SÉANCE DU 26 FRUCTIDOR AN II (12 SEPTEMBRE 1794) - N“ 52-54 117 Le comité de Législation à qui l’examen de cette affaire a été renvoyé, n’a vu d’autres moyens de tirer Boudier de ce mauvais pas que de chercher s’il n’y. a pas quelques nullités dans la procédure et le renvoi de Boudier devant le tribunal criminel d’un autre département. Ce projet de décret quelque favorable qu’il fût à Boudier, n’a pas sastifait Carrier : il a répondu de la probité et du patriotisme de Boudier et il a trouvé que c’était seulement par légèreté et par étourderie que le vol et le faux avoit été commis, et qu’il ne falloit pas y regarder de si près avec un chaud patriote. Carrier a demandé que la Convention s’érigea en jury et prononçât sur sa parole, sur la pureté de l’intention de son client. La Convention n’a pas été de son avis, elle s’est contenté d’adopter le projet du comité (81). 52 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Menuau, au nom] de son comité des Secours publics sur la pétition du citoyen Escot, volontaire du premier bataillon du Puy-de-Dôme, qui a reçu à l’affaire de Kostein, une blessure qui lui ôte l’usage du bras droit, décrète ce qui suit : Sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Escot, grenadier du premier bataillon du Puy-de-Dôme, blessé le 8 mai 1793 (vieux style), de manière à ne pouvoir plus servir dans les armées de la République, la somme de trois cents livres, à titre de secours provisoire, imputable sur la pension à laquelle il a droit. Ce décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (82). 53 Un membre demande, et la Convention nationale décrète le renvoi aux comités de Sûreté générale et de Salut public, de sa proposition de faire exécuter promptement le décret sur la réorganisation des comités de surveillance, d’après la loi (83). LOUCHET a donné lecture de quelques adresses qu’il a dit venir des départemens, assertion qui a été démentie et dont le but est la réincarcération au moins des citoyens mis (81) Mess. Soir, n° 755; M. U., XLIII, 444; J. Perlet, n° 720; Orateur P., n° 2. (82) P.-V, XLV, 227-228. C 318, pl. 1285, p. 43. Décret n° 10 842. Rapporteur : Menuau. Bull., 27 fruct. (suppl.). (83) P.-V., XLV, 228. C 318, pl. 1285, p. 48. Décret numéroté fautivement 10 854. Rapporteur inconnu, C* II 20, p. 294 indiquent « Blessanet » (peut-être pour Plazanet). en liberté depuis la chûte de Robespierre. Les signataires apparens pensent assez comme celui qui disoit naguères : Il n’y a que les morts qui ne reviennent pas. Ils font craindre des troubles fomentés par ces malveillans, disent-ils. Un membre a demandé que pour réponse unique à ces adresses, la Convention pressât l’exécution de la loi sur la réorganisation des comités révolutionnaires : «car, n’en doutez pas, ajoutoit-il, les troubles dont on nous parle, et dont on veut vous faire peur sont excités par des frippons dont cette loi renverse les spéculations perfides en fixant un terme à leurs attentats, et qui troublent la tranquilité de leurs concitoyens, pour se perpétuer dans leurs fonctions, en se rendant nécessaires». Ces réflexions ont reçu de nombreux ap-plaudissemens. Cependant Louchet a obtenu l’insertion au Bulletin de l’une de ces adresses souscrite par la société populaire de Vemeuil, qu’il a organisée lors de sa mission dans le département de l’Eure et dont il a fait le plus bel éloge (84). [Le comité de surveillance de la commune de Vemeuil fait part des troubles que les nobles et les prêtres mis en liberté ont excités dans cette commune. Depuis dix jours la société populaire n’a pu prendre aucune délibération. On a même été au point d’en venir aux mains. LOUCHET assure qu’il est très vrai que ces troubles existent; [que le fanatisme lève une tête altière dans la commune de Vemeuil et que les décadis n’y sont pas célébrés, mais seulement les dimanches](85) lorsqu’il a été dans ces départemens, il a composé de patriotes purs le comité de surveillance de Vemeuil; mais l’aristocratie les a ensuite persécutés] (86). [Un membre demande par motion d’ordre, que l’Assemblée charge son comité de Sûreté générale de faire incessamment organiser les nouveaux comités révolutionnaires; il n’est point douteux, ajoute l’opinant, que les membres verreux de ces comités de surveillance actuels ne cherchent à dénoncer et à ramener le trouble pour échapper à l’examen de leur conduite. La proposition est décrétée] (87). 54 CAMBON, au nom du comité des Finances : Il existait dans l’ancienne administration des loteries une disposition en faveur des filles dont les noms étaient annexés à chacun des (84) Gazette Fr., n° 986; J. Perlet, n° 720; J. Fr., n° 718. (85) J. Perlet, n° 720; J. Fr., n° 718. (86) J. Mont., n° 136. (87) J. Mont., n° 136; J. Perlet, n° 720; C. Eg„ n° 755; Ann. Patr., n° 620; Rép. n° 267; J. Fr., n° 718 place cette motion après la lecture de l’adresse de Verneuil alors que la Gazette Fr., laisse entendre qu’elle aurait été proposée plus tôt. 118 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE quatre-vingt-dix numéros de la loterie, et qui avait pour objet de faciliter leur mariage. La sortie du numéro auquel le nom d’une fille avait été annexé lui donnait droit à une dot de 200 livres, qui devait lui être payée sur la représentation de l’acte de mariage et du brevet d’annexe qui lui avait été expédié. Il en existe trois cents dont les brevets ont été expédiés, mais dont le payement n’a pas été effectué, les personnes intéressées n’ayant pu justifier de leur mariage. Suivant le décret du 12 prairial dernier, les brevets de la loterie, connus sous le nom d’annexes doivent être payés par la trésorerie, de la même manière qu’ils l’étaient par la caisse de la loterie, c’est à dire à mesure que les filles qui y ont droit justifieraient de leur mariage. Un tel mode de liquidation pourrait durer encore un temps infini, et pourrait suspendre pendant plus de soixante ans la reconnaissance et l’acquittement de cette partie de la dette publique. Il est un moyen d’obvier à cet inconvénient en remplissant le but de l’institution, et l’on peut sans injustice fixer un délai après lequel les propriétaires des brevets d’annexe, qui n’auraient pas justifié de leur mariage, ne seraient plus admises à la gratification attachée à cette condition. Cette mesure satisferait à un devoir que la morale républicaine prescrit, et que les besoins de la patrie rendent plus urgents après les ravages de la guerre. C’est dans ces principes que votre comité des Finances vous propose le décret suivant (88). La Convention nationale, sur le rapport [de Cambon, au nom] de son comité des Finances, décrète, par addition à la loi du 12 prairial dernier, que les filles à qui il a été délivré des brevets d’annexe, qui ne produiront pas, avant le premier nivôse de l’an cinquième de la République, l’acte de leur mariage, seront, par le fait, déchues de l’effet de leur brevet d’annexe, et n’auront droit à aucun paiement après cette époque (89). 55 ESCHASSERIAUX le jeune soumet à l’Assemblée la rédaction des articles adoptés concernant la révision de la loi des émigrés. Il propose de ne pas considérer comme émigrés les Français incarcérés dans les pays avec lesquels nous sommes en guerre. THIBAUDEAU dit que ce seroit favoriser la rentrée en France d’un grand nombre d’émigrés; car les Anglais ou les Espagnols ne (88) Moniteur, XXI, 743; J. Paris, n° 621. (89) P.-V., XLV, 228. C 318, pl. 1285, p. 44. Décret n° 10 856. Rapporteur : Cambon. Ann. Patr., n° 620. Ann. R. F., n° 285; C. Eg., n° 755; M. U., XLIII, 445; J. Perlet, n° 721; J. Paris, n° 621. manqueront pas de les mettre en prison un ou deux mois pour les vomir ensuite sur le territoire de la République. L’exception demandée est écartée par l’ordre du jour. Au retour de ces Français, après la paix on examinera les circonstances de leur départ et la position dans laquelle ils se sont trouvés durant leur absence (90). On reprend la discussion sur la loi des émigrés, et plusieurs articles sont décrétés ainsi qu’il suit : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Eschasseriaux jeune, au nom] de la commission chargée de la révision des lois sur les émigrés, décrète ce qui suit : TITRE PREMIER De l’émigration et de sa complicité SECTION PREMIÈRE De l’émigration . Article premier. - Sont émigrés, 1°. Tout Français qui, sortis du territoire de la République depuis le premier juillet 1789, n’y étoit pas rentré au 9 mai 1792; 2». Tous Français qui absens de leur domicile ou s’en étant absentés depuis le 9 mai 1792, ne justifieront pas, dans les formes ci après prescrites, qu’ils ont résidé sans interruption sur le territoire de la République depuis cette époque; 3°. Toute personne qui, ayant exercé les droits de citoyen en France, quoique née en pays étranger, ou ayant un double domicile, l’un en France et l’autre en pays étranger, ne constateroit pas également sa résidence depuis le 9 mai 1792; 4». Tout Français convaincu d’avoir, durant l'invasion faite par les armées étrangères, quitté le territoire de la République non envahi, pour résider sur celui occupé par l’ennemi; 5°. Tout agent du gouvernement qui, chargé d’une mission auprès des puissances étrangères, ne seroit pas rentré en France dans trois mois, du jour de son rappel notifié; 6°. Ne pourra être opposé pour excuse la résidence dans les pays réunis à la République, pour le temps antérieur à la réunion proclamée. Art. II. - Sont assimilés aux émigrés les Français absens antérieurement au premier juillet 1789, qui n’étoient pas rentrés au 11 brumaire dernier sur le territoire de la République. Exceptions Art. III. - Ne seront pas réputés émigrés, (90) J. Perlet, n° 720.