[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 623 Art. 6. « Les administrations de district dans l’arron¬ dissement desquelles se trouveront les étangs desséchés, sont tenus de demander aux munici¬ palités, et de faire passer incessamment à la Commission des subsistances, les états des se¬ mences en légumes et grains de mars qui leur manqueraient, pour les mettre en valeur; et la Commission des subsistances est chargée de leur en faire passer les quantités nécessaires. Art. 7. « La Convention nationale décrète qu’il sera excepté du dessèchement ordonné par l’article 1er, ceux des étangs qui seront jugés indispensable¬ ment nécessaires pour le service des moulins et autres usines; les districts prononceront provi¬ soirement, d’après la demande de la commune, la conservation desdits étangs; la demande de la commune et l’avis du district seront envoyés, sans délai, au comité d’agriculture, qui en fera son rapport, sur lequel la Convention nationale statuera définitivement (1). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu la lecture de l’opinion et nouveau projet de décret sur le mode d’exécution de la loi du 17 juillet dernier concernant ie brûlement des titres, décrète que le membre [Bouret (2)], qui l’a proposé se concertera avec le comité de lé¬ gislation, pour que, sur ce nouveau projet de décret et celui présenté par ledit comité,' il n’en soit formé qu’un seul, qui sera discuté au pre¬ mier jour (3). » Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (4). Un membre présente de nouvelles vues sur le brûlement des titres féodaux. On demandait à aller aux voix. Un autre observe que le membre qui vient d’être entendu n’a pas parlé au nom du comité de législation II rappelle que le rapporteur de ce comité offrit, il y a quelque temps, un travail sur cet objet (5), et que ce travail a été imprimé sans que le rapporteur soit présent. On demande le renvoi du nouveau travail au comité de législation, qui y puisera les bonnes idées qu’il renferme. Le renvoi est décrété. (1) Procès-verbaux de ta Convention , t. 26, p. 355. (2) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton G 282, dossier n° 790. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 356. (4) Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n° 442, p. 174). (5) Voy. Archives parlementaires, lre série, t. LXXIX, séance du 24 brumaire an II (14 novem¬ bre 1793), p. 213, le rapport de Pons (de Verdun). ( Suit le texte de l'opinion et du projet de décret de Bouret, d’après le document imprimé par ordre de la Convention (i). Opinion et projet de décret sur le moue d’exécution de la loi du 17 juillet 1793, CONCERNANT LE BRÛLEMENT DES TITRES; PAR Bouret, député du département des Basses -Alpes. (Imprimés par ordre de la, Convention nationale. ) Citoyens, l’existence du régime féodal fut, de tous les temps, une insulte à la nation, un ou¬ trage à l’humanité, une violation révoltante des premières lois de la nature et de la Société. Aussi, dès les premiers pas de la Révolution, le vœu général, fortement exprimé dans toute la France, en demanda l’abolition. La voix du peuple fut écoutée; et cet arbre antique, dont les racines profondes desséchaient, depuis tant de siècles, le sol de la République, fut enfin abattu dans les beaux jours de l’Assemblée cons¬ tituante. Mais l’enthousiasme produit par la force irré¬ sistible de la vérité et de la justice, fut bientôt altéré par les manœuvres odieuses de l’intérêt et de l’orgueil. Depuis cette heureuse époque, de combien de pas rétrogrades n’ont pas été souillées ces mé¬ morables journées? Les Assemblées constituante et législative se sont continuellement traînées sur des mesures incomplètes, plus propres à river les clous de la féodalité, qu’à la détruire sans retour. Leurs discussions, à ce sujet, ne présentaient qu’un combat continuel du riche contre le pauvre, à la suite duquel ce dernier était toujours sacrifié. Du rachat admis pour certaines redevances, et des formalités sans nombre dont on l’avait adroitement entouré, résultait encore l’injustice frappante que le pauvre restait nécessairement asservi, et qu’il fallait être riche pour devenir fibre et indépen¬ dant. Et pouvait -on reconnaître le caractère sacré de la liberté dans les lois qui, en la proclamant, mettaient de nouvelles entraves, imposaient des jougs nouveaux pour se soustraire aux anciens? Non, citoyens, il était temps enfin de ne plus transiger sur les moyens de tarir entièrement cette source toujours renaissante d’oppressions et d’injustices. La Constitution a voulu, et vous avez voulu avec elle, que tous les citoyens, sans distinction, fussent fibres, qu’ils ne reconnussent d’autre dépendance que celle de la souveraineté de la nation, d’autre maître que la loi. C’est d’après ce principe de justice -éternelle que votre décret du 17 juillet dernier, en supprimant sans indem¬ nité toutes les redevances ci-devant seigneu¬ riales, droits féodaux, censuels, fixes et casuels, même ceux conservés par le décret du 25 août 1792, a ordonné le brûlement de tous les titres qui pourraient en rappeler le souvenir. Le mode d’exécution du brûlement de ces titres fut renvoyé à votre comité de législation (1) Bibliothèque nationale ! 10 pages, in-8°. Le38, n° 674. Bibliothèque de la Chambre des députés i Collection Portiez (de l’Oise), t. 87, n° 14 et 487 1 n° 40. 624 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ™ Jr‘ma*re qui a satisfait au vœu de la Convention en vous présentant un projet de loi, dont vous avez dé¬ crété l’impression et l’ajournement (1). C’est sur ce projet de décret que je viens sou¬ mettre à l’Assemblée quelques vues qui, d’une part, complètent les opérations de détail rela¬ tives à quelques localités, et paraissent, de l’autre, remplir plus parfaitement le but de la loi, celui de ne laisser à l’aristocratie expirante aucun espoir de recouvrer des droits qui n’ont que trop longtemps existé. Et d’abord il me paraît que votre comité, dans les dispositions du décret qu’il vous pré¬ sente, n’a pas prévu l’hypothèse dans laquelle se trouvent plusieurs départements, et surtout les départements méridionaux. Personne n’ignore qu’en général les notaires, dans toute l’étendue de la �République, étaient les dépositaires des titres primordiaux de féo¬ dalité, et que, dans les départements du Midi, ces officiers publics ne contractaient point sur des feuilles volantes, mais recevaient les actes à la suite les uns des autres, sans lacune intermé¬ diaire, de manière que, souvent sur une même feuille, sur une même page, il y avait la partie finale d’un acte et le commencement d’un autre. Le premier n’avait jamais aucun rapport avec le second; il pourrait donc arriver que le pre¬ mier fût dans le cas d’être brûlé, et que le second ne le fût pas : quel parti prendre? Comment alors brûler celui-ci et laisser subsister celui-là? Com¬ ment d’ailleurs voulez-vous que certains no¬ taires ou dépositaires de ces titres qui ne savent pas lire les écritures des siècles passés, puissent découvrir dans leurs vieux protocoles les actes ci-devant seigneuriaux, féodaux ou censuels sujets au brûlement, et dont ils sont nantis? Ne pourront -ils pas, avec la meilleure intention de vouloir exécuter la loi, la transgresser, en omet¬ tant quelque acte? Ne pourront-ils pas, sans croire nuire à la société, laisser subsister dans leurs vieilles minutes des titres usurpés dans les siècles de l’ignorance et du fanatisme, à la cré¬ dulité du peuple? Les mêmes inconvénients se présentent pour le brûlement des registres des délibérations des communes qui, dans les ci-devant pays d’Etat, où le régime municipal était observé depuis longtemps, mentionnaient bien souvent les droits censuels et honorifiques des propriétaires des fiefs, et renfermaient quelquefois des trans¬ actions privées, qui, au moyen d’une homolo¬ gation judiciaire par-devant les ci-devant cours de parlement, formaient les titres convention¬ nels des parties. Il est donc d’une nécessité indispensable d’aller au-devant des difficultés qui peuvent se présenter pour la consommation de ce grand œuvre de régénération politique; et si l’intérêt public vous fait une loi d’accélérer l’exécution de cet acte de justice nationale contre des usur¬ pateurs, votre sollicitude vous commande impé¬ rieusement de veiller à la conservation des titres qui assurent aux citoyens leurs véritables pro¬ priétés. Mais ces mesures de détail auraient pu faci¬ lement être proposées par articles additionnels, si je n’avais pas cru devoir offrir en même temps (1) Voy, Archives parlementaires, lre série, t. LXXIX, séance du 24 brumaire an II (14 novem¬ bre 1793), p. 213, le rapport de Pons (de Verdun). à la sagesse et aux lumières de l’Assemblée un moyen d’exécution qui, ne se bornant point strictement à la disposition littérale de la loi du 17 juillet, en saisit le véritable sens, et pro¬ duit l’heureux effet d’enlever aux castes ci-de¬ vant privilégiées le seul aliment qui leur reste¬ rait de l’idolâtrie politique dont ils étaient l’ob¬ jet et dont le culte leur était si agréable. Oui, citoyens, il faut non seulement que toute trace des droits utiles dérivant du régime tyran¬ nique de la féodalité soit entièrement effacée, mais il faut encore que les registres publics qui, dans les actes, rappellent les distinctions de la naissance et des titres que la nature a toujours méconnues, disparaissent aussi du sol de la liberté pour faire place aux nouveaux monu¬ ments du règne de l’égahté, qui ne connaît pas de qualification plus honorable que celle de ci¬ toyen, de distinction plus flatteuse que celle des talents et des vertus. Si, vous bornant à brûler tous les titres qui servaient de fondement à la perception de ces droits odieux, arrachés à l’ignorance et à la faiblesse, vous laissiez subsister dans d’autres actes le pompeux étalage de toutes les qualifica¬ tions de ces usurpateurs;, si, après avoir coupé l’arbre au pied, vous ne portiez point une cognée salutaire à toutes les racines qui peuvent lui donner une nouvelle végétation, vous auriez, j’ose le dire, manqué votre but, et craignez alors que les ennemis de notre liberté ne trouvent encore un espoir, un moyen même de résurrec¬ tion dans cette bizarre nomenclature de leurs titres, qu’ils avaient un soin scrupuleux d’insé¬ rer dans les actes de famille les plus étrangers à la féodalité. En un mot, la première, la vraie convention ‘ sociale des Français ne date que de l’heureuse époque de la Révolution : il faut donc que tous les monuments publics antérieurs qui, par leur existence, formeraient un contraste éternel avec les lois de la Képublique, ne survivent pas au nouvel ordre des choses. Je sens que ce système régénérateur trouvera pour contradicteurs ceux qui ne savent jamais que composer avec les grands principes; je pré¬ vois que l’on m’objectera que ce serait une vio¬ lation ouverte du droit de propriété, le boule¬ versement de toutes les fortunes, et une source intarissable de procès. Je réponds d’avance à toutes ces objections par une seule modification; décrétez dès aujour¬ d’hui, en principe, que tous les registres publics des notaires, paroisses, municipalités et admi¬ nistrations anciennes, jusqu’au 1er janvier 1789 seront brûlés dans le temps, et selon le mode qui sera déterminé par la Convention nationale ; mais n’ordonnez provisoirement que le brûle¬ ment de ceux antérieurs au 1er janvier 1700. Par ce moyen, vous conciliez ce que vous devez à l’intérêt général et à l’intérêt particu¬ lier. D’une part, les maximes impérissables de la liberté et de l’égalité sont authentiquement consacrées, et de l’autre, les titres qui peuvent encore servir à justifier des propriétés indivi¬ duelles sont respectées, parce qu’ü n’est aucune propriété qui, pour être légitime, ait besoin de plus d’un siècle de possession : les autres brûle¬ ments se feront successivement d’après les pro¬ gressions qui seront établies. Je ne crois pas avoir besoin d’observer que les registres que je propose de condamner au feu, loin d’être utiles aux sciences et aux arts, si nécessaires à l’homme en société, n’ont dans tous [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. *} 51�1)�1793 623 les temps servi qu’à réveiller d’anciennes que¬ relles, alimenter des procès interminables, établir le méprisable édifice des généalogies des titres, des dignités de l’ancien régime, à donner à des êtres vils l’art funeste de retrancher ou d’ajouter aux dispositions des anciens actes en les déchif¬ frant arbitrairement, et à nourrir ainsi le peuple d’aveugles préjugés qui l’ont tyrannisé jusqu’à ce jour, et qui nous coûtent tant à détruire. - Citoyens, la lumière de la raison et de la vé¬ rité commence à répandre ses rayons bienfai¬ sants sur le sol de la République. Vous êtes jour¬ nellement témoins des progrès de l’esprit public et du vif enthousiasme avec lequel tous les ci¬ toyens s’empressent de sacrifier à ces divinités de la terre, en abjurant leurs anciennes erreurs, en brisant toutes les chaînes de l’esclavage et du fanatisme. Secondez cet élan sublime de la liberté, et que ces monuments, où. la supersti¬ tion et l’orgueil trouveraient encore quelque ali¬ ment, ne servent plus à corrompre ou à altérer les moeurs d’un peuple libre. C’est d’après ces vues, qui m’ont été dictées par mon amour pour la liberté et l’égalité, que je propose le projet de décret suivant. Art. 1er. « Tous les registres, protocoles, répertoires, primum sumptum, minutes, expéditions, liasses, feuilles, cahiers ou copies des actes et titres quelconques que les notaires et autres déposi¬ taires publics et privés peuvent avoir à leur disposition, tant à titre de propriété que de dépôt ou autrement; tous ceux des paroisses servant à constater l’état civil des citoyens, ou pour tel autre objet que ce puisse être; tous les livres à terrier ou cadastres, et registres des déli¬ bérations des communes, municipalités et an¬ ciennes administrations, dans toute l’étendue de la République, jusqu’au 1er janvier 1789, seront brûlés sur une place publique, en présence des officiers municipaux des lieux; savoir, ceux antérieurs au 1er janvier 1700, dans deux mois, à compter du jour de la publication du présent décret, et ceux depuis cette époque jusqu’au 1er janvier 1789, dans les délais et selon les formes, qui seront déterminées par l’Assemblée nationale sur le rapport du comité de législation, qui est expressément chargé de s’en occuper incessamment. Art. 2. « Les dispositions ci-dessus sont communes aux administrations de département et de district, pour tous les registres et autres pièces de la nature de ceux désignés dans l’article précédent, qui se trouvent dans leurs archives respectives. Art. 3. « En attendant que la Convention nationale statue sur les registres et autres actes posté¬ rieurs au 1er janvier 1700, dont le brûlement est sursis par les dispositions ci-dessus, les admi¬ nistrateurs, officiers et fonctionnaires publics, notaires et autres dépositaires publics et privés sont tenus de faire brûler, dans le délai de deux lre SÉRIE. T. LXXX. mois accordé par l’article premier, tous les titres et actes seigneuriaux, féodaux et censuels qui sont en leur pouvoir ou dans les archives des communes et administrations dont ils sont membres, postérieurs audit jour 1er janvier 1700. Art. éi « Les feuilles contenant lesdits actes, arrêtés ou délibérations qui sont insérés dans des re¬ gistres ou minutes à la suite d’autres actes, non sujets au brûlement, seront extraites ou enle¬ vées en entier desdits registres ou minutes, pour être brûlées en même temps que les pièces sépa¬ rées dont le brûlement est ordonné par l’article précédent. Art. 5. « Si aucunes feuilles desdits registres contien¬ nent la fin d’un acte ou titre sujet au brûlement, et le commencement d’un autre qui n’y est point sujet, lesdites feuilles ne seront pas moins brû¬ lées; mais la partie de l’acte qui n’aurait rien de commun avec celui soumis au brûlement, sera transcrite par le dépositaire du registre ou par le secrétaire-greffier de la commune dans une nouvelle feuille de papier timbré, qui sera annexée audit registre, laquelle feuille sera para¬ phée par le maire du lieu où le brûlement aura été fait, de suite connexée au registre pour rem¬ placer la partie de l’acte conservé, dont le brû¬ lement aura été nécessité par l’opération ci-des¬ sus ordonnée. ' Art, 6. « Sont réputés actes seigneuriaux, féodaux ou censuels, les actes ou titres publics ou privés, constitutifs ou récognitifs de toutes redevances ou droits ci-devant seigneuriaux, féodaux, cen¬ suels, fixes ou casuels, payés en argent, graines, volailles, cire, laine, animaux, denrées ou fruits de la terre, supprimés sans indemnité sur les propriétaires par la loi du 17 juillet dernier, ainsi que ceux supprimés sans indemnité ou déclarés rachetables par les lois antérieures, spéciale¬ ment ou génériquement désignés dans lesdites lois, ou qui pourraient y avoir été omis; ceux desdits droits et redevances énoncés sous la dénomination conjonctive de fonciers et de sei¬ gneuriaux, emportant cens, lots et vente, quand même ils auraient pour cause une concession primitive de fonds, ainsi que tous les actes con¬ tenant abonnement, pensions et prestations quelconques, représentatifs desdits droits et rede¬ vances, et supprimés comme eux, et encore tous les titres et actes soi-disant mixtes, dans les¬ quels les mots cens, servitude ou autres généra¬ lement quelconques relatifs à la féodalité, se trouveront avoir été employés, sous quelque point de vue qu’ils puissent être envisagés. Art. 7. _ « Les municipalités se concerteront avec les dépositaires de ces titres ou actes, pour convenir des jour et heure du brûlement dont il sera 40