ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juin 1791.] 64 «semblée nationale.] peine que vous avez appliquée aux crimes de haute trahison. Mais la sûreté de l’Etat peut encore être compromise par des indiscrétions particulières. Ainsi un ingénieur qui aura livré à l’ennemi un palan de fortification est coupable de trahison : il doit être puni, mais il ne doit pas l'être capitalement; de même que le fonctionnaire qui sera convaincu d’avoir livré à l’ennemi ou aux agents des puissances étrangères des plans de fortifications, ports, rades, arsenaux, places de guerre, doit être puni. Pour les premiers crimes dont je viens de parler, je propose les dispositions suivantes : « Tout fonctionnaire public qui sera convaincu d’avoir livré à une puissance étrangère des plans de fortifications, ports, rades arsenaux ou places de guerre, encourra la peine de mort. « Tout fonctionnaire public qui sera convaincu d’avoir livré à l’ennemi ou à une puissance étrangère des plans de campagne, projets de traités ou négociations, sera puni de mort ». En ce qui concerne les indiscrétions et abus de confiance des mêmes fonctionnaires publics, la peine de la prison, à temps, me paraît suffisante. Je propose doue pour ce cas la disposition suivante : « Tout fonctionnaire public qui sera convaincu d’avoir livré à un tiers, sans autorisation spéciale de son supérieur immédiat, des plans de fortifications, ports, rades, arsenaux, places de guerre, des plans de campagne, projets de traités ou négociations, sera puni de 2 ans de prison ». M. Rewbell. Cela doit être renvoyé au comité. M-Le Pelletier de Sai nt-Fargeau, rapporteur. Si l’Assemblée approuve les vues qui lui sont communiquées par le préopinant, je crois qu’il serait nécessaire de renvoyer les dispositions qu’il présente au comité, pour examiner la rédaction, et ensui e la proposer à l’Assemblée. Voici la seule réflexion que je soumets à l’Assemblée; celte vue n’avait pas échappé au comité; mais voici pourquoi nous ne vous avons pas présenté d’articles sur ce délit-là. C’est précisément parce que le préopinant a été obligé de diviser ce délit, parce que. fun est une trahison, et l’autre n’est qu’une simple imiisci étion, et que l’on ne peut pas punir l’indiscrétion comme la trahison. M. Malonet. Mais je ne propose pas de la punir de même. M. Le Pelletier de Saiut-Fargean, rapporteur. Quant à l’indiscrétion, nous ne pensons pas, à cet égard, qu’il faille la solennité d’un juré. M. Maiouet. Vous ne proposez rien non plus en cas de distraction des fonds et des approvisionnements d’une armée, et cependant vous concevez que, dans celte seule prévarication, pourrait se trouver le germe de la plus haute trahison. Je demande donc si vous voulez renvoyer au comité, ou bien si vous voulez délibérer sur un article additionnel que j’ai à proposer sur cet objet. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Je demande également le renvoi aux comités. (L’Assemblée consultée renvoie aux comités les diverses propositions de M. Maiouet.) M. Thévenot de Maroise. J’ai une observation à présenter à l’Assemblée; elle porte sur l’article 3 de la 2e section du titre Ier. La fin de cet article ou ne signifie pas assez, ou signifie trop, car elle tend à atténuer cet article ou l’article précédent Je croirais que l’article demande une autre rédaction. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. L’observation du préopinant est ttès bonne, et j’adopte la ra dation des trois dernières lignes de cet article. M. Duport. Je ne suis pas touché de l’observation du préopinant. L’article paraît très convenable; je demande que la motion de M. Thévenot soit renvoyée aux comités pour nous être rapportée ou ne pas l’être, suivant le parti qu’ils croiront devoir prendre, et que jusque-là toute décision soit ajournée. (L’Assemblée, consultée, renvoie aux comités l’observation de M. Thévenot de Maroise.) M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur. Nous passons, Messieurs, à la 3° section du titre Ier relatif aux crimes contre la Constitution. Voici l’article 1er : « Tous complots ou attenlats pour empêcher la réunion ou pour opérer la dissolution d’une assemblée primaire ou d’une assemblée électorale seront punis de la peine de la gêne pendant quinze ans. » M. Maiouet. J’adopte l’article, mais je le trouve insuffisant. Ce n’est pas seulement en empêchant la réunion d’une assemblée primaire qu’on est coupable contre la Con titution; c’est en empêchant la liberté de cette assemblée primaire. C’est dans les assemblées primaires essentiellement, Messieurs, qu’existe une souveraineté nationale. C’est dans les assemblées primaires seulement que chaque citoyen peut avoir sa portion de ce droit éminent. Ainsi il no faut pas seulement se prémunir conire les attentats du gouvernement sur les assemblées primaires: il faut aussi se prémunir contre les attentats d’un paiti dominant dans ces assemblées. Si, dans les circonstances où nous sommes, les partis dominants paraissent favorables à la liberté, des circonstances différentes, des chances contraires peuvent faire prévaloir dans une assemblée primaire un parti contraire à la liberté ; c’est donc travailler essentiellement pour la liberté que d’assurer celle de tous les citoyens dans une assemblée primaire. Et je remarque, en général, dans ceci que le comité s’est occupé avec grande attention de toutes les attaques qui pouvaient être portées à la Constitution par le gouvernement ; il a bien fait. Mais croyez-vous donc que la liberté ne puisse être attaquée it renversée que par le gouvernement? Vous vous tromperiez fort, et, pour revenir aux assemblées primaires, pensez-vous que ce ne soit pas une attaque très dangereuse à la Constitution, que de ne pas prémunir et défendre chaque citoyen se présentant à une assemblée primaire contre toutes insultes et voies de fait qu’il pourrait éprouver de la part de qui que ce soit, non seulement de la part du gouvernement, mais encore de la part de ce que l’on pourrait appeler dans ce moment-ci le parti le plus favorable à la liberté ; car elle ne peut exister qu’au-tant que chaque citoyen, dans une assemblée primaire, pourra venir y exercer son droit pleinement et en toute sûreté.