[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 juin 1790.] 163 M. le Président répond : ' L’Assemblée nationale ne croit pas interrompre ses importants travaux pour le bonheur de la France, quand c’est pour lui donner l’heureuse occasion de rendre un hommage public à la vertu, qu’on lui fait suspendre sa délibération. Elle applaudit au désintéressement et au dévouement patriotique du sieur Mangin ; elle vous charge, Monsieur, de lui témoigner sa satisfaction, et vous choisit d’autant plus volontiers pour être son interprète en cette circonstance, qu’elle connaît votre affection pour les soldats de votre régiment, et leur affection pour vous. L’Assemblée nationale vous permet d’assister à sa séance. (On demande l’impression du discours deM. de Puységur et de la réponse du président.) M. le chevalier de Marinais. Je demande que M. Mangin soit mis hors de rang, pour être envoyé à la fédération patriotique du 14 juillet. M. de Robespierre. Je demande l’ordre du jour, parce que le discours de M. Puységur me paraît avoir une relation intime avec le projet de décret présenté par M. de Grillon. En ordonner l’impression, ce serait en quelque sorte préjuger les torts qu’on reproche à quelques régiments. L’Assemblée ne saurait apporter trop d’attention avant que de l’accorder. Les uns attribuent les torts des soldats à l’insubordination, les autres à des causes bien différentes, que je ne veux pas même énoncer. Je demande qu’on passe sur-le-champ à l’ordre du jour. M. Charles de Lameth. La motion d’imprimer le discours de M. de Puységur ne me paraît pas avoir les inconvénients que le préopinant vous présente; et la preuve, c’est que j’ai demandé la parole pour combattre le projet de décret présenté par M. le marquis de Grillon, et que j’ai demandé l’impression du discours de M. de Puységur. Je ne vois dans ce discours que l’annonce d’un acte de patriotisme. Je vois aussi que l’Alsace, qui est le foyer de toutes les aristocraties, est la partie du royaume vers laquelle les ennemis de l’État tournent toutes leurs espérances ; c’est aussi celle vers laquelle nous devons diriger nos regards avec le plus d’attention. C’est le cas de vous dire que tous les régiments commandés par des officiers amis de la Gonsiitution n’ont pas cessé d’être en bonne intelligence avec les bourgeois. {On applaudit dans une grande partie de la salle.) Je demande que le discours de M. de Puységur soit imprimé, et je me réserve la parole contre le projet du comité militaire. (L’Assemblée décrète l’impression du discours de M. de Puységur et de la réponse de M. le président.) M. le marquis de Crillon. Votre comité militaire était instruit du fait rapporté par M. de Puységur; il l’était encore de faits arrivés dans d’autres provinces, où des soldats se sont permis de renvoyer les officiers de leurs régiments : maispuis-uè vous demandez des détails, demain ou après-emain, je vous les mettrai sous les yeux. M. Charles de Lameth. Le projet du comité militaire est le même que celui qui vous a été résenté à la suite de la lettre de M. de la Tour-u-Pin. Les ministres vous proposent de délibérer sur des effets qu’ils affectent de prendre pour les causes. La cause des soldats est celle du peuple. Recherchez la cause des mouvements populaires, et vous verrez que la plus grande injustice les a produits. Vous ne voulez pas qu’un soldat qui s’est élevé contre une injustice soit puni comme des corps qui ont trahi la patrie. Vous commettriez une faute très grave si, sans examen, vous décrétiez un blâme général de tous les mouvements de l’armée, qui prennent, aux yeux du législateur, divers caractères. Je sais fort bien qu’il y a des fautes sans excuse; si on en a connaissance, qu’on les dénonce au comité des recherches ; mais qu’on n’aille pas englober toute l’armée dans un décret de blâme. Toutes les fois que les ministres ont commis des fautes, ils demandent des décrets précipités pour tâcher de les couvrir ; je me suis aperçu de cette marche, et je la dénoncerai tant que je pourrai porter la parole. Vous touchez à l’époque où l’armée va être organisée : attendons cette heureuse époque. Je dis donc qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le décret proposé, (il/. Charles de La-meth est très vivement applaudi .) M. Lclea de la Viile-au-Ro!s. ïl faut attendre le résultat de la fédération générale du royaume. La division s’était mise entre les officiers et les dragons du régiment de la reine, en garnison à Laon. Les soldats avaient créé un comité permanent, et destitué des officiersqui avaient été obligés de s’absenter. La municipalité et la garde nationale de Laon ont témoigné le désir de former un pacte fédératif avec le régiment. La fédération s’est faite dimanche dernier; la fête a été complète; et le résultat, c’est que les dragons ont ramené eux-mêmes l’officier qu’ils avaient destitué, et déclaré qu’ils voulaient lui obéir comme aux autres chefs. Le plan de fédération générale opérera sans doute le même effet dans toute l’armée. Je demande donc qu’on attende cette époque avant de proposer aucun décret. (La partie gauche demande à grands cris l’ordre du jour.) M. de Cazalès veut parler. L’Assemblée décide qu’il ne sera point entendu, et renvoie le décret à un nouvel examen du comité militaire. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles du projet de décret sur la constitution civile du clergé. M. Martineau, rapporteur. Dans la séance d’hier, vous avez décrété les articles 1, 2, 3 et 6. 11 vous reste maintenant à statuer sur les articles 4, 5, 7 et suivants. Je donne lecture de l’article 4 du projet : «Art. 4. Sur la première nouvelle que le procureur général syndic du département recevra de la vacance du siège épiscopal par mort, démission ou autrement, il en donnera avis aux procureurs-syndics des districts, à l’effet par eux de convoquer les électeurs qui auront procédé à la dernière nomination des membres de l’assemblée admini-trative ; et, eii même temps, il indiquera le jour où devra se faire l’élection de l’évêque. » M. l’abbé I�e Borlhe de Grandpré demande que le terme de l’élection soit fixé de manière à ce qu’elle ne puisse être indéfiniment reculée par le procureur général syndic. Cet amendement étant appuyé est mis aux voix et adopté. En conséquence l’article se trouve rédigé de la façon suivanté : « Art. 4. Sur la première nouvelle que le procureur général syndic du département recevra 164 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juin 1790.] de la vacance du siège épiscopal par mort, démission ou autrement, il en donnera avis aux procureurs syndics des districts, à l’effet par eux de convoquer les électeurs qui auront procédé à la dernière nomination des membres de l’assemblée administrative; et, en même temps, il indiquera le jour où devra se faire l'élection, laquelle sera, au plus tard, le troisième dimanche d’après la lettre d’avis qu’il écrira. » M. Martineau, rapporteur. L’article 5du projet est ainsi conçu : « Si la vacance du siège épiscopal arrivait dans l’année où doit se faire l’élection des membres de l’administration de département, l’élection de l’évêque serait différée et renvoyée à la prochaine assemblée des électeurs. M. l’abbé Mougins de Roquefort. L’intérêt de la religion exige qu’un diocèse ne reste pas longtemps sans évêque; je propose donc d’amender l’article et de dire si la vacance arrivait dans les quatre derniers mois de l'année. (Cet amendement est mis aux voix et adopté.) L’art. 5 est ensuite décrété dans la teneur suivante : « Art. 5. Si la vacance du siège épiscopal arrivait dans les quatre derniers mois de l’année où doit se faire l’élection des membres de l’administration de département, l’élection de l’évêque serait différée et renvoyée à la prochaine assemblée des électeurs. » M. Martineau, rapporteur. L’artible 6 ayant été décrété hier, je donne lecture de l’article 7. «Art. 7. Pour être éligible à un évêché, il sera nécessaire d’avoir rempli les fonctions pastorales au moins pendant dix ans, soit en qualité de curé dans une paroisse, soit en qualité de vicaire de l’évêque dans la cathédrale ou dans le séminaire du diocèse. » M. l’abbé Gouttes. Je demande qu’il soit mis dans l’article, au lieu des mots « curé et vicaire » : « le prêtre qui aura servi pendant dix ans dans son diocèse avec approbation ». Je ne dois point être suspect en faisant cette proposition, car je ne parle pas pour moi. M. Rriols de Beaumetz. Je demande que les anciens vicaires généraux soient admis au bénéfice de l’éligibilité. Ils ont bien mérité cet honneur en partageant les travaux de l’épiscopat. M. Camus. Nous avons renversé le despotisme archiépiscopal, il faut aussi détruire le despotisme grand-vicarial. On n’admettait autrefois à ces places que de jeunes gentilshommes qui se permettaient de donner des leçons de morale à de respectables curés qui avaient pour eux l’expérience et les vertus. Je demande qu’on ne mette aucune espèce de différence entre tous les vicaires. M. l’abbé Oudot. Je demande que le temps de l’exercice des vicaires soit borné à quinze ans, au lieu de vingt. Cet amendement est adopté, ainsi que celui de M. Camus, et le decret est rédigé en ces termes : « Art. 7. Pour être éligible à un évêché, il sera nécessaire d’avoir rempli les fonctions ecclésiastiques dans le diocèse ou moins pendant quinze aus, soit en qualité de curé, soit en qualité de vicaire, ou comme vicaire supérieur ou vicaire-directeur du séminaire. M. le Président. La séance de demain sera ouverte à neuf heures du matin. L’ordre du jour sera la suite du rapport du comité des finances sur toutes les parties de la dépense publique. (La séance est levée à 10 heures du soir.) ASSEMBLÉE NATIONALE. Présidence de M. l’abbé sieyès. Séance du vendredi 11 juin 1790 (1). M. le Président ouvre la séance à 9 heures du matin. M. l’abbé Dumouchel, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi matin 8 juin. M. l’abbé Mougins de Roquefort. Messieurs, le travail du comité ecclésiastique me paraît incomplet, en ce qu’il dit que les assemblées administratives pourront, le cas échéant, ordonner, de concert avec l’évêque, la suppression ou réunion de certaines paroisses, mais il De me semble pas démontré qu’elles soient autorisées à en ériger de nouvelles; pourtant l’intérêt de la religion et l’intérêt public exigent que les secours spirituels soient départis à tous les fidèles d’une manière convenable et commode; je crois que bien des villes exigeront l’érection de nouvelles paroisses, et je demande que les assemblées administratives aient la possibilité de les constituer. M. Martineau. L’érection de nouvelles paroisses augmentera les frais du culte et, par conséquent, les charges de l’Etat; voilà pourquoi le comité était opposé à de nouvelles créations. M. Mougins de Roquefort. Nécessité n’a pas de loi. J’espère donc que l’Assemblée n’hésiterapas à prendre les mesures convenables pour maintenir la religion dans toute sa splendeur. (La motion est mise aux voix et décrété .) M. Martineau. Je viens de relire l’article 16 tel qu’il est inséré au procès-verbal, dont vous venez d’entendre la lecture; il donne pleine satisfaction à la motion de M. l’abbé Mougins de Roquefort; il n’y a pas lieud’en modifier la rédaction, puisque le mot établir y est inséré. M. Canins. Je propose à l’Assemblée d’ordonner à son comité ecclésiastique de s’occuper du traitement des personnes attachées aux collégiales ou cathédrales et qui seront déplacées, tels que musiciens et autres pourvus d’offices. (Cette motion est adoptée.) M. le baron d’Elbecq, député de Lille. Si VOUS avez été quelquefois douloureusement affectés par la conduite de plusieurs villesdumididela France, les nouvelles que j’ai à vous apprendre des départements du nord du royaume vous donneront sans doute de la satisfaction. Le caractère réfléchi et mesuré des habitants de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.