cahiers.] somme au payement des ouvriers. Vous la déposez à la ville, en argent, en effets; vous en retirez la plus grande partie par des ordonnances que vous sollicitez et surprenez; vous avez l’apparence d’avoir contracté et rempli un engagement solennel. Eh bien ! avec cette somme, avec ce dépôt, je vous le demande, qui de vous ou des propriétaires, courent des risques , périls et fortune? Avec ce gage bien insuffisant, qui n’a l’air que d’une dérision, puisque avec 20 millions vous ne les indemniseriez pas, les propriétaires risquent tout, et restent fondés, avec les termes de l’arrêt, à vous forcer à leur payer comptant la juste valeur de leur propriété, avant que vous ' puissiez y attenter en aucune manière. Ils le sont d’autant mieux (c’est ici où va se développer votre vaste projet de finance), que propriétaire imaginaire d’un territoire immense, par cette seule raison que vous vous étiez fait accorder, pour votre canal, 84 pieds de largeur dans toute son étendue, vous avez fait semblant de croire que c’était une propriété réelle et aussi effective dans votre main que si vous aviez acheté et payé. Vous avez agi conséquemment à vos vues. Vous vous êtes transporté très-aisément leurs propriétés; vous vous êtes rendu chez votre notaire; et là, seuLavec lui, vous avez consenti un contrat de vente de votre canal, de ses eaux et de ses terrains et francs bords : à qui? à des actionnaires, en faveur desquels vous avez bien voulu créer des actions, à qui vous avez cédé et transporté tous et chacun vos droits, qui, jusque-là, n’étaient fondés que sur les propriétés d’autrui; à des actionnaires, sur la bonhomie desquels vous avez compté d’avance, à qui vous avez demandé une somme déterminée, qui, il est vrai, vous a été apportée par nombre d’amateurs inconsidérés de la nouveauté. Poursuivons. Est-ce là ce qui vous était permis par l’arrêt du conseil? Qui vous autorisait à vous associer telles personnes, à faire tels traités et conventions-particulières que vous jugeriez convenables? Gomme vous les avez adroitement interprétés et commentés, les termes de cet arrêt! Vous avez été bien généreux envers vos actionnaires; vous leur avez abandonné tous vos droits sans réserve, qui ne consistaient, il est vrai, qu’en la grosse, en parchemin, de l’arrêt. Vous ne vous êtes réservé aucun intérêt de propriétaire dans l’affaire; vous avez laissé tous les bénéfices, risques, périls et fortune aux actionnaires, et à l’argent qu’ils voudraient bien vous apporter. Vous avez mieux fait : vous avez traité avec eux comme s’ils étaient présents, acceptants et consentants. Vous vous êtes nommé et établi seul administrateur général de l’affaire, dépositaire, distributeur et dispensateur des fonds; vous vous êtes fixé des appointements, des droits, des retenues, etc. (1); enfin, en votre nouvelle qualité* vous vous êtes donné, attribué le droit de tout faire par vous-même, sans l’autorisation de qui que ce soit. Telle a été la loi que vous avez faite au milieu de Paris au milieu d’hommes éclairés; et vous y avez trouvé des actionnaires qui ont bien voulu vous confier les cordons de leur bourse, qui ont bien voulu se charger du fardeau de votre projet, se livrer entièrement à vous, qui, en administrateur habile, saurez faire un emploi (1) Voir, à l’appui de ces faits, toutes les feuilles publiques dans lesquelles le sieur Defer en a rendu le compte le plus exact, et très-souvent répété. [Paris hors les murs.] 303 de leurs fonds, dans lequel vous ne serez pas oublié. C’est ici, administrateur général, qu’il faut vous suivre dans votre exécution hardie, dans vos entreprises. Quelle a été votre marche? Le tracé de votre canal est votre premier ouvrage. A travers les récoltes en maturité, les vignes couvertes de raisins, les arbres chargés de leurs fruits, vous faites ouvrir un sentier sur une étendue de plus de cinq lieues de pays, qui détruit tout, qui alarme justement le cultivateur. Ses cris impuissants n’arrêtent pas votre fougue. 11 les fait entendre; il porte ses plaintes aux yeux du commissaire que le conseil vous a donné pour juge. 11 fait constater que vous avez tout saccagé. Vous êtes sans doute reconnu coupable d’une témérité sans exemple! L’arrêt vous avait dit : Vous n’entreprendrez qu’après avoir acquis. Vous n’avez rien acquis : vous avez tout entrepris. Vous avez été plus loin. Vous ou vos agents avez eu l’indécence de faire payer des amendes aux misérables laboureurs qui, en cultivant leurs champs, ont eu le malheur de déranger votre tracé. Ces exactions, vous ne les révoquerez pas en doute, puisque vous avez été condamné à la restitution, par ordonnance du commissaire départi, et que vous avez restitué. Ce premier essai vous détermina, sans doute, à en faire un autre dans un genre agréable. 11 vous parut saillant de faire une expérience qui annonçât au Parisien, avide de jouissances, que vous n’aviez qu’à vouloir pour lui faire arriver des eaux. Vous annonçâtes pompeusement en février 1787 que vous éliez*en état de faire arriver aux aqueducs d’Arcueil plusieurs pouces des eaux de l’Yvette. Pour donner à votre expérience toute l’authenticité et l’éclat qu’elle méritait, vous obtîntes du commissaire de Sa Majesté qu’il en serait témoin. 11 s’y rendit avec des personnes de l’art. Il s’y trouva beaucoup de monde : une paroisse entière (celle du Bourg-la-Reine, qui ne voyait pas ce jeu-là de sang-froid). Vous fîtes votre expérience. Elle réussit parfaitement. Mais quels moyens aviez-vous mis en usage ? Les eaux de l’Yvette, qui jouaient le premier rôle, ne firent que prêter leur nom. Les eaux de la Bièvre même ne furent point empruntées. Ce furent celles d’une de ses sources affluentes, de la fontaine des Moulins, qu’on employa. Par ce moyen, le sieur Defer se trouva très-rapproché d’Arcueil . C’est au-dessous de Fon-tenay-aux-Roses et de Sceaux qu’il établit le grand théâtre de son expérience. Le chemin de communication de ces deux villages forme une chaussée au milieu de laquelle se trouve un pont. Il lui suffit de le faire barrer pendant quelques jours, pour former au-dessus un étang, avec les eaux qui s’écoulaient de la fontaine des Moulins. 11 en priva, pendant ce temps, le village du Bourg-la-Reine, qui n’a d’autres eaux pour ses besoins que celles de cette fontaine. Ces eaux qui, en cet endroit, avaient acquis une élévation forcée, furent lâchées à l’arrivée de M. l’intendant. Elles coulèrent en abondance. Il les vit à la grande route d’Orléans, lorsqu’il y descendit de voiture. Cet aperçu ne lui suffit pas. Il voulut voir; et il vit, après s’être rendu à la chaussée de Sceaux, tout ce qu’avait fait le sieur Defer pour en imposer aux spectateurs. Il fut convaincu que c’étaient tout bonnement les eaux de la fontaine des Moulins qui avaient servi à cette parade. Il in-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 304 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] terrogea alors le faiseur de projets, qui lui désigna, de la main, la route qu’il entendait faire tenir à l’Yvette et à la Bièvre, pour arriver à ce point, de là à Arcueil. Cette séance fut ensuite remplie par les réclamations générales des habitants du Bourg-la-Reine, qui redemandaient, avec instance, que ces eaux fussent rendues à leur cours, et leur fussent conservées à jamais. M. l’intendant donna des ordres à la brigade dudit lieu de faire remettre, sur-le-champ, les eaux de cette fontaine dans leur lit ordinaire. Tel fut le résultat de cette expérienee. Quoique peu heureux, le sieur Defer n’en tira pas moins l’avantage qu’il s’était proposé. Tous les moyens lui étaient égaux, pourvu qu’il accréditât son projet. Bien intimement convaincu que ses spectateurs avaient vu couler les eaux d’une simple fontaine, il n’en fit pas moins annoncer à tout Paris, à la France entière, par le Mercure suivant (1), à qui il donna la préférence pour y placer cemensonge, qu’il avait fait arriver à Arcueil vingt-quatre pouces cubes des eaux de l’Yvette. Gela s’appelle en imposer hardiment. Ce ne sont là que les premiers essais du sieur Defer. Ce n’est, que le tracé de ses opérations. Nous allons les lui voir exécuter en grand. Très-exactement, il va se renfermer dans les termes de l’arrêt qui lui ordonne de mettre à fin tous les travaux de la Bièvre, avant de toucher à l’Yvette. Toutes ses expressions , son prononcé entier, seront la base de sa conduite. Cela dépendra, comme on va le voir, des avantages ou des désavantages qui en résulteront pour ou contre lui. Fidèle à la première partie du prononcé, le sieur Defer dispose tout pour l’ouverture en grand de son canal. Tous ses regards se fixent sur la Bièvre. C’est au point d’Amhlainvilliers qu’il doit la prendre; c’est là où il va commencer ses travaux pour la coupure de cette rivière. Son projet va être rempli en entier par la Bièvre; l’Yvette lui prêtera son nom. Le sieur Defer, ne cherchant qu’à remplir ses vues ambitieuses, qu’à employer les fonds de ses actionnaires, pour pouvoir leur faire payer bien cher son temps, ses peines, ses soins, c’est ici que commence un ordre de faits d’une bien grande importance; le sieur Defer, disons-nous, ne considérant que lui et son projet, ne se donne pas la peine de réfléchir sur son autorisation, de voir qu’il n’a, dans sa main, qu’un arrêt du conseil, rendu sur sa seule requête, sans communication préalable à de légitimes contradicteurs, qui n’a été précédé que d'un toisé, d’une vérification de ses plans, qui ne l’a point été d’une information de c ommodo et incommode >, enfin qui n’a point été accompagné de lettres patentes vérifiées. C’est ainsi que, sans autre attention, le sieur Defer croit qu’il n’y a qu’à s’emparer de la Bièvre, qu’à la détourner à Amblainvilliers, qu’à en priver six ou sept lieues de pays qu’elle arrose et parcourt, seize moulins qu’elle fait mouvoir, des manufactures qu’elle alimente, enfin le faubourg Saint-Marcel qu’elle vivifie, dont elle est l’âme et le soutien, et les intéressés de ce faubourg qui en sont les propriétaires ineommutables. Cette assertion n’est pas, comme celle du sieur Defer, fondée sur l’élan d’une imagination exaltée; elle a pour base l’autorité du Roi, celle du conseil, et celle des lois du royaume : un édit de 1567, des arrêts de 1671, 1672, qui en ordonnent l’exécution; des arrêts du conseil de 1672 et 1673, dictés par Colbert, des lettres patentes vérifiées et enregistrées au parlement, en novembre de la même année 1673. Quel est le vœu de tous ces règlements qui font la loi à ceux mêmes qui les ont rendus et vérifiés? Quel était leur objet? d’écarter les mé-gissiers, les tanneurs, les teinturiers et autres, du centre de la ville de Paris, et de leur donner, en même temps, un asile fixe et commode dans un faubourg où, jouissant des privilèges de bourgeois de Paris, ils pussent faire fleurir des branches de commerce, dont on sentait toute l'importance. Pour cela il fallait trouver un local. Ce fut le faubourg Saint-Marcel qui fut choisi, et la propriété de la rivière de Bièvre qui leur fut concédée par le gouvernement, avec autorisation la plus ample et la plus étendue, pour conserver, non-seulement les eaux, mais encore pour recueillir toutes celles y affluentes. Les tanneurs, teinturiers et mégissiers, ensuite formés en corps d’intéressés avec trois syndics, pris dans chacune des communautés, ont joui, pendant des, siècles, de toute la faveur, de toute la protection du gouvernement, qui s’est occupé, par un arrêt de 1732, de faire un règlement qui, les mettant à l’abri de tous troubles, pousse la précaution et la prévoyance jusqu’au point de défendre, sous les plus grandes peines, de détourner les sources affluentes à cette rivière, sous tels prétextes que ce puisse être : preuve non • équivoque de l’importance que le gouvernement lui-même a toujours mise à la conservation et augmentation du cours ordinaire de cette rivière. Des dépenses énormes, toujours à la charge des intéressés, ont été la suite de cette autorisation. Que n’ont pas coûté les sources qui affluent à la rivière de Bièvre, pour être recueillies, et pour en obtenir le cours qu’elles ont aujourd’hui! Que ne coûtent pas annuellement les frais de gardes qui y sont établis, de curages qu’il faut répéter chaque «année, pour que le cours de cette rivière ne soit pas obstrué par le limon que ses eaux savonneuses et marécageuses déposent dans le fond de son lit ! Toutes ces dépenses ne se comparent pas encore avec les établissements qui existent au faubourg Saint-Marcel. Toutes les maisons y sont construites pour les différents commerces. Sans la rivière, tous ces édifices deviennent des corps décharnés et stériles pour leurs propriétaires et pour l’Etat. Trente mille hommes y habitent, y vivent, parce qu’ils y travaillent, y consomment, y payent, et font valoir les droits du Roi. L'industrie s’v perpétue et s’y régénère sans cesse. C’est sous les auspices de la bonne foi publique que ce tout s’est formé. C’est sous l’égide de la loi que tous ces paisibles citoyens vivent et travaillent en sécurité, et tout ceia serait un fantôme qui s’éclipserait pour céder la place à un projet, dont les avantages futiles pour le public n’en présentent de réels que pour le spéculateur 1 C’est pourtant avec un simple arrêt du conseil, . rendu sur sa requête, que le sieur Defer, feignant de méconnaître cette propriété sacrée, ne fait pas même semblant de s’en inquiéter. Il dispose tout pour détourner le cours de la Bièvre, pour en priver le faubourg, les manufactures, seize moulins, et toutes les propriétés de la ville et de la campagne. Il va en user comme si c’était sa propre chose. Voyons, sur ce premier objet, jusqu’à quel point il a poussé ses entreprises. Nous rappelle-(1) Voyez le Mercure du 24 février 1787. 305 [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [Paris hors les murs.] rons ensuite celles qu’il s’est permises sur les territoires de différents villages, et dirons enfin comment il a été arrêté dans une course aussi rapide. Reportant toujours le sieur Defer aux termes de son arrêt, il faut lui dire : Avant d’entrepren-dre, il faut acquérir. Les intéressés, le faubourg Saint-Marcel, sont incontestablement les propriétaires ues eaux de la Bièvre dans tout son cours. Rien ne vous a subrogé en leurs droits, mis en leur lieu et place. Vous n’avez pas acquis. Vous ne vous êtes pas même inquiété d’acquérir d’eux. Qui plus est, leur propriété (1) est telle dans leurs mains qu'ils ne peuvent, pas l’aliéner; elle appartient au public, aux citoyens, à tout le faubourg, à tous ses propriétaires, à ceux des moulins, à ceux des prairies. L’Etat, en ayant une fois disposé à leur profit, ne peut plus revenir sur ses pas, déroger à une concession qui l’a lié si irrévocablement, et à laquelle il doit tenir d’autant plus que l’utilité publique l’y force. Oui, l’utilité publique, ce grand mot que le sieur Defer emploie si mal. Qu’on compare l’utilité publique, les avantages que le commerce de ce faubourg donne à la capitale, les impôts qu’il rend par son industrie et sa consommation; qu’on jette un regard attentif sur cette belle manufacture des Gobelins, connue dans toute l’Europe et dans toutes les parties du monde ; sur ces établissements qui seuls ont atteint le degré de perfection qu’exige l’écarlate, et fournissent les draps les mieux teints, notamment pour la maison du Roi; sur ces tanneries, où l’on emploie, où l’on prépare les cuirs que fournit journellement la capitale, où on les apprête à un tel degré de perfection, qu’ils ont la préférence sur quantité de fabriques; que l’on considère enfin l’énorme population de ce faubourg; tout ce peuple, la Classe la plus indigente et la plus laborieuse de Paris, qui y est logé jusque dans les greniers, que le travail y a fixé, et que la prise �e la rivière en chasserait. Mais, d’un seul mot, tout cela est écarté par le sieur Defer. « Je fournirai, dit-il froidement, assez d’eau au faubourg Saint-Marcel. » Cet être, créateur de chimères, fera-t-il que la Bièvre, qui, dans son état actuel, serait insuffisante, si on ne recueillait sans cesse ses sources, si on ne s’occupait journellement de fortifier ses berges, et de la faire couler sans aucune déperdition, dans son lit, dont le fond naturellement glaise conserve toutes ses eaux, les amène à leur vraie destination; fera-t-il, disons-nous, que son cours soit doublé pour, en même temps, fournir la quantité suffisante au faubourg, et celle nécessaire pour ses abonnés? Non, sans doute, il n’est pas à son pouvoir. Il y a impossibilité physique qu’il ajoute rien au volume d’eau de la Bièvre ; et il y a certitude physique que les eaux de la Bièvre, livrées dans le canal projeté, seraient perdues entièrement et sans ressources. Ici, établissons la balance entre tous ces avantages, ces importantes considérations, ces droits réels, et le plus bel aperçu du projet du sieur (1) Voyez les instructions données à ses représentants aux. bailliages par un prince du sang, qui, sachant sacrifier son intérêt personnel au bonheur de la France, y développe, avec cette énergie qui le caractérise, et qui n’appartient qu’à la bonne cause, ces grands principes qui doivent régénérer la nation. On y lit, page 4, article 4 : « Tout droit de propriété « sera inviolable, et nul ne pourra en être privé, même « à raison de l’intérêt public, qu’il n’en soit dédommagé « au plus haut prix, et sans délai. » lre Série, T. IV. Defer, qui serait de faire couler à son gré des flots d’eau dans les quartiers de Paris. Gela serait, que son projet ne serait pas encore praticable. 20 millions ne seraient pas suffisants pour payer tous les établissements qu’il faudrait ruiner; et les pertes, les torts qui en résulteraient, seraient encore inappréciables. Citoyens, magistrats, hommes d’Etat, faites-la pencher actuellement, cette balance. Vous ferez des vœux pour la conservation des établissements qui existent. Vous ne verrez plus, en comparaison, qu’un novateur, un projet perfide. Vous le verrez bien mieux si vous considérez encore que ces eaux, dont la grande utilité dans leur cours actuel est frappante, arrivées au point où on vous les promet, auront la corruption pour partage ! faites-la passer, sans interruption, du canal dans des tuyaux, le limon les engorgera bien vite (1). Tous ces obstacles, invincibles pour d’autres, n’arrêtent point le sieur Defer. N’importe à qui appartienne la rivière de Bièvre; n’importe sa grande utilité pour les établissements qui n’existent que par elle ; qu’importe qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas possibilité de la faire armer à Paris; son projet doit être exécuté. Il saura rendre limpides et potables ces eaux, qui, même à leur source et dans tout leur cours, sont fétides et marécageuses. Il surmontera tous ces obstacles; il acquerra ou n’acquerrera pas les propriétés : cela est indifférent. 11 commence par prendre à force ouverte, et sans payer, parce que cela est plus commode. Le sieur Defer, annonçant faussement au public qu’il satisfaisait à tout,* qu’il avait particulièrement fait l’acquisition du moulin d’Ain blainvil-liers et de ses dépendances, qui est saisi réellement, s’est emparé du jardin de ce moulin sans l’avoir acquis ni payé, en a fait fouiller une partie, et a fait jeter ses terres sur l’autre. Là, et au-dessous de l’écluse, il a fait creuser ce qu’il appelle un épuratoire, en partie de murs en chaux et ciment. Il a fait établir les fondements de cette construction si près de l’écluse dudit moulin, que les eaux l’ont emportée. Il a trouvé fort simple, pour conserver ses ouvrages, de faire couper la rivière au-dessus, de la verser dans les prairies, et de faire chômer trois moulins au-dessous pendant onze jours (2). C’est à ce point du moulin d’Amblainvilliers que le sieur Defer a fait détourner la rivière, pour la jeter dans son nouveau canal, qui commence à être ouvert en cet endroit. C’est donc là qu’il a, en même temps, attenté à la propriété des intéressés et à la propriété particulière : à celle des premiers, en faisant des travaux qui tendaient à délourner la rivière, et qui la détournèrent réellement parla rupture de l’écluse et par son épanchement dans les prairies ; et à la propriété par-(1) Outre que les eaux de la Bièvre sont savonneuses» marécageuses, et chargées de limon, elles sont presque toujours, et particulièrement en été, fortement chargées de teintures de la manufacture de Jouy, qu’il faudrait détruire, s’il était possible que le projet du sieur Defer eût son exécution. (Voir, à l’appui de ce fait, les pages 3, 4 et 6 de l’extrait du procès-verbal.) (2) Les eaux de la rivière, répandues dans les prairies, ne sont rentrées dans leur lit ordinaire qu’au quatrième moulin. C’est à l’instant des fortes gelées que la rivière a été détournée; de manière que le fond de son lit s’est gelé fortement ; et que, lorsqu’on a rendu les eaux à leur cours ordinaire, il s’est formé différents lits de glace, qui ont fait tort à tous les moulins au-dessous, au nombre de seize. — (Voir l’extrait du procès-verbal, pages 15 et 47 ; et pour les preuves du chômage, pages 2, 3, 4 et 5.) 20 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 306 [États gén. 1789. Cahiers.] ticulière, en culbutant un terrain qu’il n’avait pas acquis, en le perdant pour son propriétaire, en faisant chômer trois moulins, Tît en inondant et dégradant toutes les prairies. Suivons actuellement le sieur Defer dans ses entreprises sur les territoires différents, sur les propriétés des habitants des campagnes. 11 doit toujours acquérir, avant d’entamer ses travaux. On doit, aux ternies de l’arrêt, lui abandonner sa propriété : une largeur de 84 pieds pour son canal et ses francs-bords. Mais il est préalable de l’estimer de gré à gré, ou d’en faire une estimation par des experts nommés d’office, et sous les yeux du commissaire du conseil. L’estimation de gré à gré eût entraîné trop de longueurs, et trop de détails ; une estimation générale par experts, en présence d’un subdélégué de l’intendance, a été préférée. On a nommé des experts d’office. Ils ont opéré ; ils ont estimé chaque nature, chaque espèce de terrains et de plantations. On a appelé à cette estimation des pro-riétaires qui s’y sont ou ne s’y sont pas présentés. nfin, l’opération a été faite (il faut rendre hommage à la vérité) avec justice et équité. On a déposé dans un greffe public (1) le procès-verbal qui en a été dressé. On croira, sans doute, que c’est désormais cette estimation qui va être la base de la conduite et des actions du sieur Defer; qu’à mesure qu’il avancera, qu’il voudra faire ouvrir son canal, il acquerra les terrains, les payera au prix qu’ils ont été portés. Point du tout. Ce procès-verbal, il le cache autant qu’il est en lui, et se promet bien de payer le moins qu’il pourra, fait et exécute une combinaison d’agiotage. Quelle est-elle, cette combinaison? Il faut, d’abord, la développer. La preuve s’en fera ensuite. Le sieur Defer, àl’aided’un grand nombre d’ouvriers étrangers, a commencé par s’emparer des terrains. Il a fait ouvrir son canal ; et avec la supériorité de force que lui donnait le nombre d’ouvriers qu’il employait, il a écarté les faibles propriétaires qui (2), pendant longtemps, ont gémi et jeté des cris impuissants. Les oreilles du commissaire de Sa Majesté en ont été frappées. Les plaintes les plus graves ont été adressées à l’administration provinciale. C’est lorsque la désolation, l’effroi se manifestaient de toutes parts, qu’a été rendue, le 11 octobre 1788, une ordonnance dudit sieur commissaire, qui défend audit sieur Defer, à peine d’être garant et responsable en son propre et privé nom, de tout événement, de faire travailler au canal de l’Yvette jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, excepté sur les terrains qu’il aurait acquis et payés. Cette ordonnance fut notifiée, tant au sieur Defer, à ses chefs d’atelier ou ouvriers, qu’aux syndics des paroisses. Elle fut mise à exécution ar l’exempt de la maréchaussée du Bourg-la-eine. Le 25 du même mois d’octobre, il se transporta sur tous les ateliers, en chassa les ouvriers qui, le lendemain, se reportèrent sur les mêmes terrains non acquis et non payés, et continuèrent comme ils ont continué depuis leurs travaux. Il semble qu’il eût fallu colorer cette conduite, qui annonçait le mépris le plus formel, l’attentat le plus direct à l’autorité. La couleur du sieur Defer fut d’ajouter au mépris l’insulte. (1) Le greffe de la subdélégation de l’intendance à Monllhéry. (2) Voir les pages 9, 10, 34, 36 et 41 de l’extrait du procès-verbal. | Il fit signifier à différents habitants d’Antony | et de Verrières, le 29 novembre, une ordonnance de M. l’intendant, datée du 5, avec sommation, en exécution de cette ordonnance, et conformément aux termes d’icelle, de lui livrer et fournir, dans la huitaine, la quantité de terrains, à eux appartenant, dans une largeur de 84 pieds, sur lesquels devait passer, suivant son tracé, le canal de l’Yvette, et de lui en fournir les titres de propriété, aux offres qu’il faisait de leur en payer tantleprix queles indemnités qui pourraient leur en être dues ; sinon, et qu’à faute de ce faire, il se mettrait en possession desdits terrains, et ferait travailler sur iceux. Peut-on attaquer plus directement les propriétés des campagnes ? Est-il concevable que, pour un canal de 13 à 14 pieds à sa superficie, on en prenne, et encore sans les payer, 84 pieds de largeur ; et que ce soient les terrains les plus précieux, les plus productifs, à la porte de la capitale, qui soient sacrifiés? C’est, sans aucun avantage, une triple perte pour les propriétaires, pour la culture et pour l’Etat. Revenons donc à cette sommation. Quel langage ! quelle tournure qu’un pareil acte ! N’est-ce pas le comble de l’aveuglement et de la dérision? Comment! vous demandez à des propriétaires qu’ils vous livrent des terrains dont vous vous êtes successivement emparé depuis plus d’un an (1)1 Vous leur proposez de convenir avec vous d’un prix ; vous leur offrez des indemnités quand vous avez tout arraché, tout dénaturé, tout culbuté, qu’il ne reste plus que des vestiges informes de leurs propriétés! Le cri public s’élève contre vous. Les réclamations générales vous accablent sous leur poids. Vous êtes un forcené que rien n’a pu arrêter, qui n'avez connu ni la loi ni le droit des gens ; vous avez tout violé. Tel est cependant l’avantage de la force ouverte sur les hommes faibles et timides. Votre sommation et la crainte vous ont amené nombre de ces paysans ; et quand vous les ont-elles amenés ? dans ces instants où la neige et les glaçons, avec le fléau terrible de la faim, les anéantissaient dans leurs chaumières. Pressés, les uns par leurs misères, les autres par l’incertitude de savoir si leur propriété détruite leur serait jamais payée par vous, vous les attendiez ; vous aviez combiné votre marche d’agiotage. Ge n’est pas avec le procès-verbal d’estimation que vous les avez reçus. Il a fallu capituler avec vous. Vos offres, Êien au-dessous du prix (2) déterminé par l’estimation, ont été acceptées ou rejetées. Votre maison a longtemps retenti de vos jurements, de vos menaces et des cris plaintifs, quelquefois menaçants, des cultivateurs, des propriétaires que le malheur ou la crainte vous avaient livrés, et qui s’en retournaient avec le désespoir dans le cœur. Il en est, il faut en convenir, qui ont acquiescé à vos offres, qui vous ont vendu, que vous avez payés. Vousapprenezvous-même,parun compte rendu que vous avez fait vous seul, que vos acquisitions de terrains se montent à 68,616 livres 17 sous 4 deniers. Votre manière d’acquérir vous est propre. Vous traitez, seul à seul, avec ceux qui viennent, sans même un titre à la main, vous dire qu’ils sont propriétaires. Vous n’avez pas besoin de notaire. (1) Voir les pages 12, 16, 24, 30, 36, 40, 44 et 48 de l’extrait du procès-verbal. (2) Voir les pages 12, 13, 26, 26, 27 et 39 de l’extrait du procès-verbal. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 307 Sur des morceaux de papier blanc, que vous remplissez ou ne remplissez pas en entier (1), vous dressez votre sous-seing privé, y faites apposer une signature ou une croix, que, quelquefois, vous faites vous-même ; et tout est fini. C’est une grande manière de purger les privb-léges, les hypothèques, les douaires, les substitutions, les droits de mineurs ; de satisfaire aux droits seigneuriaux ; de porter le trouble et la confusion dans toutes les familles, dans toutes les seigneuries, sur tous les territoires. C’estpourtant dans un royaume gouverné par des lois fixes qu’un seul homme introduit une pareille confusion, un tel désordre I Une insouciance aussi extraordinaire, un oubli aussi caractérisé des formes que contraire à tous les droits, annonce bien que votre seul et unique motif est de tout oser et de tout entreprendre pour faire valoir votre spéculation de finance. Vous voilà donc, sieur Defer, acquéreur, propriétaire, n’importe à quel titre. Imaginez-vous qu’on croira que vous avez tout payé avec 60,000 et quelques livres? Nous laissons aux appréciateurs de terres à décider si un territoire immense, si une largueur de 84 pieds de terrains aux environs de Paris, sur une longueur de cinq ou six lieues, en suivant tous vosdétours, peut être payée avec la modique somme que vous assurez avoir déboursée. 11 est vrai que vous ne vous êtes pas occupé d’acquérir les terrains des gens de mainmorte, des fabriques, des cures, des bureaux des pauvres (2), de beaucoup d’autres. Vous aviez dit, par votre sommation, que vous vous en empareriez : vous avez teuu parole. Tout a un terme. Le bandeau de l’illusion restait en vos mains ; vous vous croyiez tout permis (3) ; il a fallu vous l’arracher. Vous y avez forcé par vos vexations. Vous avez excité de nouvelles réclamations générales et particulières, celles des habitants des campagnes, celle d’un sieur Vitallis de Migneaux, dont les jours, en défendant sa propriété, ont été en danger, qui s’est vu à l’instant d’être tué par un nombre d’ouvriers qui le tenaient sous un fer menaçant. Vous avez excité enfin celles des intéressés du faubourg Saint-Marcel. Toutes ont été portées au Parlement. L’un s’y est présenté comme plaignant, tous comme réclamant la protection de la première cour du royaume, de la cour à qui la grande police est confiée, de la cour qui veille et doit veiller sans cesse sur la sûreté des citoyens, sur leur vie, sur leurs biens, comme sur leur honneur. Cette protection leur a été accordée. Un arrêt a nommé des commissaires pour, à la requête de M. le procureur général du Roi, entendre les plaintes des habitants des campagnes, constater leurs pertes, les vexations qu’ils avaient éprouvées, enfin toutes les entreprises du sieur Defer. Ce premier arrêt a été suivi d’un procès-verbal qui contient tous les détails et toutes les preuves (I) Voir les pages 8, 9 et 13 de l’extrait du procès-verbal : déclaration de Roguel n et Plet. (2) Voir les pages 8, 25, 40 et 41 del’extrait du procès-verbal. (3) Voir les pages 9, 12, 43, 27 et 37 de l’extrait du procès-verbal, et les déclarations y portées, desquelles il résulte que le sieur Defer a, sans ces3a, employé les menaces contre les habitants des campagnes, et qu’il les a étonnés et intimidés, en abusant indignement du nom du gouvernement et de son autorité, qu’il a osé compromettre, au point de le charger de toutes les vexations qu’il a commises, sans y avoir aucunement été autorisé. des assertions, des faits qui sont consignés dans ce mémoire (1). Un autre, rendu en la Tournelle, avec MM. les gens du Roi, après une audience solennelle, sur les conclusions de M. d’Ambrav, avocat général, met le sieur Vitallis de Migneaux sous la sauvegarde de la cour, et fait défenses au sieur Defer, à ses ouvriers, d’entreprendre et sur sa personne et sur ses biens. La conduite du sieur Defer, son obstination à faire continuer ses travaux sur des terrains qui ne lui appartenaient point ; ses entreprises à l’écluse d’Amblainvilliers , qui détournaient le cours de la rivière de Rièvre; cet ensemble détermina la cour à donner des arrêts qui autorisaient, l’un à emprisonner les ouvriers du sieur Defer, l’autre, rendu en l’audience de la grand’ - chambre, sur un jour indiqué , avec MM. les gens du Roi, sur les conclusions deM. Hérault de Séchelles, avocat général, qui ordonnait le comblement, le rétablissement de l’écluse d’Amblainvilliers, et de la rivière dans son cours ordinaire. Ces arrêts ont eu, l’un et l’autre, leur exécution. C’est là, nous nous sommes promis de Je dire, c’est là ce qui a arrêté le sieur Defer dans sa course rapide, ses entreprises, ses vexations. C’est là ce qui a fixé et fixera sur lui les regards des citoyens de tous les ordres. C’est le public qui va le juger. L’intrigue ne s’arrête jamais, que lorsqu’elle est écrasée sous le poids de l’indignation publique. C’est le public qui réclamera, contre ce spéculateur téméraire , l’exécution des arrêts, que la sagesse, la force des lois du royaume ont dictés à la cour qui les a rendus. Le projet du sieur Defer, ruiné jusque dans ses fondements par les faits et la discussion à laquelle nous nous sommes livrés jusqu’ici, anéanti par des arrêts que les cris des malheureux, des opprimés, ont obtenus, et que la sagesse et la plus grande circonspection ont dictés, ne peut point renaître de ses cendres. Cependant, c’est une de ces hydres à cent têtes qui, quand on en abat une, en montre une autre. Remontrons donc qu’il est impraticable, impossible, quand même on surmonterait tous les obstacles, quand on écarterait tous les grands intérêts qui résistent à son exécution, que c’est par des vérités reconnues, et dont la preuve est acquise, que nous remplirons cette tâche. En admettant, ce qui n’est pas, que les eaux de la Bièvre ne soient la propriété de personne; qu’on peut les prendre sans faire tort à qui que ce soit ; qu’elles sont bonnes à boire ; qu’elles ne sont ni marécageuses, ni savonneuses, ni limoneuses ; qu’en les faisant passer par des épuratoires, cela les dépouillera des teintures dont elles sont empreintes et chargées depuis la manufacture de Jouy ; cela leur donnera une qualité qu’elles n’ont pas; qu’elles deviendront belles et limpides, qu’on pourra les conserver aux portes de la capitale, y enformerun approvisionnement, l’hiver pour l’été, sans qu’elles éprouvent aucune altération. Tous ces avantages ne sont rien ; il faut les amènera Paris. Les moyens du sienr Defer sont ingénieux. Nous convenons qu’il a dû être bien gêné pour ses nivellements, pour ses pentes. C’est là, sans doute, la cause qui a dirigé son tracé. Mais les effets, nous osons le lui annoncer, seraient funestes, s’il était possible que la direction qu’il a prise fût suivie et exécutée comme il l’a conçue. Comment, d’abord, a-t-il pu se faire i’îdée (1) Voir l’extrait du procès-verbal. 308 [États gén. 1789., Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] d’ouvrir son canal à travers les terres, sur des coteaux au midi, exposés à toutes les influences de l'air, du soleil et de la chaleur en été, et à celles du froid et de la gelée en hiver, sans aqueduc, sans aucun travail artificiel qui consolide un pareil lit, enfin sur des bancs formés de terrains poreux, spongieux, qui, par l’effet seul de la pente de la demi-côte, absorberaient des rivières d’un cours bien plus fort et plus rapide que celui de la Bièvre qui, en été surtout, est infiniment diminuée (1), et en même temps perdrait et dégraderait toutes les terres, et particulièrement les vignes qui se trouveraient au-dessous ? C'est dans un canal ainsi forméj avec aussi peu de soin, que le sieur Defer espere amener ses eaux jusqu’à Antony. Nous l’arrêtons là, pour lui dire avec confiance qu’il a tracé son canal au milieu des carrières à plâtre, qu’il l’a reconnu lui-même, puisqu’il a été forcé de changer en un endroit sa direction ; qu’il l’a fait ouvrir sur leur ciel, sur leurs rues ; que déjà des excavations s’y sont formées au fond de son lit. Tous ces faits sont vrais; ils sont reconnus, constatés et vérifiés (2). En admettant toujours, ce qui ne serait pas, que la rivière pût arriver à ce point, il est impossible qu’elle franchisse tous ces écueils, dans lesquels elle s’engloutirait nécessairement; et en se perdant ainsi, elle mettrait en danger le village entier d’Antony, qui est dominé par le canal, et se trouve de niveau avec les carrières. Des ouvrages artificiels, des frais énormes, des aqueducs pourraient seuls faire franchir aux eaux de la rivière ces gouffres. Mais à ceux-là en succèdent d’autres. Tousles territoires de Bagneux, de Cachan et d’Arcueil sont, ou sur le ciel des carrières, ou sur des masses de pierres, au milieu desquelles se trouvent des reignières ou cheminées (en termes de carrier) qui engloutiraient les plus fortes rivières (3). Depuis Arcueil jusqu’à Paris, il n’est pas besoin de le dire, tout est excavé : tout le monde le voit. Il suffit de jeter les yeux sur les vastes plaines qui y conduisent, de les fixer sur les tas de oierres amoncelées, dont, de tous les côtés, ces plaines sont jonchées et couvertes, de savoir que les édifices immenses qui, depuis longues années, ont été élevés dans la capitale, l’ont été aux dépens des carrières qui ont été exploitées dans cette partie. C’est au milieu de tous ces obstacles que le sieur Defer fait ouvrir un canal qui est libre comme l’air. Hardiment, si on le laissait faire, il y livrerait toutes les eaux dont on lui permettrait de disposer, sans s’inquiéter encore des villages d’Arcueil et de Cachan, qui seraient exposés aux plus grands dangers par les infiltrations des eaux. 11 n’est que le sieur Defer qui puisse spéculer ainsi, et compter pour rien les malheurs qu’il a préparés. Forçons la nature ; franchissons d’un vol rapide et étonnant tous ces obstacles, tous ces gouffres; baignons les murs de l’Observatoire avec les eaux de la Bièvre : cet Observatoire, où l’on respire un air si sain et si pur, deviendra un cloaque infect (4) si on y conserve stagnantes les eaux de cette rivière. (1) D’après les observateurs qui l’ont vérifié, la Bièvre ne produit que 450 pouces d’eau, (2) Voir les pages 24, 25, 29, 30, 55 et 56 de l’extrait du procès-verbal. (3) Voir les pages 51, 52, et 53 de l’extrait du procès-verbal. (4) Il est notoire que les eaux de la Bièvre séjournent La putréfaction de l’air présentera un premier inconvénient. Mais qu’il est bien loin d’être comparé au danger que courraient les habitants et une grande partie des édifices de cette immense ville 1 Etablir des bassins, des réservoirs! L’idée seule en fait frémir. Où? Dans quel endroit? Sur une éminence dont la superficie domine tout le faubourg Saint-Jacques et celui de Saint-Germain, et dont tous les dessous sont excavés. Ne serait-ce pas vouloir sciemment ordonner la destruction de cette partie de la ville, condamner ses habitants à la mort? Quelle importance ne présentent pas ces dernières réflexions! Quoi! on établirait des bassins, des réservoirs, dans un local qui exige qu’on en éloigne, avec la plus grande précaution, jusqu’à la moindre infiltration d’eau ! On ne craindrait pas d’y amener une rivière entière! Ecartons toutes ces idées affligeantes. Ce projet est impossible ; son exécution est impraticable. Prévoyons la réponse du sieur Defer à tous ces faits, à tous les développements, à la discussion dans laquelle nous sommes entrés. Nous ne prévoyons de lui qu’une seule réponse. Il va nous dire : Vous avez traité à votre égard une question oiseuse. Mes intentions sont écritts dans mes prospectus, dans mon contrat de vente, dans mon compte rendu. Nous lui répondrons : Il est vrai qu’il a été aisé de vous deviner. Votre projet n’a jamais été d’amener à Paris une rivière, mais bien de vous servir de ce prétexte pour une simple spéculation de finance. Aussi, n’avez -vous considéré pour rien ni les obstacles, ni les dangers d’un projet que vous avez jugé vous-même ne pouvoir jamais réussir. Aussi, en avez-vous bien, comme nous vous l’avons dit plus haut, rejeté le fardeau tout entier sur des actionnaires dont vous avez fait sciemment des dupes. Vous avez inondé la ville et les provinces de vos prospectus, de vos lettres aux notaires, d’après lesquels on a pu vous juger. Les avantages que vous y promettez sont, on peut le dire, de la charlatanerie toute pure (1). Vous y avez mis le comble par votre compte rendu (2); vous vous y êtes développé avec une vérité qui est précieuse. Vousnousdites franchement, ce dont nous aurions cherché la preuve, que vous n’avez été réellement autorisé à entamer vos travaux que le 5 novembre dernier; que, cependant, sous six semaines, ils peuvent être mis à fin. Quelle en est la conclusion? C’est que, d’après dans les réservoirs des moulins pendant quelques heures, pour y former ce qu’on appelle une écluse, s’y putréfient et deviennent infectes. (1) On ne se donne pas la peine de se livrer à une discussion sérieuse des prospectus et autres feuilles volantes du sieur Defer. Les avantages qu’il y présente sont si ridicules et si exagérés, qu’il a suffi de les lire pour s’en convaincre. 11 s’obstine toujours à en fatiguer le public, et à lui prouver de plus en plus son embarras par ses répétitions et par ses prétendues facililés, qui sont les combinaisons ordinaires d’un homme aux abois. Cela finit par ennuyer et par détromper ce public, qui s’aperçoit, enfin, qu’il a été trop crédule. (2) Nous y lisons, dans ce compte-rendu, les frais de bureaux et faux frais .................... 45,729 fr. Et puis, nota, dans ces frais sont compris les honoraires de l’admini'trateur général. Il faut convenir que le sieur Defer ne s’est pas oublié. Il faut ajouter que sur des dividendes de 50 francs qu’il a payés à ses actionnaires (on devine que c’est pour les déterminer à lui payer 100 francs, montant de leur soumission annuelle), il s’est retenu 6 livres 6 sous pour les droits qu’il lui avait plu de se fixer, et 12 p. 0/0, pour les droits de sortie et entrée des fonds dans sa caisse. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 309 vous-même, vous avez entrepris, depuis plus d’un an, des travaux gui n’étaient point autorisés; que vous avez envahi sans autorisation; que vous avez pris sans payer, ou du moins que vous avez payé peu et beaucoup pris. En dernière analyse , résumons-nous. Quels sont donc les avantages du projet du sieur Defer? Us ne tournent qu’à son profit, qu’au profit d’un spéculateur qui trompe et le gouvernement et le public; qui vend, par contrat, une propriété imaginaire qu’il n’a jamais acquise, qui s’érige en administrateur général d’une entreprise, en rejette le fardeau, les risques, périls et fortune sur d’autres; se fixe des appointements, s’alloue des droits, des retenues et des dépenses qui égalent, à peu de 'chose près, le prix de ses prétendues acquisitions, dont encore il ne justifie pas. Et ce serait pour une pareille et si odieuse spéculation de finance, qu’on dépouillerait de vrais propriétaires, qu’on ruinerait un faubourg entier, trente mille de ses habitants, toutes les branches d’un commerce immense; qu’on sacrifierait la manufacture royale des Gobelins et toutes les autres (1); seize moulins à farine qui approvisionnent Paris et ses environs; qu’on perdrait les prairies, les plus belles propriétés, qui sont arrosées et vivifiées par les eaux de la Bièvre, dans son cours actuel, pour les jeter dans un canal qui, par une déperdition perpétuelle, dégraderait des propriétés non moins précieuses! Ce serait pour favoriser une entreprise de cette nature, qu’on exposerait des villages entiers, deux faubourgs imnjenses de Paris, à être détruits dans leurs fondements par les eaux qui les dégraderaient, et feraient forcément crouler les édifices énormes qui sont supportés par les piliers des carrières, par ceux des rues, que tout le monde sait être creusées, et se prolonger jusqu’au centre de ces deux vastes faubourgs ! Ce serait pour donner à. leurs habitants une marque de protection, pour leur procurer une jouissance de plus, que leurs propriétés, leur vie même, la sûreté publique seraient compromises à un tel point, et d’une manière aussi certaine et aussi inévitable! Ce serait avec un arrêt du conseil, rendu sur la seule requête du sieur Defer, dans des circonstances aussi épineuses et aussi délicates, sans information de commodo ni incommodo, sans lettres patentes, qu’on anéantirait des arrêts rendus en connaissance de cause, sous le ministère de Colbert, revêtus de toutes les formalités qui constituent l’autorité du souverain, de la loi et de ses ministres, accompagnés de lettres patentes vérifiées après les informations les plus authentiques, ce serait, disons-nous, avec l’arrêt que le sieur Defer a surpris, qu’il opérerait la ruine de tant de citoyens ; qu’il compromettrait, en même temps, leur existence et. leur propriété; qu’il ferait éprouver à l’Etat des pertes énormes; qu'on verrait, en un instant, s’évanouir et disparaître tout ce que le gouvernement, les lois, et les temps ont sanctionné ! Non, l’illusion n’a que son période. Le sieur Defer et son projet rentreront dans le néant dont ils n’eussent jamais dû sortir. 11 faut reconnaître que le sieur Defer en a imposé au Roi, à ses ministres; au public, et s’en est imposé à lui-même, en se démasquant et (1) Il faudrait aussi détruire la manufacture de Jouy, qui emploie un grand nombre d’ouvriers, et cela parce que ses teintures colorent fortement les eaux de la Bièvre, même jusqu’à Paris, lors des basses eaux, et particulièrement en été. avouant ouvertement, par son compte rendu, ses impostures. Les vérités, qui doivent l’anéantir, lui et son projet, sont trop frappantes pour qu’on doive y insister davantage. Le gouvernement, ainsi éclairé, est trop sage pour ne pas rendre le calme et la tranquillité aux citoyens, à qui il doit protection et sûreté. Post scriptum. — Les circonstances nous ont forcés à donner promptement ces observations, et n’ont pas laissé le temps d’achever le procès-verbal commencé en exécution des arrêts de la cour, qui, resté suspendu, ne constate que les entreprises du sieur Defer jusqu’à Arcueil, et ne renferme que les plaintes des habitants des campagnes jusqu’à cet endroit. Que serait-ce, s’il était continué de là jusqu’au faubourg Saint-Marcel, et dans toute l’étendue de ce faubourg; si on eût pu y consigner, par des détails circonstanciés, la vive émotion, les craintes des trente mille habitants qui y sont renfermés ; les entendre s’expliquer, chacun, sur la valeur, sur l’ importance de leurs propriétés, sur les pertes qui les ménageraient, soit pour leur commerce, soit pour leur existence, si ce procès-verbal était complet ? Le tableau étonnerait en même temps, et exciterait l’indignation la mieux méritée contre cet être enfanté par la cupidité, qui est l’artisan de toutes leurs sollicitudes. Signé Moinery; Poilleu et Jean-Edme Huguet, tous trois syndics en exercice à la conservation des eaux de la rivière de Bièvre, dite des Gobelins, et, en cette qualité, représentant tout le faubourg Saint-Marcel, et, en outre, chargés des pouvoirs des propriétaires, riverains et intéressés ci - après nommés : MM. Bochard de Cham-pigny, chanoine, agent des affaires du chapitre de l’Eglise de Paris ; Giron, chanoine, chambrier de Saint-Marcel ; Maury, ayant charge du séminaire de Saint-Sulpice ; Vitallis de Migneaux, syndic municipal de Verrières ; Vallier, syndic municipal d’Antony; Lullier, avocat, représentant les héritiers Moulinet ; de Rubigny de Berte-val ; Antoine Gautier ; veuve Fremin et fils; Charles Dorignv; Guyet ; Colombier ; Berton ; Lefèvre; Prévôt, pour M. Gayard; Ballin; Vérité; Bedel; Héry; Goronat; Descroisette, pour M. Lahay ; Planche ; Courtois ; Thevenin ; Souhart , pour M. Pandolphe; Flamet; Douvre ; Giret ; Lecomte; Roland Huguet; veuve Floquet ; Legrand ; Boc-quet, pour M. Macé; Delarue; Paulet; Menégault; Huvet; Grillon; Larralde; Petit; Proux; Lebeau fils; Chartier ; Egret ; Poivret ; Augu ; Museulanee;Cam-bault; Lebeau père; Gorbet, Moussier fils, pour M Lefèvre ; Mathey ; Guinot, pour la dame Terrassin, tutrice de son fils; L’Evéque; Magnan; Gautier; le jeun»; Chevalier, Martin; JeanBaptiste-Vincent Duc; de Renusson; veuve Meret, et Bertrand. Il y a encore un nombre infini de propriétaires et intéressés, qui tous sont également réclamants contre l’exécution du prétendu projet de l’Yvette. CAHIER Des plaintes , doléances et vœux des habitants de la paroisse d’ Arcueil et du hameau de Cachan en dépendant , arrêté en l’assemblée générale de ladite paroisse , convoquée au son de la cloche, et tenue aujourd’hui lundi 13 avril 1789; lesquels plaintes, doléances et vœux ont été rédigés ainsi qu’il suit |1). La commune d’ Arcueil s’en rapporte à l’assem-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.