[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. » brumaire an I! 127 > J ) 13 nnvAmhrA A 7Q3 * “ plir mes devoirs en homme de bien et en fidèle observateur des lois. La Révolution régénéra¬ trice qui fait le bonheur du peuple français et qui en fait aussi le premier peuple de l’uni¬ vers est enfin arrivée, et j’ai fait alors le ser¬ ment que prescrivaient les nouvelles lois. Les événements des 31 mai et jours suivants ont sauvé la République, et j’y ai applaudi avec transports. Une nouvelle constitution plus sage a été décrétée, et je me. suis empressé de l’accepter dans l’assemblée primaire de mon canton. Comme vrai républicain il ne me reste plus qu’à vous offrir mes lettres de prêtrise et les provisions de ma cure. Je viens les dépo¬ ser sur votre bureau. « Citoyens représentants, je n’avais pour subsister que le traitement attaché à mes fonctions curiales, j’ai 60 ans et plusieurs diffé¬ rentes infirmités graves. Je laisse à votre sa¬ gesse, à votre humanité de prononcer sur mon sort dans un âge qui aggrave et multiplie encore les infirmités et les besoins. « J. -R. Quillet. » Une députation de la commune d’Orgeville, district d’Évreux, se présente à la barre, et s’ex¬ prime en ces termes : « Eeprésentans, « Et nous aussi, je voulons bien mériter de la patrie; c’est lui rendre service que de la purger des mauvaises bêtes qui l’empoisonnent. J’en avons une dans not’ commune d’une espèce bien dangereuse; ça vous tourmente le pauvre monde de toutes les manières; ça fait enrager les vivans, ça s’acharne jusques sur leurs cadavres. Si y a des diables dans l’enfer, comme je le croyons bien, c’ tila s’en est échappé pour notre malheur à tertous; il a pourtant face humaine, mais le cœur d’un vrai démon, et l’âme aussi noire que sa souguenille : c’t animal-là s’appelle un curai, ou bien M. Flichy. Eh bien! je vous déclarons que je ne voulons pas de ce M. Flichy, ni de son eau bénite; il y a trop long-temps qu’il nous fait croire que des vessies sont des lanternes; qu’il aille conter à d’autres ses fariboles, et qu’il nous tourne les talons grand train. Mais comme il ne veut pas nous croire, je vous prions, législateurs, de vouloir bien li signifier ça de notre part, par un petit bout de décret; ça fait douze bons cents francs dont je faisons cadeau à la République, et c’est douze cent mille fois plus qu’il ne vaut. Je vous enverrions bien le calice et le ciboire; mais excusez, c’est que depuis qu’il est dans not’ commune, ça nous a été volé. Adieu nos braves législateurs : tenez ferme, vous y faites merveilles; je vous soutiendrons, et ça ira, ou le diable nous emportera tous. » Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit l’adresse de la commune d’Orgeville (2) : La commune d’Orgeville, canton de Pacy, dis¬ trict d’Evreux, département de l’Eure, à la Convention nationale. « Représentants, « Et nous aussi, je voulons bien mériter de la patrie; c’est lui rendre service que de la purger (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 191. (2) • Archives nationales, carton G 279, dossier 753; des mauvaises bêtes qui l’empoisonnent. J’en ayons une dans not’ commune' d’une espèce bien dangereuse; ça vous tourmente le pauvre monde de toutes les manières; ça fait enrager les vivans, ça s’acharne jusques sur leurs cadavres. Si y a des diables dans l’enfer, comme je le croyons bien, c’tila s’en est échappé pour notre malheur à tertous; il a pourtant face humaine, mais le cœur d’un vrai démon, et l’âme aussi noire que sa souguenille : c’t’ animal-là s’appelle un curai, ou bien M. Flichy. Eh bien ! je vous déclarons que je ne voulons pas de ce M. Flichy, ni de son eau bénite ; il y a trop long-temps qu’il nous fait croire que des vessies sont des lanternes; qu’il aille conter à d’autres ses fariboles, et qu’il nous tourne les talons grand train. Mais comme il ne veut pas nous croire, je vous prions, législateurs, de vouloir bien li signifier ça de notre part, par un petit bout de décret ; ça fait douze bons cents francs dont je faisons cadeau à la République, .et c’est douze cent mille fois plus qu’il ne vaut. Je vous en¬ verrions bien le calice et le ciboire ; mais excusez, c’est que depuis qu’il est dans not’commune ça nous a été volé. Adieu nos braves législateurs : tenez ferme, vous y faites merveilles; je vous soutiendrons, et ça ira, ou le diable nous em¬ portera tous. « Salut et fraternité. » (Suivent 18 signatures.) Extrait des délibérations de la commune d’Orgeville (1). Du onzième jour de novembre mil sept cent quatre-vingt-treize, et le deuxième de la Ré¬ publique une et indivisible. Nous, maire, officiers municipaux et notables, composant le conseil général, et les habitants de la commune d’Orgeville assemblés. Le Procureur de la commune a dit : « Citoyens, « Les mauvais procédés, les noirceurs et les méchancetés du sieur Flichy, notre curé, nous ont déterminés à le dénoncer dans une adresse à la Convention nationale en date du 8 septembre dernier, et à demander son remplacement par un homme plus vertueux. « Nous voyons malheureusement qu’il n’existe pas de prêtres vertueux, et quoique nous n’ayons pas à craindre d’en trouver un aussi méchant que le sieur Flichy, nous pourrions cependant n’en pas rencontrer un aussi bon que nous le désirons. « Pour ne pas tomber dans de nouveaux inconvénients, je crois que nous ferons mieux de nous en passer tout à fait. Ceux qui voudront aller à l’office divin pourront y aller s’ils le veulent dans les communes voisines. « Je demande donc que l’assemblée veuille bien délibérer sur cet objet. Bulletin de la Convention du 3e jour de la 3e décade du 2e mois de l’an II (mercredi 13 novembre 1793); Moniteur universel [n° 55 du 25 brumaire an II (vendredi 15 novembre 1793), p. 223, col. 2]; Jour¬ nal de la Montagne [n° 1 du 24e jour du 2e mois de l’an II (jeudi 14 novembre 1793), p. 6, col. 2] ; Mercure universel [25 brumaire an II (vendredi 15 novembre 1793), p. 229, col. 2], (1) Archives nationales, carton G 279, dossier 753. 128 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ® brumaire an il « L’assemblée, délibérant sur le réquisi¬ toire du procureur de la commune, arrête que l’adresse proposée par un membre sera adressée à la Convention et inscrite au présent registre pour y avoir recours en cas de besoin, comme étant, ladite adresse, le vœu librement émis par les citoyens composant la commune d’Or-geville. » ( Suit ladite adresse adoptée.) Le citoyen Rotrou envoie le procès-verbal qui constate le dépôt de ses lettres de prêtrise au département de Seine-et-Oise. Il a secoué avec -transport les haillons dépendant du sacerdoce. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre du citoyen Rotrou (2). « Versailles, le 9 de la 2e décade de bru¬ maire, 2e année de la République, une et indivisible. La liberté ou la mort ! « Citoyen Président, « La violence m’avait réduit à l’autel, la liberté m’en a détaché. Mon père m’avait chargé d’une chaîne insupportable, et les repré¬ sentants l’ont brisée par leurs lois bienfaisantes. Aussitôt qu’elles ont été proclamées, ces lois sages, je me suis hâté de reprendre mes droits, mais il me restait encore les titres de ma ser¬ vitude, et je les ai portés, il y a 15 jours, au conseil général du département de Seine-et-Oise qui les a fait brûler en séance publique. Je t’en envoie la preuve, et te prie d’en donner con¬ naissance à l’Assemblée, afin qu’elle déclare que je ne suis point en arrière dans le chemin de la philosophie, et surtout que je suis répu¬ blicain. « Respect, salut et fraternité. « Rotrou, employé dans le département de Seine-et-Oise. Extrait du registre des délibérations du conseil général du département de Seine-et-Oise (3). Séance publique du cinquième jour de bru¬ maire de l’an deux de la République française, une et indivisible. Le citoyen Rotrou, en adressant à l’Admi¬ nistration ses lettres de promotion aux ordres du culte catholique, écrit, qu’attaché à l’autel par l’autorité absolue d’un père armé d’un acte du despotisme, il s’est hâté de briser sa chaîne aussitôt que les droits sacrés de l’homme ont été publiés, mais que ces titres d’esclavage étaient encore restés entre ses mains, qu’il les remet à l’Administration pour en faire l’usage qu’il lui plaira, déclarant que lors même qu’il serait dans l’intention de rester dans l’état où l’avait conduit la violence, il lui serait impos¬ sible de conserver des pièces qui ne représen-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 192. (2) Archives nationales, carton C 280, dossier 770. (3) Archives nationales, carton C 280, dossier 770. tent de toutes parts que des signes de féodalité et de despotisme, qu’il exécrera jusqu’au der¬ nier soupir de sa vie. Le conseil général, en applaudissant à cette nouvelle marque du civisme et de la philosophie du citoyen Rotrou, a arrêté que les pièces remises par lui à l’Administration, seront livrées aux flammes, ce qui a été exécuté à l’instant au milieu de la salle du conseil, en présence du citoyen Rotrou, auquel le président a dit : « Rotrou, l’Administration ne sera jamais sur¬ prise de te voir aller en avant dans la carrière du patriotisme. Toujours elle t’a rendu justice en te regardant comme un bon républicain, et toujours tu seras sûr de son estime. » Pour expédition : Courtès, vice-président; Bocquet, secrétaire. Le citoyen Maillet, curé de Ducroisic, district de Roanne, fait don à la patrie de la totalité de son traitement, à compter du 1er janvier pro¬ chain (vieux style), pour secourir les enfants et les mères du district de Roanne pendant la guerre (1). Suit un extrait de V adresse du citoyen Maillet, d'après le Bulletin de la Convention (2). Le citoyen Maillet, curé de Croiset, district de Roanne, fait don à la patrie, à compter du 1er janvier de l’ère vulgaire 1794, de la totalité de son traitement, pour être employé à donner des secours aux enfants et aux veuves des défenseurs de la patrie, du district de Roanne, pendant la durée de la guerre : ce citoyen demande que la Convention nationale lui accorde la remise de l’arriéré de ses contribu¬ tions. Le directoire du département de la Côte-d’Or fait passer l’arrêté qu’il a pris le 6 brumaire, par lequel, exécutant le principe de la liberté des cultes, il défend à tous instituteurs publics d’exi¬ ger de leurs élèves aucune pratique de religion. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (3). Suit un extrait de V arrêté du département dé la Côte-d’Or, d’après le Bulletin de la Conven¬ tion (4). Le directoire du département de la Côte-d’Or a défendu à tous les instituteurs publics d’exiger de leurs élèves aucune pratique de religion, ou des attestations qu’ils y ont satis¬ fait, le directoire laissant aux pères et aux mères de famille le soin de diriger leurs enfants, relativement aux dogmes et aux pratiques religieuses, et les invitant néanmoins à se rap¬ peler que, quelque culte qu’ils professent, la tolérance doit être le principe de toute reli¬ gion, et qu’ils doivent veiller à ce qu’aucune discussion ne s’élève pour raison de la diversité d’opinions religieuses. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 192. (2) Bulletin de la Convention du 3e jour de la 3e décade du 2e mois de l’an II (mercredi 13 no¬ vembre 1793). (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 192. (4) Supplément au Bulletin de la Convention du 24 brumaire an II (jeudi 14 novembre 1793).