314 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [Les sans-culottes du con de Voltaire, à la Conv.; Voltaire, 30 prairéal 2e année de la République française une et indivisible et impérisable et de la mort du tyran] (1) Citoyens représentants, Si nous avons eu à rougir d’avoir été trop longtems la dupe du charlatanisme des prêtres, nous n’avons pas été des derniers à reconnoître notre erreur, mais en renonceant à eux et à leurs dogmes supertitieux, nous n’avions pas perdu l’idée de la divinité. Non, ce n’est pas dans nos hamaux, citoyens représentants, que les Dantons, les Héberts, les Chaumette et leurs adhérents auroient fait fortune. L’spectacle de la nature qui est constament sous nos yeux eût démenti chaque mot de leur doctrine absurde; nous aurions répondu à ces féroces missionnaires de l’athéisme : levés les yeux vers le ciel, regardés autour de vous, insigne corupteurs, et reconnoissés à cet ordre admirable de la nature l’existance d’un être infini et incompréhensible, créateur universel de toutes choses, ou retournés dans vos cités où se forment ces foyers d’horreurs, de conspirations, de crimes et de séductions, et où se réfugient et se dérobent dans la foule ces hommes corrompus, capables d’adopter et de propager l’iv[r]ée affreuse du néant. Allés, n’enpoisonnés plus par votre présence l’air pur et tranquille de nos paisibles campagnes, et laissés-nous l’espoir consolant de survivre à notre pénible existence. Contentés-vous de dévorer dans les cités le fruit de nos sueurs et laissés-nous jouir en paix de l’espérance d’une imortallité qui console les bons et désespère les méchants. Mais que disons-nous, citoyens représentants ? Non, grâce à votre sage prévoyance ces infâmes scélérats n’existeront pas plus dans les cittés que dans les hamaux, le règne des fripons est passé, et si quelques-uns, sous le masque du patriotisme, ont encore tenté d’inutilles efforts, vous les avez écrasés pour jamais en reconnaissant au nom du peuple français l’existence de l’Etre suprême et de l’immortalité de l’âme. Citoyens représentants, personne n’a reçu cette proclamation avec plus d’enthousiasme que les citoyens du canton de Voltaire. Leur reconnaissance et leur admiration se sont manifestées de la manière la plus éclatente à la feste de l’Etre suprême, par le concours inom-brable de tous les citoyens et citoyennes de tout âge et par leurs soins ingénieux et multipliés pour orner et rendre célèbre et majestueuse cette feste mémorable; nous sentions tous le besoin d’une institution qui nous rappellât à la divinitté, et cette idée attachoit même encore plusieurs de nous à l’habitude des cy-devant festes, mais votre sage décret et la feste à l’Etre suprême ont deffinitivement dessillé tous les yeux. Le canton de Voltaire ne présente plus qu’une troupe de républicains et de républicaines, qui ne connoissent d’autre relligion que la loi naturelle ny d’autres festes que celles de la raison; nous avons fait un autodaffé de tous les reliquaires des cy-devant saints et d’une partie de nos missels, de la cronologie des tyrans et (1) C 318, pl. 1291, p. 19. des 12 volumes des armoiries des ex-privilégiés que nous conservions depuis quelques tems pour une bonne occasion; nous sentions bien que tous ces livres auroient encore pu servir utillement à faire des cartouches, mais nous n’avons pu résister à la démengeaison d’en brûler quelques-uns. Citoyens représentants, en nous réunissens pour rendre hommage à l’auteur de la nature, tous nos cœurs étoient confondus dans les sentiments de la plus douce fraternitté; nous aurions voulus dans ce moment délicieux ne nous occuper que du bonheur que vous nous préparés, mais pouvions-nous oublier les besoins de nos frères d’armes ? Nos chemises ont été emportées, pillées par les brigands de la Vendée, mais il nous en restoit encore assés pour les partager avec nos camarades. Nous leur en envoyons donc 770, 26 paires de bas, 3 paires de souliers, un sac à distribution, une aune et demie de toille et 558 liv. 15 s. en assignats. C’est le produit d’une collecte civique à laquelle nous joignons tous les linges qui servoient au cy-devant culte, que nous méprisons. Citoyens représentants, nos esprits sont continuellement occupés des besoins de la patrie, et tant qu’il restera quelques choses à faire pour elle, nous voulons y contribuer pour notre part; nos terres n’abondent pas en salpêtre, mais cela n’empêche pas que nous travaillions à extraire celluy qui se trouve, et que nous n’espérions en fournir chacun notre livre; du moin il ne restera pas un seul pouce de terre dans le canton de Voltaire qui ne soit lésivé. Citoyens représentants, nous n’avons pas de bourdenne, nous luy substituons la sanguine, le coudreier (sic), et le saule, qui seront bientôt réduits en charbons. Il n’y a pas jusqu’à nos républicaines qui trouvent pas que leurs doigts ne sont ny trop foibles ny trop déliquats pour les employer à enlever l’écorse de ces bois; personne ne reste oisif : chacun apporte sa cendre à l’attelier du salpêtre et une livre de drapille par individu pour la fabrication du papier. Il n’est pas un de nous, nous le répétons qui ne veuille contribuer de toutes ses forces et de tous ses moyens à la consolidation de notre régénération, et qui ne soit prêt à verser tout son sang pour le maintien de vos loix; restés à votre poste, citoyens représentants, et soyés assurés de notre zèle et de notre courage pour seconder vos généreux efforts. Vive la République, vive la Montagne ! Bernard jeune ( secrét .), Cornon ( présid .), Rousseau (secrét.). 14 L’agent national du district de Tarbes (1) informe la Convention des progrès de la vente des biens des émigrés. L’insertion au bulletin et le renvoi au comité des domaines en sont décrétés (2). (1) Hautes-Pyrénées. (2) P.-V., XLIV, 27. Au Bm (4 fruct., Ier suppl1), la précision suivante : 17 lots de biens d’émigrés, estimés 19 895 liv. ont été vendus 71 960 liv.