[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mars 1791.] qu’aux époques fixées par la loi, à moins queles circonstances n’aient déterminé le roi à autoriser cette discontinuation ou cet ajournement. « D’abord, il y a des administrations de département qui ont discontinué leurs séances et qui se sont ajournées sans permission: premier point sur lequel il faut statuer. Il est assez difficile d’établir qu’en aucun cas un directoire de département ne pourra pas discontinuer sa séance. Il peut arriver des maladies épidémiques. Il peut arriver dans les départements frontières, voisins de la mer, des accidents qui ne permettent pas le rassemblement du corps administratif; il est impossible que l’on abandonne au Corps législatif le soin de juger dans ce cas. Voilà les motifs qui nous ont déterminés à proposer ces deux articles. M. de Mirabeau. Je pense qu’il faut examiner ces articles et en conséquence les ajourner, parce qu’ils tiennent à la liberté et cela sous plusieurs rapports. Ces articles donnent évidemment trop de force au directoire. Il faudrait examiner si on ne pourrait pas trouver un moyen par lequel le conseil d’administration, non seulement peut s’assembler sous l’avis ou contre l’avis du directoire, mais en certains cas, rares sans doute, et nécessaires à déterminer, sms la permbsion du pouvoir exécutif. Je dis que si ce moyen n’est pas trouvé, que si les cas ne sont pas déterminés, cela doit être statué, ou que si la démonstration n’est pas prête, il faut ajourner; car la matière est trop importante et tient trop aux racines 1 s plus intimrs de la liberté pour y glisser si légèrement. M. Pétlon de Villeneuve. Les réflexions de M. de Mirabeau me paraissent très sages. Il est des circonstances en effet où leconseil peut désirer de s’assembler, même contre le directoire, et il est bon de prévoir ce cas-là. On peut peut-être encore faire une observation. 11 est dit : « que les directoires n’en aient obtenu la permission du roi ». Je crois que si le Corps législatif était assemblé, il faudrait s’adresser au Corps législatif pour avoir cette autorisation. Je demande donc l’ajournement. M. Barnave. Je suis convaincu que l’écueil de notre Constitution, que le danger imminent qui la menace est un accord quelconque du pouvoir exécutif, soit avec les directoires, soit avec les conseils de département. Je pense donc qu’on ne doit pas introduire dans la Constitution un moyeu par lequel le pouvoir exécutif réuni à celui des directoires pût avancer ou retarder le rassemblement des conseils de département, ou en faire des rassemblements extraordinaires. La loi générale veut qu’à un temps donné les départements soient rassemblés, mais cela ne suffit pas. La loi doit p; é voir encore que Jans l’absence du Corps législatif il peut exister dts cas oùle rassemblement des conseils de département soit utile et même nécessaire. Elle doit l’autoriser, elle doit fixer précisément ces cas. Je demande donc, comme les préopinants, que les articles soient renvoyés au comité pour être décidé: 1° que les cas de rassemblements exraordi-naires des conseils de département seront prévus par la loi; 2° qu’aucune exception à la loi constitutionnelle à cet égard ne pourra être prononcée que par un décret du pouvoir législatif. (L’Assemblée décrète l’ajournement,) 66o (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain, au matin.) M. Arthur Dillon. Monsieur le Président, je demande la paro'e sur un objet particulier. M. le Président. Vous avez la parole. M. Arthur Dillon. Je prie l’Assembléede considérer l’observation que je vais lui f dre, moins sous l’aspect philanihropique qu’elle présente, que sous le tort qu’elle peut causer à la France, et de considérer que je crois parler à des législateurs sur qui repose le bonheur de l’Empire, et non devant une société ne philanthropes qui a cherché à égarer l’Assemblée, en l’engageant à admettre demain au soir à la barre une députation de soi-disant gens de couleur. Vous n’ignorez pas l’état d’effervescence où sont les colonies, rap elez-vous que vous venez de dépenser 20 millions pour y envoyer des armées. Eli bien! quand vous en dépenseriez 500, quand vous enverriez toutes vos forces navales, si vous admèttiez les gens de couleur à ia barre, je vous le dis en frémissant, vous ne pourriez plus compter sur vos colonies. Ce nVst pas sans une profonde douleur que je me vois obligé de vous annoncer cette vérité ; mais, Messieurs, votre décret montera l’effervescence au dernier point. Je déclare que, dans mon opinion, dans celle de nos concitoyens, nous sommes dans l’intention d’adoucir le sortde celte espèce d’hommes. ( Murmures prolongés.) Les colonie ; n’ont accepté vos décrets qu’en sti ulant que l’Assemblée nationale ne se mêlerait jamais du sort des gens de couleur: votre comité colonial vous a fait décréter, le 12 octobre dernier, que l’intention de l’Assemblée nationale était de ne jamais se mêler du sort de ces gens-là, sauf la demande préliminaire des colonies. Actuellement, Messieurs, qu’est-ce qu’on vous propose? De prétendus philanthropes, dans l’ombre des ténèbres, vous suggèrent des mesures qui réduiraient celte superbe monarchie à devenir un pays désert, si leurs folies pouvaient y être admises. Un membre: Qu’est-ce que c’est donc que ça? M. Arthur Dillon. Oui, Messieurs, ils ont attaqi é vos démets et vos comités dansdes libelles incendiaires; ils ont attaqué personnellement les membres qui les composent; et cela parce qu’ils ont été législateurs, hommes d’Etat. Ces gens qui se présentent aujourd’hui ne sont pas envoyés par les colonies; leur réclamation n’a point "été présentée au comité colonial ; ce sont des gens sans aveu, dans un état de domesticité ici à Paris, et qui peut être sont vendus à cette prét-ndue société de philanthropes. . . Plusieurs membres : À l’ordre! À l’ordre! M. le Président. Vous ne devez rien avancer à cette tribune que vous n’en ayez des preuves. M. Arthur Dillon. Je conclurai en priant l’Assemblée, pour rétablir la paix et l’ordre dans les colonies, pour empêcher que des torrents de sang ne coulent, de vouloir bien suspendre cette admission et ordonner que si les gens de couleur ont des réclamations à faire, ils les remettent au comité colonial, etqu’dsne soientpoint admis; car je le dis avec amertume, mais avec vérité, un quart d’heure après qu’il sera connu dans les colonies {50 g [AssernLlée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [o mars 179-iq que vous avez admis à la barre une députation de noirs, soyez certains que toutes les colonies seront en insurrection. M. Pétion de "Villeneuve paraît à la tribune. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix! M. Pétion de Villeneuve insiste pour avoir la parole. M. l’abbé Manry. Je demande la permission de faire une motion que je n’ai jamais faite dans l'Assemblée, c’est que la discussion soit fermée. ( Applaudissements . ) Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. Pétion de Villeneuve. Je demande la parole pour repousser une calomnie. M. de Custine. Je demande que M. Pétion soit rappelé à l’ordre, il veut faire la loi à l’Assemblée. M. de Mirabeau paraît à la tribune, à côté de M. Pétion. M. Buzot. Il y a un décret qui accorde l’admission; j’en demandel’exécution, etquel’on passe à l’ordre du jour. M. Ve Chapelier. Il y a un décret rendu pour admettre cette députation à la barre. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour. M. le Président. Messieurs, hier, à midi passé, il est arrivé une lettre adressée au Président, par laquelle des gens de couleur demandaient l’admission à la barre pour présenter une pétition. L’Assemblée a sécrété que son Président examinerait leurs pouvoirs et lui en rendrait compte. Voilà la position on est l’Assemblée dans ce moment-ci. Je me ferai toujours un devoir d’être de la plus grande exactitude. Cette députation a envoyé chez votre Président une pétition revêtue d’un grand nombre de signatures. Je ne sais pas s’il y a un homme qui puis.-e juger de la validité de signatures envoyées de 1,500 lieues : certainement, si cet homme existe, ce n’est pas votre Président. Je demande donc en vous présentant la question telle qu’elle est, que vous me mettiez à portée de suivre, non pas mon vœu particulier, mais les ordtes de l’Assemblée. Si quelqu’un demande la parole sur la manière dont je pose la question, je demande à l’Assemblée la permission de la lui accorder. M. Cigongue. Je demande le renvoi de la pétition des gens de couleur au comité colonial. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! (L’Assemblée décrète ce renvoi.) MM. Pétion de Villeneuve et de Mirabeau insistent à la tribune pour obtenir ia parole. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! M. Pétion de Villeneuve . Je demande la parole sur une motion particulière. (Murmures.) L’Assemblée ne peut pas... (Bruit.) Plusieurs membres demandent que la séance soit levée. M. Briois-Beaumetz. Monsieur le Président, veuillez bien mettre aux voix si la séance sera levée ou non ; il est deux heures et demie. M. le Président. Vous ne connaissez pas la réclamation de M. Pétion. Comment esl-il possible, Messieurs, que vous obligiez votre président à lever la séance, quand on demande la parole pour détruire une calomnie! Plusieurs membres: Nous insistons. M. le Président. La motion de lever la séance est appuyée; je la mets aux voix. (L’Assemblée décrète que la séance est levée.) La séance est levée à deux heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-DE NOAILLES. Séance du samedi 5 mars 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. le maire de Paris, qui annonce l’adjudication de trois maisons : l’une louée 1,550 livres, estimée 19,833 livres et adjugée 35,700 livrer; la deuxième louée 4,500 livres, estimée 75,000 livres, adjugée 88,200 livres; et la troisième louée 4,200 livres, estimée 67,942 livres, adjugée 79,100 livres. M. Bouche. Les membres présents à l’ouverture des séances sont en si petit nombre que la salle est presque déserte. Je connais deux moyens de punir les membres paresseux de cette Assemblée et de les rendre plus diligents; le premier de ces moyens me paraît bon; le second infaillible. Le premier moyen consiste à inscrire au procès-verbal de la séance le nom des membres présents au moment où le secrétaire monte à la tribune pour lire le procès-verbal de la séance précédente; et la France ne sera pas peu étonnée de voir tous les jours les mêmes membres présents à l’ouverture des séances. Quant au si cond moyen, je le dirais bien ; mais peut-être quelques personnes se fâcheront. Plusieurs membres : Non ! non! parlez ! parlez! M. Bouche. Vous me l’ordonnez, Messieurs? Plusieurs membres: Oui! oui I M. Bouche. Eh bien, ce moyen consiste à condamner, en forme de neuvaine péni tentielie, les membres paresseux de la gauche à siéger pendant neuf jours de ce côté. (U désigne la droite.) Un membre à droite: Et huit jours là-haut. (Il désigne l'extrême gauche.) M. Bouche. Je ne propose point de peines (1) Celte séance est incomplète au Moniteur*