SÉANCE DU 9 BRUMAIRE AN III (30 OCTOBRE 1794) - N° 47 219 une école normale , dont l’objet sera de transmettre aux citoyens et aux citoyennes qui voudront se vouer à l’instruction publique, la méthode d’enseignement qu’ils auront acquise dans l’école normale de Paris. Art. XII. - Ces nouveaux cours seront au moins de quatre mois. Art. XIII. - Les écoles normales des départemens seront sous la surveillance des autorités constituées. Art. XIV. - Le comité d’instruction publique est chargé de rédiger le plan de ces écoles nationales et de déterminer le mode d’enseignement qui devra y être suivi. Art. XV. - Chaque décade le comité d’instruction publique rendra compte à la Convention de l’état de situation de V école normale de Paris, et des écoles normales secondes qui seront établies, en exécution du présent décret, sur toute la surface de la République (108). 47 Un membre du comité de Salut public [THURIOT] obtient la parole et dit : Représentans du peuple, Depuis quelques jours les ennemis du bien public répandent, dans l’intérieur, que l’armée des Pyrénées-Occidentales n’est pas dans un état imposant et qu’elle a reçu un échec considérable. Les Espagnols s’honorent aussi de victoires dans leurs papiers publics. Vous allez connoître la vérité et apprendre avec plaisir que les armes françaises sont toujours triomphantes. L’armée espagnole est en fuite devant l’armée des Pyrénées-Occidentales : sa déroute est complète; toutes ses lignes sont forcées; ses redoutes sont évacuées ou emportées ; deux mille cinq cents Espagnols sont restés sur le champ de bataille; deux mille cinq cents sont prisonniers. Nous avons pris cinquante pièces de canons avec leurs caissons, beaucoup d’effets de campement un grand nombre de fusils, des munitions de guerre et de bouche et plusieurs magasins de fourrage. Nous sommes en possession des fonderies d’Orbeycette et d’Eguy, estimées 25 à 30 millions. Nous sommes aussi en possession de la fameuse mâture royale d’Irati. Cette manière de répondre aux nouvelles mensongères est la seule qui convienne à des républicains qui ont juré de combattre jusqu’à la mort pour le (108) P.-V., XL VIII, 117-120. Rapporteur Lakanal selon C* II 21, p. 19. Moniteur, XXII, 389; Ann. R. F., n° 43; Rép., n° 49; M. U., XLV, 221-223. triomphe de la liberté et le bonheur de leur patrie (109). Voici les lettres (110) : Garrau et Baudot, représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales, aux membres composant le comité de Salut public. A Eguy, le 30 vendémiaire, l’an 3e de la République une et indivisible. L’armée des Pyrénées-Occidentales, citoyens collègues, vient de remporter sur les Espagnols une victoire complète, et remarquable autant par la bravoure ordinaire aux troupes de la République que par les difficultés qu’il a fallu vaincre pour arriver aux positions de l’ennemi. L’attaque a été faite sur une ligne de plus de quarante lieues, et par douze points différents, sur les montagnes les plus escarpées, et à travers les précipices les plus impraticables. Les Espagnols avaient ajouté aux obstacles de la nature toutes les ressources d’une fortification depuis longtemps préparée : chaque montagne était chargée d’une redoute, d’un camp retranché ; chaque passage, d’un fossé ou d’un chemin couvert ; l’ardeur de nos frères d’armes s’est partout frayé des chemins ; partout leur courage a franchi les retranchements et la baïonnette a détruit en un jour les remparts d’une année. La victoire a été à nous dans une circonférence de plus de quatre-vingts lieues ; de Lecumberry à Orchegayia, de Bedaritz à Oubiri, d’Eguy à Orbeycette, d’Ysoya à Aoyen et d’Attaniscar à Villa-Nova; partout l’Espagnol a été forcé et mis en fuite. Le résultat général de ses pertes porte les morts à deux mille cinq cents et à peu près autant d’otages. Le nombre en eût été plus grand, si la suite n’eût pas été précipitée, et surtout si nous eussions mieux connu les sentiers et les défilés ; un brouillard continuel d’ailleurs a beaucoup favorisé sa retraite; mais nous sommes restés maîtres de tous les postes, de cinquante pièces d’artillerie, de deux drapeaux, de quelques munitions de guerre et de bouche, et de plusieurs magasins de fourrages. L’ennemi a eu le temps d’en brûler un plus grand nombre. La belle mâture d’Irati, les superbes fonderies d’Eguy, et d’Orbeycette sont au pouvoir de la République ; ces deux établissements avaient coûté 32 millions à l’Espagne. (109) P.-V., XLVIII, 120-121. Moniteur, XXII, 383. Cette gazette indique que de vifs applaudissements, et des cris de Vive la République, interrompirent Thuriot. Bull., 9 brum; J. Mont., n° 17; Rép., n° 40; J. Paris, n° 40; J. Perlet, n° 767; Ann. Pair., n° 668 ; Ann. R. F., n° 39 ; Mess. Soir, n° 804 ; J. Fr., n° 765 et n° 766; C. Eg., n° 803 et 804; J. Univ., n° 1799; F. de la Républ., n° 40; Gazette Fr., n° 1032; M. U., XLV, 154-155 et 164-165. (110) Moniteur, XXII, 383-384. Débats, n° 767, 567-571; Bull., 9 brum; J. Mont., n° 17; Rép., n° 40; J. Paris, n° 40; J. Perlet, n° 767 ; Ann. Patr., n° 668 ; Ann. R. F., n° 39 ; Mess. Soir, n° 804; J. Fr., n° 765 et n° 766; C. Eg., n° 803 et 804; J. Univ., n° 1799 ; F. de la Républ., n° 40 ; Gazette Fr., n° 1032 ; M. U., XLV, 154-155 et 164-165. 220 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE La colonne infernale commandée par le général Delaborde, a soutenu un combat vif et violent, et a défait entièrement un corps de quatre mille Espagnols, après avoir fait une marche de quarante-trois heures sur quarante-huit. Nous vous renvoyons au rapport de ce général et à celui des autres généraux de l’armée. Le plan a été parfaitement conçu, et le développement a été aussi bien exécuté que pouvait le permettre une suite d’obstacles inséparables des localités et des longs préparatifs de l’ennemi. Toutes les troupes ont un droit égal à la reconnaissance nationale puisque toutes ont également bien rempli leur devoir. Les fatigues ont accru leur courage et promettent de nouveaux succès à la République. Salut et fraternité. Garrau, Baudot. Le général commandant l’armée des Pyrénées-Occidentales aux membres composant le comité de Salut public de la Convention nationale. De la fonderie d’Eguy, le 29 vendémiaire, l’an 3e de la République française, une et indivisible. L’Espagnol fuit de toutes parts, citoyens représentants ; sa déroute est complète, ses lignes sont forcées, ses redoutes évacuées ou emportées, son artillerie dans nos mains, deux mille morts et à peu près un pareil nombre de prisonniers, cinquante pièces d’artillerie avec leurs caissons, et plusieurs attelages, des effets de campement en assez grand nombre et des fusils. La Navarre espagnole, conquise presque sous les murs de Pampelune, les fonderies d’Orbeycette et d’Eguy estimées 25 à 30 millions, la fameuse mâture royale d’Irati, sont les trophées utiles et brillants de la victoire de l’armée des Pyrénées-Occidentales. Je ne vous remettrai pas ici sous les yeux la marche de nos colonnes, je vous ai rendu compte,, dans nos dernières dépêches, du plan d’attaque que j’avais proposé au conseil de guerre, qui l’avait approuvé, et qui avait été adopté par les représentants du peuple ; j’y ai joint un croquis de notre mouvement; il a été exécuté tel qu’il est tracé sur cette carte. Nous avons atteint le but que nous nous étions proposé, celui de forcer l’ennemi à quitter ses lignes, et nous emparer de ses redoutes et de son artillerie, de détruire les fonderies d’Orbeycette et d’Eguy, de semer le désordre dans son armée, de lui couper enfin la communication directe avec Pampelune. Nous avons réuni ces différents avantages dans les journées des 26 et 27 vendémiaire. Des colonnes se mouvant à des distances de près de cinquante lieues sont venues former autour de lui un cercle, d’où il n’aurait pas dû échapper un seul homme, si dans un pays de montagne, à des distances si considérables, en pays ennemi, on pouvait calculer avec précision les marches et prévoir les obstacles sans cesse renaissants que l’aveugle hasard se plait à faire naître. L’ennemi instruit de notre mouvement, de la marche des colonnes, a profité de la nuit du 26 au 27, et d’un brouillard épais, accompagné d’une pluie abondante, pour faire sa retraite par Sangonesa; il a passé entre les colonnes venant de Tardets et la colonne infernale venant par Lans. Cette dernière colonne, égarée dans les bois par le peu de connaissance des guides, n’est arrivée à Burguet que le 27 au matin ; elle devait y arriver le 26 : les Espagnols ont saisi avec précision notre mouvement et pris le seul chemin de retraite que ce retard leur laissait encore. Je n’en doute point si la colonne infernale, que j’avais ainsi appelée parce que seule elle eût pu écraser l’armée espagnole réunie, n’avait été retardée, je n’en doute point, je vous le répète, toute l’armée espagnole eût été forcée de mettre bas les armes. Mes présomptions se tournent en certitude par le succès qu’a obtenu son avant-garde, réunie à trois bataillons venant d’Almendos. Ces forces réunies ont eu un combat des plus vifs et des plus opiniâtres à soutenir avec l’armée espagnole, composée d’environ sept mille hommes : ils sont presque tous demeurés sur le champ de bataille, ou faits prisonniers. Les colonnes venues d’Oyaca et Tolosa sur Lecumberry ont aussi exécuté leur mouvement avec tout le succès possible ; l’ennemi, au nombre de six mille hommes de troupes de ligne, de huit mille paysans, de huit cents chevaux et des pièces d’artillerie, a, pendant longtemps, disputé le passage à nos troupes; mais notre feu, la charge et la baïonnette ont mis fin à cette lutte entre les hommes de la liberté et les hommes de la tyrannie. Les représentants du peuple Garrau et Baudot ont suivi notre mouvement à la tête de nos colonnes : sans doute ils rendront un témoignage satisfaisant de la conduite vraiment héroïque de l’armée des Pyrénées-Occidentales. Occupé à donner des ordres pour disposer l’armée dans le meilleur ordre possible, je ne peux vous donner de plus grands détails ; vous les trouverez dans les rapports ci-joints des officiers-généraux qui commandaient : ceux des généraux Frège ville, Dumas, et celui du général Digonnet qui a pris la fonderie d’Eguy, et poursuivi avec vigueur l’ennemi jusqu’à Viscarret, ne me sont pas encore parvenus ; dès que je les aurai, je m’empresserai de vous les faire passer. Je ne vous ferai point l’éloge du courage des républicains que j’ai l’honneur de commander ; les succès éclatants qui viennent de couronner leurs efforts parlent assez éloquemment pour eux; mais je dois un hommage public à leur constance, à leur impassibilité, à leur discipline, à leur sobriété. Le croiriez-vous, représentants ? la colonne infernale a marché quarante-trois heures sur quarante-huit pour arriver à temps à sa destination, qu’elle aurait atteinte sans la maladresse des guides et le mauvais temps. La colonne partit de Tardet, après quatre jours de marche dans des montagnes presque inacessibles, n’ayant eu pour toute subsistance que trois biscuits, ne s’est pas plainte, et s’est contentée de crier vive la République! lors-