n 4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.] de petite monnaie ? Mais c’est en vain qu’il s’appuie sur la forme dont il semble que l’Assemblée l’avait formellement dispensé, lorsque hier elle lui a renvoyé des projets tendant à une émission de petits assignats ou de signes représentatifs faits dès à présent. Un tel décret ne déroge point à un décret antérieur, puisqu’il est au contraire un moyen provisoire pour arriver au moment où le décret antérieur pourra être exécuté. Il suffit donc de comparer, en deux mots, les inconvénients résultant d’une émission de petits assignats sans monnaie, au danger qu’il y aurait de ne faire aucune émission. Or, je pose ainsi la question : Quel est actuellement l’inconvénient de la circulation? Il se partage en deux branches : difficulté de changer les assignats contre des écus de 6 livres; difficulté de changer les écus de 6 livres contre une moindre valeur. Or, lorsque vous aurez fait des assignats de 6 livres, au moins vous aurez évité un des inconvénients, car celui qui résultera de changer des assignats de 5 à 6 livres en monnaie, ne sera pas plus grand que celui de changer à présent des écus de 6 livres en monnaie. Je dis que si ces faits sont réels, on ne peut pas me contester que la création d’assignats qui représenteront identiquement les écus, qui auront la même valeur, peut sauver les extrêmes inconvénients de la circulation actuelle ; car de fait la nécessité de l’échange d’un écu de 6 livres contre une moindre valeur, est extrêmement rare, tandis que l’échange d’un assignat pour des valeurs de 6 livres est le besoin de chaque jour; c’est là qu’est la difficulté; je demande donc que le comité déclare s’il s’en est occupé. M. Rewbell propose d’établir une espèce de banque sous le nom de Caisse de secours, qui échangerait à 1 0/0 les assignats qui lui seraient présentés par les personnes les plus nécessiteuses, en observant certaines formalités qui seraient déterminées. (Murmures.) M. de Cernon, rapporteur. Le comité pense que la coupure des assignats, suivant le procédé proposé par M. de Grillon, ferait jeter dans la circulation beaucoup de faux assignats qu’il serait impossible de reconnaître. M. Leclerc. M. l’abbé Papin s’est trompé en avançant qu’on pourrait fabriquer d’ici à mardi pour 1,800,000 livres d’assignats avec l’ancien papier; il n’en existe dans les magasins que 42 rames et on ne peut tirer que 12 assignats par feuille. M. Camus. On pourrait, en attendant, employer ce peu de papier qui débarrasserait d’autant la circulation des entraves qui la gênent. M. de Montesquiou. Je rappelle à l’Assemblée sa propre décision du 6 mai ; elle a tellement senti que la mesure de la monnaie de cuivre était l’antidote des assignats de 5 livres, qu’elle a décidé par son décret que les assignats ne pourraient être émis dans la circulation que lorsqu’elle aurait la certitude qu’il y aurait une quantité assez considérable de cuivre pour les échanger, afin que la monnaie ne se vende pas comme les écus. Il s’agit donc actuellement de savoir si vous pouvez avoir dans huit jours une quantité de monnaie de cuivre correspondante à une émission d’assignats de 5 livres. Or, Messieurs, tous les calculs vous disent que vous ne pouvez pas espérer, dans une semaine à Paris, fabriquer plus de 70,000 livres de monnaie de cuivre. Je demande donc qu’on mette aux voix le projet du comité. M. Raband-Salnt-Etienne. Le problème que vous avez à résoudre, est de satisfaire aux besoins publics. Dans les 20 objets que vous avez décrété qui devaient paraître simultanément, il est évident que la monnaie était plus instante que les assignats ; on doit présenter au comité un moyen très prompt de précipiter la fabrication. Vous pouvez ordonner que l’on fabrique dans toutes les monnaies, de façon que le royaume se trouve en même temps couvert de sous. D’ailleurs, il résulte de la discussion que l’on vient de faire, que les assignats ne se fabriquent pas si promptement ; ainsi je conclus à l’admission du projet du comité. (L’Assemblée ferme la discussion, accorde la priorité au projet de décret du comité et ajourne la délibération à la séance de demain.) M. le Président indique l’ordre du jour de la séance de ce soir et lève la séance à quatre heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU SAMEDI 21 MAI 1791, AU MATIN. Opinion de M. Salle, député du département de la Meurthe à V Assemblée nationale , contre la division du Corps législatif en deux sections . Avertissement. A la séance du samedi 2J mai dernier, M. Buzot prononça un discours à la suite duquel il proposa un projet de décret en remplacement du mode constitutionnel de délibération du Corps législatif présenté par le comité. Ce projet qui tendait à diviser i’ Assemblée nationale en deux sections, m'alarma. Je préparai le lendemain cette opinion, dans le dessein de la prononcer à l’Assemblée le jour suivant, la discussion ayant été remise à cette séance. J’allai le soir même à la société des amis delà Constitution; j’y lus mon opinion telle que je l’avaispré-parée, et soit que mes raisons eussent convaincu mes adversaires, soit que l’instant ne leur eût plus paru favorable, le lendemain, à l’Assemblée nationale, la discussion n’eût pas lieu. Bien loin de là : le mode de délibération proposé par le comité fut décrété, et j’étais parfaitement tranquille sur celte division du Corps législatif, que je croyais dès lors définitivement écartée. Depuis cet instant, les amis des sections ont cherché à faire croire que la question avait été ajournée. Quelques-uns ont même avancé que le mode de délibération décrété serait revu lors du classement des décrets, et qu’on lui substituerait, sans doute, la délibération par sections. On a manœuvré pour obtenir à cet égard un vœu, vrai ou faux des Français de tout l’Empire. On est revenu à la charge lors de l’évasion du roi; on a ressuscité la question en demandant que l’Assemblée formât un comité pour pourvoir à l’exécution des lois. Tant d’indices des intentions de ceux qui veulent diviser le Corps législatif ne peuvent me laisser indifférent. Je dois au public de lui