[24 février 1791. j 487 {Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fiance exacte des dommages essuyés et des réparations immenses dues à divers citoyens, corps ou communauté, ensemble des secours abondants à accorder aux nombreuses familles dont les chefs innocents ont péri dans les fatales journées du mois de juin. La nation doit se charger de supporter tous les frais de ces indemnités et réparations, quand elles auront été fixées et réglées par MM. les commissaires. C’est le seul moyen d’éteindre à jamais de douloureux souvenirs; car il ne serait pas juste que tant de victimes infortunées fussent tenues de contribuer encore pour le payement de leur propre ruine. Sans doute, la justice de l’Assemblée ne souffrira pas non plus que l’assassin du père et de l’époux continue d’insulter impunément au malheur de la veuve et de l’orphelin, et affecte de porter en triomphe, et sous leurs yeux , les dépouilles sanglantes des proscrits. En conséquence, les brigands seront tenus de faire déposer secrètement dans un délai de 3 mois, soit aux directoires des districts, soit à celui du département, les effets pillés et volés, et tous ceux qui s’en trouveront nantis après ce terme fatal seront poursuivis et punis selon h rigueur des ordonnances. S’il en était autrement, ce serait encourager, ce serait récompenser le vol et le brigandage. L'Assemblée doit prononcer à cet égard, et ne peut garder un silence approbatif. Il est encore une disposition bien importante; c’est d’ordonner que toutes les armes de la garde nationale de Nîmes, même celles enlevées aux 15 compagnies désarmées , qui sont à l’abri de tout soupçon, seront habituellement déposées à la maison commune, et sans s’arrêter aux changements survenus clans la garde nationale de Nîmes, pendant et depuis les troubles, c’est de faire procéder à une nouvelle formation; les citoyens actifs qui se sont fait inscrire et ceux qui depuis le commencement de la Révolution ont fait le service de la garde nationale, doivent être indifféremment admis. Vous ordonnerez encore la restitution des meubles de M. Ferrand De Mis-sols, saisis et déplacés, en vertu d’une ordonnance inconstitutionnelle du directoire du dé-artement; enfin vous inviterez les citoyens de îmes à vivre en frères, à oublier leurs torts respectifs, et à ne jaunis perdre de vue que, sans l’union et la fraternité, il ne peut y avoir de prospérité publique ni particulière. Voilà, Messieurs, le dernier acte que j’ai dû faire en ma qualité de maire de Nîmes. Ces nouvelles conclusions qui me sont personnelles sont uniquement dictées par l’amour de la paix et par la nécessité urgente de prévenir les plus grands malheurs. Satisfait d’avoir démontré les calomnies de mes dénonciateurs, et la surprise faite à la religion de l’Assemblée, quand elle m’a mandé à la barre; jaloux de ne séparer dans aucun temps mes intérêts de ceux de mes collègues, empressé de suivre leur exemple, convaincu que la présence du chef de la commune de Nîmes est nécessaire dans ces circonstances critiques; retenu dans l’Assemblée comme représentant de la nation, et n’ayant point de suppléant je remets entre ses mains ma démission de la place de maire, et, dès ce moment, je m’interdis toutes fonctions. Telles sont les vérités que j’ai dû mettre sous vos yeux. J’ose vous supplier de les peser dans votre sagesse, car votre justice frapperait un trop grand nombre de coupables (1); mais quel (1) Pour épouvanter l’Assemblée, M. Barnave a porté, dans son opinion, à quinze mille le nombre de ceux que soit le décret qui sera rendu dans cette affaire, il restera toujours aux officiers municipaux de Nîmes le témoignage d’une conscience irréprochable, le souvenir d’une administration pure, paternelle et bienfaisante, l’amour et lare-connaissance de 40,000 de leurs concitoyens, témoins de leur zèle et de leurs travaux; il leur restera sans doute la haine de quelques factieux, mais, par conséquent, l’estime des gens de bien. (La suite de 1-a discussion est renvoyée à la séance de demain soir.) M. le Président lève la séance à dix heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du jeudi 24 février 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du malin. M. Camus, au nom du comité dé aliénation, présente un projet de décret relatif au calcul des annuités pour accélérer la vente des domaines nationaux. Plusieurs membres proposent quelques amendements aux articles 3, 4 et 6. M. Camus, rapporteur, adopte ces amendements. Le projet de décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée, désirant faire cesser les difficultés que plusieurs acquéreurs ont élevées au sujet du calcul des annuités et accélérer de plus en plus la vente des biens nationaux, ne laissant aucun doute sur les questions que cette importante opération fait naître dans plusieurs circonstances diverses, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les acquéreurs des domaines nationaux auront la faculté, au lieu des annuités qu’ils sont qui se sont rendus coupables de pillage et de massacres. Ce calcul paraît inculper mal à propos tous les étrangers qui se sont rendus à Nîmes et dont un grand nombre a manifesté hautement son indignation pour les atrocités commises; mais en admetlant le calcul de M. Barnave, en continuant l’information, il en résulterait ces deux grandes vérités : 1° 21 protestants seulement ont péri en juin, et plus de 300 catholiques ont été assommés; 2° Dans les 15,000 coupables indiqués par M. Barnave, on transcrit plus de 14,000 protestants, et à peine 300 catholiques, en y comprenant les réfugiés chez Froment et les étrangers qui ont commis des assassinats dans les campagnes. Aussi, comme il ne faut pas, dit M. Barnave, être rigoureux envers les bons, amnistie pour les 14,000, mais exception pour quelques catholiques qui, témoins des violences exercées sur les officiers municipaux par l’escorte qui accompagnait le drapeau rouge, se sont permis (avant la publication de la loi martiale) d’enlever l’officier municipal portant le drapeau rouge du milieu de ceux qui V accablaient de coups, au point de lui faire vomir le sang, ces derniers sans doute sont du nombre des bons envers lesquels il ne faut pas être rigoureux, car ni le rapport, ni le décret n’en parlent, pas même pour les improuver. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 488 (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 février 1791. J tenus de fournir suivant la disposilion de la loi du 25 juillet 1790, de remettre un égal nombre d’obligaiions, dans chacune desquelles ils joindront distinctement du capital les intérêts, à compter du jour de leur acquisition, jusqu’au jour où les obligations seront payables. Art. 2. « La première obligation comprendra le total des intérêts de la somme entière qui restera due après le premier payement fait lors de l’adjudication; la seconde obligation comprendra les intérêts de la somme qui restera due, déduction faite du capital de la première obligation, et ainsi successivement, la masse des intérêts compris dans chaque obligation diminuant dans la même proportion que la masse du capital qui reste dû. Art. 3. « Lesdits acquéreurs, usant de la faculté qui leur est donnée par l’artcle 5 de la loi du 17 novembre 1790, d’accélérer les payements des sommes dont ils seront débiteurs, pourront faire ces payeme; ts anticipés sur telles de leurs obligations ou annuités qu’ils indiqueront, même partiellement, sur plusieurs desdiles obligations ou annuités, et à telles époques qu’ils jugeront à propos, sous la seule condition de payer, avec les capitaux dont ils se libéreront, les intérêts desdits capitaux, depuis le jour où ils sont dus jusqu’au jour où le payement sera effectué, et sous la déduction néanmoins de l’escompte sur le pied de 5 0/0 , dont il sera fait remise aux acquéreurs à raison de l’avance du payement. Art. 4. « Au moment où les acquéreurs effectueront le premier payement du prix des biens nationaux qui leur auront été adjugés, les directoires de district dans lesquels les titres auront été déposés, leur remettront les baux courants et les cueilloirs particuliers des biens qu’ils auront acquis; ils en donneront décharge au pied d’un état sommaire, et se soumettront à les représenter au district toutes les fois qu’ils en seront requis. A l’égard des autres titres particuliers aux biens vendus et des titres communs à des biens adjugés à différents acquéreurs, ils resteront au district, et il en sera remis aux acquéreurs seulement un état sommaire, afin qu’ils puissent en demander soit la communication sans déplacer, soit des extraits dans Us cas où ils leur seraient nécessaires, même être aidés des originaux dans le cas où il serait besoin de les produire. Art. 5. « Lorsque les acquéreurs de domaines nationaux, sur lesquels les municipalités auront droit au bénéfice du seizième, à cause de l’acquisition qu’elles en auront faite, ne donneront en payement d’autre valeur que des reconnaissances de finances d’offices, de fonds d’avance, etc., il sera délivré aux municipalités, par le directoire du district, un bordereau de la somme à laquelle se porte leur bénéfice sur les payements qui auront été faits. Les municipalités adresseront ce bordereau à l’administrateur de la caisse de l’extraordinaire, qui leur sera rembourser par ladite caisse le montant du seizième auquel elles ont droit. Art. 6. « Les loyers de domaines nationaux et les rentes qui en dépendent seront acquis aux adjudicataires du jour de l’adjudication; les fruits pendants par les racines au jour de l’adjudication, et les fermages qui les représentent leur seront acquis pour la totalité ; mais ils ne pourront les percevoir qu’après leur entrée en possession et en suite du premier payement qu’ils doivent faire aux termes des décrets de l’Assemblée. Il sera fait mention de celte clause dans toutes les affiches apposées pour parvenir à la vente des domaines nationaux. Art. 7. « Les dispositions du présent décret seront communes aux acquéreurs auxquels il a été fait jusqu’à ce jour des adjudications de domaines nationaux. » M. Prugnon, au nom du comité d'emplacement. Messieurs, c’est avec une sorte de peine que votre comité vient vous proposer de déclarer nulle l’adjudication faite en faveur du département du Loir-et-Cher, parce qu’il est évident qu’il a eu intention de se conformer à vos décrets, tout en y contrevenant, et qu’il s’est tout uniment trompé; mais on ne pactise pas avec la loi, et d’ailleurs l’acquisition paraît un peu onéreuse aux administrés. Non que ce décret puisse affaiblir la considération publique, qui doit environner les administrateurs, qui est leur premier besoin, et que ceux du Loir-et-Cher méritent si bien. Le directeur s’est trompé, et l’erreur est comme un impôt que le talent et la vertu peuvent payer, sans cesser d’être le talent et la vertu. On présenta en décembre dernier au comité et on demandait un décret d’aliénation. Le comité répondit : Ce n’est pas là la marche; l’Assemblée ne vend pas aux départements et aux districts; elle ne fait que réaliser l’adjudication. L’unité de principe exige que l’Assemblée prononce, comme elle l’a fait, relativement au département de la Corrèze. L’autorisation est de règle étroite et rien ne peut la suppléer. Ainsi l’a voulu la loi; ainsi elle a dû le vouloir pour ne jamais déranger la hiérarchie des pouvoirs. Si vous mainteniez l’adjudication qu’on vous propose de confirmer, il y aurait un département qui serait dispensé par vous d’obéir à vos décrets; il en coûterait 50,000 livres aux administrés pour l’établissement des administrateurs : ce n’est pas là la règle de l’économie. Votre comité croit devoir exhorter fort le directoire à se renfermer dans des mesures moins vastes, et il est par avance dans la conviction que les administrateurs se rendront, avec un juste empressement, au vœu de votre décret du '7 de ce mois, et qu’ils marcheront imperturbablement sur la ligne qu’il leur trace. On demandait à Démosthène : Quelle est la première qualité de l’orateur? Il répondit : L’action. Quelle doit être la première qualité des administrateurs? la première, l’économie; la seconde, l’économie; la troisième, encore l’économie. L’appartement de la liberté est une chambre, et son palais une maison : enfin, le vrai luxe des administrateurs, c’est le bonheur des administrés. Voici le projet de décret que nous vous proposons ;