128 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. nets des ministres. Craignons plutôt qu’ils ne se cachent au milieu de ceux qui en -furent les victimes, et qu’un jour nos institutions dégénérées ne deviennent de lamentables sujets de déclamation. Il faut oser dire la vérité, il est temps enfin que nous ne traitions plus les ministres de la nouvelle Constitution comme les tyrans de l’ancien gouvernement. Le pouvoir est nul dans des mains qui ne sont pas autorisées par la confiance publique. S’il ne peut pas choisir ses agents, si vous ne lui laissiez pas une latitude raisonnable dans la dépense de son département, il faut gu’il abandonne son poste, ou qu’il soit le plus lâche et le plus inepte des ministres. Colbert ne fut pas un savant ; qui mieux que Colbert sut encourager les sciences et mettre les savants à leur véritable place ? Trudaine n’était pas un artiste ; il n’en avait pas les connaissances, mais il sut créer des artistes ; et après les avoir créés, il sut les employer et les contenir. Je pense donc que l’administration centrale doit être tout entière dans les mains du pouvoir exécutif, sous sa responsabilité. Je passe aux autres dispositions qu’on vous propose de décréter. (M. Lebrun combat successivement tous les détails du projet de décret de M. Gaultier-Biauzat.) Plusieurs membres demandent l’impression du discours de M. Lebrun. (Cette motion est adoptée.) M. Gaultier-Biauzat a la parole; il discute quelques parties de l’opinion de M. Lebrun et il réduit la question au point de savoir si l’administration centrale sera fixée et donnée au ministre, ou si elle sera confiée à plusieurs personnes de l’art. Dans ce qui concerne l’administration des ponts et chaussées, dit-il, je distingue aussi la comptabilité de l’examen et de l’approbation des travaux. Quant à la première partie, je conviens qu’elle doit être attribuée au ministre; mais doit-on attribuer l’examen des travaux à d’autres qu’aux gens de l’art? doit-on, comme autrefois, livrer des travaux de cette importance aux caprices d’un ministre qui ne s’y connaît pas? Le préopinant vous a dit que les artistes qui composeraient l’administration centrale ne jugeraient les travaux qu’au gré de leur ambition. Ne voit-on pas que toutes les fois qu’il y aura à faire quelques travaux importants , leur entreprise sera sollicitée par tous ceux des artistes qui cherchent la renommée, et que parmi tant de concurrents le choix du ministre ne pourra être dicté que par la faveur ou par la prévention, puisqu’il ne le sera pas par la connaissance de l’art? Je demande que l’administration centrale des ponts et chaussées soit composée du premier ingénieur et des inspecteurs généraux. M. Bamel-Hogaret. Messieurs , vous avez reconnu la nécessité d’une administration centrale des ponts et chaussées ; la détermination que vous avt z prise à cet égard, est une conséquence du gouvernement que vous avez donné à l’Empire. Elle sera reçue comme un bienfait; mais pour qu’elle obtienne ce succès, il vous reste à rendre la loi complète, elle ne l’est pas encore; il vous reste à examiner de quelle manière on a exécuté vos précédents décrets ; sous ce rapport, vous aurez peut-être déjà des réformes à faire. Pour traiter cette matière avec l’ordre qui lui convient, il est nécessaire de se fixer : 1° sur le régime ancien; 2° sur le plan de celui que vous [2 août 1791.] avez voulu lui substituer; 3° sur ce que la perfection sollicite. Sous l’ancien régime, la France pouvait être regardée comme étant partagée en deux portions distinctes ; la première étant composée des pays d’élections ; l’autre, des provinces connues sous le nom de pays d’Etats. Les élections qu’on appelait encore les généralités, avaient un cen tre commun pour leurs travaux publics; ce centre était le gouvernement, et le gouvernement, pour que ses travaux eussent un ensemble et une certaine correspondance, avait formédepuisquelque temps une société d’artistes, connue sous le nom de ponts et chaussées, c’est-à-dire sous celui des principaux ouvrages dont les projets, l’exécution et la surveillance leur étaient confiés. Ici je prie l’Assemblée de vouloir bien saisir une distinction importante; elle est propre à répandre un grand jour sur la question qu’on se propose de lui faire décider. Cette distinction consiste en ce que l’administration des ponts et chaussées résidait dans le gouvernement, et que c’éiait la conduite des travaux seulement qui était confiée aux artistes. Les artistes formaient une assemblée, mais cette assemblée doit être soigneusement distinguée de l’administration. L’administration tenait les fonds et en disposait; l’assemblée indiquait les objets auxquels on pouvait les appliquer, et elle en suivait l’emploi; l’assemblée préparait des projets, mais l’administration, c’est-à-dire le gouvernement, les admettait, les rejetait ou les modifiait. Cette société d’artistes était composée, en commençant par le rang le plus éminent : 1° d’un premier ingénieur; 2° de cinq inspecteurs généraux ; 3° de plusieurs ingénieurs en chef, de plusieurs inspecteurs et sous-ingénieurs dont les fonctions étaient à peu près les mêmes; 4° enfin d’une école dans laquelle on trouvait des directeurs et des élèves de différentes classes... Il suffit d’ajouter à cet aperçu, que les cinq inspecteurs s’étaient divisés les généralités entre eux. Dans l’autre partie du royaume se trouvaient les pays d’Etats. Ils avaient chacun leur administration séparée ; et comment en effet aurait-on pu allier celle de la Bretagne et celle du Languedoc? mais ce que ces pays ne pouvaient pas faire ensemble, ils le faisaient chacun en particulier. Ainsi le Languedoc, par exemple, cette grande province dont les travaux publics étaient si considérables, comme je serai bientôt à même de le faire voir, le Languedoc, qui y employait cinq millions environ chaque année, s’était donné pareillement une société d’artistes qui remplissaient auprès de ses Etats les mêmes fonctions que l’assemblée des ponts et chaussées exerçait auprès du gouvernement. Totalement étranger en cette partie au gouvernement des pays d’élections, four issant lui-même à ses propres dépense-, le Languedoc avait aussi le droit d’en nommer tous les surveillants, et il l’exerçait en effet. Ainsi nous y avions des chefs qui y avaient le nom, le rang et les fonctions d’inspecteurs généraux; des inspecteurs de la première et de la seconde classe, qui nous représentaient les ingénieurs en chef ou les inspecteurs des pays d’élections; et enfin des sous-inspecteurs qui remplissaient les fonctions drs sous-ingénieurs ; nous avions donc (je puis me servir du nom puisque nous possédions la chose), nous avions une assemblée des ponts et chaussées. Tel était le régime ancien, lorsque vous voua