630 [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 décembre 1789.] blés le produit entier de l’impôt des privilégiés, il se trouvera que, dans le même espace de temps, ils auront joui d’une forte réduction sur leur taille ordinaire; ils auront payé le sel, les uns à moitié, les autres au quart de l’ancien prix, les autres en franchise absolue, et que dans plusieurs lieux, par des excès, suite d’une fausse espérance, ils n’auront point payé de droits d’aide. On ne passe pas aisément d’une exemption considérable à de nouveaux assujettissements; il est donc essentiel d’éclairer promptement les peuples sur les rapports durables de leur contribution avec les besoins de l’Etat, afin qu’ils ne se livrent pas à des calculs dont le dérangement les rendrait malheureux. Vous allez avoir de grands moyens pour tout, Messieurs, par rétablissement d’administrations provinciales que vous avez si soigneusement concertées. Le Roi réfléchit déjà, avec une satisfaction digne de son cœur, à tout le bien qu’elles pourront faire à ses peuples, si, comme on doit l’espérer, elles s’établissent avec ordre et avec tranquillité, et si, comme vous le penserez après avoir écarté les défiances du temps présent, défiances que les dispositions naturelles d’un excellent Roi doivent vous aider à dissiper, vous mettez votre ouvrage sous la protection effective du monarque, en ne perdant jamais de vue qu’il faut un point de réunion à tant de parties éparses, et en vous souvenant qu’il n’est rien de constamment durable, sans unealliance d’amour, de confiance et de bonheur, entre toutes les forces qui doivent veiller sur la destinée et sur la gloire d’un grand empire. Plusieurs membres demandent l’impression du mémoire de M. Necker. — L’impression est ordonnée. M. le Président, M. Lecouteulx de Canteleu a la parole pour faire le rapport des commissaires nommés pour l'examen des projets de banque, et conférer , à leur sujet, avec le premier ministre des finances, et les administrateurs de la caisse d'escompte. M. Ijecouteulx de Canteleu, député de la ville de Rouen (1). Messieurs, vous nous avez chargés d’examiner le projet de banque qui vous a été proposé par M. de Laborde, de le comparer avec l’ensemble des projets qui vous ont été présentés par le premier ministre des finances, de conférera ce sujet avec ce ministre, et avec les administrateurs de la caisse d’escompte. Nous n’avons rien négligé pour justifier la confiance dont vous nous avez honorés, nous n’avons pas cessé de nous livrer au travail dont vous nous avez imposé la loi; les conférences que nous avons eues ont été longues et multipliées, nous y avons appelé des personnes éclairées, qui ne tiennent pas à la caisse d’escompte; nous avons cherché la lumière de toutes parts, et discuté toutes les opinions avec le soin, et même le scrupule que vous aviez droit d’exiger de nous. Les principes qui ont été professés dans cette Assemblée sur l’organisation des banques publique, et particuliérement sur la caisse d’escompte ont constamment guidé votre comité dans ce long travail. Mais il a dû en même temps se mettre sous les yeux la pénible position où se trouve actuellement le Trésor public, et saisir d’un coup d’œil assuré les besoins de l’année 1790. (1) Le Moniteur ne donne qu’une faible partie du rapport de M. Lecouteulx de Canteleu. Il a reconnu qu’on ne pouvait plus compter sur les secours du crédit, et que la trop grande émission d’un papier dont le cours serait forcé pour un temps indéterminé, sous quelque dénomination que ce soit, pourrait compromettre définitivement la fortune des particuliers, et s’opposer à jamais au retour de la confiance. 11 n’a pu sempêcher de convenir néanmoins qu’en attendant l’établissement complet et paisible de la nouvelle organisation du royaume, le remplacement des impôts qui seront supprimés, la perception bien assurée des revenus publics, il ne fallait exiger aucun des moyens dont on pouvait faire usage pour continuer provisoirement le service du Trésor national. C’est après avoir senti l’importance de ces différentes considérations, que le comité a examiné le plan du premier ministre des Finances, et a comparé les moyens, qu’il présente à ceux offerts dans le plan deM. de Laborde. Le comité ne croit point devoir analyser ces deux plans; ils sont assez connus, il ne doit en présenter que les résultats. 11 faut d’abord séparer du plan de M. de Laborde ce qui n’en fait pas essentiellement partie sous le point de vue vers lequel le comité s’est particulièrement dirigé ; celui de trouver avec convenance pour le Trésor national, et avec le moins d’inconvénients pourla chose publique, les secours dont on a besoin. Toules les dispositions qui peuvent tendre à des réformes importantes et nécessaires dans la comptabilité actuelle, doivent se faire dans tous les cas, et pourront s’appliquer à la caisse nationale aussi bien qu’à la banque. Le comité a d’abord observé que M. de Laborde en supposant les fonds de la nouvelle banque, dont il a conçu le plan, réalisés au premier avril, ne doit retirer de la circulation que dans le cours de trois mois les 90 millions de billets de la caisse d’escompte que le Trésor royal aura répandus dans le public, au premier janvier prochain, et qui constituent les avances qui lui auront été faites successivement contre des délégations sur la contribution patriotique, et que M. de Laborde propose lui même d’ordonner que jusqu’au premier avril les billets de la caisse d’Escompte qui ne seraient pas retirés par la banque, continuent d’être reçus comme comptant dans toutes les caisses publiques et privées. Ce comité a ensuite observé que les fonds de cette nouvelle banque exigeaient un emprunt de 200 millions au moins, et plus vraisemblablement de 300, parce qu’il faudrait le consentement des actionnaires de la caisse d’escompte pour fondre leur capital dans celui de la nouvelle banque, qui ne présenterait pas à ses actionnaires un intérêt de leurs fonds, assuré dans une proportion égale à celui dont jouissent les actions de l’ancienne. Et votre comité a remarqué que si, d’un côté, la loi impérieuse des circonstances fait fléchir M. de Laborde sur la sévérité des principes qu’il a établis, puisqu’il propose lui-même de proroger l’état de sur-séance donné à la caisse d’Escompte jusqu’au 1er avril, de l’autre cependant il ne vous retire pas de l’incertitude dans laquelle vous êtes sur la réalisation des fonds capitaux qui doiveut, dans l’un ou l’autre plan, réduire ou améliorer la circulation des billets de caisse. 200 millions, et encore plus 300, sont plus difficiles à réaliser que 50 ; cette difficulté augmente, lorsqu’en résultat les cinq sixièmes du capital doivent être versés entre les mains du 1 gouvernement, ainsi que le propose M. de Laborde. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 décembre 1789.] 631 Votre comité à observé que la combinaison de laisser encore trois mois de vie à l’ancien établissement, n’est évidemment qu’une condescendance forcée pour éviter le danger d’un retrait subit des éléments de la circulation actuelle; qu'elle fait craindre une illusion à laquelle il ne convient pas de sacrifier le crédit dont jouit encore la caisse d’escompte, et la confiance d’habitude que le public a pour ses billets, comme cela pourrait arriver par la comparaison non raisonnée qui pourrait être faite entre la caisse qui payerait à bureau ouvert sur une petite émission de billets, et celle qui, sur une grande émission, ne payerait que partiellement. votre comité a reconnu que le succès de la banque proposée par M. de Laborde, considérée comme banque de secours, tenait principalement à la supposition que la totalité de ses actions serait débitée, puisque si, au lieu d’en placer 75,000, il ne pouvait en rendre que 60,000, il s’en faudrait de 10 millions qu’il ne pût effectuer au Trésor public le dépôt qu’il a offert, et qu’il n’aurait pas un denier pour faire l’escompte ; c’est-à-dire que la nouvelle caisse d’escompte n’existerait pas, et que cependant l’ancienne serait décriée et détruite. Enfin, occupé comme vous de l’intérêt des finances de l’Etat, votre comité a encore observé ue la nouvelle banque, eût-elle complètement ébité ses actions, ne pourvoirait pas aux 80 millions dont le Trésor royal a besoin pour les dépenses extraordinaires de 1790, et qui doivent compléter les 170 millions de secours qui vous ont été demandés par le ministre. M. de Laborde, partant du principe, que le plus puissant des agents est une bonne circulation, n’a porté des vues que vers elle, et avait espéré que le rétablissement de la circulation pourrait fournir des ressources suffisantes; mais votre comité a jugé que l’on ne pourrait pas mettre au hasard dé si grands intérêts, et qu’il y aurait de l’imprudence à se fier uniquement à ces ressources éventuelles. D’après ces différentes considérations, votre comité a été naturellement conduit à reconnaître la nécessité de maintenir et de conserver la caisse d’escompte pour ne pas compromettre les secours publics et particuliers qu’on peut en obtenir; mais alors il a dû examiner plus sévèrement le plan du premier ministre des finances, et se rendre compte de l’objection principale qui a été faite contre l’émission d’un papier qui ne serait pas payable à vue : il a dû alors se pénétrer des rincipes qui ont été professés dans cette Assem-lée, et plus particulièrement développés dans les discours et les opinions de M. le comte de Mirabeau, de M. l’évêque d’Autun et de M. de Laborde; Votre comité a dû examiner si, en adoptant les différentes dispositions que propose le premier ministre des finances, les billets qui seraient successivement répandus dans le public auraient en effet tout le caractère du papier-monnaie. Une simple réflexion a singulièrement affaibli, aux yeux de votre comité, les objections qu’on a faites sur la prolongation de l’état où se trouve la caisse d’escompte. Tout le monde est d’accord sur les principes, mais l’application nous en a paru1 trop sévère dans les circonstances. Il n’y a pas de doute, ainsi que l’observe M. de Laborde, que la base de la confiance du public dans les billets de banque, est la persuasion que les fonds de là banque sont tellement employés, qu’elle pourra toujours les réaliser de manière à faire face aux demandes qui lui seront faites. Mais serait-il déraisonnable de dire que ceux quiont reçu ces billets depuis le mois de juin 1789, n’ont pu être induits dans la confiance que la caisse d’escompte était en état de payer ses engagements à présentation; que depuis cette époque il a suffi pour accréditer ses billets dans les mains de ceux qui en sont devenus porteurs, que leur valeur entière se trouvât déposée à la caisse, et qu’il n’y aurait rien à perdre pour eux, même dans un état de liquidation. Votre comité a pensé, Messieurs, que ce raisonnement aurait plus de force à l’égard de ceux qui ont reçu directement ces billets du Trésor royal. Personne n’ignore aujourd’hui qu’il n’a pu subvenir aux besoins les plus pressants de l’Etat qu’en faisant ses payements en billets de la caisse d’escompte. Si les créanciers directs du Trésor royal avaient été bien inquiets sur la valeur et le remboursement final des billets de caisse qui leur ont été donnés en payement, convaincus, comme ils ont dû l’être, qu’il n’y avait aucun moyen de les payer autrement, ils pouvaient et peuvent encore échanger ces billets contre des engagements du Trésor royal, à un terme moins indéterminé. Cet échange, en même temps qu’il tranquilliserait leurs inquiétudes, serait un acte de confiance patriotique dans le Trésor public, qui aurait un mérite très-honorable dans les circonstances présentes. D’ailleurs il n’est peut-être aucun porteur des 114 millions de billets actuellement en émission, qui, soit à raison des 9 millions que cette caisse paye en éeus par chaque mois, soit à raison de la facilité qu’ils ont individuellement de réaliser leurs billets en espèces avec une légère rétribution, n’ait donné uue confiance fondée à ces billets. D’ailleurs, on peut soupçonner, Messieurs, avec quelque fondement, que le sacrifice de cette rétribution est enlevé aux propriétaires des billets encore plus par l’effet d’odieuses manœuvres et d’une coupable cupidité, que par celui d’une méfiance publique. Cependant, Messieurs, votre comité a été vivement frappé de la nécessité de donner encore plus de confiance aux billets de la caisse d’escompte, d’ouvrir plusieurs moyens de retirer de la circulation ceux que les besoins publics obligeraient d’y mettre, et d’offrir à leurs porteurs différentes manières de les placer avantageusement. Il a senti profondément qu’en adoptant le projet de M. le premier ministre des finances, il ne fallait pas perdre de vue le but essentiel du travail estimable de M. de Laborde, et remplir ses louables intentions pour donner à la circulation une meilleure base que celle sur laquelle on est forcé de la soutenir aujourd’hui. Votre comité a donc reconnu la nécessité impérieuse de n’accepter, même du zèle des administrateurs et des actionnaires de la caisse d’escompte, que des secours provisoires; de les restreindre autant qu’il serait possible, et de rendre, dans le plus court délai que les circonstances pourraient permettre, la caisse d’escompte à ses fonctions naturelles de banque de secours uniquement destinés au commerce, et aux conditions de son engagement fondamental, de payer toujours à vue et à toute quotité des sommes demandées. Votre comité a pensé qu’il fallait chercher les véritables ressources de la nation chez la nation elle-même; n’employer le service de la caisse d’escompte que jusqu’à ce que vous ayez pu mettre en activité les moyens que vous offrent encore [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 décembre 1789.] m la position et la richesse de l’Etat; ne pas faire dépendre uniquement le salut public de celui d’une banque qui ne pourrait suffire à l’assurer, et sauver au contraire la banque par le bon ordre des finances, par l’étendue, la force et la nature des secours extraordinaires que vous procurerez à celle-ci, par la sagesse et la fermeté des mesures que vous prendrez pour rendre ces secours efficaces et supérieurs aux besoins dont la patrie est assiégée. Ces différentes considérations ont plus particulièrement fixé l’attention de votre comité sur les assignations ou rescriptions qui pourront être délivrées à la caisse d’escompte con tre ses avances. M. le premier ministre des finances vous a dit, Messieurs, qu’il importait aux principes de fidélité parfaite, qui doivent être la règle de conduite d’une nation, que les assignations ou rescriptions sur lesquelles la caisse d’escompte fera des avances au gouvernement, soient dirigées, non-seulement sur un recouvrement réel, mais encore sur un recouvrement dont le produit ne soit, ni engagé par d’autres assignations, ni nécessaire même aux dépenses de l’Etat. 11 vous a proposé, Messieurs, d’instituer une caisse particulière, dans laquelle seraient versés tous les fonds extraordinaires qui proviendront, soit de la contribution patriotique, soit des biens-fonds du domaine royal et des domaines ecclésiastiques dont la vente serait déterminée, soit enfin de la partie des droits attachés à ces deux propriétés, et dont l’aliénation ou le rachat serait pareillement prescrit ou autorisé. Nous vous prions, Messieurs, de ne pas perdre de vue cette caisse d 'extraordinaire, et les moyens d’y verser des fonds considérables, suffisants pour libérer l’Etat, et qui ne soient pas onéreux pour la nation . Cette caisse ne doit pas être bornée à satisfaire aux assignations que vous donnerez en échange des avances de la caisse d’escompte, elle doit pourvoir à des besoins plus étendus et non moins urgents, dont nous avons à vous parler. Nous vous proposerons dans un instant d’accorder toute votre attention à cette sage pensée de séparer nos dépenses ordinaires et durables, de celles qui sont extraordinaires, et qui doivent cesser de pourvoir aux unes, par les revenus réguliers, les impositions et les droits, aux autres par les efforts et les ressources, et de montrer à la nation ce terme où elle n’aura plus besoin de celles-ci. Mais au moment actuel, dans la périlleuse urgence du provisoire qui vous est demandé, Messieurs, par le premier ministre des finances, depuis le 14 novembre, vous ne balancerez pas à conserver encore, pour soutenir l’édifice ébranlé, les appuis dont vous avez fait usage, et vous réunirez contre le danger qui menace à toutes les heures tout ce que vous avez sous la main. Nous nous occuperons donc en premier lieu de cette disposition, et c'est sous ce point de vue que nous vous présentons avec confiance un projet où vous reconnaîtrez les bases du plan du premier ministre des finances, combinées avec les idées ingénieuses de M. de Laborde. Ce projet a été considéré sous toutes ses faces, à un grand nombre de reprises, et tous ceux qui peuvent y concourir ont été consultés plusieurs fois sur tous ses détails. Noos osons vous promettre de leur part la réunion de volontés, qui paraîtront devoir en assurer l’exécution. Nous devons commencer par vous répéter, Messieurs, que si vous consentez à vous servir provisoirement du papier de la caisse d’escompte, vous ne faites autre chose, en retardant l’époque de ses payements, que vous donner à vous-même le temps de vous acquitter vis-à-vis d’elle. Au lieu de créer un papier-monnaie, dont les remboursements ne pourraient s’effectuer que dans plusieurs années, comme il a été proposé par quelques personnes, vous conservez, par une mesure provisoire, l’espérance, et toutes les probabilités d’éviter cette calamité par les moyens efficaces qui ramèneront le crédit et la confiance. Mais ce qui doit vous déterminer, Messieurs, c’est le danger évident de changer totalement, et avec précipitation, les éléments de la circulation d’une ville aussi peuplée, où le calme est nécessaire au succès de vos travaux. La certitude que les billets existants au 1er juillet, seront payés à vue, ne peut manquer d’en soutenir le cours jusqu’à cette époque. Nous n’avons jamais pensé non plus, que l’ur-gence du moment dût vous déterminer à prendre des engagements qui pussent contrarier vos projets ultérieurs sur les finances. La caisse d’escompte ne vous demande ni garantie nationale, ni titre, ni privilège. Voici maintenant, Messieurs, les principales bases auxquelles nous nous sommes arrêtés. _ Vous ordonnerez que les billets de la caisse d’escompte continueront d’être reçus en payement dans toutes les caisses publiques et particulières, jusqu'au 1er juillet 1790, époque qui sera fixée pour la reprise des payements à bureau ouvert, qui ne pourra être retardée par quelque cause que ce soit. Les administrateurs espèrent que le rétablissement du crédit, et le retrait des billets en circulation, leur permettra de devancer ce terme, et iis ne s’arrêteront à aucuns sacrifices pour remplir cet engagement. La caisse d’escompte fournira au Trésor public, d’ici au 1er juillet, 80 millions de billets; ainsi le gouvernement lui devra la somme de 240 millions. Il s’acquittera vis-à-vis d’elle, en lui remettant: 1° 70 millions d’annuités, à 5 0/0 d’intérêt, auxquels on ajoutera la somme convenable pour rembourser le capital en vingt années. 2° 170 millions en assignats, de 1,000 livres, sur le receveur de l’extraordinaire, portant intérêt à 5 0/0, et payables à compter du 1er juillet 1790, à raison de 5 millions par mois; et du 1er janvier 1791, à raison de 10 millions par mois. La caisse d’escompte ayant aujourd’hui 120 millions de billets en circulation, et devant en fournir 80 millions de plus, doit considérer la masse de ses billets comme de 200 millions. Elle en retirera 150 dans six mois, par les moyens suivants : Elle sera autorisée à créer 25,000 actions nouvelles, payables par sixième chaque mois, à compter du 1er jauvier, moitié en argent ou billets de caisse, moitié en effets qui seront désignés. Elle négociera pour 100 millions d’annuités ou billets d’achats, suivant les facilités qu’elle pourra trouver. Enfin, elle s’arrangera, d’une manière ou d’une autre, à retirer de la circulation 150 millions de ses billets. Il n’existera donc plus dans le public, au 1er juillet, que 50 millions de billets; et la circulation, les échanges, les payements ordinaires des banquiers et des négociants employent ordinairement cette somme. 11 faut observer de plus, que l’anéantissement des 150 millions de ces billets aura commencé à rétablir le cours des espèces. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 décembre 1789.] 633 Mais ce qu’il est plus important encore de remarquer, c’est que le décret de l’Assemblée nationale, qui aura fixé le terme de la suspension des billets, et la connaissance des moyens considérables que la caisse aura pour y parvenir, opérera inévitablement une hausse dans les changes. Toutes les traites à trois mois, faites dans l’étranger, à compter du 1er avril, écherront après le l*r juillet, et seront nécessairement payables en écus; ce qui donnera à la caisse des moyens pour faire, dès le Ier avril, les opérations nécessaires pour se procurer une masse de numéraire pour l’ouverture des payements. Le dividende de la caisse sera fixé à 6 0/0. Les bénéfices excédants resteront en caisse pour former un fonds d’accumulation. Lorsque ce fonds sera de 6 0/0 sur le capital, il en sera retiré 5 qui seront ajoutés au capital, et le dividende continuera d’être payé à 6 0/0 sur le nouveau capital. Cette méthode est absolument nécessaire pour détruire toute espèce d’agiotage sur les dividendes, et pour prévenir le désordre que son influence pourrait entraîner dans les opérations de la caisse. Il restera donc dans le portefeuille de la caisse au 1er juillet, 140 millions, tant en assignats qu’en annuités, et 50 millions d’effets royaux. Dans le cours des six derniers mois 1790, elle en négociera la valeur de 25 millions pour faire au 1er janvier 1791, une répartition de 500 livres sur la totalité de ses actions, qui ne seront plus alors que de 3,500 livres recevant toujours l’intérêt à 6 0/0 sur ce capital. La même opération sera répétée quatre fois, et dans deux ans le fonds de la caisse sera réduit à 100 millions comme aujourd’hui; mais il sera divisé en 50,000 actions de 2,000 livres. Si vous décrétez, Messieurs, la vente de 400 millions de biens-fonds, qui va vous être proposée par votre comité, il sera nécessaire qu’elle s’engage à ne point mettre d’autres assignats en émission que les 170 millions donnés à la caisse, jusqu’à ce que celle-ci ait repris ses payements. La concurrence d’une nouvelle émission ne manquerait pas de contrarier la négociation nécessaire pour retirer les billets de la circulation. Voilà, Messieurs, les combinaisons par lesquelles nous avons cru possible de pourvoir aux besoins de l’année prochaine et de ramener à une époque invariable le rétablissement de la circulation des espèces. Elle est bien éloignée, sans doute, mais étant au moins connue, l’imagination inquiète ne pourra plus s’égarer dans le calcul des probabilités. Tel est, Messieurs, le plan auquel votre comité s’est arrêté; les éléments en ont été combinés par M. de Laborde, et il est le résultat de l’accord de la majorité des membres avec toutes les personnes que vous leur avez enjoint de consulter. Vous voyez que, comme projet de banque et d’emprunt, il embrasse toutes les conditions qui peuvent en assurer le succès : emploi utile des effets suspendus, intérêt suffisant pour les acquéreurs d’actions, intérêt modéré pour la nation qui, par toute autre voie, ne pourrait pas se procurer un secours semblable sans une dépense beaucoup plus forte, précautions pour diminuer la surabondance des billets, par le placement avantageux en actions, en annuités, en assignats, qui sera sans cesse offert aux porteurs, selon la variété de leurs vues et de leurs spéculations ; facilité pour la caisse, par les négociations que ces différents effets la mettront à portée de faire dans les provinces et chez l’étranger, de reprendre plus promptement ses payements à bureaux ouverts ; possibilité que cet événement heureux ait lieu avant l’époque indiquée; libération d’un fonds mort à charge à l’Etat, inutile à la banque; remboursement progressif de la moitié des actions , qui ramènera la banque à ses justes bornes. Votre comité croit devoir ici qualifier bien clairement les avances qui seront faites au Trésor public par cette caisse. C’est un emprunt réel de 170 millions. Dans les circonstances actuelles, il n’est pas de votre prudence d’en hasarder vous-mêmes le sort ouvertement. Vous ne voulez pas non plus créer de papier-monnaie ; vous vous servez, Messieurs, d’un intermédiaire. Cet intermédiaire est une association d’individus qui ne vous donnent pas des écus, mais ils vous donnent de bonnes obligations, des billets qui ne peuvent être payés à vue, il est vrai, suivant leur énoncé, parce que 170 millions de valeur que vous donnez en échange exigent nécessairement, en faveur de cet intermédiaire, qui, en réalité, s’en charge à forfait, un intervalle raisonnable pour la négociation de vos valeurs. Yous ordonnerez que ces obligations, ces billets aient cours jusqu’à une époque déterminée, et cependant on ne serait pas fondé à dire que vous donnez cours à un papier-monnaie. Des obligations, des billets donnés par une compagnie qui a 100 millions de fonds pour répondre de ses engagements, et qui se soumet à un accroissement de capital, en proportion des nouvelles avances qu’elle va vous faire, ne peuvent avoir le caractère du papier-monnaie. Des obligations, des billets donnés par une compagnie qui, pour faire face à 200 millions d’engagements, aura incessamment 400 millions de valeurs disponibles , ne peuvent être considérés comme papier-monnaie. Des obligations, des billets donnés par une compagnie inconnue jusqu’à ce jour dans la capitale, dont toutes les forces vont être dirigées par une réunion de moyens, à l’extinction la plus prompte de ses engagements, qui se fait la loi de les payer à vue, au 1er juillet 1790, ces obligations, ces billets, disons-nous, n’ont pas le caractère du papier-monnaie. Elles ne peuvent avoir ce caractère enfin, lorsque cette compagnie en acquitte pour la valeur de 300,000 livres par jour, et qu’elle pourra animer ses payements par le concours des efforts et des moyens de crédit que sa nouvelle association doit produire. Mais toutes ces espérances et tous les avantages que nous promet le plan que nous venons de vous présenter seraient illusoires si vous ne pouviez pas donner un appui solide aux assignats, et si, pour fonder ceux-ci, pour leur assurer la force et l’attrait nécessaires, vous ne faisiez pas usage d’un moyen plus curatif, d’un plus grand remède aux maux dont vous êtes entourés. Vous ne connaissez pas encore, Messieurs, toute l’étendue de ces maux : indiqués vaguement, ils ne vous ont fait qu’une légère impression. Rappelez-vous que M. le premier ministre des finances, dans le mémoire qu’il vous a lu le 14 novembre, vous a prévenu qu’en acquittant les engagements pris avec la caisse d’escompte, le 31 décembre, les besoins de l’année 1789 s’élèveraient à 90 millions, et que les dépenses extraordinaires pour l’année prochaine peuvent être évaluées à environ 80 millions ; mais qu’ensuite il vous a fait considérer plusieurs circonstances 634 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i7 décembre 1789.] qui peuvent rendre ces besoins beaucoup plus considérables. Votre comité croit, Messieurs, qu’il est de son devoir de les développer sans illusion. « Vos besoins seront plus grands, dit le ministre, si les anticipations sur l’année 1790, quoique infiniment réduites, ne pouvaient pas être renouvelées complètement » ; et nous savons que l’on ne peut en renouveler qu’une partie sur la ferme générale, presque aucune sur les autres branches des revenus; et vous désirez, votre comité désire comme vous, que les revenus ordinaires de l’année 1791 soient entièrement libres ; que les anticipations, s’il en avait été fait, soient remboursées aux porteurs par un fonds extraordinaire; qu’un fonds extraordinaire soit appliqué, s’il est possible, à les prévenir. « Vos besoins seront plus grands, si le remplacement de la diminution du produit de la gabelle n’était pas effectué, à commencer du Ier janvier prochain », et nous savons que le produit de cet impôt ne pourra être remplacé entièrement dans les premiers mois de 1790 ; nous savons qu’il en sera de même si vous prononcez la suppression des droits d’aides, et qu’en général toutes les impositions indirectes éprouvent une diminution qui s’étendra nécessairement sur l’année 1790. « Vos besoins seront plus considérables si, à commencer du l*r janvier, l’équilibre entre les revenus et les dépenses n’était pas encore établi dans son entier » ; et vous n’avez pas encore déterminé la somme fixe des dépenses. 11 est possible qu’en les fixant avec la rapidité que le temps vous commande, votre zèle vous livre à des projets et à des espérances d’économie qui ne pourraient être réalisés. Nous ignorons d’ailleurs si l’organisation des assemblées administratives de départements, de districts et de municipalités pourra être assez rapide pour assurer promptement à la nation la jouissance d’un revenu suffisant. « Vos besoins seraient encore plus grands, dit encore le premier ministre, si le payement de l'année ordinaire des droits et des impositions essuyait des retards », et nous savons, Messieurs, que les rôles ont été et seront faits beaucoup plus tard qu’à l’ordinaire. Nous savons même que nos décrets successifs sur cette matière ont contribué à reculer la confection de ces rôles. Evaluez, Messieurs, le revenu dont l’Etat peut être privé par ce retard dans les premiers mois de l’année prochaine, évaluez la perte sur les gabelles et les aides, évaluez les méprises qui peuvent avoir lieu dans le calcul des recettes et des dépenses, évaluez ce que peut coûter le projet salutaire en soi de rejeter les anticipations sur un fonds extraordinaire. Ces évaluations réunies vous présenteront une masse de besoins qui pourront excéder de 200 millions la somme que demande le premier ministre des finances. Joignez-y la nécessité de rapprocher de 33 millions le payement des rentes pour que fia contribution patriotique puisse produire les secours qu’on doit en attendre, et pour que la pénurie universelle du numéraire n’arrête pas le succès de toutes nos combinaisons ; et vous reconnaîtrez, Messieurs, que vos besoins pourraient monter à 300 millions, et vous n’avez dans ce calcul rien pour un fonds d’amortissement, rien pour les dépenses imprévues; cependant c’est sur le fonds �amortissement et sur celui qui doit être consacré aux dépenses imprévues que s’assied le crédit des nations, que s’établissent leur considération politique et leur puissance. Tels sont vos besoins imminents, pesez-les et voyez ce qu’ils ont dû donner d’inquiétude à votre comité. Votre comité, Messieurs, n’a pas perdu courage. Il savait que vous ne le perdriez pas. Il savait que l’engagement qui vous lie est celui de sauver l’Etat. Il savait que les représentants de la nation française auraient aussi promptement calculé leurs ressources que la nécessité qui en commande l’emploi. Il a pensé, vous penserez que, dans cette situation effrayante, vous ne pouvez pas vous arrêter aux palliatifs ; que vous êtes obligés de faire de grandes choses, et que les dispositions provisoires qu’il vous a proposées doivent s’allier nécessairement à celles qu’il sera indispensable d’adopter pour la restauration générale des finances de la nation qui espère en vous. La grande difficulté, Messieurs, de donner un bon plan de finances à un Etat épuisé vient de ce que les fonds manquant aux combinaisons, les projets n’ont plus de base, ou se bornent à rétablir l’ordre dans la comptabilité sans ouvrir aucune nouvelle source de revenus. Votre comité a reconnu avec douleur l’insuffisance, les inconvénients, l’incertitude des ressources qui lui ont d’abord été présentées. Il a tout écouté, tout discuté; l’expression du zèle mérite toujours une attention sérieuse: à plus forte raison quand c’est celle d’un zèle très-éclairé. Nous avons approfondi, Messieurs, l’expédient des suspensions de payement sous les différents déguisements, et avec tous les adoucissements dont elles sont susceptibles. Notre respect pour la justice et pour les principes de l’Assemblée nationale nous a promptement déterminés à rejeter un remède honteux qui serait le pire de tous les maux, qui serait la dernière ressource d’un désespoir dans lequel nous n’imaginons pas que notre nation puisse jamais tomber. Nous avons ensuite examiné la grande question du vrai papier-monnaie qu’on ne cesse d’indiquer à notre zèle comme le plus sûr moyen de régénérer les finances; mais en calculant les effets de ce numéraire fictif qui promet une si prompte abondance, nous avons reconnu qu’il achèverait de resserrer ou d’extraire du royaume son numéraire réel; qu’un papier sans hypothèque et sans terme, qui n’ayant aucune responsabilité immédiate, présenterait le facile expédient d’en étendre à volonté la création, n’inspirerait aucune confiance; que l’opinion n’attacherait aucune valeur à une monnaie imaginaire ; que le crédit ne renaîtrait point du discrédit; enfin, puisqu’il faut prononcer ce mot justement repoussé par votre loyauté et votre patriotisme, que le papier-monnaie n’empêcherait point la banqueroute , mais serait lui-même une banqueroute qui ferait retomber sur tous les propriétaires et sur tous les consommateurs cette calamité si justement redoutée. La confiance dont vous nous avez honorés, Messieurs, nous oblige de mettre sous vos yeux toutes ces fatales conséquences. Ce n’est point en se contentant de parler avec horreur de la banqueroute que l’on parvient à l’éviter : un Etat, comme un particulier, ne s’acquitte point par des systèmes, ni par des protestations de bonne volonté ; on ne paye qu’avec de l’argent ou avec des valeurs. L’argent nous manque, et jusqu’à présent le papier qui en tiendrait lieu n’a aucune base solide ; de sorte que la nation est toujours mena- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 décembre 1789.] 635 cée du désastre que ses représentants veulent éviter. Que faut-il donc faire, dans le moment où nous n’avons point d’argent, où nous n’avons point de crédit, où nous ne voulons, ni ne pouvons continuer d’engager nos revenus, où nous voulons, au contraire, les libérer? 11 faut faire ce que font tous les propriétaires qui ont de la probité et qui se trouvent dans un cas semblable : il faut aliéner les héritages ; il faut en aliéner assez pour n’être plus exposés àceque les besoins impérieux des finances puissent venir encore une fois nous distraire des travaux qui doivent compléter l’établissement et l’organisation de notre constitution. Si les fonds étaient au-dessous des besoins de l’année 1790, ce serait un grand mal, car l’ordre dans les finances ne pourrait se rétablir entièrement ; si, au contraire, vos moyens présentaient quelque excédant, ce serait un grand bien, car votre comité des finances vous a prouvé, dans son dernier rapport, qu’il resterait à cet excédant une foule d’emplois aussi pressants qu’utiles, et la probité, la responsabilité du ministre vous répondent que cet usage utile de l’excédant serait fait : elles vous garantissent des abus. Nous avons à notre disposition deux espèces de biens-fonds. Premièrement, ceux qu’on appelle domaines de la couronne, que l’on regardait autrefois comme inaliénables, quand ils devaient suffire à la dépense de nos rois et de leur famille, et que la raison dit qu’ils sont devenus aliénables dès le moment où la nation s’est chargée de pourvoir avec respect, avec amour, avec abondance, et dans une proportion infiniment plus forte que celle qui serait indiquée par la valeur des domaines, à l’entretien du monarque et de la famille auguste dont tous les princes, selon l’ordre successif que la constitution a établi, ont droit à pouvoir régner un jour sur les Français. Cette ressource, Messieurs, est indiquée par tous les cahiers ; on y lit que les domaines sont aliénables avec l’aveu de la nation, inaliénables sans elle. Un décret peut déclarer l’aliénabilité de ces domaines et en ordonner la vente; mais votre comité doit vous prévenir, Messieurs, que la prudence exige que les forêts en soient exceptées. Dans l’état de rareté où sont, en France, les bois de construction et de chauffage, et après les dégâts qu’ils viennent dernièrement d’essuyer, et que vous avez si sagement senti la nécessité de réprimer par un de vos derniers décrets , les forêts sont un des immeubles les plus précieux de la France et celui dont nous devons le plus désirer la conservation et l’amélioration. Il serait dangereux de les livrer à l’intérêt particulier de propriétaires pressés de jouir; elles doivent être régies par les assemblées administratives de départements et de districts. Votre comité doit vous prévenir encore que les autres biens du domaine de la couronne, quoique très-précieux, sont d’une valeur fort inférieure à la somme qu’exigent les engagements et les besoins extraordinaires de l’Etat. La seconde espèce de biens-fonds que vous avez à votre disposition sont les domaines ecclésiastiques. Vous pouvez disposer d’une partie d’entre eux pour le salut de l’Etat, et l’exemple des siècles passés vous y autorise autant que le décret que vous avez porté sur cette matière. Mais cette opération, dont vous pouvez décréter la disposition principale, demande, pour son exécution définitive, que vous vous conformiez à l’esprit et à la lettre de votre décret du 2 novembre dernier, c'est-à-dire que vous preniez les mesures nécessaires pour subvenir aux dépeuses du culte, à l’entretien des ministres des autels et au soulagement des pauvres, d’après les instructions et les renseignements qui vous seront donnés par les assemblées administratives des départements, et c’est le premier travail que vous devez demander à ces assemblées qui ne sauraient être trop promptement mises en activité. En vous proposant de profiter, à cet égard, de tous les moyens de bienfaisance et d’utilité publique qui vous ont été, et qui vous seront préparés par vos décrets, votre comité ne doit pas vous dissimuler que le sentiment unanime qui, pour sauver la patrie, a fait jeter les yeux sur les domaines ecclésiastiques et sur ceux de la couronne, a été diversement modifié par quelques-uns de ses membres. Il en est qui ont pensé qu’il ne faudrait pas aliéner les biens dont on a la disposition, et dont on n’a point prononcé formellement que la nue propriété appartient à la nation, mais seulement créer et hypothéquer sur eux des annuités. Leurs observations, très-ingénieuses et très-philosophiques, auraient fait la plus grande impression sur votre comité, si le besoin de l’Etat eût été moins urgent. D’autres membres de votre comité ont jugé que pour rendre efficace et prochaine quelque disposition que ce soit des domaines ecclésiastiques, il était nécessaire d’y porter un esprit d’union et de paix; d’intéresser les ecclésiastiques à rendre vos opérations plus promptes et plus profitables, loin de leur laisser aucun penchant à les contrarier ; de faire donc avec eux une sorte de convention amiable, en raison de laquelle le même décret qui disposerait, pour secourir l’Etat de la quantité de biens ecclésiastiques nécessaires à ses besoins présents, disposerait de même des autres biens ecclésiastiques en faveur des bénéfices et autres établissements auxquels ils sont actuellement attribués, et prît l’engagement de ne faire jamais, pour le service de l’Etat, aucune autre aliénation de domaines ecclésiastiques. Ceux de vos commissaires qui ont ainsi envisagé la circonstance actuelle, doivent vous proposer un projet de décret rédigé dans cet esprit. Nous devons vous prévenir que ces membres ont discuté ce décret en professant avec sévérité les principes de notre constitution. Aucun de vos commissaires n’a balancé à établir avant tout, que l’abolition des ordres, et la réunion des individus qui les composaient, sont la base fondamentale de notre constitution ; que tous nos travaux deviendraient illusoires si jamais le système de l’ancienne division de trois ordres pouvait prévaloir. En effet, Messieurs, ce retour n’est heureusement plus possible. Le clergé était intéressé à former un ordre particulier dans le royaume, quand il jouissait d’exemptions ; mais depuis que les privilèges pécuniaires sont abolis, le clergé ne pourrait rien gagner, s’il conservait encore cette vaine prétention; il est intéressé lui-même à ne plus former un corps dans l’Etat. Plus votre comité s’est pénétré de la grande et urgente utilité de la ressource qui lui était proposée, plus il s’est persuadé qu’il est de là sagesse de l’Assemblée nationale d’en préparer l’emploi avec un concert qui peut seul le rendre profitable à l’Etat. Il est donc du plus grand intérêt pour la chose publique que les ecclésiastiques secondent dans ces circonstances FAssemblée nationale, et 636 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 décembre 1789.J vous avez droit de l’espérer de leur zèle patriotique. C’est, ce qu'a pensé la majorité de votre comité qui, remarquant à quel point les divisioos d’ordres sont déjà effacées, et combien l’Assemblée nationale est essentiellement une, a jugé que ses décrets seraient toujours l’expression de la volonté générale, et que, sanctionnés par le Roi, ils ne rencontreraient jamais d’opposition. La seule difficulté qui ait paru mériter l'attention particulière de votre comité, est celle de l'hypothèque déjà établie sur les domaines ecclésiastiques en faveur des créanciers du clergé. Vous déciderez, Messieurs, dans votre sagesse, si vous pouvez lever cette difficulté en déclarant que l’hypothèque de ces créanciers devenus ceux de la nation, et dont la créance générale et particulière qui ne monte pas à 200 millions sera transportée sur les autres biens ecclésiastiques, et y sera suffisamment assise, surtout lorqu’eile a, en outre le gage de ces biens, la garantie de la nation entière qui a étendu cette hypothèque à tous les autres biens et revenus. Quel que soit le parti que vous adoptiez pour la forme, (a nécessité de trouver une ressource extraordinaire n’est pas douteuse, elle est extrêmement instante ; le décret qui doit y pouvoir, suffit pour assurer le salut public. Lorsque vous aurez décidé que les domaines de la couronne, à l’exception des forêts, une quantité de domaines ecclésiastiques, montant jusqu’à une valeur estimée à 400 millions seront mis en vente sous la forme et sous les conditions que vous réglerez incessamment, et que les deniers en seront versés dans la caisse de l’extraordinaire, et applicables aux dépenses extraordinaires de l’année 1790, vous pourrez procurer à la nation la jouissance anticipée de ces valeurs. Il suffira pour cela de créer, sur la caisse de l’extraordinaire, des assignats de 1,000 livres chacun, en quantité suffisante pour égaler le prix de la totalité des ventes que vous aurez jugées nécessaires, et d’attribuer à ces assignats un intérêt de 5 0/0 ; ils pourraient être retirés en cinq années ; leur remboursement serait d’autant plus assuré, que le produit de la contribution patriotique s’y trouverait consacré en entier, et 250 millions de* biens-fonds vendus en cinq années suffiraient avec la contribution patriotique pour qu’il ne restât plus un seul assignat. 11 est possible que les ventes surpassent cette somme; il est même vraisemblable qu’il en sera ainsi, et que le remboursement ne sera pas cinq années à s’effectuer. 11 se ferait le plus communément sans émission de deniers, et sans dépense pour le Trésor royal par la livraison des biens-fonds, dans la vente desquels on mettrait pour conditions qu’ils seraient payés en assignats, en concurrence avec de l’argent.* Vous en donneriez à la caisse d’escompte en échange de billets, par lesquels elle aurait fourni le secours provisoire de 17Ü millions dont 90 pour solder ce qu’elle a fourni à l’Etat en 1789, et 80 pour les premiers mois de l’année prochaine. Le premier ministre des finances a résolu, nous a-t-il dit, « de n’employer cette somme que s’il ne peut pas l’éviter, et qu’avec la plus sévère parcimonie » ; il a désiré, non sans raison, que le cours des dépenses du service public ne fût pas exposé à être interrompu, mais il s’est réservé de ne faire que le plus faible usage qu’il serait possible de la ressource qu’il a demandé à être autorisé à chercher dans la caisse d’escompte. Quant à celui-ci dont on doit louer le zèle, et qui n’a pas besoin d’un vain titre, mais d’un bon gage, sa [créance et celle des porteurs de ses billets une Ibis appuyées sur des propriétés foncières, auraient un degré de solidité, et inspireraient une confiance qui ne pourraient que hâter le rétablissement de la circulation. Vous verriez en même temps les dépenses ordinaires et les recettes ordinaires du Trésor public, que votre comité vous supplie de déterminer incessamment, cesser d’être accablées et dérangées par le poids des dépenses extraordinaires et de l’arriéré; l’état des finances deviendrait clairet intelligible pour tout le monde. L’ordre de comptabilité que M. Dupont vous a proposé le 24 septembre, et que M. de Laborde vous a développé avec de nouveaux détails, et les plus utiles dispositions, pourrait être institué; il mettrait le ministre, le Roi, l’Assemblée nationale à portée de connaître chaque semaine, et s’ils le voulaient, chaque soir, la véritable situation des affaires publiques, le bilan de la nation. Le tout dépend d’établir un parfait équilibre entre les recettes et les dépenses ordinaires, d’en bien séparer l’extraordinaire et l’arriéré, d’appuyer le remboursement de celui-ci sur un fonds ample et assuré, de tenir les comptes tant de l’ordinaire que de l’extraordinaire, comme les négociants et les banquiers font celui de leurs affaires. Ce plan, Messieurs, est d’une telle simplicité; il porte sur une base si solide, que votre comité croit pouvoir répondre du succès. Il a puisé dans vos principes et dans les discussions auxquelles vous vous êtes livrés, la plus grande partie des vues qui l’ont déterminé. L’accord des volontés et des intérêts doivent être, Messieurs, le but de tous les bons citoyens. Notre zèle patriotique doit épargner à l’Etat, nous épargner à nous-mêmes de grands malheurs : la paix et l’abondance n’attendent que vos dispositions et l’expression solennelle de votre volonté, pour consolider et accréditer la caisse que vous .destinez aux recettes et aux dépenses de l'extraordinaire. La capitale et la France entière y ont placé leurs espérances ; il ne peut plus y avoir à balancer entre les malheurs qui naîtraient de nos débats, et les immenses avantages que la paix nous promet. C’est dans cet esprit que votre comité va vous soumettre deux projets de décret, et il désire que son travail ait votre approbation comme son zèle. M. Dupont, de Nemours. Je rappelle la discussion du plan proposé par votre comité et de celui développé par M. de Montesquiou. M. le marquis de Montesquiou vous propose de créer du papier qui durera sept ans, au lieu de papier qui durerait pendant six mois, c’est-à-dire qu’il veut vous guérir de la peur par la mort. Ce papier serait reçu dans les caisses publiques, et pourrait être refusé dans le commerce. Quel désordre ne résulterait pas de cette cause? M. le duc de la Rochefoucauld propose de donner une hypothèque spéciale. Le comité croit que c’est une chose très-utile, et l’a comprise dans la réserve des conditions des ventes, faite par un article du projet du décret. DÉCRETS de l'Assemblée nationale , sur les finances. L’Assemblée nationale a décrété et décrète : 1° Que les billets delà caisse d’escompte continueront d’être reçus en payement dans toutes les caisses publiques et particulières jusqu’au i#r juil-