[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ] 1793 1 21 Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (1). Plusieurs citoyennes demandent à être ad¬ mises à la barre : TJn membre faic la lecture de leur pétition elle tendait à prier la Convention de ne rien décider sur le port des bonnets rouges sans les avoir entendues. « Souvenez-vous, est-il dit dans la pétition, qu’une femme a causé les malheurs de la France et qu’elle vient d’expier-ses forfaits. » Maribon-Montaut observe qu’il ne s’oppose point à l’admission des pétitionnaires; mais il pense que ce n’est point à la Convention à décider si les femmes porteront [ou non le bonnet rouge. Les femmes pétitionnaires sont admises à la barre. De même membre qui avait fait part de la pétition annonce qu’elles n’ont rien autre chose à dire, qu’elles viennent entretenir la Convention d’un fait qui s’est passé hier dans la ci-devant église de Saint-Eustache : des femmes, se disant jacobines et portant le bonnet rouge, ont pré¬ tendu forcer quelques citoyennes à les imiter : celles-ci s’y sont refusées ; de là une rixe. Ni ces femmes ni votre comité de sûreté générale, continue le même membre, ne s’opposent à ce que les jacobines portent le bonnet rouge, en signe de liberté; mais elles veulent être libres de se coiffer comme elles l’entendent. Tel est l’objet de leur pétition. Le Président répond aux pétitionnaires : La Convention ne peut qu’applaudir à votre sollici¬ tude pour tout ce qui peut troubler l’ordre public et porter atteinte à la liberté individuelle. Elle prendra en considération l’objet que vous lui présentez. (On applaudit.) Les pétitionnaires entrent en applaudissant, et s’asseyent dans une partie de la salle en criant : Vive la nation! Maribon-Montaut. J’observe que les femmes qu’on prétend s’être portées dans les mar¬ chés pour contraindre les autres à prendre le bonnet rouge, ne peuvent pas dire que jamais il ait été question aux Jacobins de prendre une pareille mesure. C’est donc mal à propos qu’on nomme jacobines ces femmes-là. Il semble qu’on voudrait tourner ainsi en ridicule les délibéra¬ tions des Jacobins, qui, depuis que la patrie est en danger, s’occupent uniquement de la discus¬ sion des grandes mesures de salut public. Si plusieurs d’entre nous qui sont aussi membres des Jacobins se trouvent ici, ils pourront vous attester la même chose que moi. Le Président. Le comité de sûreté générale est déjà instruit de cette affaire. Amar est chargé du rapport; je pense que la Convention voudra l’attendre. Fabre d’Ëglantine. Après qu’on a voulu exciter des troubles dans Paris, par le moyen de la cocarde nationale, troubles que votre décret étouffa dans leur source, on tente aujourd’hui de les renouveler et l’on prend pour prétexte le bonnet rouge. Prenez bien garde qu’après avoir (1) Journal des Débats el des Décrets (brumaire an II, n° 406, p. 115). Voy. d’autre part ci-après, annexe n° 1, p. 33 , le compte rendu de la même discussion publié par divers journaux. obtenu un décret sur ce dernier objet, on ne s’en tiendra pas là; on viendra vous demander la ceinture, puis les deux pistolets à la ceinture ; de manière que cela coïnciderait parfaitement avec les mesures des malveillants sur le pain. Vous verriez des files de femmes aller au pain comme on va à la tranchée. Défions-nous-en, citoyens. C’est encore un moyen de nos enne¬ mis. Pour causer du trouble, ils ont imaginé d’attaquer l’objet le plus-précieux aux femmes, leur ajustement; et après le leur avoir dérobé, ils leur mettraient sans doute à la main des armes dont elles ne savent pas se servir, mais dont les mauvais sujets se serviraient fort bien. Ce n’est pas le seul germe de division sur lequel vous deviez fixer vos regards; il s’est formé aussi des institutions ou des coalitions sous le nom d’institutions, qui doivent les attirer. J’ai observé que les commissaires am¬ bulants et très actifs de ces coalitions n’étaient point des femmes occupées du soin de leurs ménages, des mères inséparables de leurs en¬ fants, ou des filles qui travaillent pour leurs parents ou prennent soin de leurs plus jeunes sœurs; mais c’est une sorte de chevaliers errants: ce sont des filles émancipées, des grenadiers femelles qui se répandent partout et causent des troubles dans la ville. Votre comité de sûreté générale est dépositaire d’un grand nombre de rapports sur cet objet. Je demande deux choses dont l’une est très urgente, parce que les femmes à bonnets rouges sont actuellement dans la rue, je demande donc 1° que nul ne puisse contraindre un citoyen ou une citoyenne à se revêtir autrement qu’il voudra; 2° que séance tenante, s’il se peut, le comité de sûreté générale fasse un rapport sur les Sociétés révolutionnaires fraternelles de Paris et y ajoute les documents très précieux qui lui ont été remis à cet égard. Ce discours a été souvent interrompu par de vifs applaudissements. Un membre : Je demande à annoncer à la Convention que le vœu de Fabre a été devancé par le comité de sûreté générale. Cette nuit, sur le rapport de ce qui s’est passé à Saint-Eustache, il s’est occupé de l’objet dénoncé par Fabre. Il l’a discuté avec le zèle qui le caracté¬ rise et surtout avec le zèle qui l’anime pour la liberté. Uu rapporteur est chargé de vous entretenir à ce sujet, et l’on vous fera, séance tenante, un rapport sur les institutions connues sous le nom de Sociétés fraternelles de femmes. (On applaudit.) Le Président. Il paraît naturel d’ajourner la proposition de Fabre jusqu’au rapport d’Amar. Charlier. Il n’est pas besoin du rapport d’un comité pour consacrer le principe énoncé par Fabre. Je demande qu’on aille aux voix. (Vifs applaudissements.) Fabre répète sa proposition. Sergent. Citoyens, elle a trop de latitude, cette proposition. Si vous l’adoptiez ainsi sans restriction, vous verriez, dans les pays où le fanatisme vient d’être éteint, des prêtres re¬ paraître avec leur costume que vous avez proscrit. (Applaudi.) Clauzel. Je propose de rédiger ainsi la loi-Chacun pourra s’habiller conformément à son sexe, sans préjudice des lois précédemment 22 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �ramaire anll rendues à cet égard; et nul ne pourra contrain¬ dre un citoyen ou une citoyenne à s’habiller autrement qu’il lui plaira sous peine d’être poursuivi comble perturbateur du repos pubbc et personnne suspecte. Fabre présente sa rédaction; elle est adoptée en ces termes ; ( Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d'après le procès-verbal.) Rom me fait un court rapport sur le jugement des concours pour les prix de peinture, d’archi¬ tecture et de sculpture ..... On discutait : une des citoyennes présentes à la séance demande la parole. On décrète qu’elle descendra à la barre; elle y descend et, au nom de ses compagnes, elle demande l’abobtion de toutes les Sociétés parti¬ culières de femmes. On demande l’ordre du jour. Bourdon (de l'Oise) observe que le comité de sûreté générale est chargé de faire un rapport à ce sujet. Il demande T ajournement jusqu’à ce rapport. La Convention ajourne la décision jusqu’au rapport du comité de sûreté générale. Une députation des Amis de la liberté et de l’égalité est admise à la barre; elle présente une pétition tendant à accélérer les jugements du tribunal révolutionnaire sur les traîtres et ceux qui ont conjuré contre fl’unité et l’indivisibilité de la République, et à débarrasser lè tribunal des formes qui en entravent la marche. Après une discussion assez étendue, la Con¬ vention rend le décret suivant : « La Convention nationale, sur la pétition de la Société des Amis de la liberté et de l’égalité, convertie en motion (1), décrète ce qui suit ; « 1° Si un procès pendant au tribunal révolu¬ tionnaire a duré plus de trois jours, le président du tribunal est tenu de commencer la séance suivante en demandant au jury si sa conscience est suffisamment éclairée; « 2° Si les jurés répondent non , l’instruction sera continuée jusqu’à ce que le juré ait fait une déclaration contraire; « 3° Si le jury répond qu’il est suffisamment Instruit, il sera procédé sur-le-champ au juge¬ ment; « 4° Le président ne pourra permettre aucune réclamation contraire aux dispositions de la pré¬ sente loi; « 5° La Convention renvoie à son comité de législation pour être fait rapport demain sur la partie de la pétition tendant à diminuer' les formes qui entravent les opérations des tribu¬ naux criminels extraordinaires; (1) L’auteur de la motion est Osselin, d’après la minute du décret qui se trouve aux Archives natio¬ nales, carton C 277, dossier n° 722. « 6° La Convention décrète que le présent décret sera à l’instant expédié et envoyé au président du tribunal criminel extraordinaire (1). » Compte rendu du Moniteur universel (2). On admet à la barre une députation de la société des Jacobins. Audouin, orateur de la députation. Citoyens représentants, toutes les fois que la société des amis de la bberté et de l’égabté a des alarmes, elle vient les déposer dans votre sein. Ne vous en étonnez pas. Depuis que ses ennemis ne sont plus dans vos rangs, ici comme aux Jacobins, nous sommes au müieu des amis de la bberté et de l’égabté. Vous avez créé un tribunal révolu¬ tionnaire chargé de punir les conspirateurs, Nous croyions que l’on verrait ce tribunal dé¬ couvrant le crime d’une main et le frappant de l’autre; mais il est encore asservi à des formes qui compromettent la bberté. Quand un cou¬ pable est saisi commettant un assassinat, avons-nous besoin pour être convaincus de son forfait de compter le nombre des coups qu’il a donnés à sa victime? Eh bien ! les déhts des députés sont-ils plus difficiles à juger? N’a-t-on pas vu le squelette du fédérabsme? Des citoyens égor¬ gés, des vibes détruites, voilà leurs crimes. Pour que ces monstres périssent, attend-on qu’ils soient noyés dans le sang du peuple? Le jour qui éclaire un crime d’État ne doit plus luire pour les conjurés. Vous avez le maximum de l’opinion, frappez. Nous vous proposons : 1° de débarrasser le tribunal révolutionnaire des formes qui étouffent la conscience et empêchent la conviction; 2° d’ajouter une loi qui donne aux jurés la faculté de déclarer qu’ils sont assez instruits; alors, et seulement alors, les traîtres seront déçus, et la terreur sera à l’ordre du jour. Osselin. U y a dans cette pétition deux par¬ ties essentielles et séparées. La première tend à débarrasser le tribunal révolutionnaire des for¬ mes qui retardent sa marche. CeUe-ci doit être renvoyée à l’examen du comité de législation. La seconde tend à décréter que les jurés pour¬ ront, quand leur conscience sera assez éclairée, demander que les débats cessent. Cette partie n’a pas besoin d’examen, ebe est claire et pré¬ cise. Je la convertis en motion, et je demande qu’ebe soit décrétée. La proposition d’Ossebn est adoptée. Osselin. Je demande que ce décret soit en¬ voyé de suite au président du tribunal révolu¬ tionnaire. (Adopté.) Osselin présente la rédaction du décret rendu sur la pétition de la société des Jacobins (3). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 195. (2) Moniteur universel [n0 39 du 9 brumaire an II (mercredi 30 octobre 1793), p. 159, col. 3 et p. 160, col. 1]. Voy. d’autre part ci-après, annexe n° 2, p. 35, le compte rendu de la même discussion publié par d’autres journaux. (3) Nous avons pu retrouver aux Archives natio¬ nales, carton C 277, dossier 729, la première rédac¬ tion présentée par Osselin. La voici : « Sur la pétition de la Société des amis de la liberté et de l’ égalité convertie en motion, « La Convention nationale décrète ce qui suit î b Le jury du tribunal révolutionnaire créé par le