[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 septembre -1791.] (J21 ce travail, et que n’étant responsable qu’à la nation, nul autre, lorsque j’y renonce, n’aurail le droit de s’en plaindre. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes et cris : Vive le roi 1 ) « Je manquerais cependant à la vérité, si je disais que j’ai aperçu, dans les moyens d’exécution et d’administration, toute l’énergie qui serait nécessaire pour imprimer le mouvement et pour conserver Funité dans toutes les parties d’un si vaste Empire; mais, puisque les opinions sont aujourd’hui divisées sur ces objets, je consens que l’expérience seule en demeure juge. Lorsque j’aurai fait agir avecloyauté tous les moyens qui m’ont été remis, aucun reproche ne pourra m’être adressé; et la nation dont l’intérêt se 1 doit servir de règle, s’expliquera par les moyens que la Gonstitutiou lui a réservés. (Nouveaux applaudissements à gauche et dans les tribunes.) « Mais, Messieurs, pour l’affermi-sement de la liberté, pour la stabilité de la Constitution, pour le bonheur individuel de tous les Français, il est des intérêlssur lesquels un devoirimpérieux nous prescrit de réunir tous nos efforts : ces intérêts sont le respect des lois, le rétablissement de l’ordre et la réunion de tous les citoyens. Aujourd’hui que la Constitution est définitivement arrêtée, des Français vivant sous les mêmes lois ne doivent connaître d’ennemis que ceux qui les enfreignent : la discorde et l’anarchie, voilà nos ennemis communs. « Je les combattrai de tout mon pouvoir ; il importe que vous et vos successeurs me secondiez avec énergie; que, sans vouloir dominer la pensée, la loi protège également tous ceux qui lui soumettent leurs actions; que ceux que la crainte des persécutions et des troubles aurait éloignés de leur patrie, soient certains de trouver, en y rentrant, la sûreté et la tranquillité ; et pour éteindre les haines, pour adoucir les maux qu’une grande Révolution entraîne toujours à sa suite; pour que la loi puisse, d’aujourd’hui, commencer à recevoir une pleine exécution, consentons à l’oubli du passé (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes } : que les accusations et les poursuites qui n’ont pour principe que les évé-ments de la Révolution, soient éteintes dans une réconciliation générale. Je ne parle pas de ceux qui n’ont été déterminés que par leur attachement pour moi : pourriez-vous y voir des coupables? Quant à ceux qui, par des excès où je pourrais apercevoir des injures personnelles, ont attiré sur eux la poursuite des lois, j’éprouve à leur égard que je suis le roi de tous les Français. (Nouveaux applaudissements.) Signé : LOUIS. 13 septembre 1791. « P.-S. — J’ai pense, Messieurs, que c’était dans le lieu même où la Constitution a été formée, que je devais en prononcer l’acceptation solennelle : je me rendrai, en conséquence, demain à midi à l’Assemblée nationale. »(Fi/s applaudissements répétés à gauche et dans les tribunes et cris : Vive le roi! ) M.La Fayette. Je croirais, Messieurs, faire tort aux sentiments qui viennent d’associer l’Assemblée au vœu que le roi nous a témoigné, si je ne me bornais, pour la régularité de la délibération, à proposer le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture du message du roi, qui accepte l’acte constitutionnel, s’associant aux sentiments que le roi a témoignés sur, la cessation de toutes poursuites relatives aux événements de la Révolution, décrète ce qui suit : « 1° Toutes personnes constituées en état d’arrestation ou d’accusation, relativement au départ du roi, seront sur-le-champ remises eu liberté, et toute poursuite cessera à leur égard. « 2° Les comités de Constitution et de jurisprudence criminelle présenteront demain, à l’ouverture de la séance, un projet de décret qui abolisse immédiatement toute procédure relative aux événements de la Révolution. » 3° Il sera également présenté demain un projet de décret qui abolisse l’usage des passeports, et anéantisse les gênes momentanées, apportées à la liberté que la Constitution assure à tous les citoyens français d’aller et de venir, tant au dedans qu’au dehors du royaume. (Toute la partie gauche, une partie du côté droit et les tribunes retentissent d'applaudissements.) (L’Assemblée adopte, par acclamation, le projet de décret présenté par M. La Fayette.) M. Goupil-Préfeln. Je demande qu’une députation de 60 membres se rende sur-le-champ chez le roi pour lui exprimer les sentiments de l’Assemblée et lui présenter le décret qui vieot d’être rendu. À gauche : L’Assemblée en corps ! Tous, tous ! (L'Assemblée, consultée, décrète la motion de M. Goupil-Préfeln.) M. Duport-Dutertre, ministre de la justice , sort de la salle au milieu des applaudissements répétés de la partie gauche et des tribunes. M. d’André. Nous demandons que l’on finisse aujourd’hui l 'affaire d'Avignon. Perdrons-nous encore 7 à 8 jours pour cela? M. l’abbé Maury a été entendu; les commissaires et le rapporteur ont été entendus également : tout le monde a été entendu pour et contre et il me semble que l’Assemblée est suffisamment éclairée. Plus de 20 séances ont été déjà sacrifiées à cette affaire; on pourrait enfin la terminer. M. de Liancourt. Il est impossible que nous prononcions aujourd’hui la réunion d’Avignon à ta France. Indépendamment des grandes questions que vous avez à traiter dans cette importante affaire, vous avez d’abord un point capital à examiner; c’est celui de savoir s’il est vrai que le vœu de la réunion... (Murmures.). Je crois, dans ma conscience, qu’il ne vous est pas prouvé que le vœu de réunion ait été libre. M. Gombert. Eh bien! s’ils réclament contre, on les laissera tranquilles. M. de Liancourt. Je crois que vous n’avez pour vous que la raison de la convenance. Je demande donc qu’avant de décider cette question-là, vous l’ajourniez à 2 jours, en faisant déposer au comité diplomatique les pièces sur lesquelles vous allez discuter; car, encore une fois... (Murmures.) M. Muguet de Hanthou. On n’ajourne pas la guerre civile, Monsieur. M. de Liancourt. Ce n’est pas au milieu de l’agitation produite par la lettre du roi qu’on 622 [Assemblée aationale.] ARCHIVES PARLEÏl ENT AI SES . [13 septembre T791.] peut traiter une affaire d’une importance aussi majeure. J’insiste pour l’ajournement. M. Populos. Je demande que la discussion soit fermée. M. d’André. Si ia lettre du roi n’était pas arrivée j’aurais demandé tout de suite que l’on fermât la discussion; mais pour qu’on ne dise pas que vous vous êtes laissé aller à l’enthousiasme et au premier mouvement qu’a pu exciter cette lettre, je demande que, d’un côté, la députation se rende chez le roi, et que, de l’autre, nous continuions la délibération sur l’affaire d’Avignon. Il est convenable, je le répète, que vous prouviez que vous avez reçu avec sang-froid le message du roi, et que vous avez repris la délibération avec la dignité qui convient à cette Assemblée. (L’Assemblée, consultée, renvoie la suite de la discussion sur l’affaire d’Avignon à la séance de demain.) M. Slarnauilat , secrétaire , donne connaissance des noms des membres de l’Assemblée qui composent la députation chargée de se rendre auprès du roi. Ce sont : MM. Le. Chapelier, d’Aiguillon, Deley-d’Àgier, Démeunier, La Fayette, Darnaudat, Laborde, Clermont-Tonnerre, Alexandre Beauharnais, Barnave, Guillaume, Nonssitou, Lucas (de Gannat), l'abbé Julien, Verchères, Mourot, Pémariin, Bastiat, Dar-keim, Baco, Garat aioé, Garat jeune, Goupil-Prefelo , Ducret, Decretot, Maupassant, Peyruchaud, Ghail-lon, de Coulmiers, Briliat-Savarin, Châteauneuf-Randon, Jarry, l’abbé Bourdon, Giraud, Alquier, U. Darche, Emmery, Ulry, Marquis, l’abbé La Sal-cette, Roussillon, Le Grand, Mestre, Bizart, Gorin, Audier-Massillon, Marandat, Gbristin, Rousselet, Cavailhé, La Marck, Le Déan, Collin, Salles, l’abbé Breton, Kervélégan, Poulain-Boutancoui.t, Dubois-de-Crancé, Gouy-d’Arsy, Lassalle, Goujara, Coche-Jet, Poutrain, Barrère, Huot-Concourt, Girod cadet. (La députation quitte la salle.) M. le Président lève la séance à deux heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 13 SEPTEMBRE 1791. OPINION de M. Slonneron, député de l’Ardèche , sur une création de petits assignats., avec un projet de décret. Avertissement. — Mon dessein était de demander la parole pour lire à la tribune de l’Assemblée nationale l’écrit suivant ; mais, réfléchissant à l’im-mensité des choses qu’elle a encore à faire avant de céder la place à nos successeurs, j’ai dû ne pas lui faire perdre une heure à m’entendre ; en conséquence, j’ai préféré de la faire distribuer au domicile de chaque député. Dans le silence, il méditera mon opinion ; et si l’on présente le projet de décret, il sera adopté, sauf rédaction, sans grande discussion s’il est utile; s'il ne l’est paæ, la question préalable en fiera justice. Paris, le 13 décembre 1791. Messieurs, Sans doute, il est des malveillants dont les efforts plus ou moins nuisibles empêchent que vos décrets ne produisent tous les effets salutaires qu’ils devraient produire ; mais attribuer exclusivement à ces mêmes efforts tous les obstacles qui s’opposent au bien, c’est, je cruis, s’exagérer sur leur influence; c’est ne voir le mal que sous un seul aspect; et c’est par là s’exposer à ne pas découvrir les remèdes convenables pour en arrêter d’abord les progrès, et l’attaquer ensuite dans ses propres racines. Mon but est de demander une création d’assignats de 50 sols, 5 livres, 10 et 20 livres, en remplacement de 2,000 livres, 1,000 livres et 500 livres. Vous jugerez ee changement nécessaire, même indispensable, si je ne suis pas dans l’erreur quant aux principes sur lesquels je me fonde pour faire adopter cette proposition ; mais avant de les établir, il faut que je me livre à des observations générales que j’abrégerai le plus qu’il me sera possible. Les lois prohibitives et pénales seront toujours impuissantes contre les ressources de l’intérêt personnel : ce n'est donc pas avec de pareilles armes qu’il faut l’attaquer. Le langage de la raison serait tout aussi impuissant; les verges du ridicule auraient plus de pouvoir; mais il faudrait nommer les personnes, et je ne veux parier que des vices. Quel parti prendre? Celui d’analyser les combinaisons, que l’intérêt personnel fait tournera son avantage, et lui en opposer d’autres qui mettent, du moins, des entraves salutaires aux progrès du mal, si elles ne peuvent pas tout à fait le détruire. Vous citoyens! vous ennemis de la patrie! vous royalistes ! vous républicains ! vous insouciants I vous inquiets et pusillanimes! Je vous adjure tous de déclarer formellement, si, dans le moment où les assignats ont été créés, il était une autre mesure possible pour entretenir la circulation et sauver l’Etat des dangers de la stagnation ! Répondez sans ambiguïté; aurait-on pu ou non continuer le service public sans les assignats? Si celui-ci eût été interrompu, quel moyen eût-on employé pour empêcher une subversion totale? Sans doute, cette création avait des inconvénients; sans doute, il devait en résulter des effets plus ou moins fâcheux; mais pour les éviter que pouvait-on substituer aux. assignats? Il a donc fallu plier sous le joug de la nécessité, il a donc fallu se pénétrer si bien des avantages de cette création, que, pour l’adopter, on n’a pas dû craindre les dangers prévus dans l’avenir, alin d’échapper à ceux du présent, bien autrement terribles dans leurs conséquences. Ab! qu’il était aisé de faire l’énumération de tous les inconvénients qui pouvaient résulter et des assignats en eux-mêmes et d’une émission qui serait dans une proportion trop forte? Qu’il était facile de colorer de l’amour du bien. public les objections les plus alarmantes, celles qui montraient l’Etat dans le péril le plus éminent, en adoptant un moyen que l’on ne voulait faire envisager que sous un point de vue funeste I Si le véritable amour de la chose publique eût dicté les objections, il aurait en même temps présenté les moyens curatifs et propres aux circonstances qu’il aurait fallu préférer. L’opinion