452 (Assemblée tiationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mai 1Î90. 4° Ilsne pourront être membres des assemblées administratives, de district ou de département, non plus que des municipalités. » M. Dubois de Crancé fait une motion pour qu’il soit nommé sept adjoints au comité de liquidation qui est très surchargé d’affaires et ne peut suftire à son travail. (Cette motion est mise aux voix et adoptée.) M. le Présidentmet à la discussion la question suivante : « Y aura-t-il un tribunal de cassation ou de grands juges ? « Sera-t-il composé de juges sédentaires ou ambulants ? M. d’André. Avant d’entrer dans la discussion, il faut examiner une objection. On dit qu’on ne peutdécréter des juges d’assises pour la cour de révision, parce que l’Assemblée a décidé que les juges seront permanents ; mais il y a une très grande différence entre les juges ordinaires et les juges de cassation. Le tribunal de cassation ne s’occupera jamais du fond; il jugera uniquement la forme: cette différence est essentielle ; il suffit de l’énoncer pour qu’on en sente toutes les conséquences. Avec un tribunal permanent, il faudrait donc que les justiciables arrivassent des extrémités du royaume pour faire juger une demande en nullité : ce serait laisser le pauvre à la merci du riche; cela est si évident que je ne crois pas qu’il puisse y avoir aucun doute dans une Assemblée occupée du bonheur de tous. Je demande donc qu’il y aituntribunal de cassation et que ce tribunal soit composé de grands-juges d’assises, d’après les formes qui seront déterminées. (Ici a parlé un opinant dont la voix était si faible qu’il a été impossible de l'entendre.) M. Barrère de Aïeuzac. Un tribunal de révision est un malheur, mais un malheur nécessaire. La loi peut être violée, et il faut empêcher la violation de la loi ; il faut donc établir un tribunal chargé de réprimer cette violation ; ce tribunal doit être composé d’éléments pris dans tous les départements. S’il était entièrement sédentaire, il présenterait de grands inconvénients ; les justiciables seraient obligés de se transporter au loin; les riches seuls auraient cette faculté. S’ils étaient ambulants, il y aurait diversité de jurisprudence et de législation ; il faut donc un tribunal établi. En combinant ces deux formes, en le composant de membres pris dans chaque département, on lierait toutes les parties de l’empire. Jeproposeque le tribunal de cassation soit divisé en deux parties : l’une sédentaire, l’autre ambulante ; l’une chargée d’instruire les demandes en cassation, l’autrede les juger ; ainsi, on réunitles avantages des tribunaux sédentaires et des tribunaux ambulants. M. Barnave. Il y a deux motifs principaux pour l’établissement d’une cour de cassation. Premièrement, conserver l’unité monarchique, employer les moyens les plus propres à lier entre elles toutes les parties politiques de l’empire, et prévenir une division qui conduirait au gouvernement fédératif. Secondement, maintenir l’unité de législation, et prévenir la diversité de jurisprudence. Quant au piemier motif, il est inutile d’entrer dans de grands développements : vous avez senti la nécessité de donner à chaque département des établissements judiciaires et administratifs particuliers; de là résulte que, pour la stabilité de la monarchie, il faut former un établissement qui soit un, qui s’étende sur toutes les parties, les lie et les réunisse. Ceux qui ont critiqué la Constitution ont représenté, qu’en ôtant au roi ce qu’il y avait d’abusif dans l’ancien pouvoir, pour rendre au peuple les droits qu’il doit conserver, l’unité du gouvernement était rompue. Nous proposons un moyen qui conserve scrupuleusement cette unité. Si les juges d’appel n’avaient un tribunal supérieur, il n’y aurait plus d’obstacle à ce que la loi fût transgressée ; il n’y aurait plus d’obstacle à ce que ces juges fussent maîtres de la justice, et d’appliquer la loi d’une manière différente dans le même cas. On dira peut-être que ce moyen est insuffisant ; mais la cour nationale ne pourra que casser les arrêts, sans pouvoir toucher au fond; elle n’aura nulle puissance pour le mal, car si la loi avait été justement appliquée, le tribunal auquel l’affaire serait renvoyée appliquerait encore justement la loi, et on ne pourrait s’empêcher de respecter enfin un jugement équitable. La cour nationale ne pourrait exercer aucune tyrannie, car elle n’aurait pas le pouvoir de mettre un autre jugement à la place de celui qui aurait été rendu: ainsi, la nécessité de ce tribunal suprême est démontrée politiquement et judiciairement. Il se présente deux inconvénients principaux : le premier, la tyrannie qui résulte du pouvoir des grands corps; le second, les frais considérables que supporteraient les justiciables pour leur transport. Le projet de rendre cette cour ambulante prévient ces deux inconvénients. Il est évident que l’ambulance empêchera les dépenses considérables pour les justiciables: ainsi l’ambulance des cours est un devoir des législateurs. La permanence donnerait aux riches la faculté de se pourvoir en cassation, en refusant celte faculté aux pauvres. Ainsi, quant aux frais, c’est non seulement une grande économie pour les justiciables, mais encore une grande nécessité. Avec l'ambulance, on n’aura pas à craindre la tyrannie de la cour supérieure. Sans doute, des magistrats réunis dans le même lieu, institués pour un temps considérable, et remplis du même esprit, seraient une puissance formidable : cette puissance sera désarmée par l’ambulance. Les juges, circulant d’un lieu à un autre, empêcheront un concert dangereux pour la liberté. Il faut examiner maintenant si l’ambulance est possible. J’observe d’abord que le parti intermédiaire qui vous a été proposé est inadmissible. Le principal inconvénient d’une cour sédentaire existerait toujours; ce parti aurait encore les inconvénients de l’ambulance. Si la partie ambulante peut faire l’instruction, il n’y a pas de raison pour qu’elle ne juge pas. Ou la cour se transporterait en entier, ce qui exigerait plusieurs années pour parcourir tout le royaume, ou elle se diviserait par sections, et vous détruiriez l’unité de jurisprudence et de législation. J’abandonne la première partie; quanta la seconde, il est facile d’en prévenir les inconvénients. Je conçois que l’unité pourrait être détruite, si chaque section était toujours composée des mêmes juges et parcourait les mêmes lieux. Mais si, une fois par an, toutes les sections se réunissaient et compensaient les jugements rendus; si, ensuite, les juges tiraient au sort pour composer de nouvelles sections, il n’y aurait pas de raison pour qu’il y eût moins d’unité que si les juges du tribunal de cassation étaient toujours restés unis. En un mot, dans tous les cas, il serait impossible de parvenir [8 mai 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. à une unité absolument parfaite. Faire ambuier la Gourde cassation par sections qui seraient renouvelées chaque année, c’est la seule manière d'assurer l’unité de jurisprudence et de législation. Je ne vois pas qu’on puisse se passer d’un tribunal de cassation, si l’on veut que la jurisprudence soit uniforme ; je ne vois pas que cet établissement soit utile aux trois quarts des Français, si l’on veut qu’il soit permanent ; il faut donc qu’il soit ambulant. Je conclus à ce qu’on établisse une Cour de cassation ; que cette cour soit ambulante par sections, et que ces sections se renouvellent tous les ans. (La séance est levée à deux heures et demie et l’Assemblée se retire dans ses bureaux pour l’élection de son président et de trois secrétaires.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GOUTTES. Séance du samedi 8 mat 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : Adresses des nouvelles municipalités de la communauté de Mervon, de la ville de Bastia, contenant le serment civique, prêté, tant par les officiers municipaux, que par tous les autres habitants. Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de l’assemblée primaire du canton de Chantilly, composé de dix municipalités. Elles ont formé un acte fédératif. << Heureux et Mers, disent les Imitants, de respirer un air pur et libre, nous ne permettrons jamais qu’on attente à nos droits les plus sacrés et les plus authentiques ; nous opposerons aux artisans de l’oppression et aux partisans du despotisme toute l’énergie qu’inspirent le souvenir des maux extrêmes et la certitude d’une force majeure. » Adresse du même genre de l’assemblée du district de Sens. Adresse de vingt-sept enfants de la communauté de Charonville, près Illiers en Beauce, qui, le jour de leur première communion, ont prêté à la face de l’Eternel, avec les plus grands transports, le serment civique. Adresse du bataillon de Saint-Jacques-de-l’Hô-pilal, formant une division de la garde nationale parisienne, qui déclare avec serment que, quelle que soit la décision de l’Assemblée sur la permanence ou non permanence des districts, il sera toujours prêt à verser jusqu’à la dernière goutte de son sang pour l’exécution de tous ses décrets acceptés ou sanctionnés parle roi. Adresses des communautés de la Fuye et Mar-lhes, de Peubert, la Frache et du Temple de Mar-lhes-en-Forez, de Saint-Seurin de Gadourne en Mé-doc, contenant une adhésion absolue aux décrets de l’Assemblée nationale, et le don patriotiquedu produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Adresse de la nouvelle municipalité de Ville-neuve-d’Amont, en Franche-Comté; elle réclame (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. lre SÉRIE. T. XV. 433 avec instance la suppression du tribunal des salines de Salins, ou plutôt la suppression entière de ces salines. Adresse du corps administratif de la Loire-Inférieure, qui consacre les premiers moments de son existence à présenter à l’Assemblée l’hommage d’une adhésion absolue à ses décrets. Il observe que la multiplicité et la nature des affaires dont il va être chargé, semblent exiger un temps illimité pour la première session. Adresse de la ville d’Issoudun, qui se plaint de n’avoir vu aucune mention sur les procès-verbaux de l’Assemblée, de différentes adresses qu’elle lui avait déjà fait passer précédemment; donne, au surplus, son entière adhésion à tous les décrets de l’Assemblée, et demande à faire l’acquisition des biensecclésiastiquessituésdansson voisinage, jusqu’à la concurrence de trois millions. Adresse de la ville de Cornouailles, en Anjou, portant pleine et entièresoumissionà tous les décrets de l’Assemblée. Mémoire adressé à l’Assemblée nationale, par la communauté des procureurs de la ville d’Angers, concernant l’évaluation de leurs charges. Ce mémoire est renvoyé au comité de judicature. Adresse des habitants des Cévennes. Adresse des dames de la ville d’ Auray, en Poitou. L’Assemblée nationale ordonne l’insertion de ces deux adresses dans son procès-verbal; elles sont conçues dans les termes suivants : Adresse des habitants des Cévennes. « Nosseigneurs, nous vous devons le plus précieux des biens : la liberté! Vous nous donnez une nouvelle existence; vous nousélevez à vous, pour nous montrer dans l’avenir les destinées brillantes qui nous attendent. Pénétrés de tous vos bienfaits, recevez les élans de nos cœurs, que nos vallons ne peuvent plus longtemps contenir. Nous venons, en mêlant nos vœux à la joie publique, vous offrir l’encens le plus pur; nous venons, enjoignant nos voix à la voix delà renommée, apprendre à la postérité que la France fut plus heureuse que Rome, qui n’eut qu’un Cicéron pour défenseur. « Le flambeau de vos vertus est votre guide; il va servir de phare à nos descendants, dans la vaste carrière que vous ouvrez; à la lueur de cette lumière éclatante, ils verront comment sa chaleur féconde sut raopeler à la vie l'arbre de la liberté, qui, desséché et flétri, étend aujourd’hui ses rameaux sur toute la surface de l’empire français. « Nous, qui témoins de votre fermeté et de votre courage, vous vîmes, malgré les coups de la tempête, garantir sur une mer orageuse le vaisseau de la patrie; devançant les éloges de la génération future, nous lui montrerons à la fois en vous, et nos libérateurs et nos pères; elle trouvera, comme un monument de notre reconnaissance, vos noms gravés sur tous nos rochers; et tandis que votre gloire, franchissant les limites de cet empire, ira frapper de son éclat tout le monde connu, les fastes de l’histoire, en lui rappelant vos travaux immortels, «auront aussi lui rendre avec énergie nos sentiments les plus tendres. « Ils s’épanchent avec effusion en ce jour : trente mille Cévennols quittent leurs foyers pour vous adresser ensemble leurs vœux; c’est une armée de frères, pénétrée du langage d’un Dieu 28