[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, Ur H, secours provisoire qui l’indemnise des frais de son voyage. Danton. Je demande s’il n’existe pas des lois qui dispensent les défenseurs de la patrie, mu¬ tilés pour elle, de se présenter pour solliciter des secours? N’est-ce pas au ministre de la guerre à se charger de leur récompense? Est-ce qu’il n’y a pas des lois qui lui attribuent impé¬ rieusement ce soin? C’est une chose déshono¬ rante pour la Convention de voir à sa barre les martyrs de la liberté. Je demande que le ministre de la guerre soit tenu, sous trois jours, de présenter le tableau de tous ceux qui ont été victimes de leur dévoue¬ ment pour la cause de la liberté. La Convention décrète cette proposition, et accorde à ce brave militaire une indemnité provisoire de 300 livres. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l’examen des mar¬ chés [Ludot, rapporteur (1)] sur une pétition du citoyen Aubin de Celi, tendant à obtenir une indemnité relativement à une perte assez consi¬ dérable qu’il prétend avoir essuyée dans une fourniture de bois de chauffage à l’armée des Pyrénée-Occidentales, « Passe à l’ordre du jour (2). » «Les citoyens Castaing, Caudy et CerfE, députés de Commune-Affranchie, se présentent à la barre; ils portent avec eux les cendres et le buste du patriote Chalier, assassiné juridiquement par les fédéralistes et les contre-révolutionnaires de Lyon. «Sur la motion d’un membre [Couthon (3)], la Convention nationale décrète que les cendres de Chalier, martyr de la liberté, seront déposées au Panthéon. « Renvoie au comité d’instruction publique, pour proposer le mode d’exécution, et faire un récit détaillé des traits glorieux qui ont honoré le vie publique de Chalier. « Il sera fait mention honorable au procès-ver¬ bal du zèle et du civisme des pétitionnaires, et leur pétition sera insérée dans le « Bulletin ». « Et sur la motion d’un autre membre [Dan¬ ton (4)], tendant à ce que l’on retirât les hon¬ neurs du Panthéon au général Dampierre, la Con¬ vention renvoie au même comité pour lui faire un rapport. » Le citoyen Mathieu, de Commüne-Afîranchie, introduit à la barre avec les citoyens Caudy, Cerfî et Castaing, offre un tableau, en écriture, repré¬ sentant la pompe funèbre de Chalier. (1) D’après la minute du document qui se trouve aux Archives nationales, carton C 286, dossier 849. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 16. (3) D’après les divers journaux do l’époque. (4) Contrairement à la version du procès-verbal, ce membre est également Couthon, d’après les divers journaux de l’époque. La Convention nationale, en agréant cette offrande, en décrète la mention honorable au procès-verbal ci l’insertion au « Bulletin ». Sur la motion d’un membre [Léonard Bour¬ don (1)1, la Convention rend le décret suivant : « La Convention nationale décrète qu’il sera fait mention honorable du zèle et du courage de la citoyenne Padovani, qui, surmontant la fai¬ blesse naturelle à son sexe, et bravant la rage des fédéralistes assassins, secondée de son fils, le citoyen Michel Cerff, dans la nuit qui suivit le supplice du vertueux Chalier, déterra son corps s’empara de sa tête et nous a conservé ses traits. « La Convention nationale décrète en outre que la trésorerie nationale, sur le vu du présent décret, payera à ladite citoyenne Padovani une somme de 300 livres, et que ladite somme lui sera payée annuellement à titre de pen¬ sion (2). » Suit le texte de l'adresse des sans-culottes de Commune-Affranchie, d'après l’original qui existe aux Archives nationales (3). Adresse des sans-culottes de Commune-Affranchie, à la Convention. « Législateurs, « Des députés de Commune-Affranchie, réunis aux citoyens de Paris, vous apportent en pompe le buste d'un martyr de la liberté et l’ effi¬ gie de sa tête mutilée par les bourreaux de l’éga¬ lité, par les ennemis de la République; nous vous apportons aussi les cendres de cet homme célèbre, elles ont été recueilles par des mains pures arrachées, à un sol souillé par la présence momentanée du despotisme et transportées d’une terre étrangère dans le pays natal de la liberté. « Législateurs, vous l’avez décrété, Chalier a bien mérité de la patrie. Eh bien ! ses cendres sont à votre barre, prononcez sur elles et que votre jugement devance celui de la postérité. Chalier mourut innocent et libre, la calomnie lui prêta des crimes, le mensonge effronté pro¬ duisit les preuves, l’iniquité lui donna des juges, l’aristocratie, le fanatisme, la prévention et les passions haineuses lui donnèrent des bour¬ reaux; mais la justice nationale a prononcé sur sa tombe entourée de ruines fumantes et des décombres du crime dont il fut la victime. La voix des représentants d’un peuple libre a évo¬ qué les mânes de Chalier ; citées au tribunal de l’opinion publique, elles ont été trouvées pures, et du fond de sa tombe Chelier a prononcé l’ar¬ rêt de mort contre ses assassins, contre les ennemis de l’égalité. Législateurs, entendez notre ami, entendez -le vous crier par notre organe : restez à votre poste, écrasez -les roya-(1) D’après le Monileur. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 16. Toute la minute du décret, jusques et y compris le paragraphe relatif au général Dampierre est de la main de Léonard Bourdon ( Archives nationales, carton G 286, dossier 849). (3) Archives nationales, carton F” 1008% dos¬ sier 1397. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1� �icemb�e 1 793 75 listes et les tyrans, saurez la patrie et Chalier sera vengé. « Castaing, député de Commune-AffranvMe. » Compte bendu du Moniteur universel (1). Le Président annonce qu’une députation de Commune-Affranchie demande à présenter à la Convention les restes de Chalier, martyr de la liberté. La députation est admise. L’orateur : Législateurs, les députés de Com¬ mune-Affranchie, réunis aux citoyens de Paris, vous apportent le buste, l'effigie et la tête elle-même de Chalier, assassiné par les ennemis du peuple, mutilé par les bourreaux de l’égalité; nous vous apportons les cendres de cet homme immortel, de cet intrépide défenseur des droits de l’homme. Elles ont été conservées précieuse¬ ment par le citoyen dans les mains duquel vous voyez l’urne qui les renferme. Législateurs, vous avez décrété que Chalier avait bien mérité de la patrie. Ses cendres sont à votre barre, prononcez, devancez la postérité qui lui réserve une cou¬ ronne immortelle. Chalier est mort juste, il est mort libre. La justioe nationale a prononcé sur sa tombe un jugement qui l’honore. Les cendres de Chalier ont été citées devant le peuple, elles sont sorties pures de ce creuset inflexible. Un autre membre de la députation : Citoyens représentants, j’atteste à-la Convention que les cendres que renferme cette urne sont véritable¬ ment les cendres de Chalier. Je ne les ai pas quittées depuis le moment qui m’a vu sortir du cachot où les contre-révolutionnaires m’avaient chargé de fers avec ce martyr de la liberté, J’ai fait déterrer son corps; la pourriture l’avait respecté. Je dépose sur le bureau un assignat marqué d’une fleur de lys; c’est la monnaie que les rebelles de Lyon avaient créée pendant le siège. Le Président répond aux pétitionnaires que la Convention accepte avec reconnaissance les restes précieux d’un martyr de la liberté. Les pétitionnaires sont admis aux honneurs de la séance; ils entrent au milieu des applau¬ dissements. Léonard Bourdon. Je demande que la Con¬ vention décrète la mention honorable du cou¬ rage républicain de la mère d’un des citoyens qui viennent de se présenter. A peine la tête de Chalier fut-elle tombée sous la hache des contre-révolutionnaires, que cette courageuse citoyenne alla la déterrer et l’emporta chez elle. Couthon. Cette citoyenne me fut présentée comme une excellente patriote, Non seulement elle n’est pas riche, mais elle manque des choses nécessaires à la vie. Vous devez récompenser sa courageuse vertu. Lorsque les contre-révo-(1) Moniteur universel [n° 92 du 2 nivôse an II (dimanche 22 décembre 1793), p. 372, col. 2]. D’autre part, voy. ci-après aux annexes de la séance, p, 102, le compte-rendu de l’admission à la barre des citoyens de Commune-Affranchie, d’après d'autres journaux. lutionnaires qui régnaient dans Lyon ne per¬ mettaient pas aux patriotes de se montrer, elle alla tirer du tombeau la tête de l’immortel Cha¬ lier, et la garda chez elle-Je demande que non seulement vous décrétiez la mention honorable à son égard, mais que vous lui accordiez une pension de 300 livres. Je demande, de plus, que vous honoriez d’une manière plus authen¬ tique les restes d’un martyr de la liberté; que Chalier reçoive les honneurs du Panthéon; et que ce général qu’on avait cru d’abord patriote, qu’on reconnaît aujourd’hui pour un traître, ne soit plus confondu avec les amis et les défen¬ seurs du peuple. On demande le renvoi de ces propositions au comité d’instruction publique. Çouthon. La Convention ne peut s’empêcher de rendre cet hommage à un homme dont la vie privée est aussi recommandable que la vie publique. Citoyen, oubliez les vivants, honorez les morts, c’est le moyen d’établir solidement la, République. Romme-On ne doit honorer ni flétrir la mé¬ moire d’un homme sans avoir une connaissance exacte des faits. Je demande que le comité d’instruction publique soit tenu de nous faire un rapport sur Dampierre et Chalier. Danton. La Convention nationale ne désor¬ ganisera le tombeau de Dampierre sans connais¬ sance de cause. Ce général eut le malheur de naître d’une caste justement proscrite, mais il est de notoriété publique qu’il a vécu dans les principes de l’égalité pratique. Il a vécu avec ses laboureurs en ami, en frère. Voici un trait qui le fera connaître. Un malheureux tombe dans une rivière au milieu de l’hiver, Dampierre se jette à la nage et lui sauve la vie. Il jouissait dans son département de l’estime de tous les citoyens. Je ne veux en conclure de là rien de positif, mais cela suffit au moins pour vous prouver qu’îl faut examiner. Certes, si Dampierre eût voulu trahir sa patrie, il l’aurait fait lors de la défection de Dumouriez; mais vous savez qu’alors il rallia une partie de nos troupes qu’un traître voulait livrer à l’en¬ nemi. Dampierre enfin est mort les armes à la main, ne le jugez qu’ après avoir examiné froi¬ dement sa conduite. Lorsque la Convention lui décerna les honneurs du Panthéon, je m’y oppo¬ sai, parce que je ne voulais pas que la Convention accordât un semblable honneur sans connaître les faits qui devaient le déterminer. Je demande que la Convention charge son comité d’instruction publique de lui faire un rapport sur les deux propositions de Couthon. Cette proposition est adoptée. Un membre [Thieion (1)], envoyé dans le dé¬ partement d’Eure-et-Loir, rend compte des tra¬ vaux auxquels il s’est livré pendant sa mission dans ce departement. La Convention, satisfaite de ce compte, en ordonne l’impression, et, sur le reste, passe à l’ordre du jour (2). (I) D’après les divers journaux de l’époque. (2) Procès-verbauæ de la Convention, t. 28, p. 17.