[Convention national*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.. f*o?en£e vm 587 encore une fois à la Convention que j’abdique pour toujours mes fonctions au ministère ecclé¬ siastique, et que désormais je ne veux plus avoir d’autre titre que celui de citoyen et de républi¬ cain français; je n’en connais point qui puisse être aussi beau et aussi précieux. « Je déclare donc que désormais je ne veux plus avoir d’autre objet que de répandre et pro¬ pager partout les vrais principes de la liberté, les dogmes éternels qui sont tracés dans le grand-livre de la nature et de la raison; ce livre où toutes les nations peuvent lire et apprendre leurs devoirs, ce livre qui, bien loin d’avoir besoin d’être augmenté, corrigé et commenté, doit ser¬ vir à abréger, corriger et augmenter tous les autres. Si, à l’exemple de plusieurs de mes con¬ frères, je ne remets point aujourd’hui sur le bureau mes lettres d’ordination, c’est que je les ai laissées à Nancy; mais, au lieu de ces parche¬ mins gothiques qui ne sont plus bons à rien, je vais déposer sur l’autel de la patrie mon anneau et ma croix d’or; pourrais-je en faire un meilleur usage que de les consacrer au bien de l’État et à l’utilité publique! (1). » Compte rendu du Moniteur universel (2). Citoyens, sans l’opinion et la confiance pu¬ blique, les ministres du culte ne sont plus que des êtres inutiles ou dangereux; et comme il paraît qu’ils ne sont plus investis, ni honorés de cette confiance, il est de leur devoir de quitter leurs places. Voilà pourquoi je m’empresse d’annoncer à la Convention que dès ce moment je renonce pour toujours aux fonctions de l’épiscopat. La démarche que je fais aujourd’hui, je l’ai déjà faite, il y a plus d’un an, en donnant ma démission de l’évêché du département de la Meurthe; mais les autorités constituées de ce (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 70. (2) Moniteur universel [n° 49 du 19 brumaire an II (samedi 9 novembre 1793), p. 200, col. 2], D’autre part, le Journal des Débats el des Décrets (brumaire an II, n° 416, p. 253) et le Mercure uni¬ versel [19 brumaire an II (samedi 9 novembre 1793), p. 142, col. 2] rendent compte de l’abjuration de l’évêque Lalande dans les termes suivants ; I. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets. L’évêque du département de la Meurthe exprime à la Convention le regret qu’il a de n’avoir pas assisté hier à la séance, au moment ou la raison triompha de l’erreur. Il ne veut plus être prêtre; il le déclare. Il ne veut plus être que citoyen français et républicain. Il dépose sur l’autel de la patrie son anneau et sa croix d’or pour servir à la défense de la liberté. (On applaudit.) Le discours sera imprimé dans le Bulletin. II. Compte rendu du Mercure universel. Il est donné lecture de l’extrait du procès-verbal qui énonce les abnégations morales et civiques des prêtres qui se sont présentés hier à la Convention. Les évêques du Doubs, de la Meurthe et un mi¬ nistre protestant imitent cet exemple. (Applaudis¬ sements.) département me pressèrent et firent les plus vives instances pour m’engager à continuer mes fonctions, parce qu’on s’imaginait que ma pré¬ sence était encore utile pour combattre l’aris¬ tocratie et les prétentions extravagantes de la cour de Rome. Ce motif ne subsiste plus aujourd’hui; l’aristo¬ cratie est anéantie et détruite. L’autorité du pape est réduite à sa juste valeur ; et le peuple, éclairé par le génie de la liberté, n’est plus l’es¬ clave de la superstition et des préjugés. Je déclare donc encore une fois à la Conven¬ tion, que j’abdique pour toujours les fonctions du ministère ecclésiastique, et que désormais je ne veux plus avoir d’autre titre que celui de citoyen et de républicain français; je n’en con¬ nais point qui puisse être aussi beau ni aussi précieux. Je déclare que désormais je ne veux plus avoir d’autre objet que de répandre et de propager partout les vrais principes de la liberté, les dogmes éternels qui sont tracés dans le grand livre de la nature et de la raison, livre oîi toutes les nations peuvent lire et apprendre leurs de¬ voirs; ce livre qui, bien loin d’avoir besoin d’être augmenté, corrigé et commenté, doit servir à abréger, corriger et augmenter tous les autres. Si, à l’exemple de plusieurs de mes confrères, je ne remets point aujourd’hui sur le bureau mes lettres d’ordination, c’est que je les ai lais¬ sées à Nancy; mais au lieu de ces parchemins gothiques, qui ne sont plus bons à rien, je vais déposer sur l’autel de la patrie mon anneau et ma croix. Pourrais-je en faire un meilleur usage que de les consacrer au bien de l’État et à l’uti¬ lité publique? (On applaudit.) Signé : Lalande, évêque de la Meurthe. La Convention ordonne l’impression de cette lettre dans le Bulletin. Le citoyen Séguin, député du Doubs et évêque de ce département, vient faire la même profes¬ sion de foi; il abjure aussi des fonctions que la philosophie réprouve et qui étaient un outrage à la nature; il ne les avait acceptées que pour com¬ battre le fanatisme et servir la Révolution. Main¬ tenant que le peuple s’éclaire sur les jongleries sacerdotales, il ne veut plus offrir à la vénération d’autre culte que celui de la raison, et d’autre idole que le principe éternel de la liberté et de l’égalité (1). Compte rendu dn Journal des Débats et des Décrets (2). L’évêque du Doubs n’accepta les fonctions de l’épiscopat que pour seconder la Révolution. Il y eût plutôt renoncé par goût comme par l’impulsion de sa conscience; mais il a attendu pour le faire l’anéantissement total du fana¬ tisme. Il vient, en conséquence, aujourd’hui se dépouiller de son titre et déclarer qu’il se dé¬ voue uniquement à la République. ( Applau¬ dissements.) (I) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 71. (2) Journal des Débats el des Décrets (brumaire an II, n° 416, p. 253).